Echec sur échec, tel est le résumé de ma vie. J’ai été incapable de m’imposer plus tôt auprès du Conseil du Faucon ou de la Reine Régente, de maintenir des relations cordiales et saines avec le Grand Septon ou encore de juger convenablement une situation militaire et politique – faisant des alliances avec des royaumes éloignés et m’aliénant les voisins. J’ai, peut-être, empêché qu’une guerre civile et religieuse n’éclate au cœur du Val en déclarant la guerre, il y a cinq mois de cela. Aujourd’hui, le doute m’étreint. Par leur manœuvre traitresse, l’Ouest a ravivé des rancœurs religieuses. Si, en prime, je cède à l’Empire des Royaumes Fédérés, Sa Sainteté va être fou de rage – et hors de contrôle. Est-ce que des frères vont s’entretuer sur les ordres de ce vieux fou sénile ? Vont-ils manquer de jugement et de fraternité, comme ces Dorniens ?

Que ne donnerais-je pour avoir le droit de ruminer, la tête baissée, ou de me jeter dans une quelconque bataille désespérée ? Malheureusement, le devoir appelle. Le roi est exigé, à nouveau, pour sauver ou pour condamner l’avenir et l’honneur de ses sujets. Je ne peux pas afficher une mine défaite ou déconfite, et encore moins agir impulsivement et stupidement. Mes actions ont des conséquences. Ne suis-je pas en route pour, précisément, en payer le prix ? Au moins, celles-ci sont les fruits de mes décisions propres, nullement dictées ou décidées par quelques nobles ou par une mère. Certes, la consolation est maigre, mais elle me suffit pour tenir cette tête haute et offrir un regard déterminé à une cohorte plein d’amertume.

Nous ne tardons pas à passer devant les prisonniers valois et ma rage se décuple aussitôt. Elle n’est orientée contre personne, si ce n’est contre moi-même. Qu’ai-je fait ? Je ne suis pas naïf au point de croire que la guerre n’a pas son lot de perdants, de morts et de dommages. Pourtant, cette défaite au Trident est trop amère à avaler, et à accepter. J’ai été trop prudent, encore. J’ai sacrifié bêtement de valeureux hommes. Je me maudis de ne pas les avoir accompagnés. Et ces coups de tambour sont comme de petits coups de poignards à ma propre conscience. Je ronge mon frein, encore et toujours.

Arrivée à destination, e me plie aux usages, et me débarrasse de mon épée. Du coin de l’œil, je m’assure que mes propres seigneurs font de même. L’époque ou chacun pouvait se permettre de parler en mon nom – puis de bafouer ce même nom – est révolue. Chacun a été prévenu que je ne tolérerai aucun manquement à l’étiquette, aux usages et au respect dû à nos ennemis. Quoi qu’il se soit passé, ils ont gagné loyalement – dragon, ou non. Je ne peux pas réfuter ce fait. Nous faisons face à ces vainqueurs, d’ailleurs. La surprise me laisse sans voix, le temps de quelques secondes : je reconnais avec une grande peine l’Empereur même. Barbe et chevelure grisonnante, gueule fracassée … je ne peux qu’être impressionné.

- Je suis de votre avis, vis-à-vis des banalités. Epargnons-nous ce supplice, répondis-je, d’un ton ou lassitude et détermination s’entremêlent. Je réponds à cette poignée de main. Nulle animosité transpire de mes gestes, regard ou voix. Je n’ai aucune réelle rancune : j’ai déclaré une guerre, il y a répondu, j’ai perdu une bataille et il l’a gagné. Il est important d’apprendre de ses erreurs passées, votre Majesté. Votre lettre me l’a rappelé. Il me fallait être présent, soufflais-je, repensant encore à cette première rencontre ayant tournée au désastre politique. Gamin de quatorze ou quinze, j’ai été le témoin silencieux de bêtises sans nom. Je n’ai rien à cacher, à quiconque, que ce soit envers vous ou envers mes propres vassaux. Je suis venu jusqu’ici pour prendre des décisions vis-à-vis de l’avenir de mon royaume. Celles-ci vous impacteront, inéluctablement. Il est grand temps que je me fasse entendre à vive voix, et non à travers une lettre ou des intermédiaires. Je n’en doute pas que vous êtes aussi las que moi de ces méthodes-là , assumais-je sans honte.  

Déjà, je devine que tous les espions du Westeros sont en branle, écrivant fébrilement à leurs Souverains que le Val a accepté les pourparlers de l’Empire. Déjà je sens les murmures fantômes des uns et des autres. Que va accepter le Val ? Que va refuser le Roi ? Et, plus important, à quel jeu joue le Faucon ? A cette dernière question, j’ai une réponse : rien. Je n’ai plus beaucoup de cartes à jouer, tout bonnement.

Mon regard s’attarde sur chaque membre de l’Empire, et les salue d’un signe de tête – ou d’autres usages, selon les coutumes de nos temps.

- Je vous remercie pour votre présence et votre temps. J’ose espérer que nous parviendrons à des accords, ou des décisions, qui profiteront à tous, dis-je. Je suis mitigé sur ce point. Nous sommes les vaincus : avons-nous la moindre marge de manœuvres ? Lord Asher Royce, conseiller royal, Lord Smaug Corbray, Maitre Espion, Lord Donnel Vanbois, Grand Maitre des Finances seront mes conseillers lors de ces négociations. Les seigneurs valois* présents seront témoins de ces échanges.

Je profite pour m’asseoir après ces présentations. Je n’ai pas appelé tous ces seigneurs pour qu’ils me disent quoi faire, mais pour qu’ils soient témoins et juges à la fois. Si j’accepte – ou refuse – de signer, je dois savoir si mes plus puissants vassaux me suivront ou non. S’ils refusent, je les préfère hors du Val qu’au sein du Val dans ces cas-là.

- Nous pouvons continuer à nous battre. Si le rapport de force semble évident, la bataille du Trident a prouvé que rien n’est véritablement acté ou assuré. Vous et moi avons encore suffisamment d’armées pour nous saigner respectivement à blanc. Mais cette attitude nous mènera tout droit à la catastrophe. Vos alliés ont besoin de votre soutien. Moi-même, je suis isolé et exposé. Démembrer le Val vous prélèvera un précieux cout. Me défendre contre vous, et vos dragons, va tout autant mettre à mal mon royaume pour une ou plusieurs générations, commençais-je, énonçant davantage un fait. Je ne me vante pas, je ne menace pas. Nous avons échoué à nous entendre à deux reprises, pour de multiples raisons. Et pourtant, nous revoilà encore autour de cette table, prêt à entendre les uns et les autres. Je vois là un signe qu’il peut encore être possible de reconsidérer notre position respective, pour le meilleur.

Ou pour le pire.

- Vous avez proposé, à nouveau, que le Val rejoigne l’Empire des Royaumes Fédérés mais sous condition. Si j’accepte de considérer cette offre, c’est avant tout en raison d’une menace commune qui nait sur les terres dorniennes. Une alliance avec des Dragons me semble inévitable. Dans ce cas-là, je préfère que ce soit vous et non ces inconnus venus d’Essos qui cachent difficilement leurs véritables ambitions. Nous avons eu des désaccords par le passé mais nous n’en restons pas moins de valeureux gens de Westeros, partageant un même amour de ces terres sur lesquelles nous sommes nés, et sur lesquelles nos ancêtres ont versé leur sang. Contrairement à certains Souverains, je n’ai pas l’hypocrisie de nourrir un autre Harren Le Noir. Si mes prédécesseurs ont été naïfs au point de croire qu’être neutre suffit, je ne le suis pas. Je sais ce qu’il va couter à mon royaume de laisser une telle menace naitre, être nourrie et grandir là-bas, expliquais-je. Je veux offrir un avenir, à mes gens, et à nos enfants à venir.

Qu’ils comprennent que je ne suis pas ici en raison de batailles perdues, ou changer d’alliance comme de chemise aujourd’hui et demain. La Maison Valtigar a changé toutes mes considérations politiques.  

- Avant que je ne commence véritablement ces pourparlers, êtes-vous convaincus de mes motivations ? Le doute est permis au vu de notre passé commun, et inhérent et propre à ce genre d’entretien. Mais si vous refusez de croire, d’emblée, que le Val est sincère, alors je ne vois pas l’intérêt de poursuivre une telle discussion. A nouveau, je ne suis pas là pour jouer, pour cacher quoi que ce soit, mais pour discuter sérieusement d’un avenir commun, auquel nous semblons aspirer pour des raisons aussi légitimes que nécessaires.

Je n’attends pas leur approbation comme un enfant. Non, je veux simplement l’assurance que mes seigneurs et moi-même seront écoutés par tous.

Si je suis trop tranchant, soit ! N'est-ce pas la raison meme de la présence de tous ces conseillers ? Torrhen a raison : ils sont là pour palier à quelques défauts.

PS :

Le lieu est terriblement mal choisi. Je me demande qui a eu l'idée d'accepter cet endroit qui nous rappelle tant de mauvais souvenirs. Et en particulier la mort de tant de nos proches et plus particulièrement du propre père de mon neveu Ronnel. Trop de mauvais symbolisme à mon goût et ce n'est que le début.

Je clos volontairement la délégation afin de m'assurer de la sécurité de l'arrière-garde. Mieux vaut prévenir que guérir. Je doute qu'il se passe quoi que ce soit, Torrhen n'ayant rien d'un lâche, même je me demande souvent comment il peut recourir à des dragons dans des combats d'hommes et comment cela pour lui apporter un quelconque honneur. Mais j'imagine qu'il n'en a guère besoin. Et puis l'honneur est fortement galvaudé depuis le début de cette ère des luttes alors je ne serai pas le premier à lui jeter une pierre. Même si la soudaine vu des prisonniers de guerre savamment agencés me font sérieusement douter. Quel manque de classe. Mon regard se porte sur le dos de Ronnel qui je l'espère est prêt pour le combat de sa très jeune vie.

Alors qu'un jeune garde visiblement très sérieux et concentré me demande de lui tendre Dame Affliction, l'épée en acier valyrien qui pend fièrement à ma ceinture, mon regard se fait dur comme la pierre. Je me prête toutefois au protocole, ne souhaitant pas infliger un premier écueil diplomatique à Ronnel. Même si cela s'avère légèrement trop tentant. Je sors la lame de son fourreau, le joyau écarlate en forme de cœur rappelant le armoiries de ma Maison ornant la garde de Dame Affliction réfléchit soudainement la lumière et projette ses reflets irisés sur l'assistance. Je la plante soudainement dans le sol.

- Touche à cette épée et tu y perdras un bras.

Je susurre au garde. Dire que j'aime bien annoncer mon arrivée serait de bon ton. Que j'aime faire le fanfaron ou faire preuve d'arrogance serait plus juste mais bien plus offensant. Et puis ça met les points sur les i. Disons qu'après la farce des prisonniers alignés devant nous, il faut bien que quelqu'un équilibre la partie. C'est peut être voyant que je compte me mettre du côté des seigneurs contre ces pourparlers mais je ne peux m'en empêcher. Je viens ensuite me poster à côté de mon neveu Ronnel, de l'autre côté de mon ami le Seigneur Royce. Je jette un léger regard vindicatif au camp opposé, m'attardant sur Torrhen le temps des présentations d'usage. Cet empereur qui s'est si facilement amouraché de ma sœur et qui menace aujourd'hui de lui infliger une punition qui flatterait son ego. Même si au fond je ne ressens aucune réelle hostilité envers lui. Si l'impératrice était présente par contre...

Plus que ceux du Val, ce sont les intérêts de Sharra que je suis venu défendre.

Si je n'ai pas les capacités de ma sœur en matière de politique, j'ai la très nette impression que les premiers échanges sont en nette faveur de l'Empire. Mon neveu est bien trop timoré dans son langage parlé et sa gestuelle. C'est beaucoup trop lisse face à un guerrier de le trempe de Torrhen qui aura plus facilement tendance à voire en Ronnel un jeune freluquet bien en deçà de lui et de sa prestance gagnée sur les champs de bataille. Ces pourparlers risquent j'en ai peur de tourner courts et en notre complète défaveur. Mais peut être n'est-ce qu'une impression. L'impression d'un bretteur qui en a vu d'autres ? Après tout Lord Royce n'a pas l'air très inquiet pour l'instant. Même si je l'avoue il est souvent difficile de passer outre sa carapace d'austérité... Je fais toutefois part à mon ami de mes légères inquiétudes par le biais d'une petite note. Elle est adressée au Roi mais je préfère que Lord Royce la voit en premier pour confirmer mes doutes. Libre à lui d'en faire ce qu'il veut.

Citation :

Plus d'aplomb Ronnel. Grandis-toi de quelques centimètres. Utilise mieux ta voix et ta gestuelle. T'es pas en face d'un seigneur loué à ta cause qui te mange dans la main.