Le jeune poulain contre l'éclair de l'Ouest (An 2, Mois 3, Semaine 4) [Tour IX - Terminé]

Tour IX. Semaine a 4eme mois 3 an 2.

Il faisait nuit… Pas noire. À cause de ce siège que les oustriens avaient installé autour de Vivesaigue… Je finis de nouer un poignard autour de ma taille, une simple armure de cuir souple et un pantalon de cuir. Aucun blason… Rien. Nous partions en reconnaissance avec quelques hommes pour le roi qui était en train de me regarder avec attention. Il posa une main sur mon épaule et je levai la tête vers lui.

« Tu sais ce que tu dois faire… Mais je te donne aussi l’ordre de revenir. C’est bien clair ? »

Je soutiens son regard sans rien dire, il fronça les sourcils.

« Sacha, il me semble qu’un écuyer ne doit pas désobéir aux ordres de son maître.
- Je reviendrais, majesté. »

Ou du moins je ferais de mon mieux pour le faire. Il me sourit en douceur et hocha la tête.

« Tant mieux, j’ai besoin d’un écuyer pour astiquer mon armure. »

J’eus un rictus amusé avant qu’il ne me lâche et mon regard se posa sur sa vieille armure, celle de quand il avait mon âge, qui m’attendait. Meilleur état que celle que j’avais normalement. Mais pour la porter… on allait devoir revenir. On. Parce que je ne partais pas seul pour voir les camps. Nous étions six, deux par section du siège, pour essayer de ramener des informations. Pas de meurtre ni de sabotage, malgré ma très forte envie de le faire. Juste une récolte d’information et on revenait. Je finis de me mettre du noir autour des yeux et de remonter un simple châle de laine autour de mon visage. Pas de blason, pas de couleur. Des anonymes.

On se faufila hors du château sans bruit avant de se diriger vers les campements en silence. Ombre parmi les ombres. En duo, on s’avançait sans bruit. Et si de toute manière on n’arrivait pas à retourner au point où nous devions passer, nous savions tous assez nager et retenir notre respiration assez longtemps pour passer sous les grilles du château et revenir ainsi. Tout pouvait mal se passer. Je partais avec cette idée en tête. Comme deux ombres, nous avancions avant de nous coucher dans les herbes, aussi silencieux l’un que l’autre.

Couchés dans les herbes, nous regardions le camp, le fouillant du regard, sans essayer d’y entrer. J’inspirais lentement pour garder une respiration paisible, mais surtout silencieuse. Une heure passa… on se déplaçait très lentement, en continuant de fouiller, d’écouter… C’était trop calme… Deuxième heure… Mon compagnon me fit signe. C’était l’heure de rentrer. Je lui fis signe de partir avant moi et il s’éclipsa. Ça aussi c’était fait exprès : des départs différés pour éviter de se faire prendre à deux : Je commençais à bouger avant de me figer

Du bruit… près de moi… Merde ! Un homme… Je plissais les yeux en restant parfaitement immobile, le cœur battant… Il ne m’avait pas vu. Il était en train de pisser… Il se tourna… Ne me regarde pas, ne me regarde pas… Il plongea ses yeux dans les miens… Je ne cillais pas. Il ouvrit la bouche… L’eau était à une quinzaine de mètres… J’étais un gamin, lui un adulte. Qui allait courir le plus vite ?

Intervention du Cyvosse

Le jeune Racin et son groupe, malgré la nuit noire, arrivent à ne pas se perdre, guidés par les feux et les rumeurs émanant du camp Ouestrien. ils se rendent vite compte que l'armée ennemie est divisée en trois parties, comme on le voit bien depuis la forteresse, mais les forces ouestriennes semblent équitablement réparties entre les trois rives encerclant la ville. Ils estiment grossièrement à dix mille hommes chaque corps ennemi, mais c'est très difficile à estimer dans le noir.

En sus, l'ennemi construit des retranchements pour encercler la forteresse, des merlons et des levées de terre, des fossés, pour casser toute force qui tenterait une sortie ou qui viendrait de l'extérieur pour porter secours à la garnison. Les défenses ouestriennes paraissent impénétrables...

Le jeune poulain contre l'éclair de l'Ouest

William Potter & Sacha Racin

Camp Lannister, Alentours de Vivesaigues, Royaume des Rivières et des Collines, semaine 4 du mois 3 de l’année 2 de l’Ere des Luttes

Les patrouilles s’organisent. Il faut empêcher l’ennemi de sortir. Il faut l’empêcher de communiquer. Les jours se suivent, et se ressemblent assez. Du frisson, de l’excitation des premiers jours, quand la bataille pouvait encore avoir lieu à chaque instant, jusqu’à maintenant où l’on se retrouve dans la position d’attente d’un siège tout ce qu’il y a de plus classique, autour d’une des plus puissantes places fortes du continent. Ne pas confondre ce que l’on peut faire et ce que l’on veut faire, car dans toute cette situation il n’y a pas de gloire, pas d’événements, rien d’autre que l’attente. Alors, le général Kenning, un ami de la cour du Roc, a décidé de mener ce siège comme il faut, comme attendu de la part du Roi. Des retranchements, des patrouilles en nombre, des défenses contre des tentatives de sortie, ou de secours… Maintenant, il faut pousser l’ennemi à se rendre.

Je rompts l’ennui comme je le peux. Je commande à mes hommes d’armes. On passe notre temps en préparatifs défensifs, en contemplation et en sommeil à rattraper, depuis les assauts sur le Fort de la Dent d’Or, au début de l’invasion. On passe aussi le temps en patrouilles… On ne croise rien, ni personne, le plus souvent. Parfois quelques maraudeurs, qui viennent jusqu’au bord des douves riveraines pour tenter d’y cueillir baies et racines qui y poussent, profitant des alluvions du fleuve. Mais la majeure partie du temps, de jours comme de nuit, il s’agit surtout de ne pas trop se faire cibler par les tireurs de la forteresse. Nos boucliers portent tous les stigmates de tirs reçus depuis les créneaux…

Alors ce soir, nous prenons nos précautions. Les hommes qui surveillent notre section de parapet sont apprêtés et aguerris ; leurs torches permettent d’accroître un peu le champ sous notre surveillance.

Le ragoût m’appelle, et ma couchette aussi. Mais la paillasse devra attendre, car je tiens à faire des rondes régulières pour continuer d’avoir le respect d’hommes plus âgés et plus aguerris que moi, que je me dois de ménager… Alors nous discutons le bout de gras. La nourriture, le ravitaillement, l’absence de combativité de nos ennemis maintenant qu’ils sont enfermés derrière leurs hautes murailles. Et la patrouille, alors.

Nous sortons en silence, et un homme doit s’éloigner pour pisser dans le Verfurque. Je lui demande de ne pas faire de bruit, alors que nous essayons de distinguer le nombre d’hommes sur le mur sud, et la durée des tours de garde. Mais l’homme qui se soulage nous appelle… Et dit qu’il distingue une silhouette, non loin. Je fais signe aux hommes de dégainer, et de contourner l’endroit.

| Halte ! Rends-toi, où on tire ! |

Deux hommes épaulent leur arbalète, et épée en main, c’est le moment de savoir comment vont tourner les choses.

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We Survive

They say the time many time when I see you / Time after time hand in hand till the dawn / Shine like a star you can go through the water / Forever and ever / Cause I found my love into you Under the SKy (c)codage - Kanala - texte (c)Under the Sky, Jean-Pierre Taieb

Respire Sacha. Respire et expire. Je restai immobile dans cette position fort inconfortable à regarder les mouvements et une autre voix. Le chef ? Mon genou se gorgeait de l’humidité de la terre alors que je ne bougeais pas. Douze ans et dans la merde jusqu’au cou. Si on m’avait dit ça. Avec la semi-obscurité j’avais une chance. L’autre semblait toujours regarder dans ma direction… Si les hautes herbes étaient utiles pour se cacher, si déplacer s’avérer inutile si on était repéré… Ce qui était mon cas. Pas d’arme, trop bruyant et encombrant… Juste un poignard. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Si je me rendais… J’avais ordre de revenir. Sauf, qu’ils étaient quatre pour l’instant et à distance. Qu’est-ce qu’ils avaient comme arme ? Réfléchis Sacha ! Douze mètres pour arriver à la rivière et nager. Trop loin pour que tu battes à la course une flèche, ou pire. Un homme oui.

Homme qui commençait à bouger vers moi. Merde ! Mes doigts effleurèrent une pierre et s’en saisirent. Est-ce que cela pouvait sérieusement marcher ? Je n’en avais aucune idée. J’inspirais profondément, j’avais un tout petit peu de marge de replis pour reculer de quelques pas et peut-être… Il sembla douter d’avoir vu quelque chose… Il va vérifier ! Merde !

Je lançais de toutes mes forces la pierre vers l’homme qui m’avait vu en premier, comme-ci je me dirigeais vers lui, La pierre tomba à quelques mètres sur sa droite dans un fraquas de tous les diables , avant de moi-même reculer lentement en essayant de garder en visuel les autres. Ils étaient nombreux… Un gamin de douze ans contre quatre adultes. Personnellement en combat je ne poserais pas un quart de pièce de bronze sur moi. Aussi discrètement que possible, et tout aussi rapidement, je reculais lentement vers la rivière, laissant des traces dans la boue. Au pire, ils savaient déjà que j’étais là. Il fallait juste que je rentre ! Et de préférence sans devoir en tuer un ! Pourquoi ? Parce que si je me faisais attraper, je risquais d’y passer juste comme punition. Et j’avais dit que je rentrerais.

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William Potter & Sacha Racin

Camp Lannister, Alentours de Vivesaigues, Royaume des Rivières et des Collines, semaine 4 du mois 3 de l’année 2 de l’Ere des Luttes

La situation se tend immédiatement. Parce qu’il n’est pas question, d’un côté ou de l’autre, de se faire le moindre cadeau. Parce qu’il est clair qu’on ne peut pas non plus s’en faire à nous-mêmes. Maintenant que les combats ont commencé, au Conflans, il n’est pas possible de faire comme si un règlement pacifique des différents est encore possible ; ce ne serait simplement pas responsable. Tout le monde a envie de rentrer chez soi, déjà. Mais je n’ai que trop conscience qu’on ne rentrera jamais si personne ne fait son devoir. Et notre devoir général était de vaincre l’ennemi. Ca ne peut pas forcément passer que par des tueries sans queue ni tête, mais nous avons tous conscience que nous allons devoir faire couler le sang à un moment ou à un autre.

Doigts gantés sur la garde de mon épée, je finis donc par dégainer et j’essaie d’avoir le riverain probable à l’esbroufe. Ce n’est pas simple, mais je préfère quand même ça à l’effusion de sang. Il ne faut pas plus que nous nous perdions dans la nuit. Ce serait un risque supplémentaire pour la patrouille sous mes ordres.

Un objet vole finalement après la menace que j’envoie et tout le monde rentre la tête –casquée- dans les épaules, comme pour instinctivement esquiver un tir. Ca semblait plus facile et bien plus lent qu’une flèche ou qu’un carreau.

| Halte ! |

Crier en essayant de ne pas hurler est difficile, dans ce genre de situation de stress très intense, mais je ne veux pas en pleine nuit envoyer une alerte dans le camp et dans la forteresse, ce qui pourrait provoquer un combat aux proportions insoupçonnables et sanglant.

| On y va ! Allez, allez ! |

Et on avance, lames au clair, jusqu’aux berges où on aperçoit des traces… Et un garçon, plus loin, qui tente de s’échapper.

| Stop, ou on te ramène par la peau des fesses ! |

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Me ramener par la peau des fesses ? Je voulais bien faire beaucoup d’effort, mais j’étais déjà un sac d’os ambulant, à peu de chose près, et avec les privations que nous faisions tous pour tenir le siège, c’était pas la peau de mes fesses qu’ils allaient attraper, mais plus mes os. Absolument rien n’avait marché comme je l’avais prévu. Rien du tout ! Et seuls les sept savaient à quel point, à cet instant, je pouvais jurer comme douze diable. J’étais attrapé, personne ne savait qui j’étais. L’avantage d’être un gamin de douze ans. Le seul autre gros problème c’était qu’ils étaient quatre, arbalète de ce que je pouvais voir dans la pénombre, un qui avait l’épée tirée. Réflechis Sacha !

Je levai bien haut les mains, en espérant qu’ils puissent le voir dans l’obscurité, avant de me redresser tout aussi lentement que j’avais levé les mains. L’avantage c’est que debout j’aurais une plus grande détente si je voulais plonger dans l’eau. J’eus, sous mon masque de tissu, un sourire amusé par la situation.

“De quelles fesses vous parlez mon bon seigneur ? C’est pas que je n’en ai point, mais je crains de devoir dire que je n’en ai jamais eu.”

Sacha, un jour ta langue trop pendue aura ta peau. Je regardais tour à tour les quatre hommes à qui je faisais face. Mon coeur battait avec violence dans ma poitrine et mon cerveau tournait à pleins régime. Sacha, réflechis ! Merde. Je n’avais pas la possibilité d’en attaquer sournoisement… Mais peut-être que parler me ferait gagner du temps ? Mauvais idée… Je fis un pas en arrière vers l’eau que j’entendais alors que mon regard continuait de danser d’un homme à l’autre.

“Quatre contre un gamin qui à la peau sur les os… Je dois vraiment faire peur pour avoir le droit à une telle escorte !”

Nouveau pas en arrière. La boue se fit un peu plus molle sous ma semelle. Encore combien de pas avant que je ne puisse profiter de mon élan pour plonger ? A mon humble avis… beaucoup trop. Pour l’instant, tout ce qu’ils peuvent savoir de moi c’est que je suis un garçon jeune, je n’ai pas encore commencé à muer… Et que visiblement je n’ai pas d’arme. Et je n’aimais pas beaucoup celui qui approchait par ma droite, il semblait vouloir me pousser vers les autres.

Deux nouveaux pas en arrière.

“ A qui ai-je l’honneur mon bon seigneur ?”

Je vais finir par me prendre un carreau perdu…

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William Potter & Sacha Racin

Camp Lannister, Alentours de Vivesaigues, Royaume des Rivières et des Collines, semaine 4 du mois 3 de l’année 2 de l’Ere des Luttes

La menace paraît creuse. En réalité je n’ai que peu de latitude d’action, je n’ai que peu d’occasions d’améliorer vraiment les choses. La situation ne peut avoir véritablement que deux débouchés. D’une part, la violence pure et dure. On l’attrape. Il résiste. On le tue dans l’opération, ou en tout cas on le malmène. Vue notre supériorité numérique apparente il paraîtrait bien compliqué d’entrevoir une autre situation que celle-ci. Je ne peux pas dire que je nourrisse la peur d’échouer dans ma mission en cas de confrontation directe. Bien sûr, ça ne veut pas dire que je m’en sortirais forcément, mais j’ai foi en moi et en mes hommes. Je suis bien armé, bien équipé. Et je sais que ça suffit à s’en sortir dans l’essentiel des combats où l’on ne s’étripe pas sans réserves ni vergognes comme dans les récits de hauts faits de chevalerie. Que ferait de toute façon une machine à tuer dans les roseaux bordant le fleuve ?

Je fronce les sourcils quand j’entends la bravade sortie du noir de la nuit.

| Fais pas le malin, foutriquet, ou il t’en cuira ! |

Un de mes hommes d’armes attire mon attention sur le côté, et pointe une direction du bout de sa main gantée. Je hoche la tête pour signifier à l’homme que j’avais bien compris, et que je pouvais y aller franchement dans la suite. Nous commençons à quadriller l’endroit, à nous rapprocher, mains portées aux armes sur les côtés. Je réponds aux bravades.

| Lord Potter, mais tu es suspecté d’espionnage, garçon. Alors sors des ténèbres dans lesquels tu te caches avant qu’on commence à envoyer des carreaux. Je n’ai pas envie de faire tuer un jeunot, mais je ferais mon devoir. |

J’avance à mon tour, encadré de mes hommes à quelques pas les uns des autres. Tout le monde brandit poignards et gourdins, mais personne n’a tiré d’arme véritable de son fourreau. Les tireurs, eux, se préparent, mais ne savent pas encore où viser

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Foutriquet… Ben tiens. Et lui c’était quoi, un faquin ? Je continuais de reculer lentement en continuant de les surveiller comme je le pouvais. Mon coeur battait avec violence dans ma poitrine alors que mon regard pivotait sans cesse pour les regarder alors que je continuais à reculer. Potter… Je fronçais légèrement les sourcils en jurant tout ce que je savais dans ma tête. J’étais dans un de ces merdiers ! Il y avait des situations dans lesquelles on ne voulait pas être… Et celle là… Et j’avais des ordres. Espionnage. J’eus un sourire amusé sous le tissu qui couvrait mon visage. Pour une fois qu’il tapait pas à côté.

« Potter… »

Fis-je lentement en les voyant agiter les armes. Des carreaux ? Pour l’instant je n’avais aucune envie de me faire trouer la peau. Et si pour l’instant je pouvais faire oublier mon sang bleu. Me faire trouer la peau.

« Vous savez que ça m’donne pas trop envie d’sortir de l’ombre quand même lord Potter ? Puis bon espionnage… »

Moqueur… Sacha respire, mes semelles s’enfonçaient encore un peu plus dans la boue. Je souris légèrement. Encore un peu.. profite de l’obscurité. Mais ne parle pas trop cela indiquerait ma position. Je continuais de respirer lentement en les percevant et en les entendant. Avantage sur eux : pas d’armure épaisse. Désaventage sur eux pas d’armure. A quel point j’étais dans la merde ? Aucune idée.

Ne parle pas trop Sacha, agis. Débrouille-toi. Ils sont plus nombreux ? Comme les gardes contre les amis des rues. Je baissais lentement les mains jusqu’à les avoir au niveau de ma ceinture. Un simple poignard. Idée. Idée. J’eus un sourire.

« Je vais vous lancer mon arme en guise de bonne foi que je veux juste partir ! Je venais surtout voir si j’pouvais piquer un peu de nourriture. »

Je sortis le poignard de son fourreau, en défaisant la boucle de ma ceinture. Je glissai ma dague dans le haut de ma botte pour l’attraper au plus vite au besoin et lançai de toute mes forces la ceinture et le fourreau dans les forêts le plus loin possible de moi, en espérant ne pas toucher un soldat au passage. J’essayais de gagner autant de temps que possible pour reculer encore jusqu’au fleuve et y plonger. Ils ne pourraient pas me suivre sans risquer une noyade et des flèches dans l’eau ? Peu utile. Je me mordis les joues en continuant de reculer avec prudence. Curieusement, moi les ombres j’étais peu d’accord pour les quitter. J’entendais les bruissements et je suivais autant que possible du regard les soldats. Il ne fallait surtout pas que l’un d’entre eux ne m’attrape. Déjà parce que niveau force je ne pourrais pas rivaliser, et je n’avais pas spécialement envie de tuer ce soir…Le but s’était d’espionner et de revenir. Même si pour ma part j’aurais fait flamber des choses… Avec une fronde faire tomber une torche… Mais j’avais pour ordre de revenir en vie. Et ça je comptais bien le faire. Je continuais de reculer en essayant de faire le monde de bruit possible.

Le jeune poulain contre l'éclair de l'Ouest

William Potter & Sacha Racin

Camp Lannister, Alentours de Vivesaigues, Royaume des Rivières et des Collines, semaine 4 du mois 3 de l’année 2 de l’Ere des Luttes

La situation peut évidemment dégénérer à chaque instant et nous sommes tous alertes et vifs, sur nos gardes, car il est clair qu’aucun de nous ne veut risquer de se faire ouvrir la gorge ou entailler les jarrets à coups de lames. Ce serait trop bête de mourir, de se faire blesser ou estropié, dans une action de ce genre qui n’a pas tant d’intérêt stratégique ou symbolique a priori, n’est-ce pas ? Les choses pourraient vraiment dégénérer car quand l’acier est tiré et porté au poing, plus rien n’empêche de l’utiliser. J’entends les railleries de l’homme en face que je devine jeune. D’abord pour ce qui sort de sa voix, et aussi par ces traits que l’on ne peut que chercher à deviner dans les ténèbres nocturnes.

| Si vous n’en sortez pas, c’est nous qui vous en sortirons ! |

La menace tonne, claire et évidente, et il n’est pas question de tergiverser sur le sujet. On ne peut pas dire que je sois rigoureusement attaché à la violence, mais il n’est pas question de laisser filer la victoire et la solution à notre problème alors qu’elle est là, juste devant nous, qu’il suffit de s’emparer de l’espion. Qui ne semble d’ailleurs même pas vraiment nier sa nature ou l’objet de sa présence… Ce qui peut être une forme de ruse, d’ailleurs. Il provoque, probablement pour nous déconcentrer et nous faire agir de façon inconsidérée.

L’homme dit qu’il va sortir son arme et la lancer pour avoir la vie sauve. Effectivement, quelque chose de lourd, qui renvoie un reflet des feux de camp, s’écrase quelques mètres plus loin. J’ai cru voir de là où partait le lancer…

| Par là ! Attrapez-le ! |

Nous courons, armes au poing, jusqu’à la zone de lancer dont nous éparpillons taillies, futaies et roseaux en tous sens à l’épée s’il le faut… Mais un bruit de gadoue se fait entendre quelques mètres plus haut sur le fleuve.

| Là-bas ! |

Nous courrons pour l’attraper, maintenant. Qu’il aille se mettre sous le couvert des créneaux mais risque de se prendre un carreau ou qu’il finisse à la baille, qu’importe.

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Je repensais à ce que m’avait dit un jour Jojoris. Est-ce que je savais ce que c’était d’être un oiseau ? Pour me l’apprendre il m’avait balancé aux gardes de mon père. On sous-estime toujours la vitesse qu’un enfant ne voulant pas être attrapé peut déployer pour fuir. J’avais fini par l’être, attrapé. Mais je les avais fait cavaler un bon moment. Le Potter avait beau parler, je pensais à fuir en déployant mes ailes d’oiseau pour ensuite revêtir mes écailles de poisson. Ne pas être attraper et revenir, c’était tout ce à quoi je pensais. Ils ne m’avaient pas attrapé, ils m’avaient vu ! Mais pas les autres espions et cela était un avantage non négligeable. Sortir ou ne pas sortir de l’ombre ? J’allais clairement m’y enfoncer le plus loin possible.

La boue était collante et lourde contre mes semelles, mais personne ne peut arrêter un enfant qui fuit.Ils semblaient savoir plus ou moins où j’étais mais… Je courais vite vers l’eau, non pas vers les murailles, bien que légèrement vers, mais surtout je voyais les soldats, plus ou moins. Lourds, balourds. Là où moi j’étais léger et vif. Un poulain sur ses fines jambes. L'emblème de ma maison. Une main qui m’attrape par l’épaule. Réaction plus qu’instinctive pour moi : je ne supportais pas les contacts. Mon corps se cabra immédiatement, mon talon vient frapper ses orteilles à lui, et au lieu de tirer je me rejetai en arrière.

“Me touche pas fils de putain !”

C’était sortit tout seul. Il eut un grondement, la poigne se desserra légèrement de surprise, plus que de douleur je pense, et je rebondis en avant, je crois qu’un bout de mon habit fini dans ses mains. Trois enjambées, l’eau. Je fondis dedans sans faire grand cas des bruits d’éclaboussures ou du courant. Je me mis à nager vigoureusement vers le château, aussi bas que possible sous la surface. Je savais que je n’avais pas des réserves d’air illimités, mais tant que je pouvais rester sous l’eau jusqu’à ce que mes poumons réclament grâce, j’y resterais.

Les petits poissons dans l’eau, nagent, nagent, nagent nagent nagent, les petits poisons dans l’eau, nagent aussi bien que les gros.

Et à cet instant, il valait mieux être un petit poisson parce que si un m’avait attrapé sur la berge, d’autres n’avaient pas dû être loin et que peut-être même que j’étais suivi. Je remontai vers la surface en continuant de nager pour reprendre aussi discrètement que possible de l’air. Est-ce qu’ils allaient me voir ? Aucune idée. Je replongeai aussi vite que possible pour reprendre la nage malgré le courant. Si je franchissai la ligne de tir de nos archers, je pourrais être plus ou moins à l’abris.

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William Potter & Sacha Racin

Camp Lannister, Alentours de Vivesaigues, Royaume des Rivières et des Collines, semaine 4 du mois 3 de l’année 2 de l’Ere des Luttes

Le « temps de combat » dont parle Lord Marpheux est à l’œuvre. Plus que jamais, je ressens l’excitation intense précédant le combat, quand on se retrouve en position d’être en danger mais que cette menace, bien qu’omniprésente dans l’esprit, n’est pas encore tangible ou physiquement marquée. Il y a beaucoup à en dire, de cette drôle de situation, de ces émotions et de tout ce que l’on ressent à cet instant précis. Mais il n’en reste pas moins que l’on se doit de se dominer sous peine de devenir à peine plus qu’une bête sauvage. J’en ai vu la démonstration, il y a près de deux ans, quand des croisés en apparence vertueux sont entrés, avec l’aide d’alcools ingurgités en quantités, dans la plus vile vendetta pour massacrer toute ma famille, avant d’incendier le castel où j’ai vu le jour et où j’ai grandi.

On course le petit espion, dont on ignore pour l’instant tout de la nature sinon qu’il s’agit d’un individu masculin et qu’il cavale vite, tout en semblant bien connaître le terrain. Si le sens même de sa présence ici implique forcément ou la désertion de nos forces, ou leur espionnage, tous les indices étalés sous nos yeux impliquent essentiellement la nature riveraine de l’individu ; les ouestriens se déplaceraient avec bien plus de précautions dans les environs, surtout si près de la forteresse fluviale.

On le course, le gamin, et c’est Filip qui l’attrape et le saisit par le colback -en pure perte- car il se dégage en lui tapant dessus. Il achève sa course dans un grand plongeon et nous arrivons tous, épées et lames en main, avec deux hommes qui portent chacun une arbalète. Cas de conscience. Tirer dans le dos d’un homme c’est un crime, et c’est le déshonneur. Mais n’est-ce pas déjà le cas de l’espionnage ? Je me mords la lèvre alors que mes hommes essoufflés me dévisagent. Je sais que la décision que je vais prendre aura des répercussions sur la façon dont nous vivrons tous la suite de cette campagne.

| Tirez ! |

De toute façon dans l’eau, à distance et dans le noir, peu de chances de le toucher, mais ça lui donnera une bonne leçon. Alors, pourquoi est-ce que je me sens déjà coupable ? Notre manège attire l’attention des patrouilles sur les créneaux, et une flèche enflammée est tirée près de nous. Puis une autre. Les flammèches s’étouffent dans l’humidité mais on nous repère, et tout le monde sent la menace de traits sifflant depuis les créneaux.

| On rentre, allez, avant de se faire trouer ! |

La retraite est piteuse, mais l’honneur sauf ; on a repoussé l’espion !

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