Il y avait des impératifs nés de la bonne gestion de la couronne et des dangers inhérents à la poursuite de la guerre. Je devais rencontrer du monde, en permanence. D’abord le Grand Septon, à peine rentré de l’Ouest où je venais de remporter de grands succès diplomatiques. Baptême d’un nouveau navire et quelques vêpres publiques auxquelles j’avais pu assister avant d’échanger quelques mots avec le souverain pontife… Il y avait aussi eu ce premier banquet, cette première soirée suite au retour en bonne terre bieffoise. Ici, je me sentais chez moi. C’était le seul endroit du monde où je pouvais opposer aux plus grandes des vertus les vices les plus abyssaux, les plus absolus. Opposer toute ma noirceur à toute la beauté et la pureté de la religion, née et développée depuis le Grand Septuaire à deux pas du château… Qu’importe. Je survivais aux retrouvailles avec mon épouse avec grand peine, et les quelques heures glanées en fin de nuit ne me laissaient que livide, des poches sous les yeux.


Qu’importe la peine. Des royaumes entiers étaient en jeu. Je devais d’abord réagir aux mouvements ennemis déjà connus.


Et continuer de piquer l’instinct belliqueux chez tous ceux qui s’en sentaient la force. Il y avait le temps des grandes croisades, des combats communs, quand la masse avait trouvé le courage du Juste et du Vertueux. Quelle bonne chose que ces contingents alliés, ils allaient en économiser du sang bieffois et croisé qui, seul, était versé pour le bien commun. J’en avais mal au poignet droit à force de rédiger presque frénétiquement mes ordres, sans même parler des taches d’encre qui me constellaient le nez, une joue et tout l’avant-bras. Peut être aurais je dû simplement dicter au copiste… Mais non. Je voulais plus d’efficacité, et un secret certain à ces envois hautement stratégiques. J’avais donc pris mon mal en peine, avant de battre le rappel de tous les officiers, bieffois ou croisés, présents en ville. Souvent de hauts seigneurs ou capitaines de la roture, de navires de guerre ou de compagnies d’infanterie de marine. Dans tous les cas, j’avais beaucoup d’informations à prendre, d’ordres à donner…


Surtout pour les pauvres hères qui subiraient bientôt les aboiements de ma fer-née de femme, qui enrageait de n’avoir toujours pas de flotte officiellement sous ses ordres. Je finissais par faire mander un officier supérieur des Fils du Guerrier, un des plus grands chevaliers de la Foi. Sachant que le Grand Septon avait confié la tâche aux généraux du Bief de rapatrier ses troupes en terre étrangère, l’homme ne devait pas avoir eu de nouvelles fraîches des contingents engagés en dehors de Villevieille, qui rassemblait encore des volontaires pour la Foi.


Un chevalier du Bief fit entrer l’homme. Frère Martyn Tarbeck, un héros des troupes de la seule vraie Foi. Une légende, quelque part.


Un bourreau, aussi. Demandez aux dorniens. Je me lève de mon bureau pour contourner le meuble et faire face à mon invité, devant lequel j’incline la tête en signe de respect.


| Messire Martyn… Je suis ravi que mon messager vous ai trouvé. C’est un grand honneur pour moi de recevoir le Préféré du Guerrier, et le chef de ses Fils… Avez-vous fait bon voyage depuis Dorne ? Nous nous sommes séparés voici quelques mois, maintenant. |

L’homme qui se trouvait en face de moi faisait indéniablement partie des requins de ce monde. Il était du genre carnassier, et viandard de surcroît ; personne n’avait oublié les déprédations commises par les effectifs de la Foi en terre dornienne. J’avais été le premier à les encourager alors je ne pouvais certainement pas jouer à la fine bouche maintenant… Mais je ne pouvais pas non plus considérer les Fils du Guerrier et les Pauvres Compagnons comme des enfants de cœur, ou faire preuve de naïveté à leur égard. Ils n’avaient servi mes desseins que parce qu’ils étaient corrélés à ce que le Grand Septon souhaitait pour développer la Foi, à savoir écraser purement et simplement ses ennemis. Et faire en sorte d’évangéliser les survivants pour écraser toute forme de rebéllion ou de dissidence future. Je savais aussi que ce qu’il cherchait par ce biais, c’était à développer la fortune et l’influence de la Foi par le nombre de contribuables aussi bien à ses rites qu’à ses finances.


Je n’étais pas naïf, à aucun niveau, et je savais bien que l’intérêt de tout ce conflit n’était pas que religieux. Je l’avais compris au premier jour, lorsque Sa Sainteté avait choisi de faire la guerre à l’Empire, qui n’avait finalement que le Nord de purement païen et qui ne devait pas receler tant d’hérétiques et d’apostats que cela, alors qu’il ne trouvait pas grand-chose à redire aux Fer-nés et à leurs coutumes barbares. L’ennemi de mon ennemi est mon ami… Hoare aurait dû se méfier, car le Grand Septon avait bien usé d’une pression religieuse contre lui, via le Conflans. Qu’importe, au fond.


J’usais des mêmes stratagèmes.


Le Tarbeck me salue à son tour. Epée au côté, comme il sied à un guerrier de sa renommée.


| C’est ma foi vrai… Encore que mon propre retour après la reddition de Noirmont s’est fait dans de terribles orages dans les montagnes, qui ont tué bien des hommes. La peste soit des coulées de boue et des glissements de terrain… les Sept nous ont mis à l’épreuve, sans doute, pour que notre Foi ne vacille pas après la victoire. |


[HJ : Je passe en hide]