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Mark Rowley est <a href="/t6181-tout-est-perdu-fors-l-honneur-e-selmy"><span class="Gp_Orage">Enguerrand Selmy</span></a>

RECENCEMENT

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<span class="Gp_Orage">Enguerrand Selmy</span> - Je suis fidèle à mon souverain - Seigneur - <a href="/t6181-tout-est-perdu-fors-l-honneur-e-selmy">Personnage inventé</a>

LIEU

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<a href="/u629"><span class="Gp_Orage">Enguerrand Selmy</span></a> se trouve à <span class="Gp_Orage">Accalmie, Orage</span>

La boue éclaboussait inlassablement au passage des combattants qui marchaient têtes baissées. Trônant sur son cheval, le long de la colonne des soldats qui tournaient le dos à la bataille de Beaupré, Lord Selmy était envahi d'un immense. Son corps et son âme, vieillis et durcis par un quart d'existence guerrière, accusaient pourtant le coup. Une immense amertume l'habitait et se mêlait au goût de sang et de terre dans sa bouche. D'après les premiers compte-rendus, les Bieffois avaient perdu plus d'hommes que son pays. Néanmoins Enguerrand était un réaliste, un chef de guerre ne devait pas se laisser bercer par le mirage de l'analyse purement statistique. C'était une victoire douloureuse et mitigée au niveau tactique, mais sûrement une perte stratégique. Il avait vécu des défaites importantes au Chant du Cerf et à Tinivel, mais ce semblant de victoire à Beaupré était bien plus amer. Le corps professionnel rongé, la tête des armées abattu, l'avenir était sombre. Il était de fait le commandant de cette armée, mais il aurait aimé que cela fut dans d'autres circonstances. S'il ne manquait pas d'idées et d'ambitions pour son pays et sa défense, en ce moment de voir défiler les chariots des généraux défunts, il était pris d'un certain vertige. Enguerrand s'était à nouveau distingué au combat, le respect de ses hommes était acquis depuis sa première campagne en tant que jeune officier. "Tempête", le surnommaient ses hommes. Mais qu'allait devenir leur estime maintenant qu'il était sur le point de devenir général. Le cadre de contact pouvait être impétueux et adulé, l'officier général nécessitait des capacités toute autre, il n'était plus cantonné à la tactique, il versait dans l'opératif et la stratégie. Et rares étaient les grands combattants à même de devenir de grands chefs. Déjà, à la vue de la cohorte qui fourmillait en direction, Enguerrand entrevoyait l'immensité du travail à accomplir pour rendre à ce bel outil érodé toute sa superbe. Perdre des hommes était une chose, perdre des cadres en était une toute autre et impliquait souvent à terme une perte plus grande d'hommes.



Le soir dans sa tente, le Général Selmy ruminait sinistrement. Loin était ce jeune homme adoubé par son beau-père, qui laissait sa tendre femme pour rejoindre sa première guerre. Il avait, à ce moment, la sensation d'être déjà vieux, usé. Sa barbe de trois jours renfermait peut-être quelques poils gris désormais. Comme les chiens, les hommes de guerre ont leur temporalité à eux et vieillissent en parallèle des gens de paix. Le regard rivé sur une carte de campagne, le repli paraissait inéluctable tant le dispositif lui paraissait usé et le maintien de la conduite opérationnelle périlleux. La rupture capacitaire de l'armée lui paraissait plausible avec presque un tiers de pertes et la mort du commandement. C'était un bel outil à reconditionner, inutile de le terminer à coup de pioche pour des gains stratégiques limités si d'aventure la poursuite des opérations s'avérait victorieuse, ce qui n'était pas dit. La masse, la capacité à manœuvrer, la surprise n'étaient pas de leur côté. S'enliser aurait été une victoire bieffoise à coup sûr. Alors lord Selmy entreprit d'écrire un message à sa reine pour lui rendre compte de la situation opérationnelle, et des lettres pour les familles des commandants défunts, lord Caron, puis lord Swann. Le corps d'Enguerrand était une tombe qui ne laissait passer aucun des sanglots qu'il retenait durement.  Il s'adressait à toute cette famille qui l'avait accueilli et lui avait offert une des siennes. Ses pensées allaient alors naturellement vers sa défunte femme. Il voulait à cet instant lui exprimer son désarroi et ses craintes à l'idée de devenir un commandant important de l'Orage, et puis il se rappela qu'il n'avait aucune épaule sur laquelle s'épancher. Le chef était désormais seul. Pour la première fois depuis la mort de son épouse, ses enfants lui manquaient. Il s'était réfugié dans les armes et la violence pour extérioriser et fuir ses responsabilités parentales. Le vieux démon de sa propre mère morte en couche et que son père lui avait imputé surgissait de ses entrailles. Par crainte de faire souffrir ses enfants, lui pourtant capable d'empathie habituellement, avait besoin de s'isoler pour ne pas être cruel.


Les obsèques des grands commandants effectuées, sa promotion au rang de général fut officialisée par sa reine. Enguerrand était conscient d'avoir le respect de ses hommes, certes, mais il savait qu'il était un peu là par défaut. Ceux qui le précédaient étaient bien plus talentueux à n'en pas douter, c'est un poste qu'il aurait pu exercer une décennie plus tard, après avoir fait le plein d'expérience. Mais lord Selmy voulait être digne, digne de ses illustres anciens, de ce second père qui avait donné sa vie à Beaupré. Et puis il voulait être à la hauteur de la reine qu'il chérissait. Ce jour où il avait appris la nouvelle de la sortie d'Argella durant le siège d'Accalmie, il s'était juré de ne point vouloir servir autre souverain qu'elle.
Paré de son titre de général, les retrouvailles avec sa fille Arya et son fils Durran, furent émouvantes. Ils avaient été éloignés des Éteules par peur d'avancées bieffoises. L'aînée ressemblait déjà à sa mère, elle était belle et douce, parlait très bien pour son âge. Le cadet, l'héritier lui, comme n'importe quel bambin de son âge, paraissait interrogateur dans chacun de ses regards. Sa façon désarmante de serrer le doigt rugueux de son père suffisait à attendrir le dur cœur de ce-dernier. Enguerrand songeait à les envoyer un temps du côté de sa belle-famille. Certes Helaena n'était plus là, et puis il avait ses serviteurs dans son château, mais celui-ci était bien plus exposé dans ces temps de guerres perpétuelles, et il ne voulait pas les laisser à ses servants. Il considérait qu'ils avaient besoin d'une véritable structure familiale pour grandir.


- Premier rang... tenez... ferme ! Centre... bloc compact ! Il siffla pour attirer l'attention des archers en retrait tandis qu'il terminait d'appuyer un fantassin en combat singulier. Cavalier à traiter à votre initiative ! Les corps tombaient les uns après les autres, la fleur de l'Orage si belle il y a quelques lunes encore, fanait dans le sang. Sabrée bataille après bataille, elle s'érodait sans qu'un ciment neuf ne vienne la maintenir droite. Un combattant à pied lui faisait face, probablement un chevalier, en témoignait son armure de plates. Se mouvoir était compliqué tant les corps s'entassaient. Les boyaux se mélangeaient à la boue et l'on marchait sur tout ça sans distinction. Après quelques passes, Enguerrand prit le dessus après une esquive et une attaque aux jambes couronnée d'une taille au chef. Au moment de tomber, le casque roula dans la terre souillée. Le visage couvert de sang était celui d'une femme. Lord Selmy se mit à genoux, dégagea quelques mèches ensanglantée du visage du combattant mort. Heleana. Ses yeux s'ouvrirent subitement, d'un bleu très pâle, et d'une voix glaçante elle dit : « Tu n'es bonne qu'à me tuer ».
Lord Enguerrand se réveilla en nage, dans sa tente, au milieu de son propre hurlement. Un jeune homme qui lui tenait lieu d'aide de camp se tenait près de lui.
- Messire vous allez bien, vous criez depuis toute à l'heure.
- Je hurle le nom de ma femme morte, c'est la marque d'un homme en bonne santé non ?  fit Enguerrand, cinglant. Il attrapa la lettre que tenait le jeune homme et qu'il n'osait lui tendre. Le Général la lut, un rapport d'unités. Cela parlait d'attaques de villages, d'orageois retrouvés pendus et d'orageoises éventrées. Un regard noir et une moue mauvaise se dessinèrent sur son visage.
- Des nouvelles graves mon Général ?
- Non, mais des têtes vont rouler.