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 [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]

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MessageSujet: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyVen 9 Aoû - 3:13

Way down we go  Les jours alourdissaient le poids de la couronne et j’étais bien incapable d’écouter les mots pleins de sagesses de ma mère, alors qu’allaient et venaient à mon esprit, des pensées que même l’immonde tord boyau fer né ne pouvait noyer. Cette impression de manquer d’air au fur et à mesure que les jours passaient, nous rapprochant potentiellement de l’asphyxie finale, lorsque l’empire et ces soi disant royaumes allaient fondre vers nos terres. Si seule ma rage pouvait les anéantir, alors leur anéantissement serait certain et si je ne pouvais  que fantasmer sur leur fin, pour l’heure j’avais foi en ce Royaume que Yoren et moi murmurions de bâtir. Notre Royaume.

Helena, ton image reflète bien plus celle d’une guerrière fer-née que celle d’une pieuse riveraine et le soutien de la foi …

D’un soupire las, je coupai court à ses leçons, père était dans les geôles de l’empire et si j’avais préféré écouté ses sermons, ceux de ma mère ne me soulageaient pas pour autant. Le fait était que tous mes valeureux conseillers ne m’avaient rien appris, leurs peurs étaient les miennes, leurs espoirs étaient les miens, leur mises en gardes étaient les miennes et leurs solutions faisaient aussi parti des nombreuses discussions que j’avais eu avec Yoren. Il était certain que si ma mère s’appliquait à me répéter ce que je devais savoir, c’est qu’elle me trouva certainement, particulièrement stupide à cet instant. Pourtant, je me levai de mon siège avec l’assurance que l’on me connaissait avant de faire quelques pas vers elle pour m’accroupir au niveau de son regard.

« Mère … »

De cette voix qui couvrait un millier de lame acérée.

« Savez-vous ce qu’il adviendra si nous perdons cette cité ?  Pensez-vous que, je pourrais ouvrir des bourses à la gorge le premier soldat qui se fera une joie de pouvoir gouter une reine, armée de  ma dévotion  ? Pensez-vous que lorsqu’ils nous couperont la tête le grand Septon se présentera comme la volonté des sept pour nous accorder sa sainte providence ?    »

Je détournai le regard un instant, sentant la bile au bord des lèvres,  ravalant mes attaques envers  celle qui était aujourd’hui ma plus proche conseillère, pour finir par souffler entre mes dents.

« Nous mourrons si nous perdons, le Conflans tel que nous l’avons connu mourra si nous perdons et il se peut bien que la foi et le grand Septon n’y changent rien ! Mais si je peux ôter chacune des vies qui tentent de prendre la mienne, je ne m’en priverai pas ! »
.

Je finis par me redresser, suivant son regard qui d’un coup s’était laissé enveloppé d’une certaine amertume avant de lui tourner le dos et de claquer la porte, coupant court à notre réunion matinale. Je soufflai doucement, mon dos reposant contre la porte close, profitant un peu de ce silence salvateur jusqu’il soit déchiré par le grincement d’une porte au bout du long et vide corridor.

Je m’avançai un peu, curieuse, avant de suivre la silhouette qui se faufilait déjà à l’extérieur des appartements.

« Prince Beron ? »


Le jeune Beron Hoare était pour moi un mystère et bien que sa mignonne petite bouille et ses idées utopiques puissent me faire tendre vers la niaiserie, je n’arrivais pas à m’ôter de la tête qu’il était bien plus que ce qu’il voulait s’appliquer à montrer.  

Je le toisai lentement, l’inspectant sur le départ avant de pousser lentement la porte derrière lui à peine entrouverte.

« Vous nous quittez ? »

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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyVen 9 Aoû - 20:56

Way down we go  
Tout était prêt depuis une semaine et j'étais sur des charbons ardents. Plus la date prévue pour notre départ avançait plus j'avais du mal à dormir. Banot m'avait été d'un grand soutien pour organiser notre départ et pour me conforter dans mes choix. J'étais inutile à Pierremoutier, tenu à l'écart des choix décisifs, jamais consulté alors qu'il s'agissait de l'avenir de deux peuples dont j'étais issu. Mon jeune âge, argument avancé dès que je manifestais une volonté de participer à soutenir nos troupes, à leur parler, me semblait une excuse difficilement justifiable quand tant de Fer-nés prenaient par au combat dès leur plus jeune âge, quand même certains Princes au même âge se voyaient attribuer des responsabilités au sein des armées de leur royaume.

Tout me poussait à rallier le Bief, même si je n'étais pas pleinement assuré d'y trouver soutien. Je l'espérais, me souvenant de ma tante quand elle était Commandante de la Flotte de Fer, ni plus ni moins. Nous nous entendions bien et je l'admirais autant qu'elle semblait m'accorder son affection, à sa manière. C'était une fer-née qui ne s’accommodait pas de rester enfermée entre quatre murs, et nous nous comprenions sur ce point. Jamais je n'aurait pu l'imaginer dans un palais et au sein d'une cour aussi raffinée et percluse de préceptes religieux comme l'était celle du Bief. Rien de son destin récent n'était cohérent avec le personnage, même sa soumission aux exigences d'Harren quant à son union avec le Bief. Ce la ne cadrait pas, j'étais perplexe. Un fer-né décide toujours de son destin. Me souvenant du caractère explosif et autoritaire de ma tante, de son amour de la mer, et des grands espaces, je ne comprenais pas son mariage. Il lui aurait suffi de reprendre la mer, de se faufiler entre les mailles du filet. Harren avait bien assez de choses à gérer à cette époque sans courir après sa fille pour la contraindre à une telle union.

Je ne comprenais pas où était passé le sang fer-né de ma tante et comment elle avait pu oublier ainsi sa place véritable, sur le pont d'un navire, parmi les siens. Comment elle pouvait s’accommoder de sa nouvelle vie. Je m'attendais à tout en partant. Peut-être ne retrouverai-je pas la même Eren que celle qui avait ponctué mon enfance de récits aventureux et risqués. Mais je devais partir. Tenu à distance par Yoren, mon oncle et Myria, ma mère, je n'avais guère comme interlocuteurs que Banot et Heda de temps à autre. Je lui avais dit au revoir à ma façon la veille et rien ne me retenait désormais à Pierremoutier.

Sortant de ma chambre avec une sacoche de selle, ma cape et mon épée à la ceinture, je refermai la porte sur ce qui symbolisait à mes yeux les derniers sursauts de l'enfance. L'hiver avait conduit le Roi dans les murs du château, ma mère, Heda ainsi que moi. On ne m'avait pas demandé mon avis. Sinon j'aurais préféré demeurer dans le campement sous une tente. Cette chambre était le dernier écrin de Beron enfant et celui qui refermait l'huis sans bruit se sentait déjà un homme en son cœur. Je longeai le couloir sans bruit pour ne pas troubler le calme de cette heure matinale, silhouette furtive qui s'envolait vers son destin. Alors que j'avait franchi le seuil de la porte extérieure, une voix retentit dans mon dos. Familière mais pas proche. Celle de la Reine. Je fermai les yeux de contrariété avant de me retourner vers elle. Elle se tenait sur le pas, le visage pâle et assombri, jeune, comme mon oncle. Dix ans  nous séparaient. Elle avait tout, je n'avais rien. Mais jamais je ne pourrai patienter dix ans.

Je me tournai lentement. Pas d'animosité envers elle, pas d'amitié non plus. Le temps nous avait manqué. Je savais qu'elle aimait les chevaux et l'entrainement autant que moi. Ce n'était pas une de ces roses de salon qu'on expose pour décorer. Aucun Hoare n'aurait accepté une telle épouse. Mais ce n'était pas non plus une fer-née sauvage et indomptable malgré tous ses efforts pour en donner l'apparence. Belle, pleine de charme, intelligente sans doute. Mais ce n'était pas l'épouse qu'un fer-né se serait choisi, pas celle que j'aurais moi-même pu aimer.

- Votre Grâce, je pars en chasse matines, car le gibier n'attend pas. Souhaitez-vous que je vous rapporte une petite hermine des neiges pour en faire un col ?
Dis-je en m'inclinant aimablement.


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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyLun 12 Aoû - 0:14

Way down we go  Je ne pus m’empêcher de pincer une légère moue, lorsque le jeune prince s’adressa à moi avec les égards qui m’étaient du. Peut-être parce qu’il me surprenait par sa maturité, peut-être parce qu’à sa place, je n’en aurais pas été capable. Comme j’eus été incapable de voir en Myria autre chose qu’une vipère lors de son absolution par Yoren. J’étais née femme, je savais d’expérience l’amertume que pouvait provoquer une existence sans réel pouvoir, ou seule la volonté des autres s’appliquaient, quand la nôtre ne se retrouvait qu’écraser par le poids des conséquences de leurs actes. Lui semblait s’en accommoder, ou du moins le supporter ; alors que moi à sa place, je l’aurais hais de fait !

Sa réponse finit par m’arracher un léger rire, qui s’intensifia un peu plus les secondes qui suivirent, parce que sa proposition semblait innocente, alors que l’air que je respirais depuis mon couronnement n’était que chargé en tension.

«Un col …  »

Je marquai une pause, reprenant un peu mon sérieux tout en laissant toutefois apparaitre un léger sourire sur mon visage.

« Je vous remercie de votre attention, prince. Seulement ce n’est pas d’un col dont je rêve et puis … » je laissai le silence prendre un peu place, hésitant à continuer avant de lui souffler « ce n’est pas l’idée de retrouver le gibier, qui vous hâte à ce point  ».
Pour cause, il n’était point outillé à la chasse, vêtue de sa cape et son épée à la taille.

Mon regard le toisa lentement à nouveau, avant qu’il ne finisse par s’attarder sur le visage du jeune garçon, de celui qui aurait pu être mon roi et je me fis la réflexion que si le destin avait joué ses cartes autrement, j’aurais sans aucun doute pliée le genou devant lui. Parce que j’étais une Bracken, éternellement loyale au Royaume. Je reculai de quelques pas avant de soupirer légèrement, de lassitude.

« Je ne vous ferais pas l’affront de vous demander ce à quoi vous vous apprêtez. Bien que cela me brule les lèvres, il apparait que ce soit assez important pour vous, que vous puissiez vous appliquer à me le cacher ».

Le ton calme de ma voix, n’était ni froid, ni sévère, il ne faisait que refléter mes intentions à l’égard de Beron Hoare. Il avait connu des rois mais je n’étais pas un roi et j’avais espoir qu’en plantant les bonnes graines au bon moment, elles finiraient par nous porter une récolte salvatrice. Parce qu’un Royaume divisé était un Royaume en déclin et que le nôtre avait déjà assez décliné.

« J’ignore pour quelles raisons ils sont si appliqués à vous sous-estimer, sachez juste que cela n’a jamais été mon cas.  »

L’on pouvait prêter à ces mots le sens voulu, pourvu qu’ils soient correctement compris.


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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyLun 12 Aoû - 22:19

Way down we go  
Elle était belle, indéniablement, et je comprenais ce qui avait pu faire pencher l'envie du Roi de son côté quand il avait choisi son alliance par épousailles. Trois femmes, dans le jeu de Cyvosse de mon oncle. On aurait pu ajouter Eren, d'une autre manière. Mais il avait bel et bien trois femmes dévouées corps et âme à son service. Je me demandais depuis des mois comment la Bracken vivait cette concurrence, l'une venue de la jeunesse du Roi, Heda Volmark, qui l'aimait d'un amour sans espoir mais avec dévotion et loyauté, l'autre d'un coup de dé du hasard, Myria Hoare, ma mère que j'aimais autant que je la haïssais au point d'avoir voulu en mourir et qui avait su user de ses charmes pour sauver sa vie et la mienne, dans la foulée. Une grâce accordée qui avait suscité l'étonnement de tous, même des rares partisans de la née Frey. Il pouvait choisir l'une des trois, la loyale amie de toujours, sa seconde sur le pont d'un navire, sa conseillère, issue de son peuple, une fer-née. Cela aurait été un signal fort pour tous les insulaires. Il pouvait choisir la veuve de son frère, une riveraine qu'il venait de gracier, certainement en grande partie parce qu'elle avait obéi à Harren en sacrifiant son traître d'époux. Mais le message aurait été mauvais car elle portait comme moi le sceau de la traîtrise perpétrée par mon père. Aucun des deux peuples n'aurait accepté cette union de gré et de cœur. Mais il aurait choisi l'amour interdit et cela, je l'aurais compris.

Il ne choisit aucune des deux mais prit une reine vierge au dessus de tout soupçon. Une riveraine, un passeport pour rallier les riverains à sa cause mais un très mauvais message pour les fer-nés. Qu'était Helena Hoare, sinon une vierge sacrifiée sur l'autel du pouvoir ? Certes elle était belle et cela avait sans doute fini par plaire à Yoren. Mais il condamnait une innocente à lui servir de bouclier. Une vision qui n'avait rien de glorieux à mes yeux. Avait-il le choix cependant ? S'il voulait un héritier au dessus de tout soupçon, non il n'avait pas d'autre choix, si tel était son ambition. Et cela prouvait à mes yeux une seule chose: il n'avait jamais eu l'intention de n'être qu'un Roi de transition entre Harren et moi, ou même Harren et Eren. Il voulait établir sa dynastie sans quoi il aurait fait le choix que j'aurais fait à sa place: rester célibataire et consacrer sa vie à lutter pour le Sel et le Roc, pour le Conflans. Il le pouvait, ou du moins repousser l'échéance.

Il me coûtait de le reconnaître, mais tout bon souverain qu'il ait cru être, avisé, réformateur, courageux et audacieux, mon oncle Yoren était surtout ambitieux, comme son père. Comme mon père. Le pouvoir, le pouvoir et le peuple après, bien après. Dans ses plans il n'avait jamais eu l'intention de m'inclure, si ce n'est pour utiliser les idées que je lui glissai à l'oreille lors du seul entretient qu'il daigna m'accorder. Cela n'était pas si grave qu'il ait utilisé mes idées pour ses réformes car elles avaient redonné de l’espoir aux deux peuples qui étaient miens. Ce qui l'était c'était cet enfermement sournois dans lequel nous étions en train de tomber à Pierremoutier. Aucun secours du Bief à l'horizon, des espoirs vagues du côté de l'ouest où ma mère tentait d'arracher une alliance, avec quelle crédibilité d'ailleurs ? On pouvait se poser la question de la cohérence d'une telle confiance si d'aventure Castral Roc la lui accordait. Une traîtresse partie négocier sa survie auprès du Tully, une traîtresse à son époux qu'elle avait fait condamner en oubliant qu'il était le père de ses cinq enfants, son Prince, une traîtresse à ses enfants qu'elle avait éparpillés sous prétexte de les protéger et à qui elle refusait même d'avouer leur filiation. Combien d'hommes avait-elle prétendu aimer et servir ? Combien de peuples disait-elle défendre ? Qu'est ce qui faisait vibrer Myria Hoare ? Elle ! Simplement: Elle. Sa gloire, sa puissance, sa richesse, sa survie ... Cela n'était pas condamnable, ni bien, ni mal. C'était humain. Je pouvais le comprendre. Mais quelle crédibilité pouvait avoir l’intrigante aux yeux de potentiels alliés ?

Oh, je pouvais la comprendre ! Je le pouvais parce que je tremblais de trouille à chaque respiration que je prenais, jour après jour. Je savais que ma vie ne tenait qu'à un fil et je jetais toujours un regard derrière mon épaule, à chaque pas. La nuit, je crevais de trouille en me disant que je ne me réveillerai peut-être pas si je m'endormais. Un gosse qui n'atteindrait peut-être pas ses treize ans et qui pourrait passer son temps à se demander par qui, comment et quand sa mort viendrait. Alors je pouvais comprendre l'envie de vivre de ma mère. Celle de chacun d'entre nous. Quand j'y pensais, j'en pleurais de rage. Moi non plus je ne voulais pas mourir mais pour autant ? Vivre quelle vie ? Oui quelle vie ? Si je ne pouvais même plus contempler mon reflet dans un ruisseau sans avoir envie de cracher dans l'eau ? La devise de ma famille étai "Brûle de t'élever" et ironiquement, je la trouvais tellement vraie et vérifiée. Mais elle ne serait pas la mienne. Moi je brûlais d'autre chose. Ce feu embrasait tout mon corps, tout mon esprit. Toute vie n'est pas bonne à vivre et à infliger aux autres.

Je choisirais ma vie ou je choisirai la mort. Il ne s'agissait pas de bravoure, ni de violence, ni de guerre. J'étais prêt à bien des compromis pour la vision qui m'animait mais à aucun pour sauver ma simple vie. Parce que ma vie, sans cette vision n'avait aucune valeur à mes yeux. Si je renonçais à cette vision alors qui lui donnerait vie ? Qui se lèverait pour cette multitude que je brûlais d'élever hors de la fange où mes semblables s'appliquaient depuis des siècles à les maintenir, écrasant d'un talon dédaigneux ceux qui tentaient de se hisser hors du fossé. J'avais espéré que mon oncle Yoren partagerait cette vision, car sa naissance pouvait l'y prédisposer mieux que quiconque. J'avais caressé le rêve que nous forgions cet avenir ensemble, lui m'apprenant à devenir un guerrier, un homme, moi le servant et préparant l'avenir de nos peuple et sa succession. Mais il m'était rapidement apparu qu'il ne ferait que pérenniser une royauté du nom et rejetterait celle du mérite. Qu'il ne faisait que se servir de tous et non les servir tous. S'il avait été animé un jour d'une flamme semblable à la mienne, elle s'était éteinte dévorée par une ambition personnelle qui n'était pas mienne. Qu'il m'eut accordé la vie sauve, fait de moi son héritier présomptif n'y changeait rien.

Je portais, dans un certain sens, cette grâce comme un fardeau qui me liait à mon oncle, que, par ailleurs j'admirais sincèrement pour ses faits d'armes et sa volonté face à l'adversité. Une part de moi aurait préféré rejoindre Harren et Joren dans les limbes de la mort, oublié de tout, certes, car je n'avais rien fait pour marquer la postérité, contrairement à mes père et grand-père, mais j'aurais enfin connu la paix, le néant, simple dommage collatéral, victime d'une guerre comme tant de nos sujets sacrifiés dans les affres de la folie. La mort semblait ne pas vouloir de moi pour le moment, et Banot se plaisait à me répéter que la Vie avait des projets pour moi et que c'était un signe à ne pas ignorer. Les mois passés à Pierrmoutier lui avaient donné raison, et si j'avais voulu mourir pour apaiser les tensions entre Fer-nés et Riverains à l'issue de la cérémonie nuptiale des souverains, je ne le désirais plus à présent.

Voir mon peuple lutter au quotidien pour maintenir un semblant de royaume sur une terre qui n'était pas la sienne, loin de nos Îles, voir le Conflans résister à l'adversité d'une situation aussi tragique, occupé par des insulaires aux moeurs violentes, divisé par les désertions et l'allégeance d'une partie du Conflans à l'Empire, une situation qui écartelait des familles, dressaient l'un contre l'autre des frères, des amis, des pères et des fils, tout cela m'avait appris que le nom importait peu, que seul comptait la façon dont on vivait et ce pourquoi on mourrait. Héritier présomptif ! Deux mots accolés qui étaient vides de sens pour moi. Héritier ? Oui, mais de quoi ? Des erreurs et de la mégalomanie de mes aînés ? Je n'avais que faire de cet héritage. Présomptif ? Quel mot suspect ! De quelle présomption était-il question ? De mon innocence ? Je l'avais perdue depuis longtemps déjà ? De ma légitimité par filiation, subordonnée à la naissance la survie d'un bébé, un cousin ? Je devrais espérer qu'il ne vienne jamais au monde ou meurt afin de ne pas le trouver sur le chemin de mon couronnement ? Et encore même sans cela, je devais guetter la mort de mon oncle, la souhaiter, pour espérer régner après lui ? Et Eren dans tout cela ? Quelle place accorder à son courage, son implication dans la construction de notre Royaume ? Devrais-je espérer que tous soient dans l'incapacité de régner pour des raisons diverses, pour avoir accès au droit de servir mon peuple ? Car c'était tout ce que je désirais, tout ce que je demandais.

La tâche n'était-elle pas tellement colossale que nous aurions bien besoin de nous souder autour de ce but au lieu de nous défier, de nous diviser, de nous maintenir à distance ? Ma mère m'avait sauvé de la noyade lors du mariage royal. J'avais mieux comme raison de mourir que de devenir un cadavre charrié par la Nera en espérant devenir un appel à une unité que ne viendrait pas par un gosse qui se sacrifie en appelant à l'union. J'avais mis du temps à l'accepter, j'en avais voulu à ma mère de m'avoir repêché. Mais maintenant, je me disais que si je devais lui rendre grâce pour un de ces gestes c'était bien pour celui-là. Un geste sans doute dicté par le seul amour maternel. Le dernier de ce genre très certainement, puisqu'elle avait tenté de m'étrangler aussi promptement et m'avait renié plutôt que d'admettre ses errances. J'avais espéré que nous travaillerions tous, Yoren Myria, Heda, Eren, Helena et moi  à relever le Royaume des Fleuves et du Crépuscule. Qu'en était-il actuellement ? Des jeux de pouvoir, des ambitions individuelles, des attentismes, de la défiance. Un jeu d'alliances et dupes qui ne visait qu'à asseoir des pouvoirs personnels. J'étais consterné par ce constat. Mon seul espoir actuellement était de tenter de rallier le Bief, de convaincre ma Tante de m'accorder sa confiance pour que nous bâtissions ensemble, sans exclure personne dans l'équation, un nouveau royaume basé sur une synergie entre les îles de Fer et le Conflans, si complémentaires à mes yeux.


Chacun des territoires avait ce qui manquait à l'autre. Un royaume situé au centre d'un continent, cerné par des frontières  terrestres, carrefour commercial .Un peuple de fermiers défendu par des chevaliers avait besoin de la protection d'une flotte pour se prémunir de la convoitise de ses voisins. De l'autre côté, un peuple affamé, sans terre arable, mais ayant une tradition navale et guerrière inégalée. Harren avait été visionnaire en voyant la complémentarité de ces deux territoires, et en voulant n'en faire qu'un seul royaume, mais il avait oublié une chose: des êtres humains vivaient sur chacun d'eux. Se défiant par essence. Au lieu de les dresser les uns contre les autres comme il avait dressés ses enfants les uns contre les autres, il fallait les amener à se comprendre, se rapprocher, faire chacun un pas pu deux vers l'autre. Sans rien renier des spécificités de chacun. Aucun souverain de ce royaume hétéroclite n'avait jamais compris ce paradoxe. On ne bâtit pas une maison sur des fondations qui travaillent l'une contre l'autre. Les premières réformes militaires de Yoren montraient qu'il avait compris cette impérieuse nécessité. Mais il avait perdu de vue cette vérité en campant sur ses positions sur des points cruciaux. Forcer les Fer-nés à rester à Pierrmoutier pour défendre le Conflans alors qu'ils n'aspiraient qu'à fouler le pont d'un navire était une hérésie. Forcer les Conflanais à se battre pour défendre une garnison essentiellement fer-née en était une autre.

Le salut résidait dans une déclinaison des rôles de chacun, clairement définie, en aucun cas, cette espèce de galimatias de fausse connivence. Helena pourrait jouer un rôle déterminant dans cette nouvelle donne, j'en pris conscience alors qu'elle se trouvait devant moi, sur mon passage vers le défi qui m'attendait. Pour l'heure, elle n'était ni gouvernante du Conflans, ni Reine du sel et du roc mais une simple marionnette qu'on brandissait pour crier " regardez ils sont mariés, alors les riverains et les fer-nés doivent s'aimer et mourir ou triompher ensemble !" Pour quoi, pour quelles finalités, pour quel résultat ? Qui pouvait se vanter de le savoir alors que l'Empire se préparait à nous assaillir et qu'aucuns des soldats ne savaient pourquoi ils devaient se battre hormis pour essayer de sauver leur peau. Un fer-né avait besoin de plus que cela pour tenir un mur de boucliers, trancher des gorges. Un conflanais avait besoin de plus que cela pour charger à cheval ou planter sa lance de fantassin dans le cœur d'un ennemi. Qui leur avait dit pour qui ils se battaient ? Quand avais-je entendu des harangues dans ce sens ? Jamais. J'avais beau me creuser les méninges, je n'avais assisté à aucun discours du Roi et de la Reine. Tout n'était que tractations souterraines mais le peuple ne nourrissait pas sa détermination et ses espoirs de traités secrets. Yoren avait promulgué des réformes louables pour le peuple, mais quand l'avais-je entendu et vu l'en informer ? Quand lui avait-il donné en public l'occasion de l'acclamer pour ces décisions bienvenues ? Ou était la transparence qui préside quand on demande la confiance du peuple ? Mais peut-être que Yoren n'en avait cure et se bornait-il a faire ses réformes dans l'ombre parce qu'il répugnait à se mêler encore à ce peuple dont il était issu. A son inverse, j'étais né dans la soie et j'avais eu un pot de chambre princier où poser mes fesses roses, mais je ne craignais pas de côtoyer ceux sans qui je ne serais rien.

Je m'étais perdu dans mes pensées invoquées par les propos étranges de cette femme qui me faisait face. Une longue réflexion intérieure que je garderai pour moi s'en était suivie. Il en était toujours ainsi, les propos des autres me donnaient toujours à réfléchir et jamais je ne les muselais, contrairement à certains régnants ou mégalomanes.

- Ohh et de quoi rêvez-vous votre Grâce ? Un manteau peut-être, serait plus approprié, étant donné la saison. Je ferai de mon mieux mais je ne vous promets rien. La dernière fois que nous avons ramené assez de peaux pour faire des manteaux, j'étais avec mon oncle Yoren, votre époux. Si je ne me trompe, il avait évoqué avec moi la possibilité de me fiancer à une Lannister. Je crois qu'il a oublié l'idée en route, tant son neveu est une préoccupation très anecdotique à ses yeux.

Je rajustai ma besace sur mon épaule.

- En vérité, peut-être que ce qui me hâte si tôt n'est guère avouable, ma Reine. Mais vous comprendrez qu'à défaut d'une fiancée digne de ce nom, mes humeurs adolescentes aillent trouver ailleurs ce que mon rang ne m'accorde pas ?

Je m’avançai lentement tout en promenant mes yeux du plafond aux dalles avant de finalement fixer mon regard sur le sien, à quelques centimètres à peine.

- Ne me faites pas l'offense en effet, votre Grace. Mais vous vous méprenez. Que pourrait donc projeter un gamin d'à peine treize ans qui puisse avoir quelconque intérêt à vos yeux ?

Je me radoucis un peu en constatant que le ton de ma Reine n'avait rien de cassant.

- Vous ne devriez pas errer dans les couloirs, ma Dame, et si légèrement vêtue par ces températures encore hivernales. Vous risquez de prendre froid. Le vent du Nord souffle aujourd'hui. Cela va me compliquer la tâche car effacer les traces du gibier.

Mon petit jeu de rôle du Prince innocent se mit en pause. Les derniers propos de la Reine avaient presque un parfum de sédition. Un rictus narquois étira mes lèvres tandis que mon cœur se serrait à ses paroles. Ainsi, même elle nouvellement arrivée dans mon environnement, avait perçu que je n'étais pas ce qu'on s'efforçait de colporter. Je ne sus si je devais m'en réjouir ou en pleurer. Est-ce que tout le monde savait à Pierrmoutier , y compris ceux qui avaient le pouvoir entre leurs mains?  S’ingéniaient-ils délibérément à me faire passer pour un morveux afin de me discréditer aux yeux du peuple ? Ce qui était certain c'est que je n'avais pas à disposition les mêmes caisses que mon oncle pour faire valoir mes idées et ma compétence.

- Ohh vous savez, je suis un fils de traîtres, et je n'ai pas de seins ni de con à faire valoir pour m'en défendre. Je crois que tout est là ! C'est une raison suffisante pour qu'ils me sous -estiment. En outre, si j'avais cinq ans de plus, il est à gager que je n'en aurais pas besoin pour être estimé à ma juste valeur. Mais ce n'est rien votre Grâce, les poils poussent aux couilles des garçons et leur vît s'affermit après la puberté, au même titre que les seins viennent aux filles et également leurs menstrues. Plus que cinq ans à attendre pour que je sois considéré à ma juste valeur votre Grâce. Ahhh, c'est dommage, d'ici là nous serons sans doute tous morts, avouez que c'est regrettable. Votre Grâce, si je puis me permettre un conseil, évitez de tenir des propos favorables à mon égard en public, cela pourrait vous desservir.


Je fronçai les sourcils. Je l'avais toisée avec attention quand elle m'avait fait face.

- Mais vous, même, Majesté, vous sembliez contrariée quand je vous vis au fond du couloir. Quelqu'un vous importunerait-il ?



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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyLun 19 Aoû - 3:39

Way down we go  Il n’y avait nul doute que derrière ces grands yeux, cette voix à peine muée et  cette discrétion imposée, se cachait un prince Hoare.  De son ton prévenant, je pouvais extraire le mépris qu’il me vouait parce que de toutes les préoccupations que je pouvais avoir, celle de pouvoir couvrir mes épaules d’un manteau semblait celle qui me sciait le mieux. Je retins une mimique ennuyée, les bonnes grâces de mon éducation semblant prendre le pas sur cette urgence que j’avais de vouloir clore ses lèvres. Il m’irritait, autant qu’on  être irrité par la présence d’un prince déchu qui ne s’accommodait point de son rang et par conséquent, point du votre. J’aurais voulu être stupide, au point de me conférer le droit de marquer sa joue d’une  gifle sèche. Qui, pensait-il être ?! Qu’avait-il fait ? Pour seulement se donner le droit de porter à ma vue cet ego démesuré qu’il affichait fièrement.

Je déglutis, laissant le coin de mes lèvres se parer d’un sourire amer.

«Et quelle est votre valeur alors ? »

Parce que de Prince il n’avait que le titre et que de l’homme, il n’avait ni la sagesse ni l’expérience … seulement il avait cet orgueil qui avait rongé bien des hommes. Ce monstre qui grandissait dans leur tête, qui s’abreuvait de leur raison jusqu’à ce que leur supériorité devant les hommes et les dieux ne deviennent la seule vérité qu’ils soient capable d’entendre. Je les enviais, parfois, d’avoir ce droit de clamer la clarté de leur esprit, la sagesse de leur décision et la bravoure de leur bataille au-dessus de tout autre. Cependant, lui. N’avait rien de tout cela. Il n’avait que lui et la frustration de ne pouvoir être plus.

« Joren Hoare, votre père, a choisi de tourner le dos à son roi, alors que nous posions déjà genou à terre. Je serais bien mal avisée de porter sur vous un quelconque jugement, bien que cela soit aisé. Votre père était le traitre, non vous. Pourtant, vous n’avez de cesse de vous en servir comme bouclier à votre vacuité.»

Les notes incisives de mes mots avaient laissé place à un regard bien plus sérieux que celui qui lui avait été présenté plus tôt. Et cette tension que je retenais à son encontre, appuyais de plus en plus sur ce flegme, que ma fonction de souveraine m’imposait bien douloureusement. Le désir de lui recracher au visage sa suffisance heurta mes lèvres, jusqu’à ce que ma maigre volonté d’y résister ne finisse par céder, me laissant alors maugréer.

« Comme tout homme lésé par le destin vous vous complaisez à geindre, vous n’avez rien de moins ou de plus qu’eux, vous devenez juste aussi insignifiant. C’est décevant, même pour vous. »

Ma langue passa furtivement sur mes lèvres, comme si elle essuyait les traces de mon manque de diplomatie. Tout cela était bien plus difficile que ce que j’avais pu imaginer, l’adversité était parfois bien plus facile à  reconnaitre que la bonne fortune et le fait était que je ne savais que faire de Beron Hoare. Certaine de son utilité mais indisposée à quelconque ambition de sa part. Si seulement il n'avait été qu’un enfant écrasé par le poids de son monde, cela aurait été  bien plus facile. Seulement il semblait être déterminé à faire entendre sa voix, puisque devant sa reine il n’avait daigné baisser le regard, ni adoucir ses mots. Alors me voilà qui devait être attentive à celui qui aurait pu être roi, en plus de tous les tourments qui se fracassaient sur cette armure de plomb que j’avais pris gout à porter.

« Contrariée vous dites ?  »

Finissais-je par ajouter, désabusée.
Je bouillais de l’intérieur, frustrée de ne pouvoir aller plus loin que les murs de Pirremoutier. Désemparée de ne pouvoir profiter des précieux conseils des deux chefs de notre famille. Enragée de voir la division que les traitres de Tully avaient permise au sein du Royaume. Et la colère qui m’envahissait à chaque fois que la peur tentait de gagner du terrain, n’avait de mesure que la menace qui tanguait au-dessus de nos têtes.  Je n’étais pas contrariée, j’étais au bord de l’explosion.

« Vous l’avez dit, nous serons peut-être mort d’ici peu, alors il n’y aura ni de roi, ni de peuple à gouverner. Ce qui est en soit, bien assez contrariant comme ça.  »

Lui soufflai-je sous le ton du sarcasme. La réalité de notre situation ne m’échappait pas, pas plus que la fin prochaine du sursis que l’hiver nous avait accordé.

« Nous mourrons peut être, Prince. Ou peut-être nous réjouirons nous de leur ruine, peut être aurons-nous le privilège de voir ceux qui nous ont spolié souffrir de nos armes. »

Le sarcasme s’était fait éphémère, sans doute parce que la fatigue m’assaillait et que de toutes les façons, je n’étais plus d’humeur à jouer, ni même à provoquer.

 « Je n’ai nullement l’intention de mourir, ni de laisser mourir notre peuple. Devant les usurpateurs qui se sont appropriés ce qui était notre, devant ceux qui ont massacré et divisé notre peuple, devant ceux qui ont pensé que le feu leur donnait le pouvoir des dieux … nous sommes le dernier rempart. J’ai bien plus peur du néant que de la mort, Prince. J’ai bien plus peur de la disparition de monde, que de la mienne. »  

Je soufflai d'inconfort avant de chercher le regard du jeune garçon qui me faisait face.

" Votre défiance est telle, que vous nous pensez suicidaires, ou pire. Inconscients ? "


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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyMar 20 Aoû - 0:51

Way down we go  

L'adversité était le lot de tous les hommes et de toutes les femmes. De la plus humble origine à la plus élevée. Encore que je n'adhérai point à cette échelle archaïque à mes yeux. Je devais louer mon grand père que j'abhorrai pour sa cruauté de m'avoir préparé durant deux années intensives à ces aléas. Quand d'autres princes étaient laissés à leure rêveries et à leurs talents naturels pour le dessin, la musique ou les arts, avant de se voir propulsés à des postes à responsabilité, moi, j'avais enduré une instruction sévère tant de mes parents, que de mon illustre aïeul lorsque je lui avais été envoyé. Etudes de notre Histoire, des traités sur la guerre rédigés par d'illustres Mestres de Villevieille ou encore entraînements martiaux sans ménagement auprès des ses maîtres d'armes d'Harrenhall, tout ce que pouvait endurer un garçon de dix ans et plus encore. Nul autre que ma mère n'avait enduré à ce point la proximité du pouvoir, ses points forts et ses faiblesses. Et cela, on me le niait, sur le simple fait que j'allais juste sur mes treize ans. Alors que dans le même temps, les rumeurs disaient que Walton Stark, deuxième fils du Roi du Nord était déjà Gouverneur après avoir eu sans doute, l'occasion de faire ses preuves, occasion qu'on ne m'avait pas accordée. Et voilà qu'une jeune Reine, n'ayant jamais levé l'épée contre aucun ennemi venait me faire la leçon.

Je me retins de croiser les bras, signe de détermination sans doute mais surtout, Banot me l'avait appris, signe de fermeture, de repli sur soi, face à un interlocuteur. J'étais beaucoup de choses, mais je ne serais jamais un être, qui, pétri de ses certitudes, refuse d'écouter d'autres voix, même s'il ne les suivra finalement pas.

- Ma valeur par l'épée n'a que peu d'importance en soi. Je suis le Prince du Sel et du Roc, je suis fils d'une riveraine. Je suis ce gamin qui combattit à Eysines avec peu de gloire, je le concède, mais je n'avais guère eu le temps de devenir un guerrier vous en conviendrez.

Je contournai la jeune Reine pour me placer derrière elle et lui murmurai à l'oreille:

- Et vous-même ? Narrez-moi vos exploits éclatants à douze ans ! J'ai fort hâte d'apprendre de vous, Votre Grâce ! Et dites-moi donc, quelle est votre vision pour notre Royaume, car je gage que vous rêviez d'autre chose que d'une pelisse pour vous réchauffer. Aurais-je touché un point sensible par mes mots ?

Je souriais, non pas de contentement à la voir ainsi s'énerver, mais d'un constat face à un discours trop éculé et daté que sa jolie bouche répétait comme une leçon trop bien apprise.

- Ne vous méprenez pas à mon sujet. Je ne suis ni mon père, ni mon grand-père, ni ma mère. Je ne suis que moi, un jeune homme en devenir qui porte le titre de Prince du Sel et du Roc. L'ai-je choisi ? Non. L'ai-je voulu ? Non. Mais ce n'est pas à vous que je vais apprendre les obligations qu'un titre fait peser sur nos épaules. N'est-ce pas ? Je peux toutefois choisir de quelle façon j'honore ce titre. Suivre le cours du fleuve est aisé. Le remonter à contre courant est un autre défi. Mais pouvez-vous seulement l'entendre alors que vous m'objectez des paroles que j'ai entendues cent fois d'autres bouches. Je me moque comme d'une guigne de l'image que vous ou ma famille vous faites de moi. Est-ce assez clair ?

Je la contournai encore et vint me placer face à elle pour la fixer dans les yeux, sans ambages.

- Hmm réfléchissons, comment un Prince de treize ans à peine, confiné à Pierremoutier, sans aucune mission à accomplir confiée par ses aînés pourrait-il se sortir de la fameuse "vacuité" dont vous parlez ? Avez-vous une suggestion, vous qui êtes mon aînée et avez sans doute traversé une pareille situation à treize ans ? Je suis avide d'apprendre de votre expérience votre Grâce! Enseignez-moi ce que vous aviez accompli au même âge, je vous prie ! Poursuivis-je en m'inclinant dans une respectueuse révérence.

Je l'écoutais déblatérer sur mon compte, ressassant avec simplement des mots plus raffinés les jugements que j'avais essuyés des fer-nés, des riverains, de mon oncle et de ma mère. A la différence près qu'Helena avait sans doute plus d'éducation et d'enseignement que les guerriers qui me jugeaient et plus d'impartialité que ma mère. Quant à Yoren, elle s'en faisait son écho non filtré évidemment. Tout ce qu'elle me disait, il devait le penser, sans pouvoir me le dire de peur de m'effrayer. Mais je l'avais deviné depuis longtemps par ma mise à l'écart de toute convocation du Conseil. Cela avait fait suite à notre unique discussion durant laquelle j'avais eu deux torts. Le premier étant d'exposer naïvement mes idées pour aider Pierremoutier et le Royaume, le second de trop bien combattre les loups malgré ma jeunesse. Depuis ... silence de mort. J'étais ignoré de mon oncle comme de son cercle restreint parce qu'il se défiait de mes idées dérangeantes mais pourtant s'en était largement inspiré par la suite. Il avait fait son choix entre m'associer à leur mise en pratique ou se les approprier en m'écartant.

- Votre Royal époux aurait-il omis de vous rapporter toutes les propositions que je lui fis lors de notre unique conversation ? Aurait-il également tu ma volonté de participer au conseil pour m'initier à la politique du Royaume ? Vraiment, voilà qui est fâcheux, mais qu'y puis-je ? Peut-être n'a-t-il pas voulu vous offenser en mentionnant son héritier présomptif ?

Je coulai un regard sur le ventre de ma tante par alliance.

- Jamais je ne nuirai à la vie de votre enfant si le Dieu Noyé vous accordait cette félicité, ni à celle de mon oncle ou à la vôtre. Vous êtes ... la dernière famille qui me reste ici ...

Je proférai ces mots avec force et conviction sans ciller.

- Quand bien même la réciproque ne serait pas avérée.
Poursuivis-je le regard douloureux. Ma vie n'est rien, celle de notre peuple est tout !

Je marquai un temps d'arrêt, soudain oppressé par la tension à couper au couteau qui se jouait dans l'espace confiné de ce couloir, de ce pas de porte que je peinais à franchir sans fournir aucune justification. Elle n'était pas censée savoir que je m'en allais pour autre chose qu'une partie de chasse, mais si le Dieu Noyé avait voulu que nous nous confrontions dans ce sas, il devait avoir ses raisons. Elle semblait tendue, exsangue comme la corde d'un arc prête à se rompre ou à lâcher sa flèche pour se soulager. Qu'elle choisit un enfant de treize ans pour se décharger de cette tension pouvait sembler injuste et inapproprié, mais je n'étais pas qu'un enfant de treize ans. J'étais le Prince du Sel et du Roc. Et selon l'angle qu'on adoptait, j'étais aussi un presque homme de treize ans. Et de surcroît, le fils de sa rivale, le fils d'un traître, l'héritier présomptif susceptible de ravir le trône de son enfant non avenu si son époux venait à succomber. De tout cela j'étais bien conscient, trop conscient pour mon âge, aurait dit Banot.

- Vous avez tellement de raisons de me haïr, ma Reine. Ne croyez pas que je l'ignore. Pourtant vous disiez ne pas me sous-estimer ... Pour quelles raisons ? Que pensez-vous voir en moi ?

Mais l'avalanche de questions qui suivit me laissa pantois. Un lourd soupir s’exhala de ma poitrine alors que mes épaules se redressaient.

- Ce que je pense ... La défiance ? Non je ne me défie pas de vous, de Yoren, de ma famille. Le devrais-je ? Je ne fais pas de discours à nos troupes, je ne les harangue pas chaque jour, comme vous le faites avec votre époux. Je ne prends pas part aux entraînements des preux du Conflans ou des fer-nés. Pas parce que je ne l'ai pas souhaité, mais parce que jamais mon oncle ne me l'a proposé. Je ne suis qu'un pion de secours dans son jeu. Mais je vis au milieu des troupes, au milieu du peuple. Je ne suis pas dans le château, je suis dans l'Ost du Roi. Je vis au quotidien, leurs doutes, leurs craintes, leur vision de l'avenir. Votre Grâce il savent qu'ils ne verront pas l'été. Du plus vaillant chevalier de votre maison au fantassin fer-né. Ils le savent. Tous sont prêts à donner leur vie pour le Roi et la Reine, pour le Royaume.

Ma main se serra sur la garde de l'épée de mon père, en un réflexe irréfléchi. Je ressassai mes dernières semaines dans la cohue du campement au dessus du fortin. J'y passais mes journées à m'entraîner ou à écouter les ragots, les paroles des troupes. Un gamin de treize ans avait cette faculté de passer inaperçu. Yoren et Helena faisait souvent des apparitions aux entraînements, venaient rameuter les troupes par des discours exaltants. Je pensais qu'ils savaient quel état d'esprit régnait dans les rangs de l'armée. Mais que valait-il mieux ? Des souverains qui servaient un espoir illusoire à leurs troupes et des troupes qui donnaient l'illusion d'y croire à leurs souverains, ou un regard lucide sur la situation. Je secouai la tête, conscient soudain que chacun avait sans doute bercé l'autre d'illusions, d'auto persuasion dans cette funeste pantomime.

- Rien ne survivra à Pierremoutier après le passage de l'Empire. Même si des alliés inespérés venaient nous aider. L'Ouest, le Bief, que sais-je ... Qui peut faire face à Meraxès ? Mon écuyer a vu ce qu'un dragon peut faire à la plus grande forteresse de Westeros. Pensez-vous que Pierremoutier sera un obstacle ? Ce sera une bouchée, une mise en appétit avant qu'ils fondent sur les royaumes encore non fédérés. Seul un étranglement par la mer pourrait les dissuader. Mais qui tient la Flotte de Fer actuellement ? Le savez-vous seulement ?

Je baissai les yeux avant de poursuivre en constatant sa lassitude. Le pouvoir usait, mais l'impuissance tout autant. Les deux faisaient vieillir avant l'heure ceux qui les subissaient.

- Je crois que l'Empire a juré d'anéantir tout le sang Hoare. De l'éradiquer. Harren a tué deux des leurs et deux dragons. Jamais ils ne pardonneront. Torrhen Stark aurait pu. Mais jamais l'impératrice ne le pourra. Voilà ce que je crois. On peut arrêter une armée, mais on ne pourra arrêter un dragon.

Me mordant les lèvres, je relevai vers la Reine mon regard d'azur soudain assombri, et je poursuivis entre mes dents.

- A moins qu'un Hoare se sacrifie pour sauver les autres. Et encore, rien n'est certain. Le prix du sang est le prix du sang. Il en faudrait deux. Je me refuse à sacrifier un de mes frères. Et je n'ose imaginer ce qu'ELLE exigera pour la mort des deux dragons.


Les deux poings serrés je prophétisai dans un souffle.

- Nous sommes perdus si nous nous obstinons à perpétuer le Royaume d'Harren le Noir et sa vision du monde. Pensez-vous en dissuader mon oncle et ma tante ? Tout conseil venant de vous est bon à prendre pour moi.



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MessageSujet: Re: [ FB] Way Down we go [Tour VI - Terminé]   [ FB]  Way Down we go [Tour VI - Terminé] EmptyJeu 10 Oct - 23:22

Way down we go  Et je l’écoutais, alors que le son de sa voix me devenait insupportable, je m’infligeais à moi-même cette punition, de voir celui qui était prince me confronter au vide qu’avait été mon existence jusque-là. Qu’il pensait du moins, puisque même si mes exploits ne s’illustraient sur aucun champs de batailles, même si mon nom n’ornait aucun livre et que mon aura n’arrivait à briller qu’à l’intérieur des frontières beaucoup trop contraignantes de ce royaume ; j’étais devenu reine, reine de ce roi uniquement parce que jamais je n’avais accepté de me rendre à un autre jugement que le mien. Pourtant, je n’arrivais pas à contenir ma colère envers lui alors que venait s’ajouter à celle-ci un sentiment de mépris que ne faisait que grandir à mesure que ses mots résonnaient. Je le méprisais pour la suffisance dont il faisait preuve, je le méprisais parce qu’il était né homme et prince et qu’il se plaignait de ne rien pouvoir en faire. Lui dont l’essence avait été magnifiée au cours des années, dans l’unique et seul but de le voir un jour régné, osait me confronté sur ce que j’avais accompli, ou non. Avait-il oublié que je n’étais pas née prince, que si lui avait gouté au pouvoir de ce monde et s’en languissait, moi je n’avais été jusque-là qu’en bataille contre celui-ci.
Lui qui se faisait plus insignifiant qu’il était vraiment et qui cachait son importance et tous les avantages qui avaient fait de lui autre chose qu’un petit garçon craintif, derrière un âge dénué de raison. Quand le courage, la témérité, l’audace et la férocité lui avaient été offerts de droit, moi j’avais eu à les découvrir tout en craignant le courroux de ceux qui ne me pensaient pas à ma place !

Comment pouvait-il oser ?! Alors qu’il avait tout eu.

Je me maudissais de ne pouvoir faire preuve de violence à son égard, parce que malgré toute l’application qu’il mettait à me faire croire qu’il n’était qu’un garçon de treize ayant perdu toute légitimité. Je savais qu’il serait toujours plus que moi, que cela soit justifié, ou non.
Alors je l’écoutais, laissant mes envies violentes traverser mon esprit et rajouter à ma frustration, déjà bien présente. Je fermais les lèvres, sachant qu’aucune sagesse ne pouvait en sortir et le laissa se défendre de mes précédentes attaques, jusqu’à ce qu’elles cessent pour laisser place à des mots bien plus graves.

« Alors que nous reste t’il prince ? »

Lui demandai-je, alors que la tension qui m’habitait se faisait ressentir aussi bien sur le ton de ma voix que sur la posture que j’adoptais.
Puisqu’à l’écouter nous n’avions et n’aurions jamais aucune chance devant la puissance de trois dragons et que le royaume et le monde que nous avions construit, celui dans lequel j’étais née était selon lui, perdu. Seulement, contrairement à ce qu’il pouvait pensé il n’était plus question du royaume d’Harren le Noir, mais des Fleuves et du Crépuscules. Et si je pensais qu’il n’était plus question de victoire mais de survie, lui me parlait de bâtir un nouveau monde, sur le corps agonisant de celui que nous nous efforcions de sauver.  

 « Qu’avez-vous à l’esprit ? »

Je finis par conclure, n’ayant pas besoin d’éprouver une quelconque sympathie à son égard pour reconnaitre l’articulation bien mature de sa pensée.



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