Il bénéficie depuis son arrivée d’un logement de très bonne facture. La Principauté a fait le nécessaire pour que les proches du Tigre soient bien reçus. A l’image d’Aggelos Praderion, Nassio dispose de ces quelques avantages octroyés à tous ceux qui bénéficient d’un titre leur permettant de revendiquer leur légitimité à Dorne en tant que membre du corps diplomatique, politique et économique valyrien. Sa présence en pleine ville ombreuse implique évidemment au vu de son parcours une vigilance particulière pour sa propre sécurité.

Un émissaire de dame Qorgyle se présente dans la matinée pour demander une nouvelle entrevue. Nassio est relativement surpris par cette prise de contact. Elle intervient assez vite depuis leur dernière discussion qui s’est terminée abruptement. Que doit-il en penser ? Il est relativement fâcheux…pour lui d’essuyer des revers successifs. Son attention est par ailleurs tournée vers la mission qu’il doit accomplir au profit du Tigre. Alors pourquoi perdre son temps avec elle alors qu’il n’avait pas mieux que les rares arguments convenables qu’il avait pu trouver ? Lord Demestris considère qu’elle ne souhaite pas prendre le risque de côtoyer quelqu’un dont le souverain peut quitter Dorne. Sûrement pour ses propres intérêts.

Sa venue est annoncée par le serviteur. Nassio vient à sa rencontre près de l’entrée et incline légèrement la tête du haut vers le bas. « Dame Qorgyle. » Rien de bien extravagant mais efficace pour se présenter avec respect. Il remarque qu’elle continue de faire soigneusement attention à son apparence. Le regard demeurant de marbre, il l’invite à la suivre dans ses appartements en ouvrant sa main dans la direction souhaitée. La porte se referme derrière elle et les deux serviteurs. « En quoi puis-je vous aider ? » Demestris écarte quelques parchemins qui traînent sur cette petite table ronde. Il invite la dornienne à s’installer sur un fauteuil pour lui faire face depuis sa position. La pièce baigne dans la lumière du jour grâce à une ouverture donnant sur l’extérieur. Il ne fait pas table rase du passé et revient sur leur dernière discussion. « Ne soyez pas surprise. J’ai été mandaté ici à Dorne. Je ne suis pas présent pour m’adapter à vous et respecter vos règles du jeu. Même si je les avais respecté d’ailleurs…je doute de l’issue car vous doutiez de mes arguments. Alors, j’ai du mal à comprendre la raison de votre venue. Venez-vous ici pour me narguer ? »

Demestris affiche une petite moue en écoutant son argumentation. Les sourcils froncés, il tente en même temps de savoir où elle veut en venir.  « Vous ne m’avez pas froissé. » La réponse est claire et directe. Ses avant-bras prennent appui contre la table tandis que ses mains se tiennent et ses doigts sont entrelacés. La discussion bascule brusquement sur Essos, la guerre, la manière dont j’ai tenté de m’attirer ses faveurs. Conservant cet air soupçonneux, il répond à la suite de ses mots. « Je ne comprends pas bien ce que vous souhaitez de ma part. J’ai cru comprendre que vous vous posiez des questions sur la pérennité de la présence de sa majesté le Diadoque à Dorne. Alors, quelle que soit la méthode employée, pourquoi persévérer ?  » Un autre homme ‘comme cela’ lui avait selon ses mots causé du tort. Sans entrer dans des explications plus concrètes au sujet de ses mésaventures avec cet homme, Nassio conserve sa position et sa réserve. « Votre peur est légitime. Le monde est effrayant. C’est une évidence et cet homme dont vous faîtes référence n’est pas un cas isolé. N’ayez pas peur pour votre cher et tendre Arman, je n’ai aucune intention de nuire à sa vie. Mais, j'ai cru comprendre qu'il n'était pas votre cher et tendre.»

Le regard de l’étranger vient se poser sur les serviteurs. Son regard explicite invite ces hommes à sortir de ses appartements. Nassio ne les lâche pas du regard jusqu’à ce qu’ils aient bien franchi le palier de la porte.  «Je vais aussi faire preuve d’honnêteté à votre égard. Je pense que vous êtes bien plus complexe que ce que vous prétendez être. » Il avait déjà fait mention de ses soupçons à son égard. « Cet homme qui vous a blessé…je sens que vous ne l’avez jamais oublié. » L’ancien soldat marque une pause et fixe la dornienne. Il fait preuve de plus de retenue que la dernière fois. Il n’avouera pas que c’est pour cette raison qu’elle est venue voir Nassio. Ce dernier doute cependant et veut confirmer son intuition. « Approchez-vous. Si vous vous en sentez capable. » lui lance t’il sobrement. Le silence se fait un peu plus pesant dans la pièce. Les serviteurs sont à l’extérieur. Immobile, il l’observe fixement dans sa manière de se confronter au danger.  « Je pense que Arman doit être bien mieux informé que moi sur vos…habitudes. Mais, c’est pourtant vers moi que vous vous tournez après tout ce que j’ai pu dire. Comment vous l’expliquez-vous ? Que voulez-vous de moi ? C’est le moment de le dire…personne n’est en mesure de nous écouter.» Il l'invite à une introspection dérangeante mais cette fois-ci elle ne peut lui reprocher de la menacer.

Des paramètres…Nassio sourit de manière fugace. La Principauté résiste tant bien que mal à une situation extrêmement compliquée. Quels seront ses paramètres dans six mois ? un an ? Il est bien peu affûté pour émettre des hypothèses la concernant et se satisfera de ses aveux concernant ses interrogations. Il écoute ensuite le plaidoyer de la dornienne concernant son sauveur. Sa curiosité le taraude. Demestrs peine à croire que Arman ne soit pas parvenu dans ces conditions à obtenir sa main. Il avait fait le nécessaire en se montrant protecteur et précepteur. Alors, le subordonné du Tigre s’interroge. Quels paramètres manquent-ils à cet homme ? La question lui brûle les lèvres mais il se retient. Hathor s’approche lentement en réponse à son invitation. Il sent aussitôt une présence sur ses épaules, une présence à laquelle il ne s’attendait pas. En inclinant la tête sur le côté, il observe sa main et ses doigts parcourir son épaule. Demestris reste immobile. « On ne choisit pas toujours ce que l’on veut être. La vie choisit pour nous. Vous savez que si nous nous étions rencontrés dans un autre contexte…je ne vous aurai pas laissé une chance. » Hathor ne peut pas l’ignorer. Sans entrer dans les détails de son passé, il est cohérent qu’un homme proche de l’état-major du Diadoque ait prouvé sa valeur dans la violence. L’arrivée triomphale à Lancehélion, dont la première image demeure ces cohortes en armures étincelantes sous le soleil de Dorne, est un indice clair.

« Dois-je en conclure que l’action vous attire davantage que les manigances et la flatterie ? ou est-ce qu’il y a d’autres…paramètres ? » Comme son statut auprès de la Banque de Fer qui peut représenter un intérêt certain pour une femme d’affaires. Elle est un peu moins en mesure de se douter du reste, de tout le reste. «Votre fils aura besoin de savoir se battre. » Il l’annonce comme une évidence. « J’ai combattu dans l’arène à Meereen…je peux lui apprendre des choses pour survivre. »  Peut-être vient-il de remplir un de ces paramètres. Il ne pense pas à la différence de culture, à l’art du combat en Westeros. Ses méthodes pourraient être considérées comme peu orthodoxes. Se battre pour survivre et espérer regagner sa liberté. C’était tout ce qui comptait à l’époque. « Ce petit homme aura besoin d’un père aussi. » Nassio marque une pause tandis qu’il profite du contact des mains de la dornienne sur ses épaules. « Tout comme vous avez besoin d’un époux pour ne pas tout supporter seule. »

« L’homme n’a pas vocation à tendre vers l’équilibre. Un jour ou l’autre, c’est sa vraie nature qui ressurgit.» L’homme qu’elle recherche pourrait éventuellement exister. Certains hommes sont dotés de nombreuses qualités et leur polyvalence doit être un réel atout pour le royaume vers lequel leur allégeance est portée. Nassio voit cependant l’homme comme une créature qui n’a pas vocation à rechercher l’équilibre. Il n’est qu’un prédateur pour sa propre espèce. Les émotions, les intérêts personnels, le contexte peuvent l’amener à un excès de violence ou de manipulations. Il en sait quelque chose. De par ce qu’il est ou ce qu’il a pu voir. Des hommes baignant dans les intrigues ont aussi leurs démons et ne respirent pas forcément « l’équilibre ».

Hathor lui avoue prendre son temps pour choisir de la manière la plus adéquate comment pallier au manque d’une figure masculine au sein de sa maisonnée. C’est une réaction prévisible et compréhensible mais Nassio n’émet aucun commentaire. Quelque part, il lui est insupportable l’idée d’être choisi. C’est presque avilissant et les hommes qui ont baroudé comme lui préfèrent garder la tête haute. Alors, lorsqu’elle lui annonce vouloir en savoir plus sur sa vie, l’Essossien se referme au vu de sa gestuelle et de son attitude. «  Ma vie a débuté de l’autre côté du Détroit. Pour le reste, je n’ai rien à raconter. » Sa voix grave et tranchante le caractérise bien. Ses muscles se raidissent et ses sourcils se froncent. Il commence à être indisposé mais se retient de piquer une vive colère. A chaque fois qu’elle est sur sa route, il s’agit juste d’une question de temps avant que l’agacement vienne obstruer ses méninges.

Contrairement à la dernière fois, il ne se livrera pas à une démonstration arrogante pour montrer ce qu’il est et ce qu’il souhaite. Lors de leur dernière entrevue, la promenade a été suffisamment explicite. Ses mains demeurent fermées l’une contre l’autre. « Ne prétendez pas que vous pouvez choisir allègrement entre moi ou un autre.  »  Il serait dommage qu’il s’énerve maintenant. Nassio se trouve dans ses appartements alors…c’est le mobilier qu’on a bien voulu lui mettre à disposition. « Je crois qu’il est temps pour vous de vous retirer. » Si l’atmosphère devient électrique, il se pourrait même que les serviteurs qui traînent dans le couloir finissent par sortir de ce bâtiment les pieds devants. Heureusement que sa mission prévaut et l’empêche de se laisser aller à un quelconque massacre.