You're wrong when it's right,
It's black and it's white

And all I gave you is gone
Tumbled like it was stone
Thought we built a dynasty that heaven couldn't shake
Thought we built a dynasty like nothing ever made
Thought we built a dynasty forever couldn't break up

Les jours passent et avec eux, le conflit qui s'aggrave. Chaque minute de plus les sépare d'une fin heureuse, et elle ne fait rien pour l'empêcher. Les discussions qu'elle a eu avec quelques membres de la cour ont fini de la convaincre : elle ne peut pas empêcher le ciel de s'écrouler. Un jour il lui tombera sur la tête et ce jour-là alors, elle s'en préoccupera. Pourtant décidée à rester une déception sur tous les plans, Jeyne ne se contente pas de se morfondre dans son coin mais au contraire, multiplie les incartades. Elle n'assiste plus aux réunions du conseil et n'a donné aucune raison officielle. Sans doute que l'on accuse sa grossesse presque à terme, mais la jeune femme est loin d'être alitée. Au contraire, le temps qu'elle n'accorde pas à la politique, elle l'accorde à son fils. Une bonne chose en apparence, si seulement la reine ne s'amusait pas à disparaitre durant des heures avec l'héritier au trône.

Mais l'héritier au trône, c'est avant tout son fils.

Et sur ce point, elle ne cède rien. C'est justement de la chambre du nourrisson qu'elle s'évade désormais, à une heure trop tardive, trop enceinte, trop seule et indifférente à tous les reproches qu'on pourrait lui faire. Jeyne est fatiguée, mentalement, physiquement. Elle fait exactement ce qui lui plait. Jusqu'à poser les yeux sur le roi - ou autrement dit, celui qui est censé être l'amour de sa vie - qui s'avance vers elle. Avant, les effusions incontrôlées de leur amour embarrassaient tout le Roc par leur spontanéité unique. Aujourd'hui, c'est leurs tempêtes qui embarrassent le Roc. Leurs foudres et leurs cœurs brisés. Je peux savoir ce que tu fais là, qu'il lui dit.

- Je me le demande aussi.

Puisque visiblement, sa voix n'est entendue ni quand elle conseille gentiment, ni quand elle propose, ni quand elle hurle. Alors que fait-elle ici, si ce n'est pondre docilement des héritiers au Roc ? Ses yeux se dardent sur lui et le voient à peine. La colère monte vite dans le sang froid de la nordienne, et se trouve être tout aussi glaciale que ses terres d'origine. Jeyne ne s'arrête pas, continue de marcher. À lui de la suivre, ou d'adresser ses demandes au mur le plus proche.

- Je ne négocie pas la paix, je réponds à une proposition de mon père pour éviter un massacre terrible de tes hommes.

Ce qui revient à négocier la paix, bien qu'elle ne soit pas certaine que ce soit pour cette raison qu'on ait demandé sa présence à Pierremoutiers. En vérité, elle n'est sûre de rien. Se contente d'avancer dans le brouillard et d'espérer une issue heureuse à tout ça, tout en sachant que c'est impossible.

- Ma lettre au Grand Septon n'a que pour but de l'informer de ma décision, ainsi on ne pourra nous accuser de dissimuler nos plans à nos alliés.

Son ton est pour le moment parfaitement monotone, sans qu'une syllabe ne dépasse de l'autre. Et cela change très vite alors qu'elle s'arrête dans sa course pour confronter le regard du Lannister.

- En vérité, je ne t'ai pas demandé ton avis, Lyman. J'irai là-bas. Et si tu souhaites m'en empêcher, je te conseille de m'enfermer dans une pièce et de ne jamais me laisser en sortir.

Et puis elle reprend sa marche dans ce couloir qui semble interminable. Elle marche et entend son cœur se fissurer un peu plus à chaque pas, fragilisé par les ondes sonores que sa colère projette sur tous les murs. Fragilisé par ses mots à lui, et les siens, et toute la haine qui se tapissent dessous et lui confirment qu'ils ne sont plus qu'à un pas de l'implosion.

You're wrong when it's right,
It's black and it's white

And all I gave you is gone
Tumbled like it was stone
Thought we built a dynasty that heaven couldn't shake
Thought we built a dynasty like nothing ever made
Thought we built a dynasty forever couldn't break up

La façon dont il lui parle, la suit, la toise. La façon dont elle lui répond, le fuit, le provoque. Tout lui rappelle deux bêtes sauvages, coincées dans une arène trop petite. Un lion, une louve, incompatibles par nature. Elle déteste ça. Elle n'aurait jamais pu l'imaginer ni même le cauchemarder. Et pourtant, ils en sont là. Entre condescendance et insolence.

- Non, je n'y ai absolument pas pensé. Je suis d'une stupidité sans borne, tu devrais le savoir.

Qu'elle répond, appuyant sur les syllabes de chacun des mots qu'elle prononce. Une ironie quasiment palpable. La vérité étant qu'elle y a pensé. Elle a simplement choisi de l'ignorer, comme tant d'autres choses. Et la colère est une excellente manière de dissimuler d'autres pensées plus sombres, de rester à la surface plutôt que d'évoquer ce qui pourrait les tuer.

- Tes alliés t'accusent sans cesse de faire des choses sans leur en parler, Lyman. J'ai simplement décidé qu'il serait préférable de les mettre au courant, cette fois.  

Puisque c'est bien ce qu'elle compte faire, elle ne laisse aucun doute, aucune possibilité de discuter. Il a pourtant le pouvoir de l'arrêter, la cloitrer dans une chambre qui deviendrait sa cellule pour l'éternité. Et sans doute que personne ne viendrait jamais la chercher. L'idée ne fait que lui traverser la tête, puisqu'elle l'en pense incapable. Elle pense incapable son cher, tendre, doux poète de faire une chose pareille. Celui-là même qui lui assure qu'il pourrait le faire pour qu'ils puissent discuter. Celui-là même qu'elle reconnait encore dans ses intonations et son chagrin discret. Elle se tait, sait à quoi il pense. Ça lui donne envie de sourire, ce qu'elle ne parvient pas à faire.

Et il finit par l'arrêter. De son corps et de ses mots. Jeyne se stoppe net dans sa course, comme heurtée contre un mur. Avec quel pouvoir ? Quels moyens ?

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je devrais vous perdre ? Pourquoi est-ce que vouloir la paix serait un crime si difficile à pardonner ?

Elle aussi, elle hurle. Ce qu'elle fait rarement, grande experte de la colère froide. Mais c'est lui, qui lui fait ça. Il brise son cœur comme personne n'a jamais su le faire. Elle s'avance jusqu'à ce qu'ils ne puissent rien faire si ce n'est respirer le même air en boucle, s'étouffer l'un dans l'autre.

- Qu'est-ce que tu crois que je voudrais négocier que tu ne validerais pas ? Je ne fais rien sans toi. Je ne suis rien sans toi.

Les mots sont toujours prononcés avec haine mais tapissés d'un attachement si fort qu'il la tue. D'un chagrin si froid qu'il parvient à la frigorifier.

- Si je vais là-bas, c'est pour toi. C'est pour nos enfants. Pour qu'ils aient un avenir. Et je n'accepterais jamais rien qui puisse te nuire. Il n'a en fait, jamais été question d'accepter quoi que ce sans ton accord.

Elle hésite, un temps. Et décide de jeter l'éponge.

- Parce que je t'aime.

Jeyne bat légèrement en retraite, fait un pas en arrière, lui laisse l'espace dont elle le privait et panse ses plaies dans l'ombre. Esclave. Esclave d'un amour qui n'a plus de sens. Qui n'aurait pas dû naître. Qui l'enchaîne.

- Et que je suis censée être ta foutue reine. Je ne fais rien sans toi, mais tu prends toutes tes décisions sans moi.

Ce qui la blesse un peu plus à chaque fois. Ridiculement romantique, le mariage a toujours été à ses yeux la promesse qu'ils avanceraient ensemble. Et depuis des lunes, elle le regarde avancer alors qu'elle reste au même point. Et il est si loin désormais.

- Alors si tu m'empêches d'aller là-bas...

Les menaces, maintenant. Sa voix tremble quand elle se rend compte de ce qu'elle est en train de faire, alors que la colère réchauffe toujours ses cordes vocales. Les mots ondulent dans l'air, secoués par une vague de chaleur.

- Si tu m'empêches d'aller là-bas, ce sera la fin.

Et le plus terrifiant dans tout ça, c'est qu'elle n'est même pas sûre de quoi.