Mon reflet fait peine à voir tandis que je me contemple sans un mot dans le miroir de la chambre que l'on m'avait alloué en tant que courtisan au Palais Vieux. Mes cheveux châtains aux élans mielleux sont crasseux et croutés de sang ne m'appartenant pas. Quant à mon visage, il est d'une saleté sans équivalent entre liquide vermeil ayant durci faute d'avoir été purgé et terre rendue boueuse par cette même d'ébauche d'hémoglobine qui avait inondée sans retenue le sol sableux de la capitale. Lancéhelion venait d'être frappé en son cœur cette nuit par une armada de pillards des mers arborant l'odieux blason de la redoutable et détestable maison Hoare du Conflans et des Iles de Fer. Il semblerait que ce soit le batard du Noir qui ait été à la manœuvre. A croire que ce chien de pirate avait une passion sans borne pour la Principauté. Fort heureusement, nos princes avait su réagir à temps et avec célérité sans que cette réaction énergique n'ait pu suffire à sauver l'arsenal ainsi que la partie du port qui avait été dévorée par les flammes. Des cris et des mouvements de course effrénées se font entendre dans tout le siège du pouvoir de la Principauté encore soumis à la panique des évènements pourtant la bataille est bel et bien achevée. Et, j'étais bien placé pour en témoigner pour avoir suivi les princes Anders, Roward et Baratheon à la bataille lorsque nous avions quitté le camp situé aux portes de la ville dans une précipitation décousue. 

On m'informe que je dois malheureusement libérer les lieux afin que l'on y porte un blessé de marque pair du royaume comme moi ayant été sérieusement touché par une hache insulaire. Aussi, je quitte les lieux sans avoir pu me décrasser ni retirer mon armure encore souillée de sueur et de sang. Je me revois piétiner plusieurs fer nés bien trop téméraires du haut de mon cheval de guerre avant d'encaisser une flèche ayant ricoché sur mon casque à nasal. J'étais littéralement épuisé mais soulagé que nous ayons pu épargner à la majeure partie de la cité un sort similaire à celui tragique de notre arsenal. La flotte en cours de construction de la Principauté était en partie détruite ce qui constituait une déception certaine que je tempérais intérieurement en raison de la protection de la majorité des habitants de la cité ombreuse. J'ai besoin de m'aérer tant j'étouffe dans cette armure de plates s'étant rendue inestimable au cours de cette nuit de cauchemar. Une part de moi est frustrée de ne point avoir pu abattre plus de fer nés mais une autre n'aspire qu'à se jeter dans un lit après avoir pris un long bain bouillant. Je croise nombre de serviteurs paniqués ainsi que de gardes du palais aux visages crispés. Arrêtant une servante, je prends une coupe de vin de celles qu'elle transporte habilement sur un plateau et si l'expression défaite de son visage me cause le moindre remord quant à la personne à qui ce vin était destinée je n'en montre rien. Le vin corsé me fait le plus grand bien alors que j'atteins finalement les jardins du palais. 

Constatant que les premiers rayons du soleil transpercent les derniers vestiges de cette nuit fatidique, je ne remarque que tardivement la présence d'une hôte de marque dans ces lieux apaisés en comparaison au reste du Vieux Palais. Une observation plus poussée me permet de me rendre compte qu'il s'agit de la princesse Arianne Martell. Surpris de la croiser ici, je tente de ne pas la déranger et me contente d'inspirer à grande goulée l'air frais de ce début de journée. Ce qui me provoque un sentiment de paix absolument effarant alors que les cris de la bataille semblent encore résonner dans mes oreilles. Estimant que je ne pouvais décemment point me présenter devant une princesse de sang princier dans un état pareil, je tente de faire le moins de bruit possible avant d'aller m'appuyer contre un arbre tout proche. Hélas, de ma botte gauche j'ai la maladresse de piétiner une branche de bois friable que ne masque point le chant matinal des oiseaux du cru. La princesse se rendant compte de ma présence se tourne vers moi et je m'incline avec déférence non sans ressentir une certaine douleur dans l'une de mes jambes en raison du poids de l'armure. "Mes excuses votre altesse, je ne souhaitais point vous déranger à pareille heure. C'est une bien triste aurore ne trouvez vous point ?"

Il semblerait que la sombre et douloureuse léthargie s'emparant naturellement des êtres suite aux drames les frappant m'ait désarmée de mes réflexes les plus élémentaires. En effet, mes sens semblaient s'être émoussés à l'issue de ce bain de sang incongru aussi terrible que grandiose. A force d'avoir joué de la portée de ma lance de cavalerie, du tranchant de mon sabre et même de la pointe de ma dague et ce parfois simultanément mes muscles et mes nerfs avaient cédé à l'abandon placide d'une langueur détestable. Car, si ma carcasse souillée aussi bien que meurtrie fort heureusement de manière uniquement superficielle avait optée pour la retraite la plus totale devant l'ampleur de l'épuisement mon esprit quant à lui restait plus alerte que jamais comme si ce dernier n'avait pas encore assimilé la conclusion de cette mélopée guerrière. Ce fut donc engoncé dans ce profond paradoxe que je me révélais malgré moi à la vue dérangée par mes maladresses de ma princesse suzeraine. Du moins à celle de sa cadette illégitime de naissance mais dont la fraternité positive avec les siens avait permis de voir gommer le péché inique d'être venue au monde de la mauvaise matrice. 

Pour ma part et cela au regard de mon histoire personnelle je n'avais guère un jugement implacable sur la question de l'illégitimité en dépit de ma piété réelle. Certains rejetons de ces unions douloureuses s'avéraient bien plus dignes de louanges vertueuses que bien des sang bleu de vieille race atteints des tares les plus orgueilleuses. Je ne nierais point avoir fut un temps teinté de jeunesse insouciante et d'un sens fol de la passion avoir éprouvé envers elle des élans tapageurs. Mais quel noble courtisan aurait l'audace de me reprocher pareille piquante inclinaison ? Car, la moitié des practices et des membres de lignées illustres ayant un jour croisé le chemin d'Arianne alors Sand confessaient avoir été happé par son charme entêtant. En tant que simple mortel fait de chair et de sang, je n'avais point fait abstraction à la règle. Seulement, si je suis porté sur la luxure et les tendances de satyre libidineux une certaine mesure enrobée de noblesse de cœur avait fait du cabotin que j'étais un chevalier d'amour aussi fidèle que dévoué. Ellayna pouvait en témoigner de son vivant et Jasmyne à présent. Je ne regrettai en rien d'avoir su enfouir cette admiration dans la forteresse grisonnante de mon âme car cela permettait le maintien d'un respect mutuel nécessaire à la loyauté d'un vassal envers une membre de la maison à laquelle il devait allégeance. 

La princesse eut semble t'il du mal à mettre ou à remettre un nom sur le spectre ensanglanté émergeant au détour d'un buisson épineux car icelle plissa avec application afin de me reconnaitre. "En effet votre altesse. Je crains fort de n'avoir pu me rendre plus présentable à vos yeux mais le palais est terriblement retourné. Je comptais fuir cette agitation le temps qu'elle se calme." Suite à sa proposition plaisamment élégante de la rejoindre afin de partager sa compagnie, je plaçai une main sur mon torse et m'inclinai de nouveau. "Vous me voyez flatté de ce compliment altesse. Je ne rechignerais point à me désaltérer. Ce corset de fer est tellement étouffant. Quant aux Dieux, il semblerait que ces derniers m'aient eu en pitié au cours de ce carnage. Mon heure n'est à priori pas encore arrivée." Puis, je pris le parti de m'installer à son coté avec le maximum de délicatesse et d'élégance que me le permirent aussi bien mon corps ankylosé que mon harnois débraillé. 

Un soupir d'aise fusa hors de mes lippes gercées alors que je savourai la caresse abrupte du banc de pierre aussi lisse que la peau de la jeune femme. "Vous n'êtes en rien inutile dame Arianne. Tout le monde ne saurait être guerrier. Nous défendons notre patrie chacun à la manière dont les Dieux l'ont décidés. A moi, la violence salissante du sabre et à vous la subtilité agile de la plume. Disons que nous nous complétons du mieux que nous le pouvons. Et puis, vous allez réconforter un preux chevalier de la Principauté de votre lumineuse présence. Je m'estime bien chanceux..." 

-"Certes votre altesse et c'est avec un orgueil patriote que je l'arbore en cette bien sombre nuit. Il n'y a à mes yeux pas de plus honneur que de défendre sa patrie lorsqu'elle est menacée." Et je pensais absolument chacun des mots que je venais de prononcer. J'étais un guerrier né qui n'avait eu de cesse depuis que l'on lui avait placé une arme de bois dans les mains de prouver qu'il était le meilleur sabreur de toute la Principauté. Des rêves insouciants de gosse insolent que tout cela ! Etre le meilleur n'était que relatif et d'une futilité sans nom qui plus est. La guerre n'avait rien d'un concours. Il s'agissait d'une affaire sombre, sale, impitoyable au sein de laquelle le brave périssait avec autant d'aisance que le couard et ou le sang et la merde avaient des remugles de paradis tout simplement parce que les sentir vous rappelait que vous étiez en vie. Si, j'eus pu esquisser un sourire cocasse suite à la proposition princière je n'en fis rien et remisais au placard mes élans courtisans car j'étais par trop hagard et éreinté pour m'adonner à ce genre de jeu. "Cela serait un honneur indicible que de voir ma princesse s'occuper de cela. Un honneur que bien des braves tombés au champ d'honneur se seraient disputés. D'aucuns affirmeraient que votre beauté est la seule chose susceptible de couper le souffle dame Arianne. Mais trêve de babillage. Toutes mes excuses altesse. Allez y." Et lorsqu'elle s'attela à exécuter la besogne salvatrice, je me souvins d'une époque ou à l'instar de toute la population masculine de Dorne je ne fus guère insensible à ses charmes ravageurs. Or, ce fut un autre visage qui s'imprima devant mes yeux alors que je saisissais sa gourde avec une reconnaissance non feinte. Celui de ma dulcinée mon amante de cœur et amour passionné. Jasmyne la princesse des dunes marchande émérite et fille du peuple... Son minois gracieux apparut devant mes yeux et je me figurai que j'eus ressenti le besoin impérieux de me perdre en elle après une nuit aussi sanglante. La mort et le sexe étant intimement liées cela n'eut rien d'étonnant. Mais ma douce était terriblement loin et seul son souvenir me réchauffait suite à un tel carnage. "Je partage entièrement votre avis sur la question altesse. La neutralité nous aurait épargné bien des tragédies et des humiliations. Qu'avions nous à nous mêler des affaires du nord du continent ? Nous devions venger nos ainés princiers et du Noir et son batard de fils pour leur audace sans borne mais rien de plus. Frapper le Sel et le Roc au plus bas eut été une revanche suffisante. Hélas, votre sœur n'a jamais été très réceptive à mes conseils en la matière." Ma suzeraine possédait ce trait de caractère propre aux Martell qu'était l'entêtement cependant je jugeais plus probable que des dirigeants étrangers plus expérimentés qu'elle avaient usés de leur miel empoisonné pour profiter de son idéalisme. Résultat... Dorne ruinée, humilié, attaquée de toute part sans allié pour la défendre. Un constat implacable. Les Lions pouvaient bien passer pour pleutres ou roublards eux au moins pouvaient se targuer d'un royaume prospère et paisible pour le moment. "Ne vous excusez en rien altesse. Et votre confession me touche profondément. Ne surestimez point les effets de l'enfer sur moi. Je suis un vétéran chevronné. Bien entendu l'habitude n'en rend pas les affres plus doucereuses pour autant cependant je suis en vie et c'est bien là le principal. Nombreux ne peuvent hélas en dire autant." Je croisais le regard de la jeune femme avant de reprendre d'une voix douce. "Vous avez cette force de caractère en vous altesse car vous êtes une Martell à part entière quoi qu'en dise votre ascendance. Vous en avez bel et bien le désir ne serait ce qu'inconscient car vous venez d'affirmer vouloir devenir meilleur dans cet exercice. Vous allez certainement devoir vous forcer au début mais cela deviendra naturel. Parfois la vie nous impose des choix plus qu'elle ne nous les offre. Faites vous confiance altesse..."