Mon épée fend l'air avec la grâce fluide d'un serpent des sables se courbant afin de bondir sur une malheureuse et infortunée victime trop négligente pour se méfier de cet amas de poussière ocre. Cependant, contrairement à un véritable aspic du désert qui ne laisserait pas la moindre chance à sa victime la trajectoire de mon sabre n'occasionne pas de profonde et mortelle morsure dans les chairs de mon adversaire de fortune qui pare le coup d'estoc avec une vivacité des plus délectables pour le professeur que je suis. En effet, l'opposant de ma vipère n'est autre que le jeune Desmond Montbrun mon écuyer quelque peu plus âgé que d'ordinaire et ce pour la simple et bonne raison que son ancien chevalier avait trépassé face à la rébellion Allyrion. J'avais accepté de bon cœur de récupérer le jeune homme suite à une demande de son seigneurial pater et ce au vu de nos excellentes relations. Relations qui ne devaient que se renforcer dans la positivité au regard de notre appartenance à la cause impériale d'orient.

Le sourire du jeune homme âgé de quatorze ans me rappelle mes propres enfants se trouvant à Spectremont et l'espace d'un fugace instant mon cœur se serre dans ma poitrine face à la perspective de ne pas les avoir revu depuis quelques semaines. Bien sur, ce n'était qu'une broutille car mon domaine ne se trouvait qu'à quelques jours de cheval de la capitale cependant le coeur avait ses raisons que la raison ignore. Si une part de moi même n'aspirait qu'à rentrer dans mes pénates pour profiter de la chaleur des miens et éduquer mes petits afin de faire d'eux de dignes membres de la maison Toland aussi ancienne que vénérable en dépit de la faiblesse de nos effectifs militaires, une autre pétrie d'ambition et de grandeur ne pouvait légitimement se résoudre à quitter le centre du pouvoir plus de quelques jours. Car, les choses allaient tellement vites au cours de cette époque troublée et l'information étant le nerf de la guerre. Un rival plus dévoué ne pouvait que vous damner le pion si vous vous laissiez aller au sentimentalisme. Je me figurais que si je survivais à ce chaos latent j'aurais tout le temps de profiter des miens une fois Dorne reconquise et unie sous l'égide de Nyméria et des Valtigar.

Seulement, si le jeune Montbrun s'avérait hautement prometteur un sabre à la main il lui restait encore quelques leçons à assimiler comme celle de la concentration absolue durant un duel. Repartant à l'assaut, je place une série de coups puissants aussi bien que vicieux pour le pousser dans ses retranchements. L'écuyer recule sous mes assauts furieux en tentant tant bien que mal de ne pas céder de terrain. Hélas pour lui la différence d'expérience joue en plein en ma faveur et je ne le ménage en rien. Bien que le futur chevalier fasse honneur à l'enseignement de feu ser Daynard je sens qu'il est trop concentré sur la défensive pour penser à briser le cours des choses. Or, la meilleure défense étant l'attaque il aurait du tenter une esquive de buste ou de placer un coup suite à une parade. Décidant de mettre un terme à cette passe d'arme, je feinte un coup en pointe vers son épaule avant de pivoter sur moi même pour placer un coup d'estoc de l'autre coté. La discipline me permet d'arrêter ma lame à un cheveu de son visage.

Dans les yeux du garçon se disputent le dépit, la déception de sa défaite, l'admiration crasse et dévouée propre à la jeunesse ainsi que la reconnaissance pour le fait que j'ai accepté de devenir son professeur. Autant d'émotions bouillonnantes qu'il devra démêler par lui-même afin de pouvoir analyser sa défaite présente pour en tirer les meilleurs enseignements. J'applique à ce futur grand guerrier la méthode que l'on avait mis en place durant mon propre apprentissage. L'auto analyse car seulement cela pouvait créer des guerriers capables de dominer les élèves de l'école classique. Cela encourageait l'indépendance d'esprit et la créativité. Soudain, un messager de la princesse Jaenyra fait irruption dans la cour et me transmets une convocation à rencontrer cette dernière dans les jardins du palais au cours de l'après midi. Je lui souffle ma réponse avant de me diriger vers mes appartements afin de me décrasser et me préparer pour cette entrevue sulfureuse mais bienvenue.

C'est en tenue d'apparat particulièrement raffinée et luxueuse que je me présente finalement devant la fille batarde de l'empereur dragon d'outre détroit. La politique était un exercice délicat nimbé d'une pointe de subtilité qui échappait hélas malheureusement au plus grand nombre. La diplomatie n'était point uniquement réservé aux ambassadeurs. Je me vêtais avec le plus grand soin en fonction des circonstances. Si l'on me prêtait un attrait pour la cocasserie grand bien en fasse à mes détracteurs. Car cette attention accrue sur mes frusques n'était en rien liée à un quelconque penchant efféminé pour les apparences ni même à ma nature fantasque me donnant le gout de briller en société. Non, cela n'était qu'un outil comme un autre pour parvenir à mes fins. Car voyez vous il est bien plus aisé de convaincre et d'emporter une décision lorsqu'en sus d'un dialogue raisonné et raisonnable vous offriez à votre vis à vis une apparente similarité. Les hommes étant ainsi faits qu'ils ont la fâcheuse tendance à accorder confiance et amitié à ce qui leur est semblable là ou la différence n'entraine bien souvent que méfiance et défiance. Un trait bien regrettable mais o combien appréciable pour une vipère comme moi. 

Si, j'avais du aller voir un représentant du peuple je me serais présenté dans une tenue simple sans être grossière car la singerie n'attire que le mépris et se voit souvent très mal reçue. Me rendant devant l'une des trois héritières d'un empire pluri séculaire renaissant synonyme de domination et de puissance absolue, je ne pouvais que me présenter dans mes atours les plus prestigieux non pour impressionner mais pour souligner l'égalité que je souhaite représenter. Dorne a beau être soumise elle reste et restera toujours égale à elle-même jusqu'à son dernier souffle. Altière, orgueilleuse, fougueuse et libérée. Ces atours ravissants ont aussi pour vocation de rappeler nos liens. La principauté étant la seule contrée Westerosie à posséder une influence orientale en son sein. Je m'approche de la princesse Valtigar d'une démarche sereine et martiale. Celle d'un seigneur rompu à mener des hommes à la victoire ou la mort parfaitement adaptée au vu des circonstances tant l'empire Valtigar n'est qu'une immense machine militaire aussi avide qu'impitoyable. Celle d'un homme dont le calme atteint des sommets quelle que soient les circonstances. Pas le moindre signe de nervosité en dépit du rang de mon interlocutrice. 

Ayant grandi à la cour princière, je n'ai passé ma vie qu'à côtoyer ces êtres supérieurs sans jamais me laisser intimider par ce fait. Une fois devant Jaenyra de la noble et vénérable maison Valtigar. La jeune femme est d'une beauté sucrée, exotique et brulante pour ne pas dire vénéneuse. En tant que véritable Dornien, je ne puis rester insensible à une telle débauche de charme et de grâce terriblement ténébreuse hélas. Et transpirant tellement le danger que cela réfrène explicitement mon caractère charmeur. M'inclinant avec déférence mais sans la moindre dose d'obséquieté je réponds.
"Votre altesse. Tout le plaisir est mien. Et je suis honoré que vous daignez me recevoir en ce jour."  
Un sourire semblable au lever du soleil et j'oublie durant l'espace de quelques fugaces instants que cette jeune femme est la fille d'un tyran ayant fait de Dorne le marchepied de son futur totalitarisme universel. Ce type de beauté n'est pourtant pas étranger en nos terres arides cependant il y a quelque chose qui ne saurait mentir. Cette vipère ci vient bien de l'autre coté du détroit. Un endroit que je ne maitrise pas et dont je ne connais que les contours des cartes et les leçons de mes mestres. Aussi, je reste sur mes gardes. 


"Vous n'avez fait que remplir vos devoirs envers votre maison comme nous le faisons tous. Oh, je dois dire que j'aimerais pouvoir vous affirmer que j'ai obtenu ce poste en raison de mes talents mais c'est mon amitié avec la princesse Nyméria qui me l'a offert. Quant à l'assemblée, je suis un seigneur de l'est alors y siéger est mon droit. Je tacherai de vous éclairer du mieux possible votre altesse sur tout point que vous jugerez nécessaire."
Le ton enjoué avec lequel la princesse de l'est lointain me pousse à prendre place ne me trompe guère mais je m'exécute avec une docilité de bon aloi. Une fois installé en face d'elle, je plonge mon regard dans le noir de ses prunelles pour tenter d'y déceler la moindre lueur d'information. 
"Ce serait avec plaisir altesse. Cette chaleur est éprouvante et je n'ai guère pu la sustenter après mon entrainement."