Les rumeurs avaient enflé, grossit sous l’effet des imaginations, des angoisses et des espoirs. Puis d’un seul coup la bulle avait explosé, la vérité s’était violemment imposée à tous. Des fantômes étaient sortis de la Mer des Cendres, mué par des ambitions depuis longtemps oublié ; ils avaient fait résonner dans le cœur des hommes les tambours d’une époque révolue. Ce n’était pas la première fois que des spectres hagards émergeaient de ces maudites ruines, avec l’intention naïve de reformer les Possessions. Le Fléau n’avait pas réussi à faire disparaître cet orgueil qui les avait fait chuter, ils reproduisaient les mêmes erreurs complètement aveuglées par un amour-propre qui les faisaient se croire aux portes du Panthéon.
Même avec de maigres forces, des coffres rachitiques ; ils tentaient d’assujettir ces cités qui avaient goûté à l’amère liberté. Comme si ramener dans son joug tant d’hommes et femmes était aisé. Car sans la puissance des dragons, Valyria n’aurait été qu’une cité parmi une autre et ces revenants obsédés dépourvu du sein maternel de la Cité, du brasier de leurs créatures ne sont souvent rien que des images éphémères d’un âge qu’on a tôt fait de vouloir oublier.
Mais ces légions perdues n’étaient pas comme les autres alors que les Cités-Libres s’enorgueillissaient dans leurs prospérités éphémères, eux, travaillaient activement à faire revivre dans l’esprit et le cœur de leurs hommes la Grande et regrettée Valyria. La proclamation du Nouvel Empire Valyrien par le patriarche Valtigar avait sonné comme un coup de tonnerre, la prise odieuse de Pentos comme un coup de fouet adressé à toutes les anciennes prises de cet empire damné.
Alors que le rouleau-compresseur des Valtigar se frayait un chemin par-delà les baies, les détroits ; les plaines et les montagnes. La vermine qui composait les conseils de toutes ces cités s’agitait comme des insectes t’entant d’échapper à la botte indifférente d’un géant. Les rivalités et les antécédents entre toutes ces puissances étaient trop forte, bien trop ancré dans les cœurs pour qu’une coalition solide ne puisse se former. Pire, tous craignaient la grisécaille. Cette maladie insidieuse qui transformait sans égard, les misérables et les fortunés était réputé incurable. Un de ces Mal qui rôdait depuis la nuit des temps sur les deux continents.
Les Princes avides de pouvoir et de richesse la virent à toutes les époques comme une arme, le moyen parfait d’instiller l’effroi et le désespoir dans le cœur de ses ennemis sans avoir à lever les pieds. Les Valyriens qui se drapaient depuis toujours dans des principes vaguement moraux n’étaient pas l’exception à la règle.
Au contraire.
Aux abords de la cité de Qohor alors que des contingents entiers de soldats s’appliquaient à couper chaque arbre à leur portée et que des bandes pillaient et incendiaient les quelques hameaux et jardins aménagés dans la profonde forêt ; le haut-commandement décida de réitérer l’expérience.
L’on commanda à des hommes déchus, condamné à l’abominable destin de se faire répandre la Mort ; de balancer les carcasses de bétails capturées par-dessus les remparts. Pire, si les portes ne s’ouvraient pas immédiatement après, Charidème – un des mercenaires conseillant les tribuns valyriens – leur proposa de bazarder les cadavres des hommes, femmes, et des enfants qui avaient croisé le fer de l’armée en campagne…
C’est ce qu’on fit condamnant d’avance toute la vie entre ces murailles à l’ombre des grands pins. Mais le Mal n’est soumis à rien ni personne, pas même les fiers descendants de la Valyria. La peste grise est un agent du chaos, imprévisible et profondément vicieux.
La chose se retourna contre son maître.
Les portes de Qohor s’ouvrirent en grand se faisant déverser une horde hagarde, en proie à la mort. Irrigués par une haine qui semblait les maintenir en vie, ils se dirigèrent vers les camps de la légion. La nuée furieuse ravagea les ateliers des ingénieurs, saccagea les vivres et contamina l’eau avec leurs peaux de la couleur des montagnes.
« C’est votre faute… votre faute… »
La plainte lancinante, murmurée par des vies détruites par l’hubris des Valtigar enfla jusqu’à recouvrir les cris et le bruit des fers contre la pierre.