Son épouse avait changé depuis le début de la guerre, plus distante et froide les soirées complices faisaient partie d’un passé qui chaque jour semblait devenir de plus en plus lointain, remplacées par des veillées dans un silence presque religieux. Une ambiance d’enterrement interminable semblait s’être installée dans la chambre royale, le rituel du soir était devenu routine pour Lyman. Exténué le jeune roi s’affaissait dans son fauteuil de son pupitre, se servait de l’eau et consultait missives, rapports et les cartes, son instrument de musique dans un coin de la chambre était délaissé et seules les servantes le préservaient de l’envahissante et persistante poussière qui convoitait de couvrir sa surface pour en prendre le contrôle. Lyman était las, et son teint de peau devenait vitreux au fur et à mesure, il ne perdait pas ses cheveux mais semblait presque être maladif.

Ses yeux luttaient contre la fatigue alors qu’il était affaissé dans son fauteuil à lire, relire, et écrire un peu à la lumière de sa chandelle. Le jeune lion avait la démarche d’un ancien ayant survécu trop longtemps aux dangers le menaçant. Pourtant quand Jeyne vint pour attirer son attention, Lyman sursauta sous l’effet de la surprise avant de l’écouter attentivement. La situation l’éprouvait et il le voyait sur elle, si bien qu’elle chercha à briser la glace et l’implorait de mettre un terme à cette guerre par la pire des manières : la reddition.

Cette suggestion le crispa et bien qu’il était abattu par la fatigue quelques secondes auparavant, il eu soudain un regain d’énergie qui lui permis de se redresser dans son fauteuil. L’agacement vint en lui devant ces paroles et l’idée même que sa propre épouse vienne lui souffler cette hypothèse alors que personne dans son entourage n’avait osé la formuler. Pourtant et alors qu’il aurait sans doute été particulièrement véhément –ce qui n’était pas dans son attitude- à l’égard de n’importe qui d’autre qui aurait verbalisé cette possibilité, le fait que ce soit Jeyne fit qu’il souffla et évacua cette frustration et ce sursaut de tension. Il ferma les yeux et se massa les tempes avant de reprendre la parole d’un ton sans émotion.

- Très bien.

Fit-il en semblant accepter la demande de sa chère épouse même si son visage indiquait clairement que ce n’était aucunement dans ses intentions.

- Admettons que je me rende.

Inenvisageable pour Lyman, mais il reprit.

- Admettons que je demande des pourparlers pour négocier notre reddition. Dans la situation actuelle : que penses-tu qu’il adviendra de nos enfants, de nous deux, de Mère, Megara, Gareth et du Royaume tout entier ? Qu’est-ce qui sera exigé comme tribut pour cette guerre ?

Lyman marqua une pause pour rouvrir les yeux et reprit immédiatement.

- Comment réagiraient nos alliés sur leurs Îles de Fer et du Bief ? Comment nos accords commerciaux signés avec les Valtigar s’en ressentiraient ? Pire encore, comment réagirait le Grand Septon ?

Le roi cherchait à faire appel à la raison de Jeyne, elle avait les réponses en elle mais ne voulait pas les voir. Lyman cherchait à lui ouvrir les yeux sur la situation actuelle. Au fond de lui il regrettait amèrement la déclaration de guerre qu’il avait initiée, pas sur son fond car pour lui il devenait de plus évident que ses ennemis étaient derrière la mort de Loren et espéraient s’en tirer sans être traînés en justice. Toutefois il regrettait de ne pas avoir suffisamment écouté Jordane sur la façon de déclencher ce conflit. Si c’était à refaire, il userait beaucoup plus de diplomatie afin de fracturer davantage l’Empire entre ses différents royaumes pour se constituer davantage d’alliés et affaiblir son ennemi avant de l’abattre définitivement… Lyman attendit de voir ce que Jeyne allait lui répondre.

Lyman restait assis, fixant Jeyne dans les yeux avec une détermination et derrière son masque de souverain qu’il affichait, un certain regret. Pourtant à ses yeux son épouse ne répondait pas à sa question, il ne s’agissait que de l’expression d’un certain désespoir lorsqu’elle évoqua le fait que le Lion se rende sur le front, Lyman rétorqua d’un ton résolu et ferme, presque sans vie.

- Si je dois aller là bas, alors c’est qu’il en sera de mon devoir. Je ferai ce qu’on attendra de moi.

Le lion se redressa et se leva de sa chaise, gardant une voix calme tandis que son regard partait en direction de la fenêtre donnant sur les lumières de Castral Roc. Il y avait là une certaine beauté qui se dégageait du paysage, Lyman aurait pris plaisir à rédiger quelques vers pour mettre sa cité à l’honneur, mais son cœur n’y était pas. Jeyne semblait ne pas comprendre les implications et la situation dans laquelle l’Ouest se trouvait. Ses ennemis étaient proches, mais ses alliés cernaient le royaume directement. Plus le temps passait, plus l’alliance révélait le visage des souverains voisins : Manfred se voyait comme chef de l’alliance, les Îles de Fer étaient trop instables et si pour l’heure leurs souverains restaient fidèles aux traités, un jour viendrait ou un pro-impérial ou indépendantiste romprait ces accords. Les seuls trouvant grâce aux yeux de Lyman étaient les Valtigar trop éloignés pour que Lyman les considère comme des rivaux mais dont la réputation faisait qu’il traitait avec eux avec précautions, comme en jouant avec un feu dangereux qui pouvait aussi bien vous réchauffer que vous brûler vif comme la matrone Martell ayant cru possible de leur mettre une laisse autour du cou. Et en prime, ils n'étaient même pas vraiment alliés vu qu'ils avaient signé un accord de non agression seulement afin de ne pas trop agiter la Foi.

- Tu peux t’en moquer en ma présence, mais je ne pense pas qu’eux se moqueraient de ce qu’ils verraient en toi ou en notre royaume Jeyne. Si je me rends, ils se hâteront de se jeter sur l’Ouest pour le contester à l’Empire, Bief et Îles de Fer en tête. Et là nous recevrons le châtiment réservé aux traitres si nos alliés nous attrapent avant nos ennemis. Pour peu que le Grand Septon nous déclare hérétiques par-dessus le marché… Et à titre personnel je préfère ne pas suivre le chemin emprunté par Arryn qui ne sera plus jamais vu comme un souverain, mais comme le gouverneur, un fonctionnaire d’une province impériale par son propre peuple aux vues du zèle qu’il met à la tâche pour nous défaire… Si je me retrouvai dans sa situation, je choisirai l’autre option : la lutte acharnée avec l’espoir que dans ma chute, je les emporterai en enfer avec moi, mortellement affaiblis alors que nos alliés finiront le travail en portant le coup de grâce.

Après avoir traité du cas des alliés, Lyman évoqua l’hypothèse ou se serait avec ses ennemis s’il venait à négocier avec eux, et aux conséquences que cela provoquerait pour le royaume dont Jeyne était reine désormais, et sur ceux qu’elle aimait et qui lui étaient proches. Le Roi resta pensif devant la fenêtre puis poursuivit après avoir baissé la tête sur ses écrits et son pupire, les poings serrés tandis que sa voix devenait plus sévère et trahissait l’agacement du Lion ; pas contre son épouse non, mais contre le sort qui semblait s’acharner sur sa famille et son royaume.

- Si je me rends, ils condamneront ma mère et ma sœur à l’exil. Si je ne suis pas exécuté, alors ils m’enverront aux Mur ou plus jamais je ne pourrai prétendre te revoir. Quant à toi, ton père te remarierait sans aucun doute à un seigneur du Conflans ou du Nord, s’il souhaite maintenir une occupation ferme des terres de l’Ouest, ou s’il souhaite être plus clément, te marierait à un seigneur de l’Ouest pour renverser les Lannister et mettre une des maisons les moins loyales à ma famille au pouvoir afin de compter sur sa gratitude pour acheter leur loyauté. Quant à Martyn… s’il a de la chance il deviendra septon sans aucune opportunité d’accéder un jour à ce qui lui revient de droit, ou sera exécuté car jamais ton père ou ton frère ne laissera un Lannister sur le trône de l’Ouest après cette guerre peu importe la quantité de sang nordien dans ses veines. Alys ? Remariée. Gareth quant à lui serait soit tué dans les combats, condamné à l’exil sur le Mur probablement ou simplement exécuté et sa dépouille profanée par les troupes nordiennes si ce n’est Jon Stark « le charognard » qui se charge de cette besogne lui-même.

Des mots durs à l’encontre de Jon Stark, mais que Lyman pensait vraiment. Quand la nouvelle que les corps de ses troupes étaient mutilés par les nordiens, il avait d’abord été terrifié avant de laisser cette peur disparaitre au profit d’une rage qui avait explosé en conseil restreint. Son poing s’était écrasé sur la table avec fracas. Si son Conseil croyait encore que le Roi était un enfant et avait encore des doutes sur cette question, ces suspicions s’évaporèrent devant le rugissement du Lion lorsqu'il apprit cette information. Mais pourquoi faisaient-ils ça ?

Mangeaient-ils les corps de leurs ennemis comme des Sauvageons ? Ou était-ce pour satisfaire un culte religieux ? Ou un autre genre de pratiques répréhensibles par la pendaison par les Sept et à priori tous les royaumes ? Lyman l’ignorait mais il se fichait pas mal de chercher les raisons à cela : le Roi de Winterfell voulait paraître intimidant en profanant les corps des enfants de l’Ouest ? Était il devenu un barbare anthropophage ? Cela ne marcherait pas avec le Lion, en revanche il se chargerait bientôt de faire du Roi du Nord ce qu’il voulait être : un monstre supposé inspirer la peur qui ne susciterait bientôt que l’ire de Westeros tout entier.
Il se tourna vers Jeyne et prit ses mains comme s’il souhaitait communier avec elle, il planta son regard dans ses jolis yeux, peiné pour elle d’être prise en étau entre sa famille de naissance et sa famille d’adoption. Lyman reprit la parole avec un peu plus d’honnêteté et de fragilité dans sa voix, lui était triste, peiné de l’avoir mise dans cette situation.

- Jeyne, mon père a été assassiné, ma sœur a été assassinée. Je veux des réponses pour pouvoir rendre justice. Personne ici ne m’en donne en Westeros. Et il me semble impensable qu’un souverain et sa fille aient été tués dans un intervalle de temps aussi court sans avoir eu le soutien d’un des autres rois de Westeros. Tout le monde reste sourd à mes questions. J’ai peur moi aussi, peur de ce qui peut t’arriver. Je regrette d’en être arrivé là, si je pouvais remonter le temps j’emprunterai une autre route bien différente. Je ne déclencherai pas la guerre aux vues de sa tournure et du malheur que cela projette sur notre royaume. Malheureusement ce qui est fait est fait, je ne peux pas revenir en arrière, arrêter de combattre signe notre mort ou l’exil et un tribut sur notre peuple. Je n’évoquerai même pas le sort qui serait réservé à Martyn… je ne peux qu’aller de l’avant et vaincre, ou périr.

Mais au fond de lui, Lyman réalisa qu’il avait mis son épouse, son royaume et sa lignée entière dans cette situation, et il savait aussi qu’aucun retour en arrière n’était possible : il fallait avancer, en dépit des vents, des marées, avancer dans le cœur de la tempête, dans la tranchée, affronter le feu pour triompher.

Suspendu aux lèvres de Jeyne, Lyman semblait que le silence de son épouse avait duré une éternité jusqu’à ce que ses mots ne s’échappent d’elle avec une froideur qui surprit le jeune Roi. Mais au-delà de cette surprise il semblait y avoir autre chose de plus sombre en elle, une forme de dépit et de résignation qui éteignait petit à petit son âme autrefois étincelante comme un phare au milieu de la nuit et de la brume. L’évocation de Jon manqua de faire sortir Lyman de ses gonds, mais il estima avoir suffisamment fait pour aujourd’hui : les rapports étaient formels quant aux mutilations subies par les dépouilles de ses hommes.
Mais le lion savait que les afficher sous le nez de sa reine ne suffiraient probablement pas pour la convaincre. Il laissa un soupir filer non pas de dépit, mais plutôt pour digérer ce que venait de lui répondre son épouse. La situation n’était pas facile, et en cet instant il se demanda ce qu’aurait fait Loren s’il avait été encore en vie et à sa place. Mais cet exercice n’accoucha d’aucun résultat probant ou d’utile pour le jeune lion qui était désemparé.

- Je comprends. Cela fait quelques temps que je me le cachais à moi-même, mais je réalise qu’il n’y aura pas de retour probable en arrière, ni cette insouciance entre nous…

C’était un fait. Quelle qu’en soit l’issue, cette guerre allait meurtrir l’âme de Jeyne. Plus rien ne serait jamais comme avant après cet évènement. Lyman s’en voulait amèrement, d’une part d’avoir déclenché cette série d’évènement, mais aussi d’autre part car même s’il commençait à ressentir les effets de ce conflit sur sa propre psyché. De sombres pensées empoisonnaient son esprit en cas de défaite, le troublant dans son sommeil bien qu’il s’était efforcé de le dissimuler à son épouse. Sans doute avait-elle compris et que les précautions de Lyman avaient été vaines. Même Martyn semblait peiné pour son père quand il le prenait dans ses bras afin de trouver un peu d’espoir auprès de lui.

- Je… Jeyne… Je sais que je t’en demande énormément. Je sais aussi que je ne mérite probablement pas ta dévotion.

Lyman ne savait plus vraiment quoi répondre ou formuler. Toute pensée qui commençait à prendre naissance dans son cerveau finissait immédiatement anéantie dans des mains puissantes et invisibles qui les broyaient avant de les jeter dans les limbes de son esprit. Que resterait-il de lui ou de Jeyne dans dix ans ? Lui se voyait déjà en roi usé par la guerre et l’intrigue au point de s’enfermer dans un mutisme sur son trône, sec et aigri, ses rêves et espoirs de jeunesse fracassés contre la falaise de la guerre qu’il avait lui-même lancée avec comme alliés les Îles de Fer et le Bief. Son cerveau ne serait plus qu’engrenages et calculs pour optimiser chaque décision ou anticiper chaque conséquence d’une décision prise. Il ne se rêvait pas en tyran pour autant, mais se cauchemardait en homme brisé pour lequel, la musique ne serait plus qu’une occupation accessoire et futile.

Pourtant les paroles de Jeyne le firent réagir, un point qu’elle avait évoqué déclencha chez lui un rebond, un sursaut tandis qu’il entrevoyait pourtant la lueur d’une braise d’espoir dans ses ténèbres mentales. Son fils, Martyn aurait une meilleure vie que la sienne qui lui fut fauchée en même temps que son père, sa sœur et son insouciante jeunesse. Voilà ce pourquoi il devait se battre et survivre, endurer toutes les tempêtes que la vie lui enverrait sur son chemin.

- Mais je ne peux pas accepter de te demander d’aller jusqu’à la mort ou même te laisser dire ça ! Je ne mérite pas pareil dévouement, pas après tout ça. Je veux que tu vives ! Je ne le demande même pas pour moi ou pour ma famille, mais notre famille, celle que nous avons construite avec Martyn, et le frère ou la sœur qui viendra après lui et que tu portes en toi.

Enfin un peu de vie semblait revenir dans la voix du Roi. Jamais il ne supportera la mort de Jeyne préférant offrir la sienne en échange de celle de sa femme. Jeyne méritait plus de vivre que lui-même, le lion en était persuadé et peu pouvait lui importer les conséquences de son sacrifice lorsqu’il viendrait peut-être un jour, se présenter à lui pour demander son paiement.

Souffrance. Était ce là le sens de la vie ? Lyman se le demanda tant il la ressentait en son for intérieur. Jeyne marquait un point aux yeux de son mari, elle n’avait vu que le prince lorsqu’elle lui avait confié son cœur. Malheureusement les circonstances avaient fait du jeune lion un Roi bien avant l’heure et investi de cette nouvelle charge, il s’était déterminé à rendre justice et à marcher dans les traces de son père afin d’être un meilleur roi qu’il ne l’avait été. Lui-même regrettait que les choses aient pu prendre cette tournure qui n’annonçait rien de bon. Jordane lui dirait probablement que grandir était ainsi, qu’il n’y avait pas d’apprentissage sans souffrance. Et même si Lyman aurait espéré le contraire, force était d’admettre que les faits lui donnaient raison. Pour le bien de son peuple, guerre ou non, il ne pouvait se permettre de rester le jeune garçon insouciant et poète, adepte de musique et de vers habilement construits avec le même soin qu’un architecte érige les plans d’un bâtiment. Parce que c’était nécessaire, ses sujets avaient besoin de lui.

- Je sais… je présume que c’est cela de grandir…

Disait-il avec une profonde et sincère mélancolie dans la voix. Pourtant les remords envahissaient et tourmentaient de plus en plus le souverain qui était contraint de s’enfermer dans son armure, d’aucuns diraient sa prison, afin de paraître pour celui qu’il n’était pas au fond de lui. Il devait évoluer, comme la chenille devient papillon, il devait s’enfermer dans sa chrysalide pour opérer sa métamorphose en monarque. La conversation avec sa mère qu’il avait eue après le décès de Loren faisait écho en lui et constituait un éternel rappel de ce qu’il devait devenir.

- Nos décisions ne sont pas toujours souhaitables ou vraiment voulues mais font malheureusement l’objet de nécessité.

Les imprévus dans les plans, les retards d’approvisionnement, de logistiques, de déplacements de troupes ou encore les conflits internes dans les rangs de leurs alliés comme de leurs ennemis avait de quoi forcer en permanence le conseil restreint de l’Ouest à s’adapter sans cesse et à improviser. Dernier en date, la mort de Deria Martell avait coupé l’Ouest de revenus confortables en lien avec le commerce. L’association commerciale avec les Valtigar était devenue une nécessitée pourtant imprévue si la poursuite de la guerre était voulue et toujours une priorité pour les Lannister, et c’était le cas.  Est-ce que le temps finirait par apaiser les choses ? Peut-être aux yeux de Lyman. Le temps guérissait tout disait-on, même si l’on conservait toujours mentalement et physiquement les cicatrices de nos traumatismes. Lyman pour l’heure restait résigné, il lui fallait finir cette guerre rapidement.

- Je ferai mon possible pour ne pas que… les choses se passent mal pour nous tous.

Restait à espérer que son dispositif fonctionne. La campagne piétinait, il lui fallait endurer la vague, ou plutôt la contre-attaque pour espérer renverser la vapeur… Il lui fallait être patient, même si cela était plus facile à dire qu’à faire quand l’on dormait peu et qu’inévitablement cela finissait par avoir des conséquences sur son humeur qui était de plus en plus maussade. Dans un geste de tendresse, il prit Jeyne dans ses bras pour la serrer contre lui, espérant capter un peu de sa chaleur et de réconfort auprès de celle qui ne l’avait jamais abandonné et l’avait déjà réconforté à la mort de son père.

Il la touchait, pressée contre ses bras voilà que la chaleur de son corps se diffusait chez le jeune roi qui retrouvait un peu de vigueur et de couleurs sur son visage. La remarque de Jeyne le fit sourire un peu, et un léger sursaut dans sa poitrine fit comprendre à sa reine que cela l’avait amusé. Alors que leurs corps se séparent et qu’elle s’assoit sur le lit, Lyman reste debout face à elle, les yeux fatigués. Il l’observe, la scrute mais plus important encore, il l’écoute. Elle croit en les chances de Lyman pour sauver ses enfants, et sa famille mais visiblement elle est convaincue que le dénouement de ce conflit finira par la tuer ou prélever une lourde partie d’elle-même. Le Lannister comprenait son sentiment et ce qu’elle pouvait ressentir, l’écartèlement entre sa famille de sang et d’adoption finirait par prélever son dû sur sa psyché. A terme cette situation achèverait de la briser mentalement. C’était du moins ce que pouvait deviner Lyman, si elle ne cherchait pas elle-même à se suicider.

Cette pensé grignota un peu plus la santé mentale du jeune lion déjà affaiblie, plutôt fit effondré un pan de celle-ci dans les ténèbres de la folie qui se repaissaient de chaque once de cette nourriture qui lui était accordée. Jamais il ne saurait se remettre de cette tragédie si cela venait à se produire. Lyman était un lion pris au piège. Il était dans une impasse, un couloir cerné de murs étroits qui semblaient se rapprocher de lui, devant lui une fosse ou des loups affamés grognaient en attendant qu’il tente sa chance, dans son dos, un dragon dont les pas lourds se rapprochaient de lui, le cherchant et remontant sa piste à travers le labyrinthe dont il était le gardien. Les excuses de Jeyne lui parurent lointaines, résonnant tel un écho perdu dans le son d’un blizzard alors qu’il se perdit dans ses pensées, visualisant un jour ou cela pouvait se produire. Et il fut horrifié, tétanisé devant cette vision d’un avenir qui, sans doute, avait de plus en plus de chances de se concrétiser.

- …

Il conserva le silence, pétrifié. L’envie d’ouvrir la fenêtre et de se jeter tête la première depuis le haut de la tour se faisait de plus en plus pressante dans son esprit. Ce serait plus facile, ce serait une issue de secours, indolore de surcroit. Probablement quelques secondes s’écouleraient seulement avant l’impact sur le parvis de la cour intérieure de Castral Roc… et cela rendrait les choses plus simples pour tout le monde sans doute. Cette pensée se faisait persistante, plus pressante comme un tambour de guerre sourd et lointain qui se rapprochait… Il inspira un grand coup, pesant le pour et le contre de cette décision, s’enveloppant dans un cocon de glace. Aucun mot dans son esprit ne parviendrait à convaincre Jeyne. Pourtant il chassa ces pensées sinistres et décida d’avoir une autre approche. Martyn méritait de grandir avec son père, du moins c’était ce qu’il pensait.

Mais il aurait sans nul doute besoin de sa mère également, aussi le roi se décida à s’asseoir aux côtés de Jeyne et laissa parler son cœur. Il la serra à nouveau contre lui en silence, posant la pointe de son menton sur le sommet du crâne de son épouse tandis que ses bras l’enlaçaient. Parfois les mots n’étaient pas nécessaires, le silence et les gestes pouvaient avoir plus d’impact que les paroles. Du moins c’était ce qu’il espérait. Il saisit sa main dans la sienne, savourant sa douceur entre ses doigts alors qu’un sanglot étreignit sa gorge. Lyman chercha à l’étouffer, l’empêcher de sortir, mais ses yeux humides laissèrent échapper des perles de pluies qui coulèrent le long de ses joues arides depuis trop longtemps comme fuyant la sécheresse qui avait habité le jeune homme.

Lyman conserva le silence alors que Jeyne était toujours dans ses bras. Le Lannister cherchait du réconfort et raffermissait son étreinte sur elle comme s’il craignait qu’une main gigantesque ne vienne la saisir et la séparer de lui. Il ne l’étouffait pas pour autant, mais le Roi voulait profiter de sa présence auprès de lui au maximum car il craignait que les évènements ne les séparent. Chaque seconde était un cadeau pour lui, et il était certain qu’elle emporterait quelque chose de lui, son cœur, sa bonté, sa joie de vivre si jamais il venait à arriver quelque chose à Jeyne.

L’état du jeune roi ne ferait que s’aggraver, le changeant définitivement et le mettant sur des rails pouvant le conduire qu’à une issue funeste dans les mois à venir au pire des cas, ou dans les plusieurs décennies de chagrin dans le « meilleur » des cas pour peu qu’il était possible de définir quel était le meilleur scénario. Alors qu’elle décide de sortir de cette étreinte qui se veut réconfortante, Lyman la laisse sortir de ses bras, et après un échange de regards, accepte les lèvres de Jeyne contre les siennes même si ce baiser à un goût agréable, une note d’amertume demeurait sur ses lèvres quand celles-ci se séparèrent. Il souhaitait pourtant continuer à l’embrasser, goûter à sa chair afin de retrouver le feu qui l’avait habité jusque là, une façon pour lui de renouer avec celui qu’il avait été.

- Je… oui nous le devrions.


Rétorqua le Roi comme s’il essayait de reprendre pied avec la réalité, le contact de la main de Jeyne l’ancre définitivement dans le réel et sa caresse chaleureuse dans sa barbe encore naissante. Le jeune lion savoura cet instant même s’il aurait préféré des circonstances plus heureuses. Dormir après Jeyne était toujours délicat, difficile tant il prenait soin à éviter de la réveiller, de surcroit ses angoisses et ses craintes avaient tendance à se matérialiser sous la forme de cauchemars, le conduisant souvent à préférer l’insomnie plutôt que d’affronter ses peurs et terreurs. Aujourd’hui les choses seraient peut-être différentes...

- Très bien.

Il avait acquiescé sans broncher. Certes il avait encore du pain sur la planche, et sa discipline l’incitait à reprendre l’écriture de ses missives ou la lecture des rapports mais pas ce soir. Ce soir le Roi en avait assez du poids de sa couronne. Il se déshabilla pour revêtir sa chemise de nuit et se glissa entre les couvertures du lit avec Jeyne à ses côtés. Allongé sur son flanc gauche, Lyman se blottit contre son épouse, passant sa main sur son ventre et la seconde dans sa nuque à caresser celle-ci avec douceur tandis qu’elle lui tournait le dos.

Le Lannister passa de longues minutes, peut-être des heures ainsi, trouvant petit à petit un certain apaisement à sentir le contact de la peau de Jeyne sous ses doigts. Ses paupières devinrent lourdes, et il trouva un sommeil relativement rapidement, la première nuit à peu près correcte sans cauchemars ou insomnie depuis de longues semaines… Une nuit sans rêve ou songe agréable lui permettant de se détendre convenablement cependant…