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 Tour 10 – Commandant de la Garde de Nuit - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2

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MessageSujet: Tour 10 – Commandant de la Garde de Nuit - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2   Tour 10 – Commandant de la Garde de Nuit - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2 EmptyJeu 29 Déc - 0:32

Commandant de la Garde de Nuit
Nord




Le Mur se défend. Mais l’Eté le voit fondre, et dégouliner. Partout, il s’est affaissé de quelques mètres, voire de plusieurs dizaines, ou plus encore. Plusieurs points sont extrêmement fragilisés. Il le sait, le Lord Commandant de la Garde. Il l’a déjà vu, ce phénomène, mais jamais aussi fort. Jamais aussi précocement, en plein cœur de l’été. Des hommes sont morts. Beaucoup. Des patrouilles entières ont disparu. On a évacué des blessés, pris dans la glace qui se reforme au pied levé sur un Mur qui suinte et regèle inopinément en quelques heures. Le temps se détraque. Quelque chose cloche. On compte surtout les disparus. Ils sont légions. Le sang interpelle. Qui et quoi les a blessés ? Des sauvageons sont signalés au sud du Mur, et à la Môle plusieurs femmes et jeunes gens ont été molestés, violentés, en s’éloignant vers la rivière et les puisards. Le commandant a envoyé des patrouilles, mais les agressions n’ont pas cessées.

Les sauvageons s’enhardissent. Leur massacre suite à leurs grandes migrations d’il y a un peu plus de deux ans ont entamé leur nombre, mais pas leur détermination. Si le Peuple Libre a été étrillé et crucifié de La-Mort-Aux-Loups à Winterfell, il en reste aujourd’hui des tribus entières au nord du Mur.

Et ils s'enhardissent encore. Comme s’ils sentent que le Mur faiblit. On se tue sur les chemins de ronde, quand les blocs qui se détachent et ceux qui dégoulinent en petits ruisseaux n’emportent pas les assaillants.

Le Lord Commandant a envoyé ses patrouilles pour faire des prisonniers, et ses meutes de corbeaux ratissent les sous-bois, les collines et les vallons. Les embuscades sont féroces. Ici-même, près du Poing des Premiers hommes, ses forces ont passé par l’épée une cinquantaine de pillards et piqueuses qui revenaient du Nord avec des victuailles et du butin plein le dos. Leurs corps ont été jetés dans les ruisseaux des environs, pour contaminer l’eau douce et les petits étangs des environs. La guerre éternelle ne connaît ni pitié, ni répit.

La nuit tombe, si loin au Nord. Le chant des corbeaux s’éteint avec le soleil dont la course s’achève, à l’ouest. Les corbacs de Châteaunoir le savent, par les traces et indices qui se sont multipliés au cours de la journée ; l’endroit pullule de sauvageons. Les torches restent allumées, l’acier dégainé pour éviter que le gel ne le coince dans les fourreaux. On ne mange que frugalement, aux aguets. Le Lord Commandant mène sa tâche à bien ; les envois de prisonniers des factions en guerre à Westeros ont largement remplumé son ancien ordre, renforcé aussi de volontaires nordiens qui se sont enrôlés après la campagne du Loup de Winterfell deux ans plus tôt. Il a foi en ses hommes, et en ses forces. Les barbares seront contenus.

Des alertes sont plusieurs fois lancées, les cors déchirant le voile d’obscurité froide de la nuit, où volètent des flocons épars. Une sonnerie, le plus souvent, avant que des patrouilleurs ne reviennent par groupes aux multiples de trois, selon l’importance et la dangerosité des sentiers nocturnes empruntés. Certains sont blessés. Un groupe ne revient pas du tout.

Les sauvageons s’enhardissent.

Prévenir le Roi du Nord ? L’Empereur auto-proclamé, et sa dragonnière d’impératrice ? Les souverains des autres puissances, détournés depuis mille ans de leur obligation de défense ? Les conquérants d’outre-Détroit ? Non, le Lord Commandant Joramun Hoare, frère de feu le Noir, sire d’Harrenhal, a sa fierté, et sa longue expérience pour lui. Ses hommes sont capables de tenir ; jamais encore sous son commandement n’avaient-ils été plus nombreux, mieux nourris, ni mieux équipés. Ils sont le Rempart qui protège le monde des Hommes.

Plusieurs fois dans la Nuit, l’alerte des deux sonneries de cor retentit. Les appels aux armes sont lancés. Des flèches sont lâchées en direction de la nuit.

La nuit finit masquée par de gros nuages sombres, et les ténèbres s’emparent du monde. Les silhouettes aperçues par les sentinelles sont englouties dans la nuit d’encre. Les corbeaux, transis et épuisés, veillent.

On entend d’abord le rugissement du vent qui se forme en bourrasques, pénétrant le sous-bois du campement. Et puis les cris de guerre. Peut-être une ou deux sonneries de cor en os. Peut-être plus. Des chocs sourds, quelques cliquetis d’acier ou de mauvais fer forgé. Des hurlements. Des cris de douleur, et de panique. On entend des appels à l’aide, et l’expression des plus antiques terreurs qui déchirent les gorges, et transpercent les âmes. On se tue, juste au-delà du champ de vision de la Garde. Les cris et les combats durent une heure, puis deux. Et puis, tout termine. Et les bois retrouvent le silence des flocons qui tombent mollement, autour des torches des Gardes de la Nuit.

Et quand le matin se lève, la peur laisse place à la glaçante horreur d’une vérité sanglante. Des corps démembrés jonchent le sol des bois des environs, sur des centaines de mètres. Des arbres ont été abattus, déchiquetés par une force gigantesque, des corps traînés et démembrés, en partie attachés et pendus aux arbres, ou cloués aux troncs. On ne sait pas compter exactement le nombre de sauvageons abattus, tant les corps sont en mauvais état. La Garde souffle, murmure. Les Autres, disent les plus jeunes. Les vieux ricanent de dédain. Des sauvages, voilà tout. Mais tous restent gênés, en proie au malaise et aux cauchemars nés de l’horrible sarabande nocturne.

Cannibales des fleuves gelés, tranche le Lord Commandant.

Joramun Hoare ordonne à sa troupe de se remettre en selle. Direction le nord-ouest.

On n’a rien retrouvé de la patrouille portée manquante.




Le Cyvosse
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