L'arrivée des nouveaux soldats (An 2, Mois 5, Semaine 2) [Tour X - Terminé]

Je discutais vivement avec quelques-uns de mes hommes pour les prochains préparatifs que nous devions faire. Mes hommes avaient fini par apprendre un vocabulaire basique en westerosi. Avaenor le comprenait assez bien, il ne le parlait pas du tout. Et d’ailleurs, il était debout à la proue entrain de s’entraîner sur les cibles en paille sur le bateau. Je le laissais faire, pour une fois négligemment appuyée sur le bastingage après ces discussions. Le bruit régulier et sourd des flèches perçants la paille était agréable. Je tendis la main pour attraper une pomme et croquer dedans… Avant de me retourner vers Avaenor.

« On a pris des citrons ?! Ou des agrumes, au cas où ? »

Nouveau bruit sourd et mon second se tourna vers moi, nous savions très bien de quoi il en retournait. Je savais parfaitement qu’il avait fait le plein, j’avais moi-même vu les caisses de mes propres yeux. Il m’offrit un sourire avant de s’approcher et de prendre une pomme pour s’appuyer à mes côtés.

« Oui cap’tain. Tiens. Regardez qui voilà ! Des p’tits nouveaux. »

Il m’indiqua du doigt des cavaliers. Tout fraîchement arrivé d’Essos visiblement ! Je passais une main dans les mèches avant de souffler :

« On les remarque à leur teint verdâtre ! »

Il pouffa légèrement avant de s’étrangler avec sa pomme. Je lui donnais une tape dans le dos pour lui faire cracher le morceau. Il secoua la tête avant que je ne rabatte les manches de ma chemise sur mes bras nus. Je ne portais qu’une simple chemise avec un gilet. Je regardais les gamins passer avant de me diriger vers la passerelle qui nous reliais aux quais avant de voir un gamin à la tête des cavaliers… Je l’observais avant de donner un petit coup de coude à Avaenor qui inclina la tête, je descendis de quelques pas sur cette passerelle.

« Quelles sont les nouvelles d’Essos Soldat ? »

Je ne portais aucune distinction ou quoi que ce soit ! Avaenor se glissa derrière moi portant son grand arc et son épée. La mienne battait mon flanc droit.

- Quelles sont celles que vous attendez, marin ?

Le ton était monotone, le visage de marbre. Ses iris améthystes continuant de fixer l'horizon, Aerion était déjà las de ces terres. Les mains sur les rênes de sa monture, le légionnaire n'avait répondu à l'inconnue que par politesse. Sa cohorte, n'était que l'une des nombreuses composant sa légion, elle même n'étant qu'une parmi d'autres. Tyraemarr avait des milliers d'hommes à sa disposition, et l'éphèbe anticipait une situation similaire à celle de la Mer Fumeuse si jamais les Valtigar venaient à s'imposer. Des brasiers consumeraient les fosses, des champs entiers de cadavres, de charognes. La mer pouvait devenir rouge de sang, les monstres des profondeurs venir se nourrir à la surface, rien n'arrêterait l'avènement du Nouvel Empire Valyrien.

L'éphèbe, lentement tourna la tête en direction de son interlocutrice. Les marins de la flotte Valtigar formaient la deuxième branche militaire du Nouvel Empire Valyrien. Aerion n'avait pas d'avis sur la marine, indifférent l'homme incarnait parfaitement la flegme des hommes de rangs vis à vis des affaires politiques. Et tout ce qui s'y rapprochait, se rajoutait à cela qu'Aerion avait plus passé de temps à pacifier des îles et occire de piètres adversaires, qu'à suivre en détails la chronologie des derniers évènements.

Et la paire d'individus ne l'impressionnait pas, pour celui qui avait combattu Maegor et qui servait désormais Aerymor, il en fallait plus.

- Je n'ai revu les côtes d'Essos depuis bien longtemps, aux dernières nouvelles l'Empereur était prêt d'achever la conquête des Cités Libres.

Une main dans l'écrin de son étalon aussi noir que la nuit, le Tribun jeta un coup d'œil à son heaume, accroché à sa selle. En rangs, les cavaliers lourds sous sa responsabilité de défiler sur son flanc droit. La durée de leur déploiement, et combien de temps ils resteraient ici leur était inconnu.

- Aerion, Tribun des Légions Valyriennes.

Sommaire présentation pour ses premiers "pas" sur ce territoire inconnu, à la chaleur implacable. Ici, il espérait affronter majoritairement des hommes, et pas ces parodies d'humains souffrant de la grisécaille. La maladie était contagieuse, et il en avait vu les dégâts sur le psyché de ces adversaires. Et puis, les dragons des fils de Tyraemarr à leurs côtés, rien ne pourrait arrêter la machine de guerre des Légions, rien n'arrêterait la conquête de nouveaux territoires.

Du moins jusqu'à ce qu'ils rencontrent les Targaryens et cette parodie d'Empire.

Celles qu’on attendait ? N’importe. Des nouvelles. Je n’en donnais aucune à mes enfants, c’était trop dangereux pour eux. Alors j’attendais simplement qu’il nous réponde le jeune homme avec la cohorte. Je l’observais tranquillement dans les yeux sans bouger. Visiblement lui non plus n’était pas retourné à Essos depuis longtemps. Je hochais la tête. Prêt d’avoir les cités libres. Intéressant. J’inclinais la tête vers Avaenor qui hocha la tête tranquillement, mordant à nouveau dans sa pomme lorsque le petit se présenta, je le laissai nous présenter.

« Je suis Avaenor et voici Jentys. Nous sommes le second et capitaine du Fendeur des Mers, Tribun Aerion. »

J’inclinai légèrement la tête avec un fin sourire tranquille.

« Nous partons à nouveau bientôt pour notre part. »

Fis-je en croisant les mains derrières mon dos.

« D’où venez-vous si ce n’est d’Essos ? »

Parlais-je d’un ton calme et paisible. Peu de Dornien pouvaient réellement comprendre le valyrien. Tant mieux d’une certaine manière ? J’inspirais profondément.

« Belle monture. J’imagine que vous allez bientôt au combat. Comme nous tous après tout ! »

Pas un rire : juste une constatation simple. Je secouais légèrement la tête en rejetant mes cheveux en arrière.

« Tu dois être un bon guerrier pour être déjà tribun à ton si jeune âge, jeune Aerion. »

C’était assez… un compliment de ma part. Avaenor inclina la tête en faisant tourner une flèche entre ses doigts. Un geste machinal.

L'âge ? Aerion aurait sans doute été prit d'un léger rire cynique dans une autre vie, dans celle la il ne réagit point. Ses iris se perdirent un instant dans la foule, il marqua volontairement un blanc. Un silence, avant de reporter son attention vers son interlocutrice et son acolyte. Capitaine d'un navire, respectable position. Le ton paternaliste allait surement avec une vision édulcorée de la vie, de la hiérarchie et du respect. Cela ne faisait rien, résilient l'homme plissa un instant des yeux. La traversée avait été longue, surtout pour les bêtes, et le Tribun craignait pour la santé des chevaux, carapaçonnés, la chaleur pouvait rapidement devenir un problème, une menace.

- Mon dernier déploiement était sur les degrés de pierres. Aux côtés de l'héritier, à admirer les talents de bretteur et de combattant de Maegor. Les Valtigar avaient ce quelque chose qui manquait à tant de dirigeants. L'expérience du combat, ne refusant jamais de braver un danger. Aux côtés des légionnaires, de la chair à canon Tyraemarr et les siens avaient acquis la loyauté infaillible de leurs soldats. J'espère que votre voyage se déroulera sans encombres, Jentys et Avaenor du Fendeur des Mers. La politesse, les formes étaient importantes. Encore plus quand il venait de débarquer en terres inconnues, avec sa cohorte.

- Je ne peux hélas, confirmer que nous allons en direction des hostilités. Mes ordres se limitent à rejoindre la Gracedieu et me rendre disponible auprès du Général Tancreidon. L'anoblit, l'ancien esclave dont l'histoire ne pourrait qu'inspirer les conscrits et recrues des Légions Valyriennes. Pausanias Tancreidon, le Sphynx, un homme du rang ayant gravis tous les échelons de la hiérarchie, de la société. Au plus près des futurs combats, les fils de Valyria anéantiraient les ennemis de leurs maîtres. Et si l'impatience, et la passivité de la paix ne faisaient qu'aliéner un peu plus chaque jour l'éphèbe, il savait que viendrait rapidement les coups et fracas des champs de batailles.

- Je ne sais pas quel âge vous me donnez, dame Jentys. Un nouveau silence. Je n'ai pas été nommé Tribun parce que j'étais plus compétent que mes pairs, mais parce que j'étais celui avec le plus d'ancienneté au sein de ma cohorte de l'époque. Des rejetons, des esclaves, des engeances conçus et élevés uniquement dans le but de réaliser le rêve de l'ancêtre du Diadoque désormais Empereur. Que je sois désormais un guerrier émérite ou non n'y est pour rien. Il ne lui donnerait pas son âge, si elle le voyait si jeune grand bien lui fasse. Vingt deux printemps et il se rapprochait de la décennie de service.

Il n'y avait pas de retraite au sein des Légions, on arrivait à obtenir un rang pour lâcher du leste et devenir faible et impotent, ou on mourrait pour la gloire de l'Empire.

Pas de demi mesures.

Degré de pierre. J’inclinai la tête sans rien dire et Avaenor s’appuya sur le bastingage avec négligence alors que le petit jeune parlait. Notre voyage se déroulera sans encombre.

« Nous espérons surtout que les ennemis ploient ou périssent le plus rapidement possible tout simplement. Quant au voyage il ne fait que préparer au combat. »

Fis-je simplement en continuant de le regarder tranquillement. Pas que je le regardais de haut, ni de bas. Juste droit dans les yeux. S’il était tribun, c’était qu’il y avait une très bonne raison. Mais c’était sans doute autre chose. Il restait, à mes yeux, un gamin du haut de mes trente ans et de mes nombreuses années de guerre. Je me sentais plus vieille que je ne l’étais sûrement en réalité. Machinalement, je frottais les cicatrices, cachées, de mon bras. Ils allaient rejoindre le général Pausanias Tancreidon, je hochais la tête.

« Nous venons ici de base pour affronter les ennemis, nous nous battons tous pour nos princes. »

Pour ma part, j’avais donné ma vie, ou mon épée c’était pareil pour moi, au prince Maegor, je restais toujours droite, sur la passerelle de mon bateau. L’âge ? Quinze ans. J’eus un vague sourire à sa remarque.

« Je ne suis pas une dame, Tribun. Je suis capitaine du Fendeur des Mers. Tu me parais jeune, mais tous les légionnaires le sont. La mort frappe souvent dans vos rangs. Elle frappe toujours quand la guerre rode… Quoi qu’elle frappe toujours. »

Répliquais-je simplement en frottant mon bras marqué des cicatrices. J’observais la face du gamin en face de moi, il semblait vraiment jeune. Quel âge… La vingtaine sans aucun doute. Peut-être un peu plus. Je jetais un œil à Avaenor qui inclina la tête légèrement avant de se détourner pour rejoindre nos hommes sans plus rien dire. Je n’avais pas non plus besoin qu’il soit proche de moi.

« Cent hommes sous vos ordres, Tribun, et tu es donc le plus vieux. »

Merde, fallait leur changer les couches bientôt.

« Beaucoup de pertes lors de votre dernière bataille ? »

Quoi qu’avec les deux dragons… Pas grand-chose sûrement.

- Non. Sa langue claqua, et le rythme des cavaliers s'accéléra, ils étaient attendus quelque part. Aerion ne comptait pas manquer à ses devoirs, ni faire attendre ses maîtres. Vous accordez une importance à l'âge, qu'hélas je crains de ne pas saisir, Capitaine. Ses hommes avaient des visages de chérubins, et l'expérience des vétérans. La loyauté de compagnons d'armes, et la soif de sang des pires meurtriers, en somme des légionnaires. Des ruelles d'Essos, en passant par l'île aux Cèdres, le Tribun avait voyagé plus loin que la majorité des hommes, qu'ils fussent marins ou non. Il n'avait cependant pas l'appétence ni l'envie, ni la maîtrise des flots. Les bateaux ressemblaient à des cercueils flottants, et les profondeurs affrontaient disait on des monstres aussi plus terrifiants que ceux des mythes de Valyria.

Nous n'avons pas combattus depuis des mois, en garnison sur les degrés de pierres, les occasions d'affronter autre chose que des pirates est rare. Et depuis la pacification forcé de l'île, Aerion n'avait pas eu la chance de participer personnellement aux campagnes de Tyraemarr contre les Cités encore réfractaires. Que les ennemis périssent le plus rapidement possible ? Le Tribun secoua intérieurement la tête, doutant fortement que les locaux ne se laissent exterminer sans résistance. Si les petits gens ne suivaient, ou n'adhéraient pas d'une manière ou d'une autre aux nouveaux dirigeants légitimes de ce continent, jamais le règne des Valtigar ne serait calme et pacifique. Les rebellions et révoltes mineraient et demanderaient une constante attention.

Il ne réagit pas à la remarque de la femme, se contentant d'arquer un sourcil en réaction. Je me bats pour, et sert, le Nouvel Empire Valyrien, l'Empereur Tyraemarr et leurs Altesses Princières. Ni Maegor, ni Aerymor n'étaient encore autre chose que les fils du Diadoque. Maegor était d'ailleurs l'héritier proclamé, proclamer sa loyauté envers l'un ou l'autre des deux frères ne faisait pas de sens aux yeux du légionnaire. Nous vivons depuis l'enfance parmi des bêtes à l'apparence humaine. Je ne sais pas pour vous, mais la vie n'a pas de valeur pour nous autre. La disparition d'un légionnaire laisse ses pairs d'une indifférence tel, que de l'extérieur ce n'est pas compréhensible. Pour ceux démunis de noms, il n'y avait peu ou presque pas d'individualité. Aerion n'était qu'Aerion fils de Vaemond. Aerion le Tribun, ne se démarquait que par son rang. Cette conversation avec cette femme était depuis des années, la plus longue qu'il n'ait jamais eu à tenir.

J'espère que si nos chemins se croisent à nouveau, les visages de ceux vous accompagnant à ce moment là, seront les mêmes. Je peux déjà vous dire avec certitude, que ce ne sera pas le cas pour nous. Il n'y avait pas de jugement, ni de sous-entendu. L'homme répondait peut être simplement à l'affirmation de son interlocutrice sur le flux tendu de recrues rejoignant les Légions. Affronter l'ennemi, c'était plus facile quand celui n'était pas insidieux. Le guerrier préférait les batailles ouvertes, aux échauffourées dégénérant dans des milieux urbains ou étroit. Mettant son heaume, il regarda du coin de l'œil, l'Océan à sa gauche.

Mais encore combattre dans un cul de sac, que de remettre sa vie entre les mains des marées et des courants.

Une importance à l’âge ? Pas plus que cela, j’étais toujours curieuse. Je secouais légèrement la tête.

« Simple curiosité de ma part. »

Je ne laisserais pas mes enfants devenir légionnaire… Je tenais trop à eux. Mais c’était autre chose. Je restais immobile à l’écouter après mes questions. J’inclinai doucement la tête en l’écoutant sans rien dire, toujours debout sur la passerelle. Pas de combats à part les pirates. Je hochais la tête à nouveau en silence, il servait les mêmes personnes que moi, que nous. Les bêtes à l’apparence humaine. J’en étais une, je le savais. Je l’acceptais. C’était cette bête qui m’avait permis de survivre à cette vie. Cette bête qui émergeait souvent, facilement… Je l’aimais bien cette bête… elle était là pour me protéger et protéger les gens que j’aimais.

« La bête est en chacun de nous. À nous de la dompter et d’en faire une arme qu’on peut sortir lorsqu’on en a besoin. »

J’inclinai la tête pour le remercier. Quant à ses hommes…

« Puisse leur mort être glorieuse pour l’empire. »

Rétorquais-je simplement avant d’incliner la tête et de faire un signe de main pour le saluer avant de le regarder partir sans plus rien dire. Il n’y avait plus rien dire. Je montais à nouveau sur mon bateau pour regarder la file partir sans plus rien dire. Avaenor inclina la tête vers moi et je lui fis signe de la main sans plus rien dire. Il me tendit une nouvelle pomme et je croquais dedans.

« Mouep. Légionnaire classique quoi. »

Je hochais la tête pour moi-même et Avaenor hocha à son tour en croquant dans le fruit. Il n’y avait pas grand-chose à dire je crois ! Un légionnaire est un légionnaire après tout. De la chair fraîche pour la guerre.