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 Tour 10 – Tarde Venientibus Ossa - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2

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MessageSujet: Tour 10 – Tarde Venientibus Ossa - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2   Tour 10 – Tarde Venientibus Ossa - Année 2 - Mois 5 - Semaine 2 EmptyDim 4 Déc - 15:42

Tarde Venientibus Ossa
Dorne Valtigar



Tout à l’heure, sous le couteau, la croûte des miches tout juste sorties du four avait produit ce mélodieux craquement, et l’effet avait été perpétué une fois sous la dent. Maintenant, il n’y avait plus qu’os qui se rompaient, nuques que l’on brisait. Tout à l’heure, le fumet des poissons grillés avait embaumé la grande salle commune, se mariant à la perfection avec les senteurs dégagées par les légumineuses choisies en accompagnement. Maintenant, seule planait l’odeur prenante et étouffante des flammes qui consument tout et ne laissent que cendres derrière elles. Tout à l’heure, les saveurs délicieuses des pâtisseries sucrées du dessert avaient fait le ravissement de tous les convives. Maintenant, le goût du miel et des fruits avaient disparu au profit du sang, âcre et collant en bouche. Tout à l’heure, ses doigts avaient épousé avec affection le doux velours de la tunique de son aimé, là, tout contre son épiderme. Maintenant, ses ongles se brisaient et s’enfonçaient dans la poussière et la fange, ses genoux cognés contre le sol, son dos maintenu voûté vers l’avant. Tout à l’heure, elle avait ouvert son cadeau, avec délicatesse et bonheur, et un bien joli bracelet avait roulé sur la table jusqu’à ce qu’elle rattrape sa maladresse empressée. Maintenant, il jaillissait des boyaux, des intestins, et tous ces autres viscères habituellement cantonnées à demeurer bien en place au sein de l’abdomen. C’était son anniversaire, aujourd’hui, et tout était gâché …

Son père avait voulu faire les choses bien. Son père avait voulu que tout leur petit village soit informé qu’aujourd’hui, on célébrait l’entrée dans l’âge adulte de sa toute première fille. Son aimé avait même fait le déplacement, bien que lui et les siens se soient présentés en provenance des faubourgs de la Grâcedieu, à l’improviste. Mais on n’avait su leur refuser le dîner, d’autant plus que leur présence ici semblait tout indiquer des bonnes grâces dans lesquelles la guilde continuait de se trouver. Alors, tous les deux, ils avaient pu chastement s’embrasser, dissimulés derrière un pilier, en rêvant déjà de la concrétisation des négociations entre leurs deux familles en vue de les voir se marier l’un avec l’autre. Elle, la fille de celui qui officiait en tant que dirigeant de leur tout petit village, lui, le fils issu d’une longue lignée d’hommes d’armes officiant à la Grâcedieu. Avait-il su ? Était-il venu jusqu’ici uniquement pour ça ? Avait-il réellement troqué ses belles paroles et ses promesses d’amour véritable, indéfectible et éternel, contre quelque pardon impérial ou même pire, contre quelque promesse sonnante et trébuchante ? En aurait-elle seulement un jour la réponse ? Personne n’avait compris lorsque les premiers cris avaient jailli, au dehors. Personne n’avait compris quand les premiers coutelas furent sortis. Personne n’avait compris lorsque le sang se mit à couler …

La Grâcedieu était tombée, ou plutôt avait-elle été vidée de ses défenseurs à l’approche des Valtigar, et le nouvel occupant avait semble-t-il voulu se montrer plus magnanime avec le petit peuple qu’il ne pouvait l’être avec les têtes fieffées. On leur avait laissé trois jours pour que les guildes et les chefs de fortune des petits bourgs alentours viennent jurer, ou non, fidélité et allégeance à la nouvelle force en place. Trois jours, pas plus, et à cause de ce maudit pont détruit sur la Sang-Vert, un parmi d’autres, son père avait eu une demi-journée de retard, parce qu’il avait voulu avoir l’accord de tout le monde avant de décider de quoi que ce soit. Mais on lui avait certifié que tout irait bien, que l’on prenait en considération et acceptait le serment d’obéissance et de soumission de leur petit village, situé à quelques encablures au sud-est de la Grâcedieu. Dès lors, Père, heureux et soulagé, avait décidé que, malgré tout, on organiserait tout de même cet anniversaire. Alors personne n’avait compris quand tout avait dégénéré, quand les invités de la Grâcedieu avait sorti leurs lames de fortune et que ceux, restés au dehors, s’étaient emparés de torches ... On avait pourtant pensé que la présence de son promis n’était que le signe que tout allait bien, que le nouveau pouvoir en place ne leur tenait réellement pas rigueur de quoi que ce soit.
Tout n’était que cri, tout n’était que cendres, tout n’était que dévastation. Son cœur cognait à tout rompre contre sa poitrine, alors que le jeu des ombres et des lumières, quasi mystiques et irréels, dessinaient d’étranges contours sur les façades et les visages de tous ces fasciés parfois bien familiers, ceux-là même des frères et des cousins de son aimé. C’était … C’était eux qui, les premiers, avaient mis le feu au cabanon du vieux Doryn. C’était eux qui, les premiers, avaient égorgé son père … Était-ce la folie qui la prenait déjà ? Était-ce l’affolement de son cœur qui perturbait ses sens ? Était-ce la lampée de vin qu’elle avait bu tout à l’heure qui floutait sa vision ? On disait toute sorte de chose sur les Valtigar, sur ces étrangers venus d’ailleurs, venus de loin, et elle avait écouté avec attention et une certaine admiration teintée de peur, aussi, mais maintenant, elle savait. Maintenant, Mira voyait. Maintenant, elle entendait. Maintenait, elle sentait. Maintenant elle savait qu’un délai est un délai, et qu’on avait voulu leur faire goûter l’amertume d’un manque d’empressement. Maintenant elle voyait les corps qui tombaient, les silhouettes masculines qui chutaient sur le sol et qu’on venait larder de coups, et celles, féminines, que l’on plaquait à même le sol avant de leur déchirer leurs habits et de ... Maintenant elle entendait les cris de douleur, d’agonie et de désespoir, ceux-là même qu’elle pensait plutôt réservés aux habitants des divers fiefs de cette principauté ravagée par des querelles étrangères et intestines depuis déjà de trop longs mois. A eux, là-bas, dans ces plus gros villages, mais pas à eux, ici, dans ce petit village fait de masures en boue séchée et en paille tressée. Maintenant elle sentait l’odeur de la chair brûlée, le fumet du bois qui se consume jusqu’à ne plus être que cendres qui voletaient déjà dans les airs et commençaient à emplir ses poumons.

Un délai était un délai, et pour ne pas l’avoir respecté, ils en payaient le prix fort. Tout détruire pour tout reconstruire, pour peu que subsiste le doute de l’obéissance. Faire table rase du passé, appliquer la politique de la terre brûlée plutôt que de laisser s’instiguer la possibilité de laisser vivre des êtres dont la féauté avait trop tardé à être affirmée. Qu’est-ce que l’on dirait de tout cela ? Qu’est-ce que l’on prétendrait tenir des débordements triviaux et primaires d’hommes à qui on avait ordonné d’obtenir rétribution pour l’affront causé, et qu’est-ce que l’on affirmerait directement émaner des ordres reçus ? Qui se souviendrait de tout ça ? Qu’en retiendrait l’Histoire ? Certes, demain, cela servirait sans doute d’exemple, tant aux Dorniens qu’il restait à faire ployer qu’à ceux qui étaient désormais sous l’emprise du dernier assaillant en date. Mais qu’en serait-il après demain ? Mira n’en savait rien. On l’avait trainée dehors, par les cheveux, pour l’extirper du brasier qui consumait les invités du banquet. On l’avait trainée dehors, par les cheveux, afin de joindre le geste à la parole. Afin de s’assurer que de la bouche des survivants serait colportée l'assurance que les Valtigar savaient se montrer magnanime avec ceux qui se pliaient à leurs exigences et qui savaient faire preuve de raison et de déférence, mais que la cendre, le sang, les cris et l’agonie attendaient ceux qui tentaient de se jouer d’eux. Afin de s’assurer que s’inscrivaient déjà, dans les esprits et les chairs, ce crédo qui était leur : ne jamais oublier, ne jamais pardonner.



Le Cyvosse
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