Cela faisait maintenant cinq semaines que Sortonne vivait l’enfer. Lord Sunderland tenait coûte que coûte depuis tout ce temps, décourageait les assauts, protégeait ses murs et les garnissait autant que possible… Aux premiers jours du siège impérial, le bombardement massif lancé par des dizaines de navires de guerre et de machines de siège avait déclenché un vaste incendie qui avait coûté des centaines de morts à la cité, et réduit à l’état de cendres fumantes tout un secteur de la ville, près des arsenaux. De nombreux greniers à grains avaient été dévorés par les flammes. Plusieurs héros du guet avaient perdu la vie, gravement brûlés ou intoxiqués par les fumées, en cherchant à sauver les réserves qui pouvaient l’être.
La ville ne pouvait tenir que quatre semaines, même avec un rationnement strict.
A la troisième semaine de siège, les bombardements constants subis par la cité, toujours bloquée par mer et par terre, fit s’effondrer une partie du mur oriental. Les nordiens manoeuvraient nuit et jour, creusaient des tranchées pour se rapprocher bien protégés des murailles à moitié éboulées. Lord Burley, chef de la division de réserve du Septentrion, n’avait qu’une petite division, durement éprouvée par la guérilla valoise sur la plus petite des Trois Sœurs, qu’il avait dû calmer dans le sang et la violence. De nombreux valois avaient été crucifiés sur les routes en guise d’avertissement, après que des soldats nordiens aient été retrouvés massacrés durant leur sommeil, leurs corps atrocement mutilés par les insulaires. Les nordiens progressaient toujours, protégeant leurs sapes de barricades de bois, d’osier pour encaisser les tirs des défenseurs. Le niveau de pertes de chaque camp montait progressivement.
En ville, l’attrition était terrible et le combat, sans trop d’espoir. Sunderland parvint à tenir les nordiens à l’écart des brèches qui se créaient dans son mur d’enceinte, fragilisé par des travaux encore inachevés aux environs du port de la ville. Sortonne tenait, mais la vigueur de sa population déclinait rapidement à mesure que les stocks étaient désormais épuisés. La modeste pêche dans la rade du port ne permettait de nourrir que les enfants, et en quantités insuffisantes. Une torpeur funeste étreint les soldats dormant à même les remparts. Plusieurs fois, Burley fit amener le drapeau blanc et proposa la reddition. Plusieurs fois l’offre fut repoussée.
Les officies secondant Sunderland expliquèrent qu’à ce rythme, les premiers défenseurs les plus fragiles mourraient en quelques jours. Il tint une semaine. Les premiers enfants à décliner pour de bon eurent raison de la résolution des combattants. A quoi bon tenir, puisque la flotte impériale croisait au large, en nombre, et qu’on avait vu des centaines de navires lors du débarquement ? Si la flotte du Val existait toujours, elle était ou trop loin, ou trop menacée.
Sunderland sacrifierait son peuple en s’entêtant.
La mort dans l’âme, il répondit à une énième proposition de Lord Burley. Tous deux se rencontrèrent sous les yeux de leurs armées rassemblées, sur les murs d’un côté, face aux tranchées de l’autre. Ils échangèrent deux heures durant. Au petit matin, la garnison rendait les armes, et abaissait les bannières du Val et de la maison Sunderland, qui se constituait prisonnière. Burley fit présenter armes et étendards aux défenseurs, en signe de respect pour leur défense valeureuse d’une place livrée aux flammes et à la famine, envers et contre tout. Les deux camps enterraient la haine née des combats sur la seconde île de l’archipel… Le port accueillit aussitôt les navires impériaux, qui durent néanmoins attendre que les vaisseaux valois en construction finissent de brûler, incendiés avec les arsenaux. Burley avait-il autorisé l’ennemi à se rendre, tout en acceptant la perte des navires valois en carène ? Ou était-ce Sunderland qui avait rendu la place et fièrement, avait privé l’Empire de nouvelles ressources potentielles ?
Peu importait, au final, l’objectif de Burley était accompli, et Sortonne battait enfin bannière impériale après six semaines d’opérations coûteuses pour les forces d’invasion.
Points du Nord+20pts Ville Majeure conquise
Points du Val-20pts Ville Majeure perdue