Le Grand Septon n’est pas un homme apaisé. Par deux fois déjà, il a appelé à la Sainte Croisade. Pour protéger tous les royaumes du sud du Neck de l’influence pernicieuse des hérétiques concupiscents de Peyredragon et des sauvages païens du Nord. Par deux fois, ses troupes se sont illustrées sous l’étoile à Sept Branches des Fils du Guerrier ou des Pauvres Compagnons, ses ordres militants, pour porter le feu de la Foi des Nouveaux Dieux dans tous les royaumes de l’ennemi. Mais ses ambitions sont contrariées par les calculs politiques des puissants de ce monde. Alors qu’il comptait sur ses relais souverains du sud de Westeros, voici que plusieurs ont ouvert grand la porte aux Valyriens et à leur empire iconodule du Levant. De partout, la sincérité de la foi envers la Seule Religion se craquelle sous le poids des ambitions et des intérêts.
Lycaon XII n’est pas de ceux qui transigent, qui pacifient les relations. Il exacerbe les rivalités, et provoque l’émulation par le concours des seuls vrais croyants à la Gloire des Sept. Il fulmine que l’Ouest, sa patrie de naissance, s’acoquine avec des hérétiques vénérant un Dieu du Feu à l’appétit dévorant et maléfique, se nourrissant de sacrifices humains. Il exècre ces fer-nés qu’il a dû trop longtemps toléré malgré leur bâtardise et leur barbarie, tenus comme des chiens en laisse par Harren Hoare en personne. Il haît profondément les nordiens, les peyredragoniens et pire, ces enfants de putains d’orageois qui se complaisent dans l’hérésie de leurs alliés. Il méprise Dorne, lascive et concupiscente, qui confond indolence et paresse avec la gloire et la prospérité.
Lycaon XII rêve d’un ordre du monde juste et prospère, il rêve de paix sous la lumière des Sept.
Il écrit aux Valtigar en personne.
« Qui veut régner en Westeros doit adorer et respecter les Dieux de Westeros. Venez à Villevieille et convertissez-vous. Rendez-grâce aux Sept où embrassez l’Etranger. »
Il lève partout des troupes. Ses septons s’égosillent. Priez les Sept, révérez le Père, aimez la Mère, suppliez les autres. Mais rejoignez le Guerrier. Rejoignez les combattants de la seule vraie foi et achetez le salut de votre âme. Ils sont quelques dizaines, puis quelques centaines, puis plus, à Port-Lannis, venus de tout l’Ouest. Pour beaucoup, des travailleurs et des fermiers dont le rôle dans l’approvisionnement des troupes les exemptait de Ban et d’Arrière-Ban. Ils se portent volontaires et mettent arc et bouges au service des Sept. Aux Ouestriens il écrit aussi en termes laconiques.
« Envoyez du Sang de Roi à Villevieille en pèlerinage pour évoquer grâces et péchés avec Leurs Saintetés, laissez passer les croisés de la Seule Vraie Foi comme vous l’avez déjà fait, et nous discuterons ensuite du rôle de l’Ouest dans ce nouveau monde qui se forme. Je vous enverrais une Sainteté pour vous guider, au sein de votre Conseil Royal. »
Il lève partout des troupes. Patrie de la Foi, le Bief est plus que tout autre l’écho des levées féales aux Sept. Les septons militants sont suivis de files de déshérités par milliers qui se pressent vers Villevieille, et de hauts seigneurs qui rachètent les noms de leurs familles ou de leurs proches tués à Dorne, au Conflans ou dans l’Orage, en s’enrôlant eux-mêmes. Le nouveau chef des Fils du Guerrier, Rowen Tignac, enrôle ainsi des centaines de puinés de maisons de chevaliers et leur fait tous prêter serment de fidélité aux Sept ; tous sont rebaptisés dans la Seule Vraie Foi par paquets de cent dans le Grand Septuaire de la ville, et tous s’entraînent et campent par milliers dans les rues attenantes. Symond, chef des Pauvres Compagnons, glane auprès des riches armateurs de la ville outils et armes pour ses troupes de désoeuvrés qui s’achètent une vie confortable dans la lumière des Sept après leur mort sur le champ de bataille. Au Roi du Bief et à sa Reine, le Grand Septon écrit aussi.
« Mettez bas l’ouvrage hérétique qu’est devenu l’Orage, faites au plus vite. Les résultats obtenus ne sont pas à la mesure des promesses faites sous la statue du Père et de la Mère. Vous devez aller plus vite, plus fort, sous réserve que l’horreur hérétique n’engloutisse votre destin. »
Le Val ne mérite que le mépris du Grand Septon. Sitôt sa « reddition » apprise et sue, on fait brûler des milliers de cierges sur le parvis du grand Septuaire et dans toutes les rues attenantes, à tel point que l’on craint que la ville ne s’embrase. Excommunication pour le Roi félon, qui tourne le dos à ses dieux pour s’acoquiner à la putain montée sur dragon et à son barbare de Loup. Plus de paradis, plus de repos, seulement les Sept Enfers pour le traître. Le Grand Septon écrit à tous que tuer le Roi du Val n’est pas un péché, mais que c’est la porte ouverte pour les Sept Cieux à qui accomplirait son devoir. En cas de mort du Roi Hérétique, ce serait son frère, Jonos Arryn, qui deviendrait Roi béni par la lumière des Sept.
Au Val, l’annonce fait réagir. Des émeutes éclatent. Il y a des barricades à Goeville, à Rougefort, où milices et guets jouent du bâton et du gourdin pour calmer les enragés. La situation reste globalement sous contrôle mais la Garde-Faucon veille, nerveuse, autour d’un Roi sujet aux invectives.
Le Conflans Fédéré subit le même sort, ou presque. Reconnu coupable par coutumace de fornication avec une prêtresse hérétique du Dieu du Feu, l’homme ne pourra accéder aux Sept Cieux que s’il ouvre ses portes à ses frères et sœurs de l’Ouest et du Bief, qu’il renonce à l’Empire et brûle la putain qui lui a fait tourner la tête.
Autrement, le Conflans connaîtra le sort de l’Orage.
Orage qui mérite à peine l’intérêt du Souverain Pontife. La terre est jugée corrompue depuis longtemps. Les contingents de la Foi envoyés là-bas ont déjà pour ordre de tout purifier par le feu. Les putains sont pendues. Les septons qui ne se sont pas faits la voix du Grand Septon se font couper la langue, pour les empêcher de répandre leurs immondes paroles. Les septas qui ont soigné des blessés hérétiques sont battues à mort, après bien d’autres sévices. Il n’y a plus de lois divines, dans l’Orage, plus de grâce. La purification par le Feu. A tous les commandants d’unités des Fils du Guerrier ou des Pauvres Compagnons, le Grand Septon écrit.
« L’Orage renaîtra de ses cendres. Brûlez-le donc, tout entier, pour enfin lui permettre de recommencer. »
Quoi de Dorne, ou des Iles de Fer, de Peyredragon, du Nord ? Aucun mot, mais plutôt un slogan, un leitmotiv.
« Dans le doute, tuez-les tous. Les Sept reconnaîtront les leurs. »