Les oiseaux volaient, en horde, au-dessus de cette étendue d'eau salée. Ils voguaient vers de nouveaux horizons, vers des contrées plus chaudes pour leur migration. Passant au-dessus d'une mer fumante, ils ne s'arrêtèrent guère, ni ne se posèrent, ici, en cette endroit dévasté. La
maudite. Valyria. À plusieurs kilomètres de là, des dizaines, même des centaines, dans un camp brumeux, une femme hurlait à plein poumons. Elle hurlait, toute sa rage, toute sa douleur. Elle avait déjà connu la douleur de l'accouchement, une fois... Et cela n'avait pas réussi : leur enfant était mort, quelques mois plus tard. Les conditions de vie étaient terribles pour les descendants du seigneur-dragon Aurion. Ils vivaient mal, devaient longer les côtes, se nourrir de maigres denrées peu ragoûtantes. Mais suffisantes pour la survie. Son frère le lui avait promis : ils auraient leur revanche sur le destin. Quand, enfin, ils virent l'enfant... Ils furent joyeux, car dès les premières secondes, il hurla avec une force qui montrait toute sa vigueur. "
Cet enfant sera fort." promit-elle délicatement à son mari. "
Je l'ai demandé aux Dieux." Fort croyant, Tyraemarr avait pourtant un esprit très acéré et remettait tout en question. Il priait ses dieux depuis le début de la grossesse. Il leur demandait leur aide. Il les imploraient, presque. Mais cette fois-ci, il répliqua, de son ton dur. "
Les Dieux sont fourbes, et aiment faire le mal. La crainte qu'ils nous inspirent leur permet de vivre." Le patriarche de la famille Valtigar était réaliste, en tout temps, dans sa vie. Mais cela tira une moue dépitée à sa femme, qui simplement, prit l'enfant dans ses bras. L'homme vint caresser son petit crâne, déjà agrémenté de quelques cheveux argentés. "
Le pur sang de l'Antique Valyria." lâcha-t-il simplement, laissant sa femme aux soins d'autres personnes qui allaient l'aider à se nettoyer et à s'occuper de l'enfant. Il n'y avait pas besoin de débat sur le prénom, car il avait déjà été choisi. Car tout, dans la vie de cet enfant, serait tracé. Ainsi, Maegor vit le jour. Grâce à l'aide des Dieux, selon sa mère...
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Ce n’était pas la même chose que la première fois. Cela dura moins de temps et la femme eut moins de douleur. Ilithia… La maîtresse de son père, s’il lui accordait ce rôle tout du moins. Voilà de qui était issue cette enfant aux cheveux de jais, qui venait de naître. Elle arborait les mêmes cheveux noirs que sa mère, mais les yeux violacés de leur père. Elle n’était pas de sang-pur, contrairement à lui, mais attirait tout son regard. Lorsqu’on lui présenta le bébé, alors qu’il n’était âgé que de trois ans, ce fut comme si le feu qu’ils avaient en eux résonna avec une ardeur exceptionnelle.
Douce Jaenyra, qu’il allait chérir comme la prunelle de ses yeux. La famille serait toujours la chose la plus sacrée, envers et contre tout, et tous…
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Ilithia, née Peveren, fille d’un riche et puissant marchand esclavagiste de la cité d’Elyria. Une cité qui n’égalait pas les fameuses Cités Libres, mais suffisamment intéressante pour attirer le regard du patriarche des Valtigar. Ainsi, la cité offrit Ilithia en mariage à Tyraemarr après la mort de sa première femme en couches, ceci dans le but d’éviter une guerre ouverte contre des dragons et des légions.
C’était un mariage phénoménal, probablement le plus beau que put voir cette cité, de toute sa longue existence. Les rites valyriens étaient parfaitement représentés, car la lignée Valtigar n’avait guère perdu ses origines et leurs différentes coutumes.
Les cérémonies pour le mariage durèrent des jours, digne d’un grand de ce monde et permirent aux Valtigar de bénéficier de meilleurs conditions de vie. Les valyriens devinrent la population importante d’Elyria, tandis que l’influence de Tyraemarr grandissait.
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Une joue basanée, éraflée par les enchaînements de la lame d'acier. Il ne pouvait rien y faire : ses précepteurs jouaient à ce jeu avec une vraie épée et lui aussi, de son jeune âge, devait apprendre avec le fer. "
Le fer et le sang sont les seuls choses qui forgent un homme. " prêchaient-ils continuellement, tel le mantra qui devait pénétrer dans l'esprit du jeune blondin. Et cet enfant était réceptif, à tout. Il aimait rendre les coups, il aimait jouer de tous les atouts : déjà grand, et fort pour son âge, il n'hésitait jamais à enchaîner un coup de pied, après un coup de lame, pour repousser son adversaire et l'asséner ensuite. L'art du combat semblait faire parti de lui. S'il n'était pas un pur valyrien, nul doute, il aurait été un pur mercenaire, forgé par la guerre.
Et la stratégie. Glorieux concept qu’il fallut apprendre à un enfant au sang chaud, prêt à fondre sur tous ses ennemis. Fouet. Coups de poing. Entailles. Tant de punitions pour lui faire suivre le chemin qu’il devait emprunter. Un chemin tortueux. "
Faites-en l’héritier. Le vrai. L’héritier de tous les valyriens." La phrase était lourde de sens pour le jeune garçon, et dans l’esprit paternel, elle résonnait comme l’ambition ultime : Maegor régnerait sur le monde, et tous les valyriens, ce peuple supérieur, le vénérait. Les ambitions de Tyraemarr Valtigar n’avaient aucune limite et Maegor saurait faire le maximum de choses pour sa survie. S’il devait se retrouver dans une situation précaire, il espérait bien qu’il soit capable de s’en sortir, et de protéger les leurs.
Ainsi donc, l’héritier suivit des entraînements, forgés par les remontrances physiques. Il suivit presque le moule comme il le devait : mais il demeurait ce jeune homme au sang chaud, prêt à bondir sur sa proie, tel un grand dragon.
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Il n’eut qu’un début d’entraînement, lourd et épuisant, pour le forger à la suite. Il quitta Elyria, sans aucun mal, comme si cela ne le touchait pas. Il était préparé depuis le début à devoir effectuer des missions, à rejoindre les légions perdues de son père. Car, depuis quelques temps, les effectifs déclinaient. Tyraemarr avait beau faire tout son possible pour maintenir des effectifs, pour perpétrer la puissance familiale, les conditions de vie, assez rudes, provoquaient plus de morts que de recrues. Ainsi, Maegor allait apprendre auprès de leurs effectifs directes, s’enrichissant de leurs compétences. Il était aussi, entre autre, question de lui faire connaître ces troupes qu’il allait, un jour ou l’autre, commander…
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Les corps tombaient lourdement des deux côtés. C’était un vrai carnage, les hommes de pierre et leur grisécaille faisaient peur à tous les valyriens. L’ordre avait été clair, hurlé haut et fort avant la bataille : quiconque serait contaminé, serait exécuté, sans sommation. Ainsi, les troupes étaient apeurées, car la mort guettait au loin, telle une vieille amie.
Maegor avait eu l’ordre de rester au loin, pour superviser les opérations. Néanmoins, lorsque la bataille sembla mal se dérouler, il préféra intervenir avec le reste de ses hommes : une ouverture était là, il n’avait pas d’autres choix que de foncer. Sinon, la victoire leur filerait entre les doigts.
Les coups s’enchainèrent. Les bruits d’estoc firent de même, les lames s’entrechoquant et résonnant sur le champ de bataille. À la nuit tombée, les morts jonchaient le sol. Maegor avait été blessé, mais la plaie était bénigne, suffisamment pour ne pas le contaminer. Plutôt, la lame n’était pas atteinte par la maladie et ainsi, il avait échappé de peu à la folie, et à la peau de pierre.
Lorsqu’il retrouva son père, inquiet, il n’eut pas le temps de prononcer des excuses pour sa témérité, mais il voyait la grande fureur que son paternel affichait sur son regard. Au lieu d’excuses de sa part, il n’y eut qu’un son grave à la place pour briser le silence. "
Cette action était inconsidéré, t’en rends-tu compte ?" Sa voix était lourde, imposante. Dans la pièce, personne ne parlait. Personne n’osait, car tous les conseillers savaient ce que pensait le patriarche. "
C’est une réussite, mais cela aurait pu être différent. Tu aurais pu périr des mains de ces hommes de pierre. Tu peux être fier de toi, mais n’en retire pas trop d’orgueil. Tu dois apprendre ta place, tu es mon héritier. On ne se rend pas sur le champ de bataille pour si peu de gains." ajouta ensuite le vieux Valtigar, gardant le visage fermé et marqué par les dures années de sa vie. Maegor savait que son père serait en colère d’une telle décision. Le vieux Valtigar avait une idée bien précise de comment devait être son héritier. Mais, dans le fond, il voyait une légère victoire… Car il savait que son père ne parlait que rarement de fierté.
L’héritier ne répliqua rien, ce jour-là. Il garda une mine caractéristique, il était parfaitement sûr de lui et de son choix. Il avait réussi.
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Plantée dans la cage thoracique du squelette jaillissait une merveilleuse épée. L’adjectif était faible, car malgré la boue, elle resplendissait de toutes parts. Elle était somptueuse : une tête de lion, en or, formait la garde… Mais les yeux, eux, étaient de magnifiques et imposants rubis. La lame semblait être elle-même dans un état impeccable. Pourtant, tout autour d’eux, des traces de combat leur apparaissaient. Des squelettes portaient des casques en forme de lion, d’autres des armures d’un magnifique or, mais dont le rouge semblait avoir lentement disparu, pour ne laisser que quelques résidus de couleur.
Il ne lui fallut qu’un coup d’oeil sur la lame pour comprendre ce qu’elle était. De l’acier valyrien, le plus pur et précieux des aciers, celui qui ne s’oxydait pas, qui pouvait tout trancher, même les écailles d’un dragon, disait-on.
L’héritier s’en empara promptement. Le fourreau de l’arme était non loin de là, et il la glissa dedans, avec une pointe de fierté non-dissimulée.
Au retour, il chercha un forgeron qui saurait travailler cette lame. Cela demanda plusieurs jours de travail, intenses et fatigants, mais le forgeron put montrer sa fierté à Maegor. "
Une lame digne d’un Empereur." Les seuls paroles de l’homme furent suffisantes, car lorsque le Valtigar tira la lame de son fourreau, il fut presque ébloui face à ce qu’il voyait. Le tranchant de la lame était parfait, mais surtout, le pommeau était retravaillé pour ressembler à un dragon menaçant aux yeux de rubis.
L’épée garda son nom de
Rugissante car il le jugeait adéquat.
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L’or, les pierres précieuses, armes et armures… tout ceci était nécessaire. Deux ans auparavant, il avait trouvé une épée immensément qualitative. Et aujourd’hui encore, il écumait les mers ; sur un navire, Maegor voyageait d’un bout à l’autre du monde. Il traversait les rivages, puis les forêts, dans l’espoir d’y trouver monts et merveilles. C’était un impératif de survie : les ruines de l’Antique Valyria, et leurs alentours, regorgeaient de richesse. Et s’ils voulaient retrouver la gloire d’antan, la position la plus prestigieuse, alors il leur serait nécessaire d’avoir accès à des ressources faramineuses.
Mais les alentours de l’ancienne cité étaient dangereux. Les forêts qui la bordait regorgeaient d’animaux prêts à sauter à la gorge des hommes, tandis que la grisécaille était prête à contaminer quiconque s’approcher d’un malade… Les corps étaient nombreux derrière eux. Mais ce qui était pire que tout était de laisser des compagnons d’armes mourir, abandonnés à leur sort.
Néanmoins, cette triste réalité avait un but, la gloire des Valtigar, ancienne maison de Valyria. Ces expéditions étaient une nécessité pour leur survie et leur évolution future. Dans le même temps, Maegor se rapprochait, à chaque retour chez lui, de sa petite-soeur : Jaenyra, une beauté aux cheveux de jais, bien différente de lui. Deux opposés, deux tempéraments différents, mais le même brasier qui animait les deux êtres. Ce feu en eux, ils préféraient le partager et lui donner corps, attisant les braises. L’amour qui naquit entre eux deux était puissant et infaillible, même si leur destin ne serait pas commun dans le mariage.
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La nouvelle avait fait grand bruit au sein de la famille. Plusieurs oeufs, de différentes couleurs, avaient été retrouvés par le patriarche des Valtigar. Lors d’une de ses expéditions, en terres valyriennes, il était tombé sur cette découverte étonnante. Les chances de faire éclore un oeuf, pour le commun des mortels, seraient faibles ; mais qu’en était-il pour un pur valyrien, descendant en droite ligne d’une grande maison, de surcroit ?
Néanmoins, par une nuit bien noire, un rituel vieux de plusieurs centaines d’années fut exécuté, trouvé dans un ouvrage en vieux valyrien. Les dragons s’éveillèrent de nouveau, dans un petit comité, sans que personne, hormis la famille Valtigar et leurs proches conseillers, ne soient au courant.
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Les navires s’amarrèrent au port de Lys, arborant leurs voiles teintées des couleurs et du blason des Valtigar. Des navires imposants, qui témoignaient d’une certaine puissance. La nouvelle leur avait été donnée par leur prêtre rouge et ils avaient suivi son conseil. Ici, ils récupérèrent le reste des forces du Tigre, ainsi que le Tigre lui-même, qui se fit impérial. La famille Valtigar, elle, tenait la barre haute et affichait une mine satisfaite. Quand ils posèrent pied à terre, avec leurs revendications, mais surtout les immenses richesses qu’ils détenaient de Valyria, Cleitos Caradreon ploya simplement le genou à terre et ses hommes suivirent le mouvement.
Les murmures s’élevèrent, au fil des semaines. Qu’elle était la raison d’un tel revirement venant du Tigre ? Cleitos n’était qu’un pion sur l’échiquier du monde, et se savait illégitime à dominer un empire reprenant les possessions valyriennes.
Tyraemarr de la maison Valtigar, diadoque de Valyria, était le seul véritable héritier de cet empire, issu d’une puissante maison. Ainsi, ils repartirent à Volantis, où eu lieu le couronnement du nouveau potentat.
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De tous les documents récupérés par la maison Valtigar lors de ses innombrables fouilles, certains avaient davantage d’importance.
Ils avaient promis une fille à un mâle de la lignée Valtigar. La maison Targaryen, si peu puissante en Valyria, avait su tirer son épingle du jeu et faisait désormais parti des grandes maisons de Westeros. Et il était temps que toutes les maisons valyriennes s’unissent, derrière Azor Ahai, quel qu’il soit.
Il leur fallut plusieurs jours de voyage pour rejoindre les Degrés de Pierre, où Maegor accosta en compagnie de sa soeur. De là, ils chercheraient des soutiens afin de poser pied-à-terre à Westeros, dans l’idée que leur voix compte. Ils feraient pencher la balance.
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Tout aurait pu être joué différemment. L’alliance proposée par l’héritier du Nouvel Empire Valyrien était sincère, prêt à accorder de l’aide à la principauté si elle devenait un relais de l’Empire pour ses besoins liés à Westeros. Ce fut un refus. Pis encore, ce fut même une trahison : la tentative de tuer l’héritier, qui fort d’une intelligence politique, avait deviné ce qu’il se tramait. Malheureusement, le souffle d’un dragon ne pardonnait personne…
Aerymor Valtigar était désormais le nouveau prince de Dorne, reconnu par l’Empire. Et les valyriens n’étaient désormais plus enclins à abandonner cette prétention, qui leur serait utile pour la suite. Personne ne savait combien de temps durait cette neutralité, mais elle pouvait basculer, à n’importe quel instant.
Conscient que les rumeurs allaient exploser, il prépara une lettre, à destination des souverains de Westeros.