Rhaenys, je te présente ton Orys. Te rappelles-tu ? Je t’ai déjà parlé de lui. Vous avez tous les deux le même âge. Je suis certain que vous allez bien vous entendre. Orys, je te présente Rhaenys, ta demie-soeur. Je posais par terre la poupée que Mère m’avait offerte pour mon anniversaire. Timidement, je me relevais, et époussetais ma robe. Quand Père était entré dans ma chambre, j’étais en train de jouer, allongée sur le ventre à même le sol. Ce n’était pas très digne d’une Lady, Mère me le répétait souvent, mais j’adorais sentir la fraicheur du sol à travers mes vêtements. Je fis quelques pas vers eux, puis une petite révérence très maladroite. Du haut de mes quatre ans, je n’étais pas très douée dans cet exercice protocolaire que l’on apprenait à toutes les Ladys. Cela fit sourire malicieusement Père.
Il lui arrivait souvent de me dire, pour m’embêter, qu’il ne savait pas ce qu’il allait faire d’une petite fille comme moi. Je lui répondais toujours en lui tirant la langue, ce qui le faisait sourire d’avantage. C’était notre petit jeu, notre petit instant de complicité. Mère nous rouspétait toujours dessus pour notre comportement, et Père haussait les épaules, en lui répondant qu’il ne voyait pas où était le problème de taquiner « sa petite fille chérie ». J’adorais ça… Qu’il m’appelle « sa petite fille chérie », même si je savais très bien qu’il aimait autant Visenya que moi.
Bonjour Orys… Moi c’est Rhaenys, mais tu peux m’appeler Rhae comme Ae et Vis le font ! Je suis très contente de connaitre mon deuxième frère… Dis, tu veux bien jouer avec moi ? Vis dit que les poupées c’est pour les petites filles et qu’elle elle n’est plus une petite fille. Et Ae lui, veut pas, car les poupées, c’est pour les filles et pas les garçons. Mais c’est pas vrai, Père joue bien avec moi de temps en temps lui ! Dites-lui Père que les poupées, c’est pas juste pour les filles ! Trois coups furent portés à ma porte, nous interrompant. Mon père se tourna vers l’homme qui entrait, avant même qu’on ne lui autorise l’accès.
Sire ? Pardonnez mon intrusion. Une affaire urgente… Mon père le coupa, en lui faisant un simple signe de tête, signifiant « pas maintenant, pas devant les enfants ». Il se retourna vers moi, et se mit à ma hauteur pour me dire.
Rhaenys, je te confie Orys. Et si tu allais le présenter à ta grande sœur et à ton grand frère ? Tu pourrais lui faire visite le château en même temps. Tu es d’accord ? Oh oui, oh oui ! Viens Ryry ! Sans laisser au petit garçon le temps de répondre, je lui prie la main pour l’entrainer hors de ma chambre. J’avais contourné habillement Père et le chevalier, sans même les bousculer, comme j’en avais souvent l’habitude. J’avais tendance à toujours me faufiler un peu partout dans le château, la plupart du temps en courant, si bien que j’avais appris à éviter les adultes se trouvant sur mon passage.
Perdue dans mes pensées, je ne fis pas attention aux bruits de pas derrière moi. Je venais de m’engouffrer dans un couloir quand une main me tira en arrière, et une autre se posa sur ma bouche. Je poussais un cri muet en me sentant trainer de force en arrière.
Tout doux… Je ne te veux aucun mal… C’est ton père qui m’envoie te chercher. Il pensait vraiment que j’allais le croire ? J’avais peut-être huit ans, mais je n’étais pas sotte. Lorsque Père voulait me voir, il venait en personne où demandait à Bâal Le Chevalier de le faire. Non, cet homme n’était pas envoyé par Père.
J’aurais vraiment du écouter Mère, quand elle me répétait que les quartiers des servants pouvaient être dangereux pour une Lady. Ne vous y trompez pas, j’aimais beaucoup ma Mère. Seulement… Seulement, je la trouvais trop protocolaire : « Fait-ci », « fait-ça », « tiens-toi droite », « une Lady ne fait pas comme ceci, mais comme cela ». Tout ça, ça m’ennuyait. Je préférais courir, dévorer des ouvrages en une journée, chanter, jouer de la musique, observer les dragons, grimper dans les arbres, faire une sieste au soleil, observer Père, Mère, Visenya, et Aegon dans leurs activités, les dessiner, mais surtout passer du temps avec Orys. Cela faisait un peu plus de trois ans maintenant que sa mère était morte et qu’il vivait avec nous. Nous avions beau ne pas être sortis du même ventre, je l’aimais autant que Aegon. Il était mon frère. Qu’il ait les cheveux bruns ou argentés n’avait aucune importance à mes yeux.
Décidant de me montrer plus rusée que lui, je lui fis un signe affirmatif de la tête, et me calma. Quand il relâcha sa prise, pensant m’avoir convaincu, je plantais mes dents dans sa chair, la faisant saigner. Je lui donnais un coup de pied entre les deux jambes comme j’avais vu le faire plusieurs fois Visenya à chaque fois qu’un garçon se montrait trop collant envers elle. L’homme poussa un cri de douleur et j’en profitais pour courir et crier à mon tour à l’aide. J’étais rapide, mais lui aussi. Il me rattrapa et me fit tomber la tête la première contre le sol. Je m’écrasais en poussant un cri de douleur. Il m’attrapa aussitôt par les jambes et me tira vers lui, furieux. Sans que je ne comprenne vraiment ce qui se passait, j’étais sur le dos, sous lui. Je me débattais, mais il était beaucoup plus fort que moi. Il plaqua de nouveau une main sur ma bouche pour m’empêcher de crier.
Tu vas me le payer Salope. Tout en parlant, il baissa son pantalon et enfouis sa main à l’intérieur. Je lui donnais de nouveau des coups de pieds, mais je n’arrivais pas à l’atteindre.
Oui c’est ça… Débats-toi… J’aime quand elles se débat… mhrfgtrprfr. Il releva légèrement les yeux vers moi, eut une sorte de haut-le-cœur avant que s’écoule de sa bouche du sang. Son corps s’écrasa alors sur moi, mort. Il était mort. J’hurlais, tout en m’écartant du corps encore chaud.
L’adrénaline retombée, j’étais complètement terrorisée. Il me fallut plusieurs minutes avant de réaliser que mon assaillant était bel et bien mort, et qu’en dehors de moi, il ne restait plus que mes deux frères présents dans le couloir. J’avais plusieurs fois frappé Aegon qui m’avait prise dans ses bras pour essayer de me calmer. Il aurait surement plusieurs bleus même si jamais il ne s’en plaindrait. Plutôt que de me faire le moindre reproche, il me serra tout contre lui, jusqu’à ce que Père arrive, prévenu par Orys.
Adossée à un arbre, je griffonnais sur un carnet la scène dont j’étais si souvent témoin. Visenya était vraiment une très bonne combattante. Elle donnait l’impression que son épée était le prolongement de son bras, et qu’elles deux ne faisaient qu’une. Concentrée, elle esquivait sans aucune peine les coups de son maître d’armes, et les lui rendait en faisant mouche. Elle n’avait plus besoin de lui, à présent. J’imaginais sans mal qu’elle « le gardait » pour ne pas perdre la main.
Lorsqu’elle le désarma, ils se saluèrent et arrêtèrent là pour aujourd’hui. Elle prit le verre qu’un servant lui tendit et l’avala d’un trait. Ce ne fut qu’en lui rendant qu’elle s’aperçue de ma présence. Avec la grâce qui la caractérisait, elle s’avança jusqu’à moi, pour me subtiliser mon carnet.
Je ne savais pas que tu me dessinais petite sœur. C’est vraiment… Visenya cherchait ses mots… C’était mauvais signe. Je récupérais mon carnet, le fermais, et le rangeais dans mon sac.
Tu n’aimes pas. baffouillais-je en regardant mes pieds.
Non non, pas du tout. C’est tout le contraire. Tu dessines vraiment très bien. Mère a essayé de m’apprendre, mais hélas, je n’ai pas le même don que toi. Je te l’envie parfois. Je relevais les yeux, pour regarder ma grande sœur. « Don » « te l’envie »? Je ne peux m’empêcher de rougir à ces mots.
Visenya n’avait vraiment rien à m’envier. Elle était tellement belle, tellement forte, tellement courageuse. Elle ressemblait à Aegon, en version féminine. Non, elle n’avait vraiment rien à m’envier.
Je sais ! Tu m’apprends à dessiner, et moi je t’apprends à combattre. Aegon m’a dit que tu rêvais encore parfois de cet incident. Cela t’aiderait surement à surmonter ta peur. Qu’en penses-tu ? Je me mordais la lèvre inférieure. Père avait essayé de m’apprendre le maniement de l’épée, comme il l’avait fait avec Visenya. Seulement, j’avais bien vite abandonné, ne supportant pas vraiment les comparaisons qu’il faisait sans vraiment s’en rendre compte entre Elle et moi. J’avais prétexté préférer prendre des cours de couture plutôt que des cours d’épées, et je n’avais plus jamais réessayé. Comprenant mon hésitation, elle ajouta
Nous n’en parlerons pas à Père si tu veux. Cela restera entre nous. Qu’est-ce qui restera entre vous ? Demanda Aegon, qui venait d’arriver sans que nous l’entendions. Nous sursautâmes toutes les deux. Visenya se reprit la première – bien entendu – et lui répondit sur un ton neutre.
Rien. Notre grand frère arqua un sourcil, avant d’hausser les épaules.
Je finirais bien par le savoir. Se contenta-t-il de nous dire avant de s’éloigner et rejoindre Orys qui l’attendait pour bretter contre lui.
Alors petite sœur ? C’est d’accord. On commence ce soir. Rejoints moi dans ma chambre à la nuit tombée. Visenya m’ébouriffa les cheveux comme elle avait l’habitude de faire, avant de s’éloigner. Un instant j’hésitais à retourner moi aussi au château, mais la tentation de croquer mes deux frères était bien trop tentante. J’adorais regarder Visenya pendant ses leçons, mais j’aimais également regarder Orys et Aegon combattre. Surtout que, par une chaleur pareille, il y avait de forte chance pour qu’ils finissent par se dévêtir. Et ça, c’était un spectacle que je ne voulais rater pour rien au monde.
Oh allez, Ae, rends le moi ! Ce n’est pas drôle ! Si tu l’abîmes, le vieux Mestre et Père vont me le reprocher. J’essayais de récupérer le livre que mon frère venait de me voler. Je m’étais glissée derrière un buisson pour être tranquille. Je savais que Mère me cherchait, ainsi avais-je pris grand soin de me cacher. Jétais allongée sur le ventre dans l’herbe, au soleil, quand Aegon s’était glissé dans mon dos sans un mot, pour m’arracher ce que j’avais subtilisé quelques heures plus tôt au Mestre. Selon lui, j’étais trop jeune pour avoir l’accès à ce genre de lecture, et Père avait été d’accord avec lui. Je ne voyais vraiment pas pourquoi je n’avais pas le droit de lire ces poésies… Bon si, en fait, je voyais très bien pourquoi ils m’avaient interdits cette lecture. « Trop érotique » soit disant pour une jeune fille de mon âge. Ce n’était pas parce que je n’avais pas encore saigné que je n’étais au courant de ces choses-là. Visenya m’en avait déjà parlé et j’avais surpris plusieurs fois des adultes en plein acte charnel. Je n’avais pas trouvé cela repoussant ou répugnant. Non c’était… Captivant. La satisfaction que l’on pouvait lire sur leur visage… Oui vraiment, j’avais hâte de pouvoir y gouter moi aussi.
Bientôt. C’était ce que je me répétais sans cesse. J’allais avoir quatorze ans dans quelques mois. Bientôt je serais une vraie femme.
Mère m’a envoyé te chercher. Cela fait plusieurs heures qu’elle te cherche. Orys a été obligé de lui mentir en affirmant qu’il ne savait pas où tu étais. C’est vrai, il a fait ça ? J’arrêtais tout de suite de m’agiter. Orys m’avait couverte, vraiment ? Lui si droit, et si loyal avait menti pour moi ? Un sourire timide naquit au bord de mes lèvres, sans que j’arrive à le retenir.
Je déteste ça… Humm ? Je regardais mon grand frère, le dévisageant légèrement.
Je déteste ça quand tu souris en pensant à lui. Cette fois ci, je le dévisageais totalement.
Ce n’est pas… Il posa un doigt sur mes lèvres, me faisant taire. Il lâcha mon livre – qui retomba sur le sol – et posa sa seconde main sous mon menton.
Ça me rend jaloux de mon frère… Et je déteste ça… Moi aussi je veux que tu souries en pensant à moi… Dis-moi petite sœur, m’aimes-tu autant que tu l’aimes ? Que… Qu’arrivait-il à Aegon ? Avant que je n’ouvre la bouche pour le questionner, il fit glisser ses doigts derrière ma nuque, pour rapprocher mon visage du sien, et mieux me voler un baiser. Mon tout premier baiser. Ses lèvres s’écrasèrent sur les miennes avec fougue, passion, à la limite de la violence. Rapidement, elles se firent plus douces, plus délicates. Ses doigts se perdirent dans mes cheveux, et je crus vraiment plus d’une fois que j’allais m’évanouir.
Si je réalisais ce qui était en train de se passer ? La réponse était non, même si mon cœur battait très fort dans ma poitrine, au point où il me donnait l’impression qu’il allait sortir de mon corps et s’en aller.
Je ne sais pas vraiment combien de temps il m’embrassa. Quelques secondes, plusieurs minutes, une heure, allez savoir. Je restais là, debout, à le regarder alors qu’il me donnait mon premier baiser. Un premier baiser dont je n’étais pas prête à oublier. Un premier baiser que j’avais tout simplement adoré et qui m’avait finalement laissé un gout de pas assez dans la bouche. Un premier baiser qui, je l’espérais, ne serait pas le dernier.
Approchez mes fenfants. J’ai un présent pour vous. Dans un même mouvement, Visenya, Aegon et moi-même avançâmes vers Père. Nous étions parfaitement coordonnés tous les trois dans nos pas. Nous ne formions qu’une seule personne en cet instant, qu’un seul être. J’étais arrivée à chasser toutes traces de rougeur sur mon visage. A chaque fois qu’Aegon venait me tenir compagnie, nous finissions par nous embrasser longuement, et je finissais essoufflée, les joues toutes rouges. Malheureusement ma robe elle, était encore tâchée de vert. Mère n’allait pas être contente en constatant qu’une fois de plus, j’étais partie m’allonger dans l’herbe pour lire. Je commençais à avoir l’habitude, et elle ne se fâchait pas vraiment. Après tout, c’était d’elle que je tenais mon amour pour la lecture, les arts et la musique.
Orys se tenait quelques pas derrière nous. Il n’était pas un Targaryen et même si Père l’avait élevé et reconnu comme étant son fils, il n’avait pas les mêmes droits que nous. C’était injuste, tellement injuste. Il avait grandi avec nous, dans cette demeure, à nos côtés. Père n’avait jamais fait aucune différence entre nous, d’aussi loin que je puisse m’en rappeler. Il avait au contraire tout fait pour que nous nous considérions tous comme des frères et sœurs. Parce que c’était ce que nous étions : une même fratrie.
Quand Bâal avait demandé à Orys de rester en retrait, nous nous étions tous offusqués, mais Père avait mis un terme à cela d’un simple geste de la main. Il était le Sire, et nous avions beau être ses enfants adorés, nous n’avions pas le droit de contester l’une de ses décisions. C’était vraiment à ne rien y comprendre. Et nous ne pouvions même pas mettre cela sur le compte de Mère. La présence d’Orys ne l’avait jamais dérangé.
Que se passait-il donc ?
La réponse arriva bien rapidement. Père fit de nouveau un signe de la main et des serviteurs apportèrent trois coffres, qu’ils posèrent devant nous. Nous interrogeâmes tous trois Père du regard, pour découvrir un sourire sur son visage.
Ouvrez-le mes enfants. Je m’agenouillais sur le sol. Délicatement, je soulevais le couvercle pour le poser sur le sol.
Un œuf…
Il y avait un magnifique œuf, ressemblant à un énorme diamant dans mon coffre. Je tournais la tête vers mon frère et ma sœur. Ces derniers avaient déjà retiré leur présent de son écrin. Visenya avait un œuf marron dans ses bras. Et Raenys, lui avait une énorme griffe de dragon dans sa main, une griffe qui appartenait à Balerion. Avec la plus grande délicatesse, je récupérais le mien pour le poser sur mes genoux. Je ne pus m’empêcher de le caresser, mais seulement du bout des doigts. Un dragon… Bientôt j’aurais un dragon.
On le fait demain matin alors. Visenya et moi hochèrent la tête en même temps. Cela faisait plusieurs mois maintenant que nous avions reçu elle et moi un œuf de dragon. Père avait refusé de nous indiquer comment les faire éclore. Selon lui, c’était à nous de le découvrir tous seuls. Il ne s’était ainsi plus écouler une seule journée sans que je ne sois plongée dans des livres traitant le sujet des dragons. Je n’avais jamais rien trouvé sur la manière dont il naissait jusqu’à cette nuit.
J’avais rêvé de ce qu’il fallait faire et m’étais précipitée dans la chambre de Visenya. Elle était allée trouver Aegon et moi Orys. Même s’ils n’avaient pas reçu d’œuf de dragon, nous nous étions mis d’accord pour ne pas les tenir à l’écart. Ils étaient nos frères. Aegon, avait eu lui, comme je l’avais deviné, avait hérité de Balerion, pour sa plus grande joie. Père lui avait offert son dragon noir, le plus grand de tous.
Orys n’était pas vraiment enthousiaste à notre plan et émettait plusieurs réserves. Il avait peur pour nous.
Vous êtes sûrs de vous ? Mais oui. Puisque que je te dis que je l’ai rêvé. Justement, ce n’était qu’un rêve Rhaenys. Pas seulement un rêve. Je le sens au fond de moi. Alors nous le ferons demain matin. Aegon posa sa main sur mon épaule pour me soutenir, et Visenya en fit de même. Eux me comprenaient. Eux aussi sentaient que nous devions le faire. Nous devions allumer un grand feu et y entrer avec nos œufs. Cela pouvait paraitre suicidaire seulement… Seulement nous savions que nous n’avions rien à craindre, que nous ne brûlerions pas et que nous en ressortirions indemnes, avec nos dragons. Aegon, même s’il ne possédait pas d’œuf de dragon avait décidé de le faire avec nous. Il voulait se tenir aux côtés de ses sœurs quand nous émergerions du braisier avec nos dragons.
Vous devriez en parler à Père avant et… Orys, mon frère. Notre décision est prise. Faits nous confiance, il ne nous arrivera rien. Leurs dragons ont déjà trop attendus.
Mademoiselle, attendez ! N’écoutant pas les demandes de ma servante, je grimpais sur le dos de Meraxès, ma dragonne aux écailles diamants. Elle était assez grande à présent pour être montée. Cela faisait des semaines que j’attendais cela, depuis que Meraxès était capable d’avaler un mouton entier. J’étais déjà montée à de nombreuses reprise sur Balerion avec mon père, seulement… Ce ne serait pas la même chose avec MA dragonne, celle dont je m’étais occupée à chaque instant depuis son éclosion. Vaghar était plus petite que Mexarès étonnement. Nous avions tous pensés qu’étant la fille de Balerion, elle surpasserait toutes les autres dragonnes et pourtant, Meraxès était bien plus grande, alors qu’elle n’était pas issue du grand dragon noir qui pouvait sans mal déjà engloutir plusieurs chevaux entiers.
Comme Père, plusieurs fois notre frère nous avait proposé de monter avec lui, mais Visenya et moi avions refusé. Nous voulions chevaucher notre dragonne, et uniquement elle. Et mon tour était enfin arrivé. Ma grande sœur n’allait pas être enchantée quand elle l’apprendrait. Elle était mon aînée et pourtant j’aurais le privilège de monter ma dragonne avant la sienne. D’un autre côté, elle était celle qui passer le moins de temps à s’en occuper. En âge de se marier, Visenya était accaparée par ses obligations de Lady. Finalement, j’étais heureuse ne n’avoir toujours pas saigné. Ainsi, je pouvais passer mes journées à veiller sur Meraxès. J’en avais même abandonné mes lectures quotidiennes, des rendez-vous secrets avec Aegon et mes leçons avec Visenya, tant sa présence me remplissait de bonheur. Il n’y avait plus qu’elle qui comptait à présent.
Je suis le souffle des mille vents.
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé.
Je suis la douce pluie d'été
Je suis des grains de sable le scintillement.
Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin.
Je suis le soleil qui brille à horizon.
Je suis les larmes des Valéryens
Je suis le souffle des dragons.
C’est pour Père ? J’inclinais la tête de haut en bas, la gorge trop serrée pour parler. Cela faisait déjà plusieurs jours qu’il nous avait quitté et pourtant, pas un seul instant ne se passait sans que je ne pense à lui. Ma douleur était toujours aussi vive et mes larmes ne cessaient de couler de mes yeux. Comment… Comment faisaient-ils tous pour continuer à vivre après la perte d’un être qui avait tant compté pour nous ? Je devais me relever. Il n’aurait pas voulu que je me morfonde. Mais pas tout de suite, pas ce soir. Demain. Oui Demain. Ce soir, je voulais juste rester blottie dans les bras d’Aegon, encore une fois.
C’est magnifique petite sœur. Magnifique ? Je n’en étais pas certaine. J’avais juste laissé ma plume courir sur le papier, dans un dernier hommage à notre père.
Les lèvres d’Aegon vinrent bientôt recouvrir mes larmes et chasser mon chagrin. Je n’étais pas seule, et le vide que je ressentais dans mon cœur se résorberait bientôt. J’avais mes deux frères, ma sœur et ma dragonne, je ne serais jamais seule, tant qu’ils étaient là, à mes côtés.
Un émissaire des terres de l’Ouest entre dans la grande salle de notre château, entouré par des soldats portant les couleurs de la maison Targaryen. Il est suivi par plusieurs hommes, portant où des corbeilles en osier, ou des boites en chêne. Je sais ce qu’elles contiennent. Je sais très bien ce qui m’attend. Je pourrais me refuser à cet exercice seulement… Seulement je leur dois. Je n’en ai pas vraiment envie, mais pour mon frère, pour ma sœur, je le ferais. C’est ce qu’ils auraient voulu. C’est ce qu’ils auraient attendu de moi.
Cela faisait quelques jours déjà qu’Aegon et Visenya sont partis sur le continent rencontrer le dirigeant de la maison Haore. J’avais essayé de les dissuader d’y aller tous deux, mais ils ne m’avaient pas écouté. Ils le devaient. Pour notre maison, pour notre projet, pour Westeros. Cela faisait plusieurs années déjà que nous aspirons à amener la paix au sein des sept royaumes. Nous, enfants de la maison Targaryen, chevaucheurs de Dragons, nous allions leur apporter la paix en les unifiant sous une même couronne : celle que porterait mon aîné. Avec l’aide de nos trois dragons aucune armée ne pourrait nous résister. Les morts étaient inévitables pour que la paix puisse éclore. Nous en avions tous trois conscients, même si cela nous dérangeait. C’était un mal nécessaire pour le bonheur et la survie de tout le peuple. Les guerres étaient en train de le saigner à blanc, et mettre le royaume à feu et à sang. Les Sires étaient incapables de se mettre d’accords. Nous devions les soumettre et les obliger à accepter notre gouvernance. Westeros en avait besoin.
Je les vengerais. Je vengerais leur mort et j’accomplirais notre projet.
Je me lève de ce qui constitue à présent mon trône, et descend les quelques marches. Je prends avec délicatesse le visage de mon frère et l’embrasse sur le front. J’en fais de même avec celui de Visenya. Je laisse une larme, une seule larme s’écouler le long de ma joue. Je ne pleurerai pas plus. Je dois me montrer forte, et digne de leur héritage.
Mon cœur saigne, mais je ne laisse rien transparaitre. Je m’écarte de ce qu’il me reste de mes aînés et m’approche de leurs dragons. Je dépose un baiser sur mes doigts, avant de les poser sur le front de Vhagar, la fidèle dragonne aux écailles marron, et Balérion, le puissant dragon noir. Meraxès hurle au dehors. Elle exprime tout le désespoir qui m’habite et que je cache. Elle rend un dernier hommage à sa sœur et à son frère tombés.
Orys ordonne alors à ce qu’un grand bûcher soit érigé. Ma gorge est trop serrée pour que je puisse prononcer le moindre mot et il le sait. Les Dieux avaient au moins eu la décence de ne pas m’arracher Orys. Je pense que si je l’avais également perdu, je me serai jetée de la plus haute fenêtre de notre demeure. Je n’étais pas aussi forte qu’eux, même si j’allais tout faire pour le devenir. Ma haine était immense et elle comblerait mes faiblesses. Il payera. Oh oui, il payera pour ce qu’il avait fait.
Orys s’avance devant moi et pose un genou à terre. C’est bien la première fois qu’il ploie le genou devant moi. Jamais je ne l’aurais accepté, seulement… Je n’avais pas encore la force de me battre. Pas encore. J’avais beau cacher ma souffrance aux yeux de tous, elle restait présente et me dévorait de l’intérieur. Ces derniers jours, si mon frère n’avait pas été là pour me souffler quoi faire, je n’aurais tout simplement rien fait.
Il incline la tête, avant de me présenter un très bel objet, finement ouvragé. Cet objet attire tout de suite mon attention. Une couronne… Il s’agit d’une magnifique couronne. L’assemblée murmure alors que je me lève. Je ne suis plus une petite fille, ni même la simple fille d’un sire. Orys venait de me le faire comprendre à m’offrant ce bijou. Il avait suffis que je porte mes yeux sur son présent pour que je sorte de ma léthargie. Toute vêtue de noir, je m’approche de mon frère dignement, comme la Reine que je devais devenir. Je récupère l’ouvrage de ses mains et la pose sur ma tête, me couronnant toute seule Reine. Je suis un dragon, et aucun mortel ne peut couronner un dragon. Je tire Noire Sœur de son fourreau, l’épée que m’a offerte Visenya avant son départ. Je me forgerais ma propre destinée. Je conquerrais moi-même les sept royaumes de Westeros. Et je brûlerais tous ceux qui s’opposeront à mon règne.
Honneur et vengeance pour le Dragon ! La voix d’Orys s’élève dans la salle où tous sont à présent à genoux devant moi. Je balaye la pièce du regard, m’attardant juste chaque banneret, sur chaque noble présent. Ils reprennent en cœur les mots de mon frère, m’acceptent comme leur Reine, et me jurent ainsi fidélité.
Honneur et vengeance pour le Dragon ! La Reine sur le Trône de Westeros! Vive la Reine ! Vive la Reine des Sept Couronnes ! Le destin est à présent en marche. Ennemis, tremblez… Bientôt je viendrais prendre vos maisons, vos enfants et vos épouses. Je gagnerais vos terres, même si je dois tout brûler sur mon chemin. Tremblez tant que vous le pouvez encore. Mexarès, Orys et moi n’épargneront personne. Une fois leur fidélité jurée, je leur fis signe de se taire. Je fis signe à Orys de se relever devant moi. Il avait eu un présent pour moi et à présent j’en avais un pour lui moi aussi. Ce cadeau c’était quelque chose que mon père aurait voulu. Il nous l’avait dit à Aegon, à Visenya et à moi sur son lit de mot.
Moi Rhaenys, Reine des Sept couronnes, héritière de Peyredragon, je légitimise Orys Waters, fils d’Aerion Targaryen. Dorénavant, il sera Orys Baratheon premier du nom, protecteur de Peyredragon, et Main de la Reine. Il était temps qu’Orys ait un nom de famille noble, faisant de lui un futur Sire et non plus un bâtard. Je faisais dorénavant de lui mon premier conseiller, et le protecteur de notre royaume.. Orys Baratheon… Tel était à présent son nom même si pour moi il resterait toujours Ryry. Ais-je besoin de préciser qu’il n’apprécie pas particulièrement ce surnom ?