Rencontre au crépuscule

D
Senia Florent n’aimait pas les tournois. Chacun, en entendant cette remarque de sa part, aurait immédiatement acquiescé. La chose faisait sens, il n’était pas rare qu’une jeune et innocente dame, venu aux festivités pour trouver un bon parti se retrouve l’estomac noué par la violence d’un combat. Ce n’était pas tant le problème de la jeune dame de Rubriant.  Le fait est : Senia Florent n’était pas étrangère à la violence de la vie. Elle avait observé les enfants aux corps froids dans les bras de leurs mères en deuil, les anciens à la mort lente et silencieuse, les pendus hurlant leur innocence de leur dernier souffle. La mort était partout, au réveil, à la table comme le soir au bord du lit et Senia Florent ne l’avait traité avec grand égard. La mort semblait n’être, pour elle, qu’une étape de la vie semblable aux autres.

Elle ne montrait ni les larmes ni les plaintes qu’on aurait pu attendre de sa personne. Même la mort de sa mère deux ans plus tôt n’avait réussi à lui arracher de pleurs. Non, ni la mort ni la violence n’était la cause de son manque d’affection pour les tournois.

Ce qui l’empêchait d’apprécier le tournois et leurs violences était l’inutilité du tout. Le loup tue le lapin pour se nourrir et l’homme fait de même en tranchant la gorge du veau, le pendu trouve dans la mort la punition pour ses crimes. Mais les combats et le sang des tournois n’avait pas de but autre que l’amusement et le paraître, tant de raisons que Senia Florent peinait à comprendre. Elle avait observé, assise à la gauche de son frère et sous la tente réservée à la famille Florent, les combats des divers hommes et notamment du premier né des Rowan. Elle avait regardé le digne représentant de la famille organisatrice du tournois se débattre avec une certaine noblesse malgré la rudesse de la bataille, le jeune homme finissant par triompher de son adversaire à pied. C’est au cours de ce combat que l'aîné des Florent avait posé une main sur le bras de Senia pour attirer son attention.

“ Nous irons lui rendre visite ce soir, observe bien ce combat pour pouvoir lui faire un commentaire. Je compte sur toi pour faire bonne impression.”

Après avoir d’abord froncé les sourcils, Senia Florent avait fini par hocher la tête. Sans un mot, lui faire comprendre que ses ordres ont été entendus et seront obéis. Alors la jeune dame s'était penchée avec plus d’attention sur le visage du seigneur, essayant de deviner ses traits derrière le masque. Elle observa le reste des festivités en silence, attendant que la fin de l’après-midi et qu’il soit temps pour elle de traverser cette épreuve qu’était toujours la présentation auprès d’étrangers.

Senia Florent pénétra dans la tente, son frère tenant un pans de tissu rabattu pour elle. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que la jeune fille plante son regard vers ses pieds, se sentant gênée de la situation dans laquelle elle venait de trouver le seigneur Aldus. L’homme se tenait là, une coupe de vin à la main tandis que son écuyer se démenait pour l’aider à retirer son armure. Si la situation n’avait rien de compromettant pour aucune des personnes dans la pièce, il n’en était que la jeune Senia Florent ne savait pas bien comment se placer.

“Seigneur Rowan.” Son frère initia, son usuel sourire poli sur les lèvres. “C’est un très beau combat que vous nous avez offert là, vous me feriez presque regretter de ne pas avoir participé. Enfin… Je souhaitais vous présenter ma jeune soeur Senia, elle a observé avec beaucoup d’attention votre combat et souhaitait rencontrer le vainqueur du jour. Senia...”

Ce dernier mot fut prononcé d’un ton plus profond et qui ne laissait place à aucun questionnement de son autorité. Senia Florent ne releva pas le mensonge de son frère, elle avait appris à laisser les intrigances de ce derniers se faire sans s’y opposer.

“Seigneur Rowan, c’est une joie de vous rencontrer.”

Senia Florent servit une révérence digne d’une dame de son rang et laissa son regard remonter jusqu’au bas du visage du combattant, qu’elle trouva aux traits bien durs et marqué de blessures.

“J’espère que nous ne vous dérangeons pas en nous imposant ainsi dans votre tente.”

Codage par Libella sur Graphiorum

Rencontre au crépuscule

D
ehors, le vacarme du tournois faisait toujours rage. Un brouhaha des bêtes et des hommes se partageant un bout de terre trop petit le temps d’un tournois, toujours sur le point de bousculer un autre ou d’être bousculé. Des cris, des rires, des casseroles et du fer que l’on bat. Tout cela résonnait dans la tête de Senia Florent comme un tambour qu’on aurait battu contre son oreille. Pourtant elle ne disait rien. L’habitude de toute une vie où il lui avait toujours semblé être la seule à entendre le monde extérieur avec une telle force. Après tout, à quoi bon se plaindre d’un mot que rien ne pourrait jamais faire disparaitre. Non, elle se contentait d’accepter.
La tente avait au moins l’avantage de masquer une partie des bruits, d’atténuer le tambour. Le jour offrait encore une douce lumière et seuls quelques bougies avaient été allumé, plongeant le lieu dans une chaleureuse mais vacillante lumière orangée.

« Merci seigneur Rowan »

Senia Florent inclina la tête avant de prendre place sur l’un des sièges qui lui avait été désigné. Elle tourna la tête vers son frère, sentant son regard inquisiteur. L’erreur ne lui était pas permise. Son père pouvait encore accepter ses étrangetés et son manque d’intérêt pour les choses sociales mais son frère ne se montrait pas aussi clément. Elle connaissait trop bien les crises de colère noire qui pouvait être sienne, et dont elle était toujours du côté recevant. Les hurlements et les coups durant parfois durant des heures complète et dont seul la fatigue de son ainé arrivait à mettre fin. Les colères s’étaient faites encore plus violentes au cours de ses deux dernières années, depuis la disparition de leurs mères, depuis que Senia n’avait plus personne pour la protéger des violences. Mais ainsi était la vie, la jeune fille avait fini par s’y faire.

Alors que ce l’héritier de Boisdoré commença à retirer les diverses parties de son armure pour ne laisser que sa côte de maille, Senia Florent détourna le regard. Cet homme n’avait-il donc aucun gène où bien était-ce une chose normale ? La jeune fille peinait à savoir. En tout cas cela ne semblait pas gêner le jeune Rowan qui retirait même à présent ses jambières. La jeune femme commençait même à sentir ses joues prendre de la couleur. D’autres filles auraient sûrement su soutenir cette vision sans en rougir et peut-être Senia aurait-elle dû. Peut-être même aurait-elle du essayer de voler quelques visions de cet homme et de sa musculature à présent révélée. Après tout elle allait à présent sur ses quinze printemps et il est normal pour les filles de cet âge de cet âge de commencer à montrer un intérêt pour l’autre sexe mais l’enfant de la maison Florent avait toujours été trop croyante et timide pour ces choses-là.
 
« Veuillez me pardonner, ma sœur avait si hâte de vous rencontrer que j’en ai oublié mes manières, je suis ser Ennio Florent. »

Senia Florent sentit le regard de se poser sur elle, se même regard auquel elle essayait toujours d’échapper. Mais elle savait bien que les gens ne supportaient pas cette habitude et se força donc à lever le regard. Le regarder. Lui rendre son sourire. Voilà qui ferait plaisir à son frère. Un beau sourire poli mettant en valeur les deux fossettes se creusant au milieu de ses joues. Puis un homme entra dans la tente. Senia ne prit même pas la peine de se tourner, elle connaissait déjà la suite de ce théâtre de marionnette. Elle n’était qu’une autre actrice au milieu de la scène. Un peu plus récalcitrante et difficile que les autre c’est tout. D’abord l’homme donnerait une bonne excuse.

« Seigneur Florent, votre épouse vous réclame, une lettre de votre père vient de vous arriver. »

Puis son frère se retirerait, la laissant seule.

« Seigneur Rowan, je vous prie de m’excuser mais je dois m’absenter. Je vous laisse en compagnie de ma sœur qui a tant apprécié vos combats. »

Le jeu était un peu risqué. Une jeune fille de son âge laissé seule auprès d’un homme et de son écuyer n’était pas bien vu mais voilà, tel avait été décidé par son ainé. Livrer sa sœur comme une proie en espérant qu’un chasseur veuille bien d’elle. Des membres de la maison des Essaims et de la maison Grimm l’avait déjà refusé et chacun craignait que cela se fasse trop savoir. Il lui faudrait bien jouer ce soir. Lire sa réplique sans se tromper.

« Seigneur Rowan, on me dit que vous n’êtes pas encore fiancé, un homme de votre rang et un aussi valeureux guerrier cela m’a bien étonné. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Rencontre au crépuscule

Souvent Senia Florent rêvait de l’homme qui serait un jour son époux. Bercée encore par les histoires que lui comptait jadis sa mère, la dame de Rubriant le voyait digne des héros berçant les légendes du passé. Il serait beau, grand, une longue chevelure blonde comme le blé, les yeux bleus comme le ciel, un visage aussi doux que noble. De son charactère aussi elle connaissait chaque détail. L’homme serait bon et juste, un fervent croyant se montrant généreux envers les plus démunis, un père de famille se montrant protecteur envers ses proches… Avec elle, son époux serait le plus doux des maris. Après que leur regard se soit croisé durant une fête, bien moins cruel qu’un tournois, il irait immédiatement demander sa main à son père et l’emmènerait vivre dans son palais pleins de vie, bien loin des murs froids de Rubriant. Il lui offrirait un cygne et en échange elle lui offrirait de nombreux enfants, des fils valeureux et des filles pieuses.

Mais cet époux n’était qu’un songe. Même la fille simple qu’elle était le savait.

«  Qui vous dit que je ne suis pas déjà fiancé ou que je ne fréquente pas une demoiselle ?  »

Senia Florent se mordit l’intérieur de la joue et se fit plus petite encore sur son siège. Elle n’en savait rien, avait cru, on lui avait dit. Son frère aurait-il pu ne pas être au courant d’une fiancé ? Pourtant Ennio savait tout, même sans quitter Rubriant il suivait avec intérêt chacun des fils politiques se tissant entre les différents seigneurs des alentours. La jeune fille avait toujours trouvé ça autant impressionnant qu’effrayant. Son frère lui avait-il menti ?  Non, non… ça ne faisait pas sens. Pourtant c’était bien possible. Ce n’était pas la première fois que son ainé lui mentait sans que la jeune fille ne comprenne pourquoi. Elle ne l’avait jamais compris. Ennio lui semblait parfois si loin et si différent de sa personne qu’elle en venait à questionner comment ils pouvaient partager le même sang.

Ce plan était une mauvaise idée. Plus les secondes passaient et plus Senia Florent se sentait mal à l’aise. Elle n’avait pas prévu cette réponse du jeune Rowan et ne savait plus exactement quel plan suivre. L’homme dans la tente n’arrangeait rien. S’il avait fait l’effort de passer derrière un paravent de tissus, Senia ne pouvait s’empêcher de penser que juste derrière l’homme était à peine décent. N’avait-il donc aucune pudeur ? Aucune valeur ? Coincée entre l’envie de courir très vite hors de cette tente et le devoir d’y rester, Senia ne savait pas bien quoi faire. Alors elle restait assise sur sa chaise, tremblante, rouge d’embarras. Elle ne l’écoutait plus que d’une oreille distraite, suivant vaguement ce que lui disait son interlocuteur. Assez en tout cas pour savoir qu’il avait raison. Ce n’était pas bien compliqué cependant, elle n’avait jamais été bonne menteuse.

« Je dois… quand même bien admettre que vous me semblez être quelqu’un de rusée pour votre jeune âge. A priori vous êtes la seule qui est venue tenter votre chance, à moins que votre frère se soit chargé d’éliminer vos rivales avant d’entrer dans cette tente mais… je pense que je l’aurais quand même entendu si c’était le cas. »

Rusé ? Voilà qui fut assez pour faire relever la tête à la jeune Senia Florent. Voilà un mot qu’elle n’avait jamais entendu pour la désigner.  Non. Et elle ne savait pas bien comment y réagir. Elle ne savait pas non plus comment réagir à la réflexion de l’homme. Était-ce un trait d’humour.

Oh, elle n’aimait pas cela, elle n’aimait pas cela du tout et cela. A aucun moment Senia n’avait arrêté de trembler.

«  Alors Dame Florent laissez-moi vous dire une chose : si vous voulez marquer des points avec moi, le mieux à faire est encore de jouer franc-jeu vous ne trouvez pas ? Par respect l’un envers l’autre cela me semblera être un meilleur point de départ. »

Elle se figea sur place. Jouer franc-jeu voilà qui était absolument terrifiant. Elle ne savait pas quoi lui dire du tout elle, à cet homme !

« Eh bien… »

Elle jouait de ses doigts, mal à l’aise. Devait-elle vraiment être honnête ?

« Si, si… J’étais très intéressée par votre combat. » Senia cherchait ses mots. « Vous étiez très beau. »

Bon sang, pourquoi cela lui semblait si difficile. Mentir…

« Je suis désolé… » Elle tremblait jusqu’à l’os. « Mon frère voulait que je fasse bonne impression pour que vous vouliez m’épouser mais je n’y arrive pas, je suis désolé je n’y arrive pas. Oh ! Vous êtes gentil et puis vous n’êtes pas blond mais vous êtes tout de même beau mais je ne sais pas quoi dire je suis désolé… »

Alors enfin elle fut honnête, s’excusant profondément sans véritablement savoir pourquoi. Sûrement par habitude. Et puis à force, les larmes commencèrent à perler le long de ses yeux, lui faisant la pupille humide jusqu’à ce qu’enfin elles éclatement et coulent en grosse cascade le long de ses joues. Du revers de la main elle tentait bien de les essuyer mais rien n’y faisait.

Codage par Libella sur Graphiorum

Rencontre au crépuscule

Il y avait dans ce bas-monde des femmes capable de rester belle et élégante même dans les moments les plus terribles, être magnifique malgré de grosses larmes roulant le long de ses joues, exprimer ses émotions avec encore plus de beauté.  Senia Florent n’était pas de ces dames, dans son chagrin son visage devenait rouge comme après un effort physique et elle ne pouvait s’empêcher de renifler avec un manque notable d’élégance. Alors lorsqu’Aldus approcha le mouchoir de soie de ses joues, elle voulut d’abord échapper à ce contact, garder pour elle son chagrin et l’expression disgracieuse de ce dernier.

« Je suis désolé » Senia essayait de parler clairement malgré sa goerge nouée mais chacun de ses mots se transformait en murmure à peine audible et encore moins compréhensible. « Je ne voulais pas pleurer, je suis désolé ! »

Aldus Rowan se faisait doux avec elle malgré son apparence si dure, essuyant délicatement les larmes qui qui roulaient le long des joues de la jeune fille. Oh, qu’il était rare que l’on se montre aussi doux avec elle. Mais plus son hôte se faisait tendre et plus Senia Florent se sentait honteuse d’un tel emportement émotif. Doucement, son torse se balançait d’avant en arrière, mouvement idiot mais qui seul semblait capable de la calmer. Ses mains agrippaient aussi fermement le tissus de sa robe que sa gorge était nouée. Elle se détestait de pleurer ainsi pour une telle bêtise. Quelle idiote mais quelle idiote !

Soudainement, Senia Florent se retrouva à observer son hôte lui souffler au visage et si son intention était sûrement de l’aider à se détendre, la jeune fille fut surtout prise d’un rire léger à cette étrange vision. Ce n’était pas un fou rire mais assez déjà pour éclairer son visage, comme l’arc-en-ciel après la pluie. Bien que pas de la manière espérée, Aldus avait bien réussi à calmer ses larmes.

Ses joues séchées, elle accepta le verre d’eau et en bue une gorgé malgré sa gorge nouée par les larmes.

- Allez-y buvez. Vous irez mieux. Je ne suis peut-être pas blond, mais au moins je ne suis pas une brute, c’est un bon début vous ne pensez pas ?

« Oh je suis désolé, je ne voulais pas dire ça. » Senia Florent essaya d’offrir un sourire à son hôte, ne parvenant pas à noter le ton de plaisanterie et craignant que son hôte n’ait pris personnellement la remarque. « Vous êtes vraiment très bon seigneur Rowan, beaucoup trop, merci beaucoup. »

Elle se frotta un instant ses yeux déjà rendus rouges par les larmes, finissant de se débarrasser de l’humidité au coin de ses yeux avant de se saisir à nouveau du verre d’eau et de le terminer d’une traite, sa gorge enfin calmée de la légère douleur qui avait commencé à s’y installer. Puis Senia Florent se tourna vers son hôte, le balancement de son corps à présent calmé mais ses mains toujours aussi fermement agrippées au tissu de sa robe. Quel gentilhomme, peut-être pourrait-il faire un bon mari finalement, même sans être blond.

« Dites, je suis désolé de vous embêter mais ça ne vous dérangerait pas de garder ce qui vient de se passer pour vous. Je vous rembourserais un jour cette date je vous l’assure… Oh ce n'est pas grave si vous refusez de m'épouser je comprendrais mais s'il vous plait ne répétez pas ce qu'il vient de se passer.»

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Rencontre au crépuscule

S
enia Florent reposa son second verre sur la table avant de faire un signe que ce n’était pas nécessaire au jeune écuyer qui s’avançait déjà pour lui proposer de la resservir. Il faut dire qu’elle avait toujours été très sensible à la boisson et déjà, le vin commençait à lui monter à la tête. Ou était-ce la chaleur qui avait monté sous la tente à force de la présence de trois personnes ? Elle évitait toujours l’eau de vie et autre liqueur, les trouvant d’abord bien amères et n’y trouvant aucun intérêt, mais aussi parce qu’à chaque moment où elle avait ne serait-ce que trempé ses lèvres dans la boisson elle avait immédiatement senti la fatigue lui casser les jambes et son estomac se retourner. Mais contrairement à ces terribles souvenirs, Senia se sentait bien, simplement plus détendue.

Elle avait accepté le premier verre par simple politesse et pour ne pas passer pour plus jeune qu’elle ne l’était, qu’il la regarde d’égal à égal. Puis ce verre avait permis d’ouvrir une discussion avec plus de légèreté, certes, mais aussi bien plus de simplicité. A chaque mot, aussi simple soit-il, ses yeux avaient un peu plus séché, sa langue et son estomac s’était peu plus dénoué et son sourire s’était élargie. Qu’importe leurs discussions ! Elle en avait déjà oublié tous les mots. Des banalités sur les autres combattant présents aux tournois, sur l’amour porté à leurs maisons respectives, des divers mets qui seraient servis le soir même et puis… Et puis… Oh ! Elle ne s’en souvenait plus.

Senia replaça derrière son oreille une mèche blonde qui s’était échappée de sa coiffure dans ce mouvement si charmant, dont le charme se cachait dans l’ignorance complète de son charme par la demoiselle le faisant. Puis elle se tourna de nouveaux vers l’homme qui s’était assis face à elle pour continuer la discussion.

« Je devrais peut-être me retirer à présent, j’ai déjà pris bien de votre temps. »

Elle replaça sur ses épaules son châle d’un bleue ciel si pure qui, sans qu’elle le remarque, avait commencé à chuter au fur et à mesure de la discussion, révélant un instant la chaire blanche de ses épaules.

« Mais… » Elle eut un tendre sourire, une véritable affection pour ce garçon qui s’était montrée bien gentil et bien doux avec elle-même s’il lui avait refusé ce pour quoi on les avait présentés. « Ce fut très agréable de discuter avec vous en tout cas même si… Enfin… Ce fut très agréable oui. »

Elle épousseta sa robe bien qu’aucune poussière ne s’y soit déposé au cours de la discussion mais, simplement, par habitude de ce simple mouvement. Elle voulut se lever, puis pensa un instant et s’arrêta dans son mouvement.

« Dites… Si cela ne vous dérange pas j’aimerais beaucoup pour continuer de parler avec vous, de vous envoyer des lettres si cela vous convient. Il est que… Je n’ai pas grand monde avec qui parler à Rubriant. »

La chose, bien que triste, était la plus simple vérité. Rubriant lui était une maison plus qu’un foyer. Elle, la sœur que l’ainé n’avait jamais considéré avec tendresse où même la moindre acceptation, la dame déclarée comme idiote par son seigneur et donc, par lien de vassalité, déclarée ainsi par tous à Rubriant. Maman morte, cette solitude s’était encore plus renforcée. Elle inspira. Profondément. Sentie sa poitrine se gonfler sous

« Alors si vous ne voulez pas m’épouser, je vous comprendrais parfaitement mais, j’aimerais beaucoup être votre ami. Si vous ne le voulez pas ne le dites pas maintenant je vous en prie, laissez moi ça. Si vous ne le voulez pas, simplement, lorsque je vous enverrais ma lettre n’y répondez pas. »

Codage par Libella sur Graphiorum