Dès qu’elle avait appris pour le retour de son époux, Myria avait quitté Pyk pour le rejoindre à Dix Tours sans attendre. Elle n’avait peut-être pas réussi à convaincre les Seigneurs qu’il était le meilleur prétendant, ou peut-être que si, qui sait. A croire qu’il étaient tous idiots ou qu’ils avaient oublié que la couronne n’était pas traditionnellement héréditaire sur les Îles de Fer, ou qu'ils avaient trop peur d’Eren et de son époux pour la contredire ? Mais elle avait de toute façon trop hâte de le retrouver et de se jeter dans ses bras après son départ dans le Conflans en soutien du Roi Yoren afin de lui venir en aide et de réunir les forces du sel et du Roc pour la reconquête. Elle avait craint le pire quand elle avait appris que Yoren était encerclé et prêt à tomber et qu’il s’était éloigné de la cote là où il devait faire la jonction avec sa réserve, préférant rejoindre les bieffois retardataires plutôt que de s’en tenir au plan.

__ Rouge pour le sang des Fer-Nés tombés dans le Conflans, Noir pour le requin Noir, et blanc pour le nouveau départ sur les mers écumantes. Qu’en penses tu, mon amour ?

Dit la jeune femme à Rodrik pendant que Freya lui tressait les cheveux.

La Dame de Dix Tours avait récemment pris beaucoup de ventre et, enceinte de quatre mois, ne pouvait plus dissimuler sa grossesse à personne, alors elle avait décidé de la mettre en valeur en croisant un ruban de satin blanc sous ses seins et sous son ventre. Sa robe de velours rouge sombre épousait ainsi sa poitrine gonflée par la grossesse et son ventre désormais bien rond. un autre ruban tressé, de rouge de blanc et de noir ceignait sa couronne de tresses et descendait avec le reste de ses cheveux jusqu’en bas de son dos. Elle déposa un baiser sur les lèvres de Rodrik et quitta la chambre afin de rejoindre Alannys pour vérifier que tout était en ordre pour le banquet et que les invités avaient tout ce qu’il leur fallait. Pendant ce temps, Rodrik s’occupait de la sécurité. Les débordements parfois sanglants étaient légions sur les Îles de Fer, mais il ne s’agissait absolument pas de faire des pré états généraux de la royauté.

Les deux tourtereaux se retrouvèrent une heure plus tard à l’entrée de la grande salle pour accueillir les invités et les saluer un par un.

__ Sire Botley, je suis ravie de vous revoir. Je suis désolée pour votre mère, j'ignorais tout de son état, sans quoi je serais passée la voir lorsque j’étais à Pyk.

Fit elle en posa sa main sur celle de Stig avant de se tourner vers Elinor.

__ Dame Elinor, c’est un honneur de faire votre connaissance. A ce qu'on dit vous êtes au moins aussi courageuse et féroce que mon ancienne belle sœur.

La brune aux yeux céruléens chercha alors un visage connu derrière les deux Boltley.

__Mais, d’ailleurs, Eren ne vient pas ? J’ai ouï dire qu’elle était arrivée à Pyk, mais je ne la vois pas ici. Elle se terre donc en votre demeure comme une bieffoise ? A t-elle peur de la confrontation avec mon époux ou préfère-t-elle seulement préparer un mauvais coup plutôt que d’honorer la mort de son frère et des Fer-Nés morts au nom des Hoare ? La Garce Mortelle a bien changé, dites-donc… Je suis terriblement déçue.

L’ancienne Hoare avait promis à son cher et tendre de ne pas faire de la politique, mais quand même, c'était un peu trop gros pour qu’elle se taise comme si tout était normal. Eren avait été trop occupée à aller chercher du soutien chez les Lions ? Soutient qu’elle n’était pas allée chercher en personne quand son frère en avait besoin, laissant Myria faire la diplomate pour le Sel et le Roc avant d’en profiter par le biais de son époux. Et maintenant elle était trop occupée pour venir honorer son frère ? Quand comptait-elle donc rencontrer les Fer-Nés, prendre un peu de risques pour leur faire part de sa stratégie, de ses ambitions ? Encore fallait-il pour cela que sa stratégie et ses ambitions puissent trouver le cœur des Fer-Nés sans le transpercer, qu’elle ne roule pas uniquement pour son nouveau nom, Hightower...

Myria trouvait que sa belle sœur avait bien changé depuis qu’elle était mariée, jamais elle n’aurait refusé une confrontation auparavant, jamais elle n’aurait refusé de manger et boire avec ses hommes, ses capitaines, en l’honneur des morts. Tout ce qu’elle comprenait de ce refus et de cette missive, c’était que la paranoïa des Hoare et les complots de son époux avaient définitivement métamorphosé la Garce Sanglante. Joren, Harren et enfin Yoren, elle les avait éliminés un à un avec l’aide du Bief et l’intelligence de Manfred. Jusqu’à cet instant, la veuve du Boucher du Bois du Roi la pensait innocente, mais il n’en était rien. C’était carrément bien joué, il fallait leur reconnaître cela, mais le Fer-Prix, payé non par Eren mais par les Fer-Nés était plus qu'élève, il était mortifère. Quitte à feindre la méconnaissance, autant aller jusqu’au bout. Mais la question, elle, n’était pas feinte, aucun Fer-Né digne de ce nom, aucun Roi du Sel et du Roc digne de ce nom ne craindrait de se retrouver avec ces gens, capitaines et Seigneurs, marins et serfs. Elle serait une Reine Bieffoise si elle refusait de se plier aux traditions des Îles de Fer, elle l’était déjà...

__ Ah bon ? Depuis quand on insulte les gens en les invitant à un banquet pour honorer les morts qui festoient dans les demeures liquides du Dieu Noyé ? Je me sens insultée par son absence, mais c’est devenu une habitude pour les Hightower de ne pas être là quand il faut. Ils n’ont pas participé aux batailles qui ont valu aux Fer-Nés leur situation actuelle. Buron, Eysine, et pour finir, Aubray.

La brune aux yeux céruléens préféra s’arrêter là, pourtant elle en avait des choses à dire sur le déroulé des événements. Il semblait que certains n’aient pas suivi les faits, mais ils étaient sans appel. Cependant, comme voulu par Rodrik, ce banquet était l’occasion de se retrouver pour le sang versé par les Fer-Nés à Aubray, mais aussi depuis le début de la guerre. La politique n’avait pas sa place et donc, une fois n’est pas coutume, la jeune femme se tut et fronça les sourcils, repensant à ce qui avait entrainé la chute de Yoren en silence.

Le Roi Yoren avait demandé au Roi Hightower et à sa sœur, Eren, d’envoyer des renforts depuis son accession au trône et qu’il a fallu attendre la reprise des avancées Impériales vers Pierremoutier pour que le Bief daigne envoyer quelques milliers d’hommes. Yoren a fait demi tour pour aller aider les renforts bieffois arrivés trop tard à Pierremoutier alors qu’il avait demandé d’envoyer ses mêmes renforts plusieurs mois auparavant. Ce demi-tour qui lui a valu la mort face au général Omble alors qu’il tentait d’échapper aux armées ennemies qui resserraient l’étau sur sa nouvelle position. Le roi du Bief qui était très bien informé de la position de Yoren et des armées ennemies aurait pu envoyer une de ses armées déjà en place dans le pays, chose qu’il n’a pas faite. J’ai demandé au Roi Lyman s’il pouvait envoyer du renfort à temps dans cette région, hélas, le temps de lever des troupes il aurait été trop tard.

Lady Harloi se dérida un peu à l’arrivée de Thormund à qui elle répondit par un léger hochement de tête. Elle suivit bientôt Rodrik à sa table et revêtit son plus beau sourire tandis qu’il parlait. Non les Fer-Nés ne se morfondaient jamais, ils ne reculaient pas devant le danger et la mort, ils ne refusaient jamais un combat. C’est ce qui leur avait valu de tomber en masse. Elle se souvenait de la formidable armée de Joren lorsqu’il était revenu de l’Orage victorieux et prêt à écraser l'Empire et le Conflans Fédéré. Oui à cette époque tout était possible. Mais elle se souvenait aussi de Buron, du champ de bataille où s'amoncellent les cadavres. Elle se souvenait du camp suite à la retraite d’Eysine et elle n’osait imaginer le charnier d’Aubray. De tous ceux qu’elle avait vu à Noblecoeur avant la trahison de Joren, combien étaient encore debout, combien en restait-il ? Les Fer-Nés ne se plaignaient pas de mourir en guerrier, elle comprenait et appréciait leur courage à sa juste valeur, mais elle savait aussi la peine des mères, des veuves et des filles, elle savait aussi qu’au fond, voir des dizaine de milliers de ses amis se faire massacrer n’était pas sans conséquences. Et elle savait qu’un Royaume qui, en deux ans avait perdu plus des deux tiers de son armée devait stopper l’hémorragie au plus vite. C’est pourquoi leur Roi devait-être suffisamment intelligent pour leur éviter des batailles rangées avec des armées supérieures en nombre et en organisation.

__ Ce qui est mort ne saurait mourir !

La née Frey répéta ces quelques mots en balayant la salle du regard, essayant de cacher son chagrin. La première puissance de Westeros était morte et bien morte elle, à force de trahison, de complots et de manigances, certaines même qu’on lui mettait sur le dos. Elle but sa coupe et s’assit lourdement dans son fauteuil, écoutant la rumeur de la fête d’une oreille distraite. Heureusement les Harloi et à présent leurs invités étaient suffisamment enthousiastes pour que l’attention se porte sur eux, ou encore sur les prisonniers riverains, son peuple, celui qu’elle avait si longtemps refusé d’abandonner à son sort, même après la trahison du Tully. Elle aurait aimé pouvoir festoyer et faire la fête avec les autres, mais elle n’y arrivait pas

__ Les bieffois ont un balais dans le cul et des complots plein la bouche. Il faut prendre garde au moindre mot prononcé en leur présence car ils ont tôt fait de déformer vos propos pour vous faire passer pour un traître et transformer leurs mensonges en vérité.

Fit Myria à l'adresse d’Asryd après que Rodrik lui ait souhaité la bienvenue à sa manière. Se tournant vers son cher et tendre, elle sourit en lui disant :

__ Mais leur vin est meilleur que cette bière immonde. Désolée mon amour, mais tu sais mon goût très modéré pour cette boisson, en plus ça me ballonne plus que ça éveille mes sens et je préfère l’ivresse de tes caresses.

Terminant sa phrase sur un clin d'œil coquin, la Dame de dix Tours reprit ensuite, répondant à Lady Arnvald.

__ Ces derniers mois, c’est Kyra, et Rodrik en personne. Mais avant, plusieurs maîtres d’armes se sont succédés pour apprendre à mes fils à devenir de véritables guerriers. A priori, ils ont fait meilleur travail avec celui-là qu’avec mon idiot d’aîné.

Selon ce que la veuve de Joren savait, c’est à dire pas grand chose, ce dernier était encore retenu à Hautjardin, peut-être qu’Astryd savait quelque chose à ce sujet. De toute façon, quoi que Manfred prévoyait avec Beron, le fait qu’il ne l’ait pas tué ni renvoyé aux Îles de Fer pour être exécuté ne présageait rien de bon.

__ Appris pour tout quoi Astryd ? Je ne comprends pas de quoi tu parles.

Fit Lady Harloi surprise de cette réplique sortie de nulle part. La brune savait quoi sur elle ? Et elle était désolée pour quoi ?

__ Est-ce pour Buron, Eysine et Aubray ou tant ta maîtresse que le Bief étaient cruellement absents que tu es désolée ? Ou encore pour les missives échangées entre Beron et Heda depuis Hautjardin sans que personne n’en ait vent dans le Bief. Ou peut-être pour la fuite opportune de l’héritier présomptif des Hoare lors de sa rébellion contre Yoren. C’est incroyable comme Hautjardin peut devenir un gruyère quand il s’agit de semer le chaos dans tout Westeros. Ça me rappelle l’attaque des paysans Bieffois contre les Dorniens lors du carnaval de l'opulence.

La brune aux yeux céruléens ignorait si Manfred avait aidé Beron à s’enfuir ou ne l’avait simplement pas retenu ou peut-être encouragé, après tout la missive que l’ancienne Hoare avait reçu au sujet de son fils depuis Hautjardin quelques temps avant qu’il pète un durite donnait à réfléchir. Elle ignorait le rôle que les Hightower avaient joué dans cette histoire et si l’un ou l’autre avaient eu vent des échanges entre lui et Heda avant la trahison de cette dernière et l’appel à la rébellion de son jeune acolyte contre Yoren. Elle ne savait pas non plus si Astryd était au courant de tout ceci, mais mis bout à bout, tout ceci lui semblait aussi suspect que la suite des événements et au final cela faisait beaucoup de petits détails qui montrait l’opportunisme du Bief et sa façon de se servir des autres pour grignoter peu à peu le pouvoir. C’était bien joué, elle devait une fois de plus le reconnaître. Et toutes ces actions ou inactions étaient bien que trop discrètes pour pouvoir réellement incriminer qui que ce soit, d’autant mieux joué qu’il était impossible de les accuser, s’en était admirable et d’une beauté sans pareil. Mais cela restait plutôt rassurant sur les rôle qu’aurait pu jouer une femme aussi grossière que la Arnvald. Elle manquait cruellement de finesse dans sa façon de se comporter chez un hôte opposé à son ancienne maîtresse et de renier Eren et son allégeance envers elle.

Une fois attablés, le Harloi fit justement part de son inquiétude à son sujet.

__ Mon amour, je connais cette femme mieux que toi. Elle peut tout à fait avoir été envoyée par Eren pour nous tuer ou chercher de quoi nous incriminer dans un complot imaginaire dont seuls les Hoare ont le secret.Je te promets de prendre garde, mais j’avoue que ce n’est pas la personne dont je me méfie le plus. A moins qu’elle soit là pour nous détourner de nos véritables ennemis et servir de diversion. Ce n’est pas véritablement le genre de la Hoare que de faire assassiner ses ennemis par quelqu'un d’autre et ce n’est certainement pas une bonne stratégie pour gagner la loyauté des Fer-Nés, Eren ne peut pas l’ignorer, le Fer-Prix ne peut être payer sans prendre de risques. Je pense qu’elle est capable de tout, y compris de commettre des erreurs, mais celle-ci serait grossière. Il y a peu de chances pour que ça soit le plan de la catin du Hightower. Eren préférait raser l’ensemble des Îles de Fer et brûler la moitié des Fer-Nés plutôt que de laisser le trône à quelqu'un d’autre, mais elle le ferait en face et elle en a les moyens avec la flotte de son époux. Ne l’oublie pas.

La jeune femme darda son regard dans celui de son époux en guise d’avertissement.

__ A moins qu’elle soit missionnée par Manfred, mais ce dernier est tout à la fois plus malin et plus patient, et lui, nous ne le verrons pas arriver, pas plus que Harren, Joren ou Yoren ne l’ont vu arriver. Or nous envoyer la pupille de sa femme, si tu veux mon avis, ça manque de subtilité. Et puis, je ne suis plus rien, ni pour Manfred, ni pour Eren, ni pour personne, sauf peut-être pour toi. C’est donc toi qui est en danger si tu restes seul avec elle...

La née Frey sourit à son Fer-Né de mari et, caressant sa joue, elle l’embrassa avec tendresse. Elle avait écouté d’une oreille distraite le discours d’Astryd. Elle trouvait cela totalement déplacé que la jeune femme s’exprime dans le château d’un autre et qui plus est après sa première entrée où elle avait osé dire qu’elle était chez elle, cela aurait pu être de l’audace, mais ressemblait plus à un manque total de savoir vivre et de jugeote. De plus, ces dires vis à vis d’Eren étaient un peu trop clairement anti bieffois pour être vrais, il fallait soit être rassuré sur le fait qu’elle était la pire actrice du monde, soit s’inquiéter de cette toute nouvelle prise de position radicale à l’égard de la femme avec qui elle avait passé tant de temps. Cela ne présageait rien de bon quant à sa loyauté.