L’enfant qui allait devenir Bras-Rouge naquit sur Pyk en l’an -30, par une nuit aussi sombre que pluvieuse. Il ne sut jamais pourquoi l’on le prénomma Ragnar, ni même qui l'avait véritablement affublé de ce nom. Lord Greyjoy peut-être ? Sa douce mère ? Le Prêtre Lodos lui-même, après l'avoir noyé à la naissance ? Une énigme parmi d'autres. Fils d’une esclave des cuisines, il n’eut guère le luxe d’une enfance confortable entre les murs du château de Pyk. Guère dramatique en soi tant l’enfant atteint de gigantisme semblait taillé pour le rude climat de ces îles de métal. Bien plus que sa mère en tous les cas… Alors âgé de seulement six ans, Ragnar eut la stupeur de la voir tomber malade et s’il la veilla des nuits durant, la vie qu’il songeait lui apporter en enserrant ses doigts frêles dans ses pattes gourdes ne lui prolongea guère l’existence. Rappelée à lui par le Dieu Noyé, elle le laissa seul dans une famille qui n’en était point véritablement une.

Jamais à son aise au milieu de ses demi-frères comme de ses demi-sœurs, Ragnar ne fut guère plus proche de son seigneur de père. Tout juste son demi-frère Othon accepta t’il tantôt de partager avec lui le pain comme le maniement des armes. Les Nobles Sangs ne se mêlent que peu aux enfants du Sel comme aux Bâtards. Si sa condition l’avait toujours condamné aux yeux du monde, elle ne l’avait point marqué de lâcheté. De couardise il fut bien question lorsqu’il surprit l’air satisfait sur les traits du petit Gedeon Greyjoy qui, de sa courte lame, entreprenait de dépecer l’un des vieux chats ayant longtemps partagé les nuits de notre orphelin de mère. Les feulements de douleur de l’animal lui furent tout aussi insupportables que le sourire du petit nobliaux. Un sourire ayant toute la succulence d’un beurre rance. Ragnar lui fit durement ravaler de son poing fermé comme de son pied alors qu’au sol, l’enfant Greyjoy criait grâce. Une grâce qu’il n’avait guère accordé au vieux matou écorché.

Battu comme le fer, marqué par le feu, ainsi fut récompensée l’impudent courage du marmot. L’on apposa sur sa nuque la seiche des Greyjoy, éduquant Ragnar à l’obligation de s’incliner face à la Noblesse. Ses cris de douleur assaisonnèrent l’odeur de ses chairs brûlées. Au Bâtard, l’on préfère même les désaxés ! Pansé de linges imbibés d’un vin bouilli, il fut jeté dans un boutre à destination de Shatterstone, sur Vieuw Wyk. Là, les Bonfrère en disposèrent comme pupille moins d’une année, alors que sa taille se faisait de plus en plus immense. A la mort du Lord son père, l’enfant s’éloigna des Bonfrère pour prendre place là où pouvaient servir ses bras. Sur l’île, il y avait toujours des pierres à soulever, des pins à abattre comme du métal à marteler. En ce temps-là, il n’était pas rare de le croiser lippe inférieure éclatée et bras chargés de lourds fardeaux, s'appliquant à soutenir les lorgnades dont l’affligeaient tous quidams. Bien qu'habitué à ces œillades lui remémorant tant sa taille croissante que son ascendance parmi les insulaires, Ragnar ne les appréciait guère et faisait naitre la rixe au moindre regard de biais. Qu'importait le caractère lui faisant face, sa débordante fierté n’épanchait sa vendetta qu'en disloquant la mâchoire de son opposant. Mais les fer-nés, façonnés du même métal, étaient rares à incliner le menton et, de ce fait, les échauffourées se faisaient aussi récurrentes que sans pitié. Ainsi fut forgé le métal de son être : par le marteau des poings de ses semblables !

Morfondu des années dans cette rude monotonie, l’enfant Crinière-Noire pensa trouver un exutoire à son caractère impulsif comme à son être « à demi dément » dans l’assidue fréquentation des forges de Vieux Wyk. En cette époque, il ne voyait plus que par l’art des Maitres Forgerons, les observait, les interrogeait et s'essayait même à les imiter sans fin. Devenant plus loquace au contact de ces façonneurs de métal, l’enfant rôdaillait dans leurs rangs pour mieux vérifier si cette exaltation n'était que lubie passagère ou bien enthousiasme en devenir. Et tant pis s'il dut pour cela faire office de laquais chargé de courir l'île pour y récupérer des cargaisons de marchandises. Rien n’était plus doux à ses oreilles qu’ouïr les heurts métalliques. Sa première implication véritable fut la restauration d’une arme brisée. Ce fut la première fois qu'il eut en mains un marteau non destiné à se fracasser sur le crâne d'autrui. Et son chant sur l’acier rougi fut tout aussi doux que le sinistre craquement des os fracassés !

Mais pareille force de la nature ne pouvait se trouver simplement employée à la frappe du métal. Il était âgé de onze ans lorsqu’il croisa pour la première fois la route de sa ’tite Dame mais il paraissait déjà géant tant sa taille ne cessait de croitre, son torse dès lors musclé et ses bras déjà impressionnants. Il se montra rustre envers la damoiselle de cette noble maison à la main décharnée alors qu’elle piqua sa curiosité en indiquant qu’il avait mieux à faire de son existence et que ces bras puissants ne lui furent guère offert pour marteler le métal rouge. Des mots qui le tourmentèrent et finirent par toucher son esprit. Moins d’une lune plus tard, il entra au service de la maison Timbal et officia tantôt sur le même boutre que Lady Catryn. Trois années à apprendre, trois années à se battre, trois années à faire sien vents comme vagues. Une folle initiation des plus rudes à l’Antique Voie qui pavera à jamais son existence !

Agé de quatorze ans et déjà plus grand que la majorité des insulaires, Ragnar assista à l’acquisition d’un boutre par Ulrick Timbal, au prix de sa lame. Il répondit favorablement à son invitation, entrant à son service comme timonier et s’engageant à ses côtés sur les océans du monde. Sa décision n’était guidée que par la perspective de voguer aux côtés de sa ’tite Dame. Au soir d’un pillage où ils firent main basse sur un conséquent butin, il confia à la sœur de son Capitaine n’avoir jamais vu d’or de ses yeux. Catryn le mena à la cale pour y faucher un vieux rond du précieux métal et le déposer au creux de sa gargantuesque paume. Elle l’avait encouragé à soupeser la pièce comme à la mordre, l’initiant au gout de l’or avant de le noyer sous ses baisers. Cette nuit-là, ils la passèrent à se cajoler d’or et à se régaler de leurs deux corps. Le temps que vienne le jour, Ragnar était rutilant, repu et heureux comme il l’avait rarement été. Une nuit qui trouva maint fois son échos tout au long des années passées à servir sur le boutre d’Ulrick. De retour sur Vieux Wyk, il accepta difficilement les épousailles de son amante, durement cinglé par la précarité de son extraction. Amer, il quitta prestement le service de cette maison à l’emblème de la main décharnée pour fuir vers Harloi. Et alors que Timbal préparait les Noces, il fit vœux de s’offrir à la seule mer. Un vœu n’ayant rien d’infrangible…

Ses pérégrinations le menèrent la forteresse de Dix-Tours. On y drapa sa gargantuesque carcasse d’une armure matelassée alors qu’une maille sombre descendait le long de ses bras puissants quand ses doigts empoignèrent une hache émoussée pour qu’elle ne puisse autoriser aucune blessure critique. Le bruit des heurts de la mêlée résonna longtemps sur les murs de pierre grise et dans l’assistance, l’on prenait des paris pour déterminer qui rejoindrait la troupe d’arme de la maison Harloi. A la faveur de maint boucliers brisés, Ragnar se hissa parmi les élus. Son bras au service de la Maison Harloi, il s’y lia d’une amitié sincère pour l’Héritier des lieux : Rodrik Harloi. Les deux hommes s’éprouvèrent bien des fois, n’étant pas les derniers pour la farce et prenant plaisir à relever tous les défis. Entre plaisanteries grasses et rigueurs de l’entrainement martial, Ragnar trouva sa place au sein de cette maison estimant sa force ! C’est à leurs côtés qu’il entra en guerre contre le Nord et razzia les côtés des Roches.

Bien des faits d’arme émaillèrent les années passées à écumer les flots comme à razzier les littoraux sous le pavillon de la faux. Ragnar y gagna son surnom d’Orage Moqueur par son habitude à figer sa carrure de plus de sept pieds de haut à la proue de leur bâtiment lorsqu’il se trouvait battu par la tempête. Il est des hommes à la volonté si grande que même la foudre n'est rien, même pas un affront digne de ce nom ou une frayeur potentielle ! Pour Ragnar, chaque ton n'était rien d’autre que l'agencement pur et simple d'une mécanique digne de la nature à son plus beau degré. Un ballet des plus remarquable qui imposait à notre homme, d’à son tour, laisser entendre comment il voyait la musique, comment il ressentait cette épreuve et comment il voyait son rôle dans l'ordre du monde. En ricanant de tous ses poumons ! Foudres, tonnerres comme éclairs jouaient leur hymne et symphonie tonitruante lorsque leur boutre érafla durement le flanc du navire ennemi.

Tout en haut du mat, un immense loup gris s’épanouissait sur un champ de neige immaculé. L’Orage Moqueur sauta par-dessus le bastingage, son manteau terne tourbillonnant derrière lui, et atterrit lourdement sur le pont. Des moulinets de gauche et de droite lui permirent de s’avancer jusqu’à cet adversaire à la longue figure austère. Le Fer-Né taillait vivement, portant tout le poids de son corps dans chacun de ses coups, que le Stark esquivait à grande peine. Les étincelles volaient à chaque rencontre des lames. Epique, le Duel fut le combat le plus impressionnant de la bataille, les deux adversaires se rendant coups pour coups dans un assourdissant fracas de métal comme d’hurlements. Puis, Ragnar se coula dans un revers vicieux et le sang éclaboussa le pont. Sa lame avait pris Rickard Stark en pleine gueule et quand l’Orage Moqueur l’en retira, la moitié de la tête suivit. Et le navire sombrant d’emporter avec lui le seigneur du Nord alors que les insulaires fêtaient leur victoire à grands cris gutturaux !

Et les années de fondre dans le creuset de la guerre. Dans ses périples sur les côtes du Nord, il connut bien des femmes, certaines partageant sa couche pour une moitié d’année, d’autres pour une moitié de nuit. Mais elles n’étaient pas Catryn… Lorsqu’il la revit pour la première fois, la Timbal mariée Valleuse commandait l’équipage du Fer de Lance contre les force du Roi du Nord. Elle était désormais mère de deux enfants. Elle le toisa avec mépris, il l’ignora avec suffisance. Ils s’embrassèrent avec passion. Catryn le satisfaisait plus que toutes réunies… Conservé pour le lit par la Lady, il prit longtemps ombrage de cette vexante situation, ne la tolérant que sous des grincements de dents pour mieux l’oublier lorsqu’ils s’effleuraient dans de rares moment de paix. Le Fer-Né rapinait toujours le Nord en compagnie des Harloi lorsque sa ’tite Dame mit Dagon au monde. Son enfant dont Catryn tut l’ascendance véritable : l’ignorance serait l’alliée de son amant tant que la connaissance serait l’ennemie de son égo.

Au Nord, la situation s’enlisait à mesure que la guerre s’éternisait. Les Fer-Nés subissaient la stratégie astucieuse du Roi du Nord et les succès initiaux se transformaient en échecs répétés. Toujours en quête d’hauts faits d’arme infirmant sa bâtardise, Ragnar fut des hommes qui accompagnèrent Theon Harloi et ses fils dans leur entreprise de briser la ligne de défense ennemie. Ivres de gloire, ils tombèrent dans un piège à la hauteur de leur arrogance et les hommes de Dix-Tours la payèrent de leur sang. Le Harloi tomba et ne se releva guère alors qu’autour de lui se déchainait la bataille… Ragnar vit Rodrik frapper de taille comme d’estoc tout homme visant à approcher son père tandis que vols de flèches à empennage blanc fendaient le ciel pour se perdre dans les rangs des insulaires. Au centre des affrontements, l’Orage Moqueur se démenait comme une bête enragée. Le sang se faisait boue dans la neige. Galvanisé par les ordres de son ami, chaque coup de sa hache trouvait le corps d’un ennemi dont la lame avait été repoussée par son armure d’acier cabossée. La bataille terminée et la côte retrouvée, Ragnar étreignit étroitement la hampe de son arme et en savoura l’âpre contact. Poissant l’odeur du sang, il faisait parti de la poignée de survivant à cette curée… Il trouva Rodrik en vie également, lui toucha l’épaule tout en marmonnant quelques mots. Theon Harloi était mort et il était Seigneur de Dix-Tours. Ragnar se coula dans ses pas pour servir le nouveau Lord sur la Faux-Sanglante.

Il suivit son Capitaine lorsqu’il renouvela ses vœux de fidélité envers Harren le Noir et l’accompagna comme un frère dans la suite de la guerre. Mais quelque chose avait changé. Bien que demi-dément, l’insulaire s’était montré loyal et obéissant en grandissant dans l’ombre du Harloi. Pourtant, son appétit se frottait, désormais, à la frilosité de son suzerain échaudé par le deuil. Si les massacres étaient légion, les exploits se faisaient rares. Ragnar l’accepta mal mais en grinçant des dents. Jusqu’à la provocation d’un Capitaine de la Flotte questionnant leur lâcheté dans un murmure, autour d’un feu de camp. Ecumant de rage, Ragnar ravagea de son poing la tête de ce comploteur jusqu’à ce qu’il ne reste que débris de son visage et que son bras goutte de rouge. Il assujettit le navire du macchabé -promptement rebaptisé le Voiles Noires- et en hérita du surnom de Bras-Rouge dont il inspira son blason. Ainsi s’affranchit y-t-il de l’ombre de Rodrik. Mais une fois fait, il n’y trouva pas de lumière. Aucune lumière.

Capitaine inspiré par un pair d’exception, Ragnar poursuivit la vague de pillages sur les Roches. Il y fit montre de ses qualités de meneur d'hommes, capable de faire en peu de jours d'un ramassis de recrues de hasard une troupe dotée d'un esprit de corps et d'un courage certain. Son surnom de Bras-Rouge y fut, également, entretenu en plongeant çà et là son bras dans le ventre de ses victimes pour en retirer les entrailles de son poing pris dans son gantelet à l’écrevisse d’acier. Puis, vint la Paix avec le Nord. Sans port d’attache, l’insulaire s’en retourna vers Vieux Wyk pour ériger son domaine sur son littoral, à la vue de la forteresse Timbal. Par fierté ? Par orgueil ? Pour tout autre chose… De l’époux Valleuse il n’avait que faire et sa Catryn l’oubliait volontiers le temps de leurs ébats. Tout juste nourrit-il une sincère affection pour les enfants de son amante, s’improvisant conteur pour charmer les bambins des récits de ses pillages solitaires comme sous pavillon Harloi.

Mais les Fer-Nés sont des guerriers belliqueux à la vendetta gravée pour qui la paix n’a guère sa place. Dans le sillage d’un Rodrick vengeur et avec la tacite bénédiction d’Harren le Noir, Ragnar s’en retourna piller les côtes du Nord.  Pétri d’audace, son équipage razzia Cap Kraken, Les Roches comme la Baie des Glaces poussant l’audace jusqu’à poser le pied au-delà du Mur et proposer au peuple libre le métal des insulaires. C’est en cette occasion que l’Orage Moqueur fit main basse sur un crâne de géant, s’en emparant pour le plonger dans l’acier et l’ouvrager de ses talents d’orfèvre afin d’en disposer tel un heaume effrayant. Au fil des ans et des sanglants triomphe Fer-Nés, le Voiles Noires devint le navire amiral des « Gars d’Ragnar », une bande de boutres acquis par le sang comme par le fer et, désormais, tous passés sous le commandement d’hommes de Bras-Rouge. Ils s’assemblèrent souvent pour des opérations de pillage et de razzia et l’on compte parmi eux le Pie-grièche, le Fol Espoir, le Lord Goren, le Danse-pour-moi, la Fougue d’Eren et la Putain Guerrière. C’est en contingent qu’ils intégrèrent la Flotte de Fer où Ragnar devint progressivement un officier respecté bien qu’évoluant à nouveau dans l’ombre grandissante du Harloi. Ensemble, ils multiplièrent les sacs qui ne cessèrent jamais réellement, alors que la proue du Voiles Noires se trouvait désormais agrémentée d’une belle femme de bois flotté rappelant son amante. Des neiges immaculées du Nord aux sables brûlant de Dorne, jamais elle ne le quittait… Jamais.

Devenu important Officier de la Flotte de Fer, il apprit le décès de l’époux de Catryn à son retour sur Vieux Wyk. S’il moqua d’abord sa faiblesse pour ainsi trépasser, il fut bien forcé de faire silence lorsque sa ‘tite Dame lui annonça que son second fils était en réalité le sien. Interdit comme abasourdi, il accepta de taire cette information à l’enfant pour le préserver et consentit à se faire un brin plus présent pour l’éducation des rejetons. Il cessera dès lors ses moqueries à l’égard de l’époux de la veuve, conscient qu’il lui devait le bonheur de son fils. Avec le temps, Catryn et Ragnar commencèrent à se « côtoyer » un peu plus officiellement sans qu’aucune union ne soit toutefois avancée comme projetée, laissant bien des rumeurs enfler sur les vagues à leur sujet. Vint rapidement l’an -1 et son amante de lui confier leur enfant pour l’initier aux préceptes de l’Antique Voie. Dagon embarqua alors comme matelot sur le Voiles Noires en compagnie de son père.

Aprèsdes mois de pillages comme d’aventures sur le pont de son bâtiment, il fut pressé de rejoindre la flotte Fer-Né alors que la rumeur de trois étrangers juchés sur des Dragons parvenait à leurs oreilles. De prime abord ravi de pouvoir jouir d’une bataille dantesque, il fut déçu par la stratégie employée par le Roi Harren, sans qu’elle ne soit contraire à l’Antique Voie et peu honorable. La mort du Conquérant fut accueilli par un râle entre la rage et le mépris. Il s’en retourna finalement vers les Iles de Fer, accompagné des « Gars d’Ragnar ». Tout poisseux du rouge sang de quelques victimes tombées sous sa hache lors d’un de ses sempiternels raids, il affutait sa hache lorsqu’on lui apprit l’approche de la Guerre. Pour seule réponse, il eut un goguenard sourire et tourna son sombre regard vers un ciel d’encre lui évoquant la tignasse de la Lord Capitaine de la Flotte de Fer. Un rêve. Un rêve fou… Qu'importe ? Tout peut se payer au fer-prix... !

En compagnie de la Flotte de Fer, il fit voile vers le Sud, renouvelant ses vœux d’allégeance à Eren Hoare. A la tête des lourds boutres de la Flotte, Ragnar envoya bien des navires par le fond ! Guerrier à la réputation d’être à la pointe de la bataille et le dernier à la quitter, Ragnar rapina sans relâche les côtes Dorniennes en compagnie de ses insulaires semblables. Regard noir figé sur le rivage de ces contrées peu accueillantes, il n’aspirait plus qu’à écrire la suite de sa légende, par le Fer comme par le Sang… ! Ragnar fut à la pointe de l’assaut insulaire sur Lancehélion et les Dorniens de battre en retraite, comme tout le monde le faisait toujours à la seule vue de l’Orage Moqueur paraissant plus colossal qu’il n’est permis de l’être à tout homme, enseveli sous son armure, le visage retranché derrière son heaume fait d’un crâne de géant brisé coulé dans un terne et sombre acier. Mais l’attaque de se faire charnier semblable à celui jadis rencontré dans le Nord. Seule la poigne de quelques capitaines de renom, dont Rodrik et Ragnar, permit de tenir la majorité des effectifs à proximité des quais pour s'y retrancher, le temps que les pires déprédations soient commises. Quand vint la contre-attaque du Soleil et de la Pique de Dorne, Bras-Rouge l’affronta de front, digne dans son manteau terne. Il y fut terriblement blessé par plusieurs projectiles ennemis mais la troupe, submergées, reflua dans le désordre pour reprendre la mer, le succès doux-amer.

Ses blessures, fatales pour quiconque, lui firent tenir le lit des semaines durant. Il les affronta en grinçant des dents et avec le renfort d’un tonneau de la Treille auré que lui présenta Rodrik en lui indiquant qu’il ne pourrait quitter sa cabine qu’une fois le contenu entièrement sifflé. Lorsque ce fut fait, Ragnar était d’attaque et colérique à l’annonce de la Sainte Croisade. La Foi et ses excès comme des faux-dieux le répugnait. Aux yeux de l’Insulaire, il n’y avait qu’un seul Dieu et il se complaisait à voir ses fidèles le prier tout vêtus de maille à faire couler le sang sur le pont de dromons. Qu’avaient ils à gagner dans cette croisade si ce n’est la colère et la malédiction de leur protecteur de toujours ? Mais il tut ses pensées, aussi peu porté sur la piété que sur l'étude, pour prendre pleinement part au siège des Météores. Il fut pourtant toujours question de théologie quand il vida ostensiblement le contenu de son verre à même le sol pour célébrer le mariage d’Eren Hoare à un quelconque Seigneur Fleuri. Peste soit des Continentaux et de leur mépris de l’Antique Voie ! Tout juste cela leur offrit t’il l’occasion d’assoir un nouvel homme au Rang de Lord Capitaine de la Flotte de Fer et Bras-Rouge fut parmi les premiers à beugler son nom ! Que le Harloi devance encore ses pas de n’enrageait pas tant il pouvait bien s’imaginer se rendre en la demeure du Dieu Noyé festoyer pour l’éternité à ses côtés.

Après plus d’une année passée loin de leurs îles, Ragnar avait lu et relu la missive d’Harren Hoare une centaine de fois au moins. Chaque lecture et relecture lui avait laissé un âpre goût dans la bouche, comme si la plume dont le Noir s'était servie pour l'écrire avait été trempée dans de la pisse de vache. Voir ainsi son suzerain manifester publiquement sa sympathie pour Manfred Hightower, époux de sa fille, et appuyer ouvertement sa tentative de s’assoir sur le trône du Bief relevait de l’injure que le Dieu Noyé eut tôt fait de punir. Yoren Hoare succédant à son père, Ragnar fut pris d’un nouvel espoir lorsque, notamment, Vieux Wyk devint ville majeure comme port d’attache d’importance de la Flotte de Fer, développant dans le même temps son domaine. Il ravala ses attentes lorsque leur Roi choisit une Bracken comme Reine. Les Fer-Nés n’étaient donc que des bras féroces bons à mourir pour ces vertes contrées dont jamais ils ne seraient fieffés ? Pénible constat, terrible découverte !

Et le sang insulaire de couler, toujours… Lors de leur victoire à la Pyrrhus conte la Flotte du Tigre à Lancehélion, Ragnar se fit Prompte-Hache dans les sanglants abordages aux côtés d’Ulrick Timbal où Croc d’Acier, massive hache façonnée de ses mains, faucha plus de continentaux que ne le fit Pluie Pourpre. La Paix signée avec Dorne, il suivit la Flotte de Fer loin de la chaleur accablante pour dispenser la mort au Conflans, sous l’égide du Harloi. Continentaux comme Fer-Nés tombèrent sous sa hache quand Lady Volmark fut exécutée pour les crimes de sa fille par Myria Hoare et les hommes de Rodrik. Bras-Rouge y apprit à ne faire confiance à personne, même pas à lui-même. Il savait, désormais, pertinemment que l’humain n’est pas de ceux qu’on peut nommer fiable. La Bataille d’Aubray comme ses conséquences le lui confirma. Le royaume qu’il avait connu à l’arrivée des Dragons n'était plus que ruines désormais… Les Iles de Fer toujours "intactes", leur flotte également, Eren Hoare affirmait ses prétentions au trône. Pour les armées décimées du Sel et du Roc à celles de son Epoux Fleuri ? Ce que l'entêtement peut produire d'horreurs et de bassesses… Et, là-dessus, Rodrik de convoquer les Etats Généraux. Pour s’opposer au droit de succession ? C’est en compagnie de la Flotte de Fer que Ragnar se tournait donc vers les Iles de Fer, bien décidé à faire valoir les principes de l’Antique Voie. Sa dévotion envers le Dieu Noyé balaierait de ses pensées les feuilles mortes qui obscurcissaient ses rêves.