Le Nouvel Empire Valyrien était déjà aux abois. En cours de formation depuis des années, il était maintenant assailli de toutes parts et subissait dans la douleur ses premières revers militaires. A l’est, le Général Pardicas avait été occis avec les vingt mille hommes de ses cinq légions face à une horde Dothrakie, renforcée d’éléments des cités de Qohor et de Norvos qui se rapprochaient de Lorath pour l’assiéger par la mer et par la terre. Au sud, une rebéllion secouait Tyrosh, dont les rues se noyaient du sang des légionnaires valyriens. Lys était sous blocus pirate et les navires de commerce, artère irriguant le Nouvel Empire, étaient pris d’assaut et rançonnés. Les pertes augmentaient partout, et l’or se tarissait. Braavos, Pentos et Myr se libérèrent elles-mêmes en l’espace de quelques semaines lorsque les émeutiers, renforcés de mercenaires loués dans le plus grand secret pendant l’expédition du Tigre en Westeros, prirent d’assaut les garnisons de ces villes. Le Tigre, Cleitos Caradreon, était lui-même revenu vaincu de son expédition en Westeros, où il avait été abandonné par ses alliés de Dorne et vaincu par le Bief. Partout, le Nouvel Empire Valyrien semblait trembler sur ses fondations, et beaucoup pensaient le Tigre déjà hors-jeu. C’était une erreur.
Cleitos Caradreon n’avait pas conquis l’essentiel des ex-Cités Libres par brutalité seule. Il avait organisé, il avait réformé, il avait aussi construit et discuté, il avait négocié… En trois semaines, il avait rebâti une armée à partir des milices, des compagnies urbaines et des dépôts de ses légions. Ses hommes construisirent durant leur rassemblement de frustres navires et les vaisseaux marchands de Volantis furent réquisitionnés. Tout le monde crut que le Tigre allait déchaîner toute sa puissance sur les rebelles et les ennemis qui l’assaillaient. Il n’en fut rien. Il ne bougea pas. Et s’il écoutait les rapports quotidiens de ses ministres, il ne passait plus de temps avec ses généraux et compagnons d’armes. Il rassemblait armée et ressources. Dans quel but, sinon pour la guerre ? En ville se pressait une foule toujours plus vaste pour écouter les prédications de la seule personne à avoir encore oreille attentive chez Cleitos ; le prêtre rouge qui l’avait sauvé de la noyade, près d’un mois plus tôt. L’homme appelait le peuple de Volantis à renier toutes ses fausses idoles et à se rallier au Maître de la Lumière, le seul à se soucier d’eux, et à les protéger de la fin du monde. Bientôt, le légendaire Azor Ahai ressuscité viendrait sortir le monde des ténèbres et sauver l’âme des vrais fidèles. On l’écoutait. Le guet, dépassé, ne s’interposait même plus pour remettre de l’ordre dans une foule toujours plus belliqueuse.
Lorsque cela fit un mois que le Tigre était rentré, que l’armée et la flotte étaient aussi prêtes que possible, on signala la venue de plusieurs navires battant pavillon… De l’ancien Empire Valyrien. Le Dragon Noir sur fond lavande. En sortirent des hommes dépenaillés portant encore l’armure des anciens légionnaires de l’Empire disparu un siècle plus tôt. Ils n’étaient que quelques centaines. Et à leur tête, Tyraemarr de la lignée Valtigar, fils de Dorrios et descendant du Seigneur-Dragon Aurion, revenu des ruines de Valyria et de la Mer Fumeuse avec ce qu’il restait de ses forces pour réclamer le trône qui était légitimement le sien. Il n’y avait plus les grandes familles de jadis pour entériner son élection, aussi l’homme présenta au Tigre son butin.
Aussitôt, le prétendu Diadoque de Valyria, successeur auto-désigné de l’Empire, se mit à genou, et mit troupes et moyens à disposition du véritable Héritier du trône, assis sur une légitimité qui ne pouvait être reniée.
Dans l’ombre, on murmura que le Tigre avait été manipulé par le Prêtre-Rouge, qu’il avait été endoctriné. D’autres mirent sur ses défaites et sur les révoltes en cours une profonde remise en question de son autorité et de ses chances de l’emporter. Certains soutenaient que le Tigre n’avait simplement pas été le héros d’une ancienne prophétie, mais qu’il avait préparé sciemment et depuis toujours le retour d’un souverain légitime sur l’Empire. Peut-être avait-il été simplement manipulé… Quoiqu’il en soit, les plus folles rumeurs partirent bientôt de Volantis. Le Nouvel Empire Valyrien entendait rétablir l’ordre en reformant ses légions, en rassemblant ses forces. Les fantasmes les plus fous couraient sur les moyens dont disposaient le nouvel Empereur pour parvenir à ses fins, et la peur accompagnait déjà sa bannière. On citait des bataillons entiers d’hommes de pierre, la soumission de tribus barbares et de petits royaumes des étendues herbeuses des Dothrakis. Il y avait des artefacts magiques de grande puissance, capables selon leur légende de raser des cités entières. Et bien sûr, la rumeur enfla que dans le sillage de Tyraemarr Valtigar se retrouvait l’ombre de dragons nouveaux-nés, venus au monde par le sacrifice de ses propres soldats lorsque des œufs furent découverts dans les ruines des anciennes fosses à dragon des ruines de Valyria.
Quelle que soit la vérité, les quelques cités ayant déjà recouvré leur liberté s’armèrent et lancèrent des appels à l’aide dans toutes les directions, vers l’ancienne Ghis et les cités esclavagistes, vers Westeros, et même vers Asshai.
Au même moment, à peu près, un homme à la crinière d’argent, encadré d'une de ses soeurs et d’un prêtre rouge, débarquaient aux Degrés de Pierre. L’homme était armé d’une épée d’acier valyrien, et encadré d’une cinquantaine de soldats, demanda à voir le chef des pirates lysiens ayant pris le contrôle des ilots au large de Dorne. L’affaire tourna au carnage et les nouveaux arrivants commirent un grand carnage dans le bâtiment principal du petit port de Sortoy. Le chef des étrangers, prit le commandement des survivants.
Il s’appelait Maegor Valtigar, fils de Tyraemarr. Et pendant que son père reprenait le trône qui était le leur en Essos, l’homme débarquait à Westeros avec sa soeur Jaenyra pour travailler à l’accomplissement de la prophétie.