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Florence Pugh est <a href="/t6925-aen"><span class="Gp_Orage">Aenor Estremont</span></a>

RECENCEMENT

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<span class="Gp_Orage">Aenor Estremont</span> - Je suis fidèle à mon souverain - Lady - <a href="/t6925-aen">Personnage inventé</a>

LIEU

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<a href="/u688"><span class="Gp_Orage">Aenor Estremont</span></a> se trouve à <span class="Gp_Bief">Hautjardin - Bief</span>

Comme tous les jours, Aenor est assise. Confortablement, c’est un luxe. La pièce où elle se trouve, elle l’a trouvée un peu par hasard, en flânant dans le château de Hautjardin, pour essayer de l’appréhender. Au début, elle a dû tout réapprendre, comme à Rocvert ou à Havrenoir. Compter les pas, se repérer en touchant les murs, aux odeurs aussi, aux bruits… L’avantage, c’est qu’on prête peu attention aux femmes, lady ou pas, qui, comme elle, rasent les murs. Aenor, elle n’occupera jamais toute une allée de sa superbe, se pavanant comme une reine ou comme une grande de ce monde. Aenor, elle sera toujours dans l’ombre. Elle se doute, même si on ne le lui a jamais dit, que ses tribulations ont interpellé les servants et leur valse continue. Elle les sent, aller et venir autour d’elle. Elle sait que c’est eux, déjà parce qu’ils ne portent pas de parfum contrairement aux nobles, parce que leur pas est bien plus pressé que celui des nobles, et parce que le froissement d’une robe ample et riche est très différent de celui du lin et du coton. Parfois, son cousin Justin a eu pitié et est venu l’aider à se repérer. C’est d’ailleurs avec lui qu’elle a échu dans cette pièce. « Tiens, rentre-là. » Il a dit. « Pour retourner à ta chambre, tu te tournes vers la gauche. Un peu plus loin tu tomberas sur l’escalier principal, et de là tu t’y retrouveras ? » Aenor a hoché la tête, même si elle se souvient avoir redouté le subjectif du « un peu plus loin », mais finalement, tout s’était mis en place relativement correctement. Et Justin l’a abandonnée là.

Elle a passé une journée entière à l’explorer, ce salon, Aenor. Mains en avant, elle en a fait le tour, ses doigts trouvant le contact froid de la pierre, ou bien celui du verre des fenêtres, pour passer à celui, plus chaud, du bois des secrétaires ou autres meubles, celui de la table, des fauteuils, des coussins desquels elle ne peut qu’imaginer la magnificence des broderies sous ses doigts. Une journée à rester là, et pas une seule entrée inopportune, ce qui a laissé entendre à Aenor que la pièce est très peu usitée. Dès le lendemain, elle y est revenue, avec sa viole, et a commencé à jouer. Sa viole, elle est magnifique. C’est une véritable œuvre d’art, commandée spécialement pour elle par ses parents. La tête est sculptée à l’effigie de la tortue, emblème de sa maison, et le long de l’instrument se distinguent moults créatures marines au léger relief en marqueterie. L’instrument est somptueux, et a surtout le mérite de permettre à la jeune femme de profiter de sa beauté, sans avoir à la voir. Elle aime cet instrument qui lui rappelle chez elle, Rocvert. Les seules images jamais gravées dans sa mémoire sont celles de l’île, et celles de sa famille. Dans ses yeux, heureux soient-ils car ils ne vieilliront jamais. Elle se souvient du sable et de la beauté de la mer, des embruns charriés par les vagues. Elle se souvient du coucher de soleil, visible depuis la fenêtre de sa chambre… Avant que tout ne devienne noir.

Sa famille lui manque, forcément. Ses parents, ses frères, sa nurse. A défaut de lire, Nanna lisait pour elle. C’est grâce à cette femme à la patience infinie qu’Aenor est devenue une véritable brute… En héraldique. Pas la moindre maison n’échappe à sa connaissance, le moindre blason, la moindre devise. Un nom, et la musique commence, elle déclame le tout. C’est une ritournelle. La musique lui a toujours parlé, et encore une fois à défaut de pouvoir lire, autant faire autre chose de ses doigts. Aenor aime le contact des instruments. Elle aime la maîtrise qu’elle a sur eux, et sans doute la seule qu’elle exerce dans le monde. Il suffit qu’elle bouge un tout petit peu son doigt ou l’angle de son archet pour que change la note. Elle se souvient de chaque prise de contact avec tous les instruments qu’elle a eus, ayant un faible tout particulier pour la viole, mais aimant aussi à pratiquer le luth, la harpe ou la lyre. Les femmes, de base, ne sont guère sollicitées pour quoi que ce soit, mais alors les femmes aveugles… ! Pas de broderie pour elle, qui n’y voit goutte, et pas de dessin non plus. Ne lui reste que la musique, et, quand elle est certaine d’être seule, le chant. Elle n’est pas asociale, Aenor, loin s’en faut, mais son handicap gène ses interlocuteurs. Elle l’entend dans le timbre de leur voix, dans leur hésitation… Parfois, on agite même la main devant ses yeux, elle sent les mouvements de l’air sur son visage. Aenor, elle entend bien mieux que la moyenne, et ses doigts sentent des choses qui échappent au commun. On lui a déjà demande « comment tu fais ? », et elle de répondre « je fais autrement, c’est tout. » avec un sourire.

Être aveugle la limite, sans aucun doute, mais lui ouvre également un monde très différent. Si elle peut monter à cheval, sa monture a besoin d’être guidée par un autre. Si elle peut danser sans peine, très gracile et sans jamais trébucher, il faut que les danseurs soient parfaitement alignés… La contrainte, elle le sait, n’est pas que pour elle mais également pour les autres. Cette contrainte est un frein pour beaucoup, aussi, pour la leur épargner, elle préfère se réfugier là où on sait qu’elle sera, et donc où on ne se présentera que si on se sent d’échanger avec elle. Tous, à Hautjardin, ne sont pas rebutés par sa condition. Certains la prennent en pitié, beaucoup s’en moquent dans son dos. Aenor se ficherait bien d’être moquée, si elle n’entendait pas parfois, au détour des couloirs, des médisances sur sa famille. Elle aimerait les défendre, quand entend ce genre de bassesse, mais craint d’ajouter un peu plus à leur malheur en se ridiculisant. Alors elle tâche de se montrer aussi digne qu’elle le peut…

Il arrive aussi que certaines personnes se montrent affables. Ce fut le cas de Lord Grimm. Pauvre homme contre qui elle a trébuché, alors qu’il stationnait dans les couloirs. Elle l’a senti se raidir du contact, et donc être prêt à s’emballer, mais soit il était au courant qu’une fille Estremont otage était aveugle et déambulait dans le château, soit il a compris rapidement qu’elle l’était. Dans tous les cas, plutôt que de rage, le Lord s’est enquis de ses progrès dans Hautjardin, et a généreusement offert de lui attribuer un guide pour ses tribulations châtelaines, et lui épargner l’égarement, le temps qu’elle en aurait besoin pour se familiariser avec son nouvel environnement. Aenor ignore ce qu’elle a pu faire pour bénéficier d’une telle générosité, mais elle l’a accueillie avec beaucoup de reconnaissance. Par la suite, Lord Grimm et elle ont continué d’échanger, le Lord se montrant toujours plus affable avec elle, jusqu’à, en guise de surprise, changer les cordes de sa viole qui en avaient grand besoin… Il est l’une des personnes pour lesquelles elle joue de temps en temps. Elle le sait dans l’environnement du roi, mais guère plus. Elle ne s’intéresse pas à ce qui ne la regarde pas. En l’occurrence, la guerre ne la regarde pas… Dans les yeux.