La réaction du jeune homme fait visiblement se hausser haut, jusqu’à R’hllor s’il avait pu, le sourcil diaphane de la dame en rouge. Elle voit ses joues se teinter d’un rouge de malaise, esquisser un pas de côté comme si son contact était en mesure de le brûler… Shaera l’observe avec circonspection, son expression enjouée fondant comme neige au soleil pour une beaucoup plus dure, fermée, pragmatique. Elle n’a pas la moindre idée ce qui a pu traverser la tête de ce tout jeune homme, mais elle sait qu’elle n’a aucune envie de le savoir. Tentée d’abandonner là l’écuyer, elle résout de s’obstiner malgré tout, la résolution de cette affaire pouvant, éventuellement, lui apporter les bonnes grâces d’un noble quelconque, lui ouvrir, peut-être, un chemin jusqu’au roi. Pour sa crédibilité, il vaudrait mieux qu’elle soit accompagnée de ce garçon, parce qu’il est écuyer, donc aspirant chevalier, et surtout… D’ici, manque pour elle, étrangère, que, même avec tous ses efforts, elle ne pourrait jamais compenser.

« Oui, il est mort… » Répond Shaera, quelque peu abrupte. « Toujours est-il qu’il ne s’agit pas d’un livre de comptes que vend cet homme. » Elle poursuit, ouvrant la première de couverture pour la montrer à l’écuyer. « C’est un traité de philosophie. Le propriétaire était donc soit un grand bourgeois, soit un noble. Ne pensez-vous pas que votre maître aimerait savoir si l’un ou l’autre de ses comparses avait trouvé la mort ? Et possiblement comment ? Peut-être des bandits profitent-ils des circonstances pour s’en prendre aux hommes du roi. Ne pensez-vous pas que la question puisse mériter une heure d’attention de votre part ? » Elle le sermonne, avec le ton qu’aurait celui d’une institutrice, sans prendre de gants, sans même faire semblant de respecter une hiérarchie qui voudrait que, socialement, l’écuyer la surpasse. En tant que prêtresse rouge, Shaera s’estime en dehors de ces carcans étriqués, qui peuvent avoir un sens à la cour (encore que), mais certainement pas dans la rue. En plus de cela, elle est une femme faite, et son interlocuteur n’est pas encore un homme, puisqu’il semble encore prisonnier de la naïveté des enfants. Elle finit donc par s’en retourner vers le marchand. « Voudriez-vous me dire précisément où vous les avez trouvés s’il vous plaît ? » Elle demande, poliment, ce à quoi l'homme d'âge mûr répond. « Ben y'avait une charrette abandonnée sur l'côté d'la route, à la sortie de la ville... Pis un homme qu'était pendu, pas loin. » La femme rouge hoche la tête en signe d'assentiment. « Si nous ne trouvons rien dans les poches du pendu, nous reviendrons vous voir... » Elle affirme, calmement, sans menace, avant de lui donner quelques sous pour les livres et de prendre la direction de la sortie de la ville... Un dernier regard à Sacha, pour savoir s'il la suit ou pas.

Le temps d'arriver sur les lieux, elle reste silencieuse, marche d'un pas décidé. Peut-être que tout ceci ne sera qu'une perte de temps, peut-être pas. Elle estime cependant qu'elle a plus à gagner à prendre ce temps que le contraire, aussi demeure-t-elle résolue. Il leur faut peu de temps pour arriver jusqu'à la charrette, et la première chose que regarde Shaera est si le chariot a été contraint de sortir de la route ou s'il en est sorti de son propre gré. Le fait qu'il ait été arrêté, de son gré ou pas, si près de la ville l'interpelle également. Elle regarde si l'orientation du chariot lui permet de déterminer s'il sortait de Noblecoeur ou s'il y entrait. Après ces observations préliminaires, elle se tourne vers Sacha. « Pensez-vous pouvoir regarder de plus près au chariot s'il vous plaît? Je vais me charger du malheureux... » D'un geste de main, elle lui indique le pendu, non loin, vers lequel elle se dirige avec cette même résolution. Arrivée au pied de l'arbre, elle cherche en priorité à déterminer si l'homme s'est pendu lui-même ou s'il a été pendu par des tiers. Elle essaie de voir s'il est mort par asphyxie ou bien la nuque brisée. Elle regarde également de plus près aux vêtements du malheureux, notamment ses bottes. N'ayant pas la moindre peur des cadavres, elle vient également observer ses mains, voir si elles ont souffert d'un travail manuel ou pas. Enfin, elle vient glisser sa main dans les poches du malheureux, à la recherche de quoi que ce soit qui pourrait être éloquent. Elle lui retire également ses bottes, sachant que les biens de valeur y sont parfois cachés.

Spoiler:

HRP:

Elle a beau y passer le temps qu’il faut, ce cadavre n’apprend strictement rien à Shaera. Contre son palais, sa langue claque d’impatience. La guerre voit même les peuplades dites civilisées refuser d’enterrer leurs morts… Une honte pour la prêtresse qui revient, visiblement agacée, contrariée, vers Sacha. « Je n’ai rien trouvé qui puisse nous aiguiller de mon côté. » Du sien, le jeune écuyer n’a pas l’air d’en mener plus large, raison pour laquelle Shaera reprend. « Je pense qu’il est inutile de s’obstiner. » Après tout, si le cadavre refuse de parler, il reste peu de moyens en leur possession pour lui forcer la main. Quant au fait qu’il soit pendu… La prêtresse s’interroge sur le sens de cet acte. Vendetta ou acte gratuit ? Difficile à dire. « Vous aurez peut-être plus d’informations en consultant le bourgmestre de Noblecoeur, mais j’ignore si nous toucherons jamais le fond de cette histoire. Cet homme semble décédé, et ses secrets avec lui, depuis trop longtemps. » Elle laisse tomber, tristement, en secouant légèrement la tête en signe de négation.

Renvoyant un regard vers le pendu, elle ancre ses mains sur ses hanches, le temps de prendre une décision. Dans tous les cas, ça ne lui semble pas charitable de le laisser dans cet état. Le violine de ses yeux en revenant au jeune écuyer, elle dévisage celui-ci avec intransigeance. « En ce qui me concerne, j’aimerai faire ce qui doit être fait pour le salut de l’âme de cet homme… Mais comme vous vous en êtes déjà rendu compte, ce pays n’est pas le mien et mes coutumes ne sont pas les vôtres. Aussi me semble-t-il normal que vous ayez la préséance du choix. Souhaitez-vous y faire quelque chose ? Creuser une tombe, mander un septon ou autre ? En ce qui me concerne, je ne creuserai rien du tout. » Trop délicate ? Non, pas spécialement, mais d’extrême mauvaise volonté à se donner autant de mal pour des coutumes qui ne sont pas les siennes. « Si pas, je ramasserai du bois de mon côté, vous êtes bien sûr parfaitement libre de m’aider ou pas, et je recommanderai son âme aux faveurs de R’hllor. » Elle conclut, très humble à la mention du maître de la Lumière, en joignant ses mains devant elle avec monstre d’élégance et de dignité.

Débrouillard et, à tout le moins, proactif, le jeune homme accepte de se salir les mains et de s’occuper du cadavre. Il est bien galant que de se coltiner cette tâche ingrate, de subir l’odeur pestilentielle du malheureux, et la gratitude de Shaera, ainsi que sa compassion, sont visibles sur son visage. Pour autant, ces expressions sont rapidement remplacées par de la surprise lorsqu’il évoque le refus potentiel d’un septon de procéder au rituel mortuaire du malheureux. Véritablement perturbée, Shaera s’approche de Sacha, ignorant même, pour l’instant, sa question sur le Maître, et lui pose une main délicate sur l’épaule. Ses yeux violine tombent dans ceux du jeune homme, cherchant à sonder au plus profond de son être, à estimer de quoi est faite son âme. « Pensez-vous réellement qu’un homme de foi pourrait refuser le repos éternel à une âme… ? » Elle demande, véritablement sidérée que ça puisse être imaginable. « C’est une punition terrible… » Elle souffle. « Cet homme n’a pas choisi son camp, et s’il est plus que probable que sa vie ait été dissolue, je doute qu’à son échelle il ait fait quoi que ce soit d’assez terrible que pour lui refuser l’ultime absolution… Il faudrait être d’une cruauté sans nom… Pensez-vous que vos Septons le soient ? » Elle lui demande, réellement curieuse de connaître la position d’un natif face aux paradoxes de ses servants religieux… Avant de se redresser, récupérant sa main. « R’hllor est le Maître de la Lumière, le Cœur de Feu, le Dieu de la Flamme et de l’Ombre… Il est celui qui nous offre le jour, et les étoiles qui nous guident à travers l’obscurité de la nuit. R’hllor est un dieu de vie, de chaleur et d’espoir… Il est mon Maître. » Portant le bout de ses doigts au large rubis de son collier, elle s’incline légèrement avec respect. « Je peux envoyer l’âme de ce malheureux jusqu’à la Halle de Lumière, s’asseoir aux côtés de R’hllor… Mais avant, il me semble plus judicieux d’offrir à cet homme la possibilité de rejoindre ses propres dieux. » Elle lui lance un regard entendu. « Je te propose que nous le mettions sur son chariot, et peut-être pourrons-nous emprunter un cheval pour venir le tirer ? Le chariot en lui-même pourra peut-être suffire à payer les dépenses inhérentes à son inhumation s’il y en a. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Elle n’est absolument pas du genre contraire sans raison, Shaera. A voir la réaction viscérale du jeune homme à une simple main sur l’épaule, elle n’ose imaginer les sévices par lesquels il a dû passer pour en arriver à ce stade de rejet… Des enfants, perdus, comme cela, rendus hargneux, cruels, méfiants… Elle en a vu des dizaines à Volantis. Souvent, les orphelins et autres oubliés finissaient entre les mains des prêtres, qui en faisaient des serviteurs du Maître. Certains y trouvaient leur compte, et d’autres noms. Certains esprits sont plus libres que d’autres. Mais au moins, aucun de ces enfants ne manquait de nourriture ou de vêtements, et une alternative à la prostitution leur était proposée. « Je te demande pardon… » Elle concède à Sacha, Shaera, en nouant sagement ses mains devant elle.

Il n’a pas l’air emballé par ce qu’elle lui dit à propos de R’hllor. Il a perdu la foi… comprend-elle, comme beaucoup de gens déçus par l’absence de réponse de leur déité, ce qui conforte la prêtresse dans sa théorie selon laquelle ce jeune homme a été victime de maltraitance. Sa spiritualité d’enfant s’était écroulée, sous des coups ou peut-être des abus sexuels, ce qui n’a rien d’étonnant. On se demande toujours pourquoi les Dieux, quels qu’ils soient, peuvent laisser faire de telles monstruosités… La réponse ne plaît jamais à ceux qui la demandent. « Très bien, je t’attends là. » Elle répond, simplement, à Sacha qui s’enfuit chercher une monture.

Fidèle à sa parole, la prêtresse attend patiemment son retour, après avoir revoilé sa longue crinière argentée sous une capuche rouge. Le temps que Sacha s’absente, elle s’était enfermée dans ses pensées, et n’en ressort qu’à l’approche du claquement des sabots de son cheval sur les pierres de la route. « Enchantée, Danseur… » Les présentations faîtes par Sacha, Shaera présente sa main à la bête, avant de lui en flatter l’encolure. « Je vais le tenir, si ça ne t’ennuie pas. Je n’ai pas eu souvent le loisir de harnacher les bêtes… » Enfin, pas celles à quatre pattes du moins. Prenant la place du jeune homme, elle vient tenir le cheval qu’elle s’efforce de garder aussi calme qu’elle-même. « Je pense qu’il serait plus approprié que je te laisse aller consulter le septon tout seul également. Il risque de m’être hostile en raison de ma confession. Evitons qu’un différent personnel prive ce malheureux du repos éternel… » Elle lui sourit, se voulant encourageante. « Mais je t’attendrai non loin, si jamais tu avais besoin de moi. »

[Hj : Hey ! Je te propose de faire appel au cyvosse pour jouer le Septon ? ]

Le jeune homme et la prêtresse remontent les rues en silence, le cheval traînant pour eux le morbide cargaison. La guerre rend les hommes cruels. Certains n’en ont pas besoin pour le devenir, mais beaucoup profitent des difficultés qu’elle engendre pour se permettre les pires ignominies. Après tout, en temps de guerre, les jugements se font de façon différente… C’est un peu écœurant. Pour Shaera, rien de nouveau. Elle a toujours su l’homme capable du meilleur, mais surtout du pire… Au moins, ce jeune garçon semblait avoir les valeurs au bon endroit, et au moins se sentir un tant soit peu concerné, malgré sa mine renfrognée à l’idée qu’ils fassent appel à un septon. Elle non plus n’est pas spécialement enthousiaste à cette idée, mais les situations devraient-elles être inversées, elle apprécierait qu’un septon en terres libres viennent s’enquérir des rituels de la victime, plutôt que de décider de son propre chef. D’un signe de tête, elle salue l’écuyer avant qu’il ne disparaisse dans la bâtisse, et attend posément qu’il revienne, en compagnie d’un homme de foi ou pas.

La réaction du septon, lorsque celui-ci sort de l’édifice religieuse, face à leur démarche conforte Shaera dans la pertinence de celle-ci. D’un point de vue purement égoïste, elle est ravie de ne pas avoir à pratiquer le rite du dernier baiser sur un cadavre dans un état de décomposition aussi avancé. Se voulant courtoise et compatissante, elle complète de quelques détails les réponses données par Sacha au Septon, et s’écarte pour leur laisser régler les derniers détails. Le chariot est désharnaché de Danseur, dont la liberté lui est rendue, en même temps que celle de Sacha. L’homme de foi finissant par disposer, abandonner les deux intrus, la prêtresse revient vers l’écuyer, petit sourire aux lèvres. « Tu as bien mérité tes livres, jeune homme. J’espère qu’ils te sembleront en avoir valu la chandelle. » Elle lui sourit, se voulant complice. « Je te souhaite de bien te porter. Adieux. » D’ordinaire, elle souhaite à ses ouailles d’aller dans la bonté du Maître, mais Sacha n’étant pas croyant… Dépassant le garçon, elle retourne vaquer à ses propres occupations, le défunt déjà définitivement chassé de ses pensées.

[Hj : c’est tout pour moi Merci pour le jeu Sacha !]