Le Conflans au Fer-Prix
Conflans
Il n’avait pas fallu longtemps pour que la guerre gagne à nouveau le Conflans. Le pays le plus traversé par des armées de différentes factions en deux ans de guerre n’avait jamais vraiment cessé de saigner. Depuis des mois, des bandes lancées par le Roi Yoren avaient trompé la vigilance de l’armée Tully, et menaient une politique de pillages et de terreur dans le coeur du pays pour destabiliser les approvisionnements du Conflans Fédéré, et miner le moral ennemi. Les patrouilles du Roi Lyham restaient globalement inefficaces car les quelques centaines d’hommes s’étaient depuis longtemps dissous en de multiples groupes, rendant leurs capacités militaires presque nulles tout en démultipliant leur pouvoir de nuisance pour l’activité économique et commerciale du pays. Des escarmouches entre quelques poignées d’hommes étaient menues courantes… Et les pillards commençaient à se mettre à dos la population ; après le passage des armées qui s’étaient servies sur les vivres et parfois sur les jeunes filles des villages du coeur du pays, le cauchemar recommençait. Les fermiers et villageois gardaient leurs fils avec eux plutôt que de les envoyer répondre à l’appel du ban de Vivesaigues ; il fallait savoir se défendre et la guerre semblait bien loin pour ces foyers touchés de si près par les attaques de bandes qui pratiquaient la guérilla depuis les forêts et marais du coeur du pays.
La difficulté de la situation des Tully s’accrut encore quand les villages entre Warbourg et Vielles-Pierres firent attaqués. En ce début de printemps et avec les tempêtes qui avaient lieu en mer, les côtes étaient encore souvent engoncées dans une chape de brouillards et de pluies. Ils sont venus sans crier gare, et malgré les systèmes d’alerte mis en place par le Roi, la furtivité de ces assauts eut raison d’une demie-douzaine de villages en quelques jours. Les patrouilles n’arrivaient pas à anticiper les déplacements de ces navires à cause du mauvais temps, mais les boutres prenaient un risque en partant en expédition par cette météo. Ces conditions de navigation auraient effrayé les continentaux, mais pas les capitaines de la Flotte de Fer.
Ce risque pris s’avéra bien vite payant quand les hommes purent se livrer à des razzias terribles, par petits groupes. Les milices levées à la hâte furent insuffisantes et avec le mauvais temps, seule la fumée noire des incendies et les cloches des septuaires parvenaient à alerter les voisins du danger. C’était souvent trop tard. Les communautés de pêcheurs et de commerçants sur le littoral vivaient dans la peur de voir arriver les boutres de Lord Harloi, dont le nom fut bien vite susurré avec crainte.
On rapporta rapidement, outre la perte de ces quelques villages, le massacre de dizaines de personnes, le pillage de deux septuaires et le vol ou le rançonnement des populations alentours. De nombreuses femmes furent emportées comme esclaves pour divertir les équipages ou servir sur les îles pendant que le peuple appelait à l’aide les hommes du Roy ; n’y avait-il personne pour les protéger de la fureur des insulaires ?
Lord Piper se proposa bien vite de diriger depuis son fief les efforts de lutte contre la flotte fer-née. Celle-ci frappait par petits groupes dans des endroits parfois éloignés les uns des autres, il était donc difficile d’estimer si une dizaine ou une centaine de navires étaient entrés en campagne. Aucune armée d’invasion n’était à signaler ; il allait donc s’agir d’anticiper les débarquements ennemis pour mieux les combattre. Pendant que les riverains débattaient du meilleur moyen de circonscrire le péril de la Flotte de Fer, Lord Harloi s’en prenait à un nouveau village. Puis encore un autre. Bientôt une dizaine avait été pillée et incendiée. Il fallait réagir, et vite, car déjà des villages côtiers se retrouvaient vidés des habitants et partaient pour Vivesaigues.