Le Royaume des Rivières et du Crépuscule tentait le tout pour le tout. Se préparant pour la guerre, il essayait par la même occasion de s’allier aux puissances encore neutres en Westeros ou à tout le monde, de se rapprocher d’elles a minima. La Princesse Myria Hoare, ancienne épouse de l’héritier du trône, feu le Prince Joren, avait été la maîtresse d’Harren le Noir, son beau-père, et l’avait été également du nouveau Roi, Yoren Hoare, le dernier rejeton du Noir. Il s’agissait d’un personnage sulfureux de par ses anciennes allégeances et manoeuvres. Néanmoins, elle était habile politicienne, et bonne diplomate. Envoyée par le Roi Yoren pour s’assurer de l’Ouest, de négocier avec les Lannister, la jeune femme entama sa mission avec son zèle habituel, et quelque réussite.
L’ambition et l’envie, toutefois, étaient de mauvaises conseillères, et le Roi de l’Ouest avait subi plusieurs attentats funestes. Tout pouvait être remis en question.
Tôt le matin, une troupe en armes, chevaliers en tête, vint se présenter dans les entrailles du Roc devant les appartements de la Princesse et de sa suite. Les hommes étaient menés par Rickard Crakehall en personne, le frère de la Reine et commandant de la place-forte. Nulle résistance ne fut opposée à l’intrusion impromptue et Myria Hoare, trop intelligente pour s’égosiller, avait bien compris que quelque chose de grave se tramait. Elle fut fouillée, et consignée par une demie-douzaine de chevaliers en armes.
La cité était bouclée par Gareth Kenning, homme de confiance du prince. Tous les hommes à tabard Hoare furent arrêtés, fouillés, et mis au silence. Les filles Salfalaise et les chevaliers Frey furent emmenés dans des appartements distincts, et la roture fut expédiée dans les geôles. Tous les effets personnels de la princesse, et toutes les armes de sa suite, furent confisqués. Pendant de longues heures, la Princesse réclama Gareth Kenning, qu’elle connaissait bien, mais Ser Crakehall la fit patienter ; il se tramait quelque chose de grave au Roc. Réclamant tantôt Kenning, tantôt le Prince Lyman, Myria finit, d’angoisse et d’impatience, par s’enivrer, convaincue qu’elle serait bientôt interrogée et exécutée. Comprenant qu’on l’accusait d’avoir trempé dans les tentatives de meurtre contre le Roi, la brune clamait son innocence, et réclamait un traitement juste pour ses suivants, en particulier pour les otages Salfalaise. Ser Rickard prit grand soin de la rassurer, mais cela ne l’empêchait pas de tenter de se claquemurer dans son appartement, de le barricader, ivre et désespérée. Les échanges perdent tout sens jusqu’à enfin, l’arrivée de Kenning.
Il lui avait fallu du temps pour s’assurer de la sécurité du Roc, et l’arrestation de tous les suspects. L’homme finit par convaincre Myria d’entrer. Il produisit alors une missive, signée d’Heda Volmark pour le Roc et la présenta à la princesse.
Au Prince Lyman Lannister,
Prince Héritier de l'Ouest, héritier de la maison Lannister et de Castral Roc
Votre Altesse Royale,
Vous ne me connaissez point, mais je me présente aujourd'hui à vous comme la première conseillère du Roi Yoren Hoare, du Royaume des Fleuves et du Crépuscule.
J'ai pris la plume en ce jour pour vous communiquer une information que nous venons d'apprendre dans nos rapports. Nous avons découvert que Myria Hoare, diplomate actuellement sur vos terres, a utilisé des ressources du royaume de Yoren Hoare, pour mener à bien des plans secrets visant à générer une instabilité au sein du Royaume de l'Ouest pour le compte d'Eren Hightower, du royaume du Bief.
Nous tenons à vous informer que nous désavouons publiquement les actions de Myria Hoare et que nous nous désolidarisons de ses choix, qui n'engagent qu'elle et la Reine Eren Hightower.
Notre royaume et notre souverain Yoren Hoare tiennent à garder de bonnes relations avec votre royaume, c'est pourquoi, nous vous laissons seul juge du sort de la traîtresse ayant attenté à la vie du Roi Loren Lannister afin d'en tirer des bénéfices personnels.
Soyez assuré que nous sommes réellement désolés des actions menées par Myria Hoare et que nous espérons pouvoir continuer à vous compter parmi nos amis et alliés.
Que les Sept vous accompagnent et vous protègent,
Heda Volmark,
Première Conseillère du Roi Yoren Ier Hoare,
Roi du Royaume des Fleuves et du Crépuscule,
Capitaine du Requin Noire,
Renarde Sanglante
Gareth lui montre le courrier. Myria blêmit devant la trahison.
Comble de l’ironie, elle venait d’accomplir sa véritable mission de la plus inattendue des manières, mais tout était à nouveau remis en question par félonie, comme si son destin ne saurait qu’être constamment retardé et contrarié par les siens.
Pourquoi lui avait-on confié les raisons de son arrestation? Les conversations s'engagèrent dans les entrailles du Roc, avec au moins l'assurance que si les hommes Hoare et la Princesse étaient encore en vie, c'est qu'il y avait de l'espoir.
A mille lieux de là, un jeune Prince orchestrait un complot pour renverser son oncle. Il usa de l’appui d’une conseillère proche du Roi, Heda Volmark, qui tourna bien vite le dos à ses serments de fidélité pour se ranger à l’avis du Prince dépossédé de sa couronne. C’était lui en effet qui aurait dû, par lignage direct, hériter de son grand-père. Son propre père, le Prince Joren, avait conduit un coup d’état ce qui avait conduit ses enfants, dont Beron, à se trouver déshérités. Le jeune prince en avait conçu une profonde injustice, et s’était depuis longtemps convaincu qu’il pourrait régner, et réaliser mieux que son oncle la symbiose entre les peuples hérités des conquêtes de ses aïeux.
Plus encore, Beron se convainquit rapidement qu’il ne trouverait aucun soutien au sein du Bief, à la cour de sa tante, Eren Hightower, l’ancienne commandante de la Flotte de Fer, et dernier enfant d’Harren le Noir encore en vie. Il fut reçu à Hautjardin par faste et risettes, mais il comprit rapidement qu’il s’agissait d’une cage dorée ; le Roi du Bief ne laisserait pas filer aussi facilement le véritable héritier en droits de la couronne d’Harrenhal. Beron prend les propositions d’apprentissage et d’aguérissement de son oncle par alliance et de sa tante comme autant d’insultes contre son intelligence. Pis, il se convainc qu’il sera bientôt la cible d’un assassinat orchestré par son oncle Yoren, qui se débarrasse d’un rival mieux né, sa tante et son mari souverains du Bief, mais aussi sa mère.
Il envoie donc ses ordres à Heda Volmark, et enclenche le compte à rebours d’un coup d’état pour prendre le pouvoir à distance, et évincer ceux qu’ils considèrent dès à présent comme ses ennemis.
Le jeune homme brille par sa ruse, orchestre le recrutement d’une équipe pour le secourir via ce que les bieffois mésestiment comme son valet oriental, son fidèle Banot. L’homme recrute des hommes de main et se renseigne sur les dessous du palais. Les détails du plan n’auront finalement été connus de quiconque une fois mis en œuvre, tant il fut précis dans son enchaînement, et tenus secrets par ses partes prenantes. Des gardes furent retrouvés endormis. D’autres, au mauvais endroit au mauvais moment, furent prestement égorgés, même si le Prince eut préféré partir sans effusion de sang. Découverts, l’alerte fut lancée et des patrouilles sillonnèrent parcs et couloirs, jusqu’à ce qu’une troupe du Roi ne rencontre l’équipe de mercenaires de Beron. Quatre d’entre eux moururent, mais plusieurs soldats du Bief furent blessés ou tués dans l’affaire. Le passage du corps de garde fut le plus compliqué, Beron ne parvenant à fuir finalement qu’avec Banot et deux survivants du groupe, laissant deux autres lanciers du Bief en sang.
L'échappée avait été menée sur la corde raide, haletante, et il y avait eu du sang de versé. Mais le prince avait fini par s'enfoncer dans la nuit, sans troupes aux trousses.
Plusieurs jours plus tard, alors qu’une réunion exceptionnelle se tenait entre puissants du Royaume à Hautjardin, le Grand Septon s’interrogera à haut voix dans la salle du trône ; comment un enfant sous la protection du Roi, désireux de rencontrer Sa Sainteté, avait pu s’enfuir dans la nuit ? On sous-entendit que le Roi Manfred Hightower, par sa police secrète, était au courant de tout et qu’il avait laissé faire. Le souverain du Bief ne se laissa pas démonter, et argumenta qu’il n’aurait jamais mis en péril la vie d’un prince, ni de ses propres sujets, s’il avait eu vent de quelque manœuvre que ce soit. Qu’il aurait averti ses alliés du Conflans, s’il avait eu vent des ambitions démesurées du jeune homme.
Dans son dos, le Roi mimait à la Reine, sise deux pas derrière, un nombre avec ses doigts. Quatre d’abord. Harren, Joren, Yoren et Beron. Le grand-père, le père, l’oncle et le petit dernier. Il en replia un, le majeur. Harren était mort au combat, et avait fait face à son destin en combattant son ennemi juré, Torrhen du Nord. Il en replia un deuxième. Joren, père de Beron, avait été exécuté pour trahison après un coup d'état manqué. Il en replia un troisième, Beron, qui venait de confirmer que sang de traître ne saurait mentir, et ne pourrait jamais régner selon les lois des dieux ou des hommes. N’en restait qu’un.
Pendant ce temps, dans la campagne enneigée du Bief, le Prince Beron apprit les rumeurs de l'échec de son complot. Il était libre, plus que jamais. Mais sa tête était mise à prix par son oncle, et tout le Bief devait le rechercher...