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Ce fut lors d’une belle soirée d’été qu’Alys vit le jour, sous le regard de deux parents aimants. Et cela ne changea d’ailleurs jamais. La jeune Kenning était la benjamine de la famille, avec trois frères et deux sœurs au-dessus d’elle. En somme, une famille assez nombreuse, mais pas dépourvue de charme. Quentyn et Ceressa étaient, autrefois, le portrait des parents exemplaires. À vrai dire, elle ne pouvait s’imaginer grandir avec d’autres géniteurs que ceux qu’elle avait eu.

"Quelle est la devise de la maison Tully ?
- "Devoir, Honneur, Famille" répéta l'enfant à son géniteur d'un air nonchalant.
- L'ordre n'est pas tout à faire exact.
- Mais, père, à quoi cela pourrait bien me servir si je passe toute ma vie dans le Royaume de l'Ouest ?
- Tu sais, Ally, tu vas grandir. Et un jour, tu devras te marier et fonder une famille. Personne ne sait sur qui tombera cette chance incroyable, mais le moment venu, tu devras être préparée et connaître ce qu'il y a à savoir sur l'histoire de cette personne, de son royaume..."

À la suite de ça, ils lui enseignèrent également les plus belles valeurs imaginables : la loyauté et la bravoure. Même si la jeune femme ne s’était jamais reconnue dans ce dernier trait de personnalité, elle avait fait de son mieux pour rendre fière les dirigeants de la maison Kenning.


Néanmoins, des événements perturbateurs vinrent rompre la sérénité de cette famille et, à ce jour, Alys n’est plus certaine de qui elle est réellement. Une épidémie de fièvre frappa leur domaine et les pertes furent nombreuses. Les personnes les plus fragiles tombèrent les premières : ses neveux et ses nièces. Ce fut ensuite le tour de leur mère, ravagée par le chagrin, puis Quentyn et Ceressa. Cette nouvelle anéantit Alys qui avait toujours été protégée et guidée par eux. En l’espace d’une semaine, elle avait perdu tous ses repères et la dure réalité l’avait frappée. Elle passa de la jeune fille rêveuse à une femme désorientée. La vie n’était pas aussi simple qu’elle l’avait imaginé et ce fut de manière brutale qu’elle dut rentrer dans l’âge adulte. Un an après leur décès, elle en était encore à se demander pourquoi elle avait survécu, alors que eux n’avaient pas eux cette chance.
Une longue remise en cause enveloppa son être entier et ce fut Gareth, son frère, qui la sortit de sa tourmente, en lui proposant de le rejoindre définitivement à la Cour. Après une longue hésitation, elle finit par le rejoindre à contre cœur. D’une part, elle s’en voulait de laisser son autre frère dans un profond chagrin ; de l’autre, il était très entouré et rester en ces lieux emplis de souvenirs ne faisaient que la hanter davantage.



Quand elle arriva à Castral Roc, un vent de renouveau la renversa totalement. Les choses n’allaient pas être faciles, mais elle gardait l’espoir qu’elle pouvait se reconstruire. Devenue dame de compagnie de la future Reine, Jeyne Lannister, la panique s’empara d’elle. Elle n’avait jamais vécu à la Cour et n’avait jamais servi une personne aussi importante qu’elle. Sans oublier sa prestance et le respect qu’elle émanait qui ne jouaient définitivement pas en sa faveur. Pour Alys, il était en son devoir d’honorer au mieux le souvenir de sa maison, les Kenning, ce qui eut le don de la perturber davantage.

"J'ai entendu des bruits de couloirs sur des attaques religieuses à venir."

Avec le temps, elle était parvenue à se faire une petite place au sein de Castral Roc, mais tout particulièrement aux-côtés de Jeyne. Elle est une grande bavarde, mais sait rester discrète, ce qui lui permet de recueillir de nombreux informations sur des complots ou des commérages. Elle n’était pas une femme forte, du moins elle ne se considérait pas comme telle, mais elle avait dans l’idée de se rendre indispensable aux yeux de la future Reine, gagnant petit à petit son affection. Jeyne Lannister était son oreille, lorsqu'elle avait besoin de parler de ses parents; et elle était ses oreilles. À elles-deux, elles se complétaient d'une manière qu'elle n'aurait jamais pu soupçonner quelques mois auparavant.

Le rythme effréné de la Cour ne l’a pas encore fait fuir à l’autre bout du territoire, mais il reste certaines choses qui ne changent pas. Et, parmi elles, se trouve Lyman Lannister. Elle a beau le croiser régulièrement lorsqu’elle côtoie Jeyne, le lionceau l’intimide terriblement. Lors de ses nombreuses visites, lorsqu’elle était plus jeune, son frère s’était amusé à faire plusieurs remarques, amusé, en la voyant rougir devant lui. Les choses n’avaient pas changé et aujourd’hui encore elle se retrouve incapable de ne pas s’empourprer quand il lui parle. Cela amuse d’ailleurs bien Gareth, même après des années.

"Arrête, Gareth, tes mimiques vont attirer son regard dans notre direction" râla-t-elle, comme toujours, le teint tournant au rouge pivoine.

Concernant sa personnalité, Alys a toujours été une grande romantique. Elle s’imaginait tomber éperdument amoureuse d’un noble et, qu’à eux-deux, ils fonderaient une magnifique famille. Un garçon et une fille, comme elle l’avait toujours rêvé. Mais les événements ne se passaient pas comme prévu et, en grandissant, la jeune femme dû mettre de côté ses belles idées qu’elle avait des mariages. Elle se rendit bien vite compte que tout n’était pas rose et qu’ils s’effectuaient plus souvent par alliance que par amour. Et il s’agit là de la plus grande peur d’Alys. Elle ne veut pas terminer ses jours avec un homme qu’elle n’apprécie pas ou qui la maltraite. Elle ne voulait pas se retrouver marier, comme la plupart des jeunes filles, à un homme qui avait deux fois son âge, vivant ses derniers années de vie. La Kenning voulait une belle et longue vie de plaisir auprès de quelqu’un qui prendrait soin d’elle. Malheureusement, elle risque de tomber de haut en apprenant que son frère lui a peut-être caché un élément crucial quant à son avenir à la Cour. Des fiançailles avec William Porter, l’homme torturé qu’elle observe aux détours des couloirs.

Elle a entendu parler de l’histoire de sa famille. Lui aussi avait presque tout perdu. Un peu comme elle et d’une certaine manière, elle se sentait proche de lui sans même le connaître. Sa curiosité et les nombreuses discussions avec les nobles lui ont permis de connaître la raison à tout ça : la croyance aux Anciens Dieux. Alys n’était pas de ce penchant-ci, mais elle ne parvenait pas à comprendre comment des actes aussi odieux pouvaient être commis, uniquement parce que la personne ne répondait pas aux exigences du royaume de l’Ouest. Mais évidemment, elle gardait ses opinions pour elle. Elle avait beau être, par le passé, le reflet de l’innocence incarnée, il y avait des choses qu’elle ne divulguerait jamais. Parce qu’elle connaissait le prix à payer de certaines opinions. Et malgré son détachement face à ce conflit religieux, elle restait loyale aux nouveaux Dieux. Ses parents l’avaient élevé avec ce principe et elle ne pouvait pas le renier. Elle devait les rendre fière, même au-delà de la mort.

Mais si Alys a su s’adapter aux besoins et à la vie de la Cour, elle reste tout de moins très inquiète en voyant les tensions s’élever autour d’eux. Certes, les conflits religieux arrivent à leur terme, mais elle le sent comme au fin fond d’elle-même : quelque chose de plus grand et de plus grave arrive. Une question reste en suspens : sont-ils prêts ?