Loren et Jordane Lannister trônent dans la Salle des Lions, et dominent une foule assemblée de plusieurs centaines de personnes. A leur droite, les tablées de la noblesse. Les principaux seigneurs, Lord Crakehall et Farman en tête. A leur gauche, les Réclamants et notables de la bourgeoisie. Le brouhaha est total depuis plusieurs heures en cette matinée de ce début de onzième mois. L’année arrivera bientôt à son terme, et les troubles n’ont fait qu’enfler ces dernières semaines dans les Terres de l’Ouest. Et la Reine est lasse.

Les Seigneurs Frondeurs et le reste de la noblesse demandent à la royauté de ne pas intervenir et de les laisser rétablir l’ordre par eux-mêmes sur leurs terres. Certains, accusés par les Réclamants d’avoir fait molester des gens du peuple favorables aux Etats Généraux sur leurs domaines, assumèrent leurs actes, y compris les quelques pamphlétaires qui furent pendus. Cela ne fit rien pour désamorcer les tensions avec les Réclamants, qui furent accusés à leur tour de tous les maux des domaines Falwell, Clegane et jusque dans les provinces du Nord.

Plusieurs fois, le Lion de Castral Roc, Loren Lannister en personne, ramena le calme, à bout de patience, d’une voix tonitruante, habituée à donner des ordres sur le champ de bataille. Mais à chaque fois, malgré plusieurs pauses et suspensions de séance, les troubles revenaient.

Alors qu’une énième fois, les troubles gangrénaient les débats, des colonnes de guisarmiers entrèrent dans la salle et leur présence fit s’élever de nombreux murmures inquiets, surtout chez les notables. Les hommes portaient tous le tabard du lion d’or sur champ rouge. Calmes, d’apparence sereins, les souverains de l’Ouest ne manifestèrent aucune émotion et continuèrent d’arbitrer les différends, avant que la Lannister ne prenne finalement la parole. Elle n’eut pas besoin d’élever beaucoup la voix ; l’acoustique de la salle était parfaite et l’autorité naturelle que dégageait la souveraine, coiffée d’une grande couronne d’or et habillée avec faste, imposa le silence à tous.


| Nous sommes las, mon époux et moi-même, d’assister à pareil écharpage. Nobles seigneurs et riches marchands, l’Ouest a autant besoin des uns que des autres. |


Brouhaha des mécontents, mais les hommes d’armes avancent d’un pas. La Reine reprend, comme si de rien n’était.


| Nous sommes prêts à rendre notre décision concernant cette querelle qui n’a que trop duré. | Le regard froid de la souveraine balaie la salle. Chaque homme, qu’il soit riche ou vétéran des conflits frontaliers, ne peut que se sentir désarmé, dénudé, par cet aplomb souverain. | Nous comprenons fort bien les inquiétudes de notre peuple vis-à-vis de certains seigneurs qui ont pris quelques libertés avec leurs prérogatives. |


Murmures furieux dans l’assistance côté noblesse. Les guisarmiers cognent du pied de leur arme contre le sol pour ramener le calme. Imperturbable, Sa Grâce reprend la parole.


| Mais le peuple n’a pas à prendre lui-même les armes pour se défendre. Qui attaque un vassal du Roi attaque le Roi lui-même. |


La menace, terrible, glace la salle.


| Bertran Jaldemar, pour avoir fomenté contre un seigneur sans requérir l’arbitrage royal, pour avoir mené une révolte et incité à assassiner des sergents de votre suzerain, vous avez le choix entre le billot et la Garde de Nuit. |


L’homme proteste alors qu’en effet, il avait jadis demandé l’arbitrage du Roi et il était venu pour cela. C’était les Seigneurs qui lui avaient forcé la main, après tout. Serrett et Swyft en tête, mais soutenus par les Estren et d’après certains, par les Clegane et les Farman. Il est toutefois emmené, encadré par des guisarmiers. Un temps prêts à se rebeller, ses comparses sont menacés de la pointe des guisarmiers. La souveraine incline la tête sur le côté, vers les seigneurs.


| En signe de bonne volonté, messeigneurs consentiront de diminuer les impôts sur leurs terres. Les familles des personnes ayant été tuées à cause de cette affaire devront être indemnisées, en nature sur les réserves de vos domaines ou en monnaie. De plus, les droits de péage ne s’appliqueront plus aux denrées alimentaires ou aux produits textiles, mais uniquement aux objets d’artisanat, d’industrie, ou aux matières premières minérales. Dans le même temps, les Réclamants s’engagent à dissoudre leurs milices sous contrôle des troupes du Roi. Tout homme en armes qui n’est ni un sergent ni un croisé sera arrêté et envoyé à la Garde de Nuit. Ce qui nous amène au dernier point : en respect de notre alliance avec le Conflans et honorant nos serments et nos sacrements devant les Sept, nous ne nous opposerons pas au rassemblement et au passage des troupes désireuses de se joindre à la Sainte Croisade. Celle-ci s’organisera toutefois sur la base du volontariat ; l’Etat ne s’immiscera pas dans la question religieuse, qui reste propre à chacun. |


Le brouhaha reprend. Les guisarmiers commencent à évacuer la salle en invitant tout le monde à se lever, à s’agenouiller ensuite devant les souverains.


| Telle est la volonté du Roc. |