La campagne a commencé par un cortège de gueules de déterrés. Fer-nés en veux-tu en voilà, colonne précédée d'un cortège de sergents montés qui, à bride abattue gagnait les Jumeaux. L'armée d'Harren le Noir avait été défaite à Moat Cailin et avait vécu l'enfer pendant sa retraite. Impossible de dormir la nuit. Moustiques, lézards-lions, feux-follets. Beaucoup s'assirent et moururent de leurs blessures. Plusieurs furent abattus par des flèches tirées dans la brume, par un ennemi insaisissable. La panique empêchait les autres de se reposer. Ereintés, la troupe avait perdu encore quelques groupes de déserteurs, de malades, de blessés. Et sur ses talons, l'Ost du Nord.
Une dizaine de milliers d'hommes au bas mot, menés par la bannière de Winterfell, la bannière au loup-garou. Les Nordiens marchaient en silence, et ils marchaient vite. La quiétude de leur avancée restait malgré tout rythmée par le battement martial de dizaines de tambours. L'armée ne s'arrêtait qu'en rencontrant de petites communautés agricoles, puisque nul ennemi ne vint sur sa route.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas pillage. Car mise à sac il y avait bien. Mais les nordiens, disciplinés, restaient encadrés par leurs chefs d'unité. Les ressources étaient mises en coupe réglée, encadrée par les services d'intendance organisés à prix d'or par le Roi-Loup. Le transport et le ravitaillement, d'autant plus efficace. Certains résistèrent.
Lord Cassel prit un de ces bourgs, en vue des Jumeaux. Trois fermiers accueillirent ses hallebardiers avec des carreaux d'arbalètre. Deux nordiens avaient été tués. Les trois fermiers durent choisir vingt villageois, qui furent pendus sous les yeux du reste de la communauté. Voilà ce qui arrivera à qui ralentira l'avance du Nord. Voilà ce qui arrivera à qui se mettra en travers de la route de nordiens venus chercher la vengeance de quinze années de meurtres, de rapines et de viols sur leurs terres. Pas de quartier. Pas de pitié.
Pour autant, la discipline restait forte. Le moral, excellent, car l'armée revenait d'une série de victoires contre les sauvageons et les fer-nés. Perdre la flotte nordienne n'avait effrayé personne, dans ces bataillons, car il était de notoriété commune que jamais la flotte du Nord n'avait représenter ni une menace pour l'ennemi, ni un avantage pour le royaume. Quelques écarts de soldats furent durement réprimés, en particulier par Lord Reed, qui fit lapider quatre archers pour le viol d'une fratrie de riveraines esseulées. Les propres camarades des violeurs furent eux-mêmes chargés de la tâche sous le regard vigilant du reste des troupes Reed. Impossible pourtant d'avoir l'oeil partout, et il y eut d'autres incidents. L'affaire restait sous contrôle, globalement, car Torrhen Stark avait depuis longtemps instauré une discipline de fer, à base de châtiments physiques pour les déserteurs, les criminels et les fauteurs de trouble. La gloire même, d'une armée ayant le sentiment d'être invincible en campagne, aidait à tenir les rangs, tenue efficacement par ses généraux jeunes mais déjà expérimentés avec plusieurs campagnes à leur actif, comme Lyam Mormont ou Bowen Glover, connaissant bien leurs troupes.
Nulle troupe ne barra la marche de l'armée du Nord, qui continuait de se servir avec brutalité sur le pays pour accroître ses propres réserves. L'armée fer-née tenait déjà les Jumeaux, mais semblait peu décidée à se battre. L'armée du Nord arrivait en vue de la forteresse sans avoir encore livré une seule bataille. Cela faisait bientôt quatorze ans qu'une autre armée était descendue du Neck...
Plus au sud, de petits groupes de cavaliers Targaryen continuaient de sillonner les routes du Conflans. Groupes si restreints qu'ils ne cherchèrent pas les escarmouches, même une simple foule aurait pu avoir raison d'eux. Il y eu quelques incidents isolés, mais leur faible nombre rendait les peyredragoniens plus discrets que dangereux. Pierremoutiers était presque atteinte, Salins environnée de patrouilles qui se terminaient parfois dans la violence, mais c'est au sud de l'Oeil Dieu que ces cavaliers, clamant les errements de la maison Hoare, eurent le plus de succès. Après des semaines et des semaines sans jamais être combattus par la plus petite troupe du Conflans, la population locale commença à prêter oreille à ces cavaliers, qui placardaient et clamaient des messages clamant la justesse de la guerre menée par Rhaenys Targaryen contre le tyran d'Harrenhal. Ces cavaliers-là bénéficièrent de dons, en monnaie quand c'était possible mais le plus souvent en nature, armes, outils et vivres. Parfois même, en plaisante compagnie. Troupe plus importante eut été inquiétante, violente même. Mais finalement, ces quelques éclaireurs ressemblaient plutôt à des bandits de bonne cause... Certes, ils n'attiraient que la sympathie de gens de peu, et de faible nombre. Mais sans aucune réponse Hoare depuis des semaines, l'autorité royale sur la région ne manquerait pas de s'effriter un peu plus.
Comment gérer toutes ces menaces ? La plus grande semble aujourd'hui venir du Nord, où un vent glacial annonce la tempête. L'Hiver Vient. Le Nord réclame sa vengeance, car le Nord se souvient.