Ils sont venus de nuit. Sans laisser aucune chance aux marins qui étaient restés fidèles à leur sauveur. Les hommes de Yoren Hoare, hommes d’armes et ruffians Hoare, Greyjoy ou Volmark, prirent d’assaut les quelques boutres amarrés au port de Pyke. Ces navires étaient revenus tout récemment du Nord, où ils avaient sauvé les troupes fer-nées bloquées sur l’Île aux Ours. Leurs équipages étaient épuisés, les soldats ramenés, dévastés par les épreuves vécues sur cette île gelée, sans vivres et sans abri. Ils furent rapidement maîtrisés par ces troupes de vieux marins, de vieux soudards, reîtres et autres corsaires restés à quai au moment du départ de la Flotte de Fer. La troupe de bric et de broc prit possession des navires au nom du Roi Yoren Hoare, et débarqua le lendemain en début de soirée à Salfalaise, sommant la faible garnison de soldats de métier de se rendre, le Roi demandant des otages en punition de la trahison du seigneur des lieux.

Lyle Salfalaise était un chef renommé, au sein de l’armée du Sel et du Roc. Une vie passée en mer ou au combat, les raids et la défaite de justesse à Moat Cailin, sa résistance malgré le massacre de ses hommes à Buron, tout cela lui avait valu le respect de beaucoup. Mais son coup de main à Fort-Darion, prenant par surprise la capitale impériale, en avait fait le héros éphémère du Royaume du Sel et du Roc. Royaume qui déplorait presque aussitôt le désastre d’Eysines et la mort d’Harren le Noir. Son fils Yoren aurait pu nourrir beaucoup d’espoirs envers cet audacieux général… Qui s’empressa toutefois de rendre sa capitale à l’Empire, sans combat, sans se constituer prisonnier, pliant le genou à son tour. Ulcéré, l’ancien capitaine corsaire devenu Roi se devait de châtier le traître. Alors que blessé, Yoren retraitait avec les survivants de l’armée de son père dans le sud du Conflans, il avait chargé des hommes de confiance, anciens capitaines de son père, de punir le traître.

Les hommes de Salfalaise commencèrent par résister, abattant plusieurs soldats ennemis. Mais les Petitbois, liés aux Salfalaise, avaient déjà choisi leur camp. L’un d’eux ouvrit une poterne aux soldats de Yoren, et le carnage commença. Se vengeant de l’éphémère résistance adverse, les soldats du jeune Roi, irréguliers plus motivés par la gloire et l’appât du gain que par sens du devoir, massacrèrent l’essentiel des gens du castel, et le passèrent par la torche. Peu de quartiers furent offerts aux occupants du castel, traités avec dédain de chiens de l’Empire ou de troupeau de continentaux, les hommes prestement massacrés et les servantes outragées. Les deux filles de Salfalaise, tirées avec brutalité de leur lit d’enfants, furent brutalisées et violentées sans vergogne. Seule l’intervention du chef de l’expédition, un obscur capitaine du nom de Rorval, permit de cesser les violences sur les gamines, qui avaient sombré dans l’inconscience dès les premiers sévices. Traînés sur les navires des fer-nés, les rescapés étaient peu nombreux au castel. Quand la milice Salfalaise intervint le lendemain après s’être rassemblée dans la nuit, les navires avaient déjà repris la mer, et le castel continuait de brûler.

Lord Salfalaise mit quelques jours à recevoir la nouvelle ; ses filles étaient aux mains de l’ennemi, sa maison détruite, ses domaines sous occupation Hoare. Survivre à Fort-Darion lui avait déjà beaucoup coûté, et ce n’était sans doute pas terminé.