Après un long et éprouvant voyage en toute vélocité malgré le froid et la neige, Myria avait été accueillie dans l’antre du Lion comme il se doit en fonction de son rang et sa qualité d’ambassadrice des Fleuves et du Crépuscule. Elle avait donc pris ses aises dans ses appartements avec son page qui faisait tout le travail car les suivantes qu’elle s’étaient choisie, à savoir les filles de Lyle Salfalaise, ne lui étaient pas d’une grande utilité. Quand à sa garde, elle vaquait à ses occupations maintenant que deux gardes à temps plein étaient suffisant. La plupart des sergents d’arme qui l’avaient accompagnée n’avaient connu que la guerre depuis un bon moment et étaient ravis de pouvoir se reposer et s’amuser dans les bordels de la ville.

__ Vous faites ce que vous voulez, mais si j’entends que vous avez fait du mal à une catin en portant mes couleurs, je vous fais bouffer vos couilles à la petit cuillère. J’espère que c’est clair. »

Le ton était donné.

La brune aux yeux azur avait demandé audience auprès de Jordane Lannister qu’elle pensait être sa plus précieuse alliée à Castral Roc, hélas, cet entretien serait remplacé par un autre tête à tête qu’elle avait, fut un temps, appelé de ses vœux. Elle allait enfin, après de nombreuses turpitudes et autres contre-temps, rencontrer le jeune Lion, Prince du Roc, Lyman Lannister. Heureux époux de la seule et unique fille de l’ancien Roi du Nord désormais Empereur et ennemi mortel de la Maison Hoare et tout juste père d’un héritier mâle mi-lion mi-loup. La situation était extraordinairement complexe et simple à la fois, sa tâche, était passée de déjà ardue à quasiment impossible. Si on ne voulait pas qu’elle rencontre Jordane sans témoins, il devait y avoir une excellente raison, les empêcher de comploter ensemble par exemple. Soit. Peut-être faudrait-il qu’elle s’assure que, d’une part son amie n’était pas muselée par son époux et son fils et que d’autre part, elle avait bien reçu sa demande d’entrevue. Peut-être qu’il faudrait qu’elle le fasse en secret, voir qu’elle la rencontre malgré tout, sans que personne ne le sache. Mais avant de fomenter des plans machiavéliques, elle devait passer par la voie officielle. De toute façon, elle avait promis, il y a longtemps, qu’elle rencontrerait ce Prince et il lui fallait bien tâter le terrain de ce côté là aussi, même si elle doutait que quoi que ce soit aboutisse malgré l’urgence de faire intervenir un tiers pour sauver le Royaume des Fleuves et du Crépuscule.

Le temps était compté.

La veuve enfila une robe drapée de taffetas brun brillant découvrant ses épaules et épousant les courbes de son corps. Ses cheveux étaient réunis en plusieurs mèches entrelacées derrière sa nuque et tombaient en cascade sur son dos dénudé. Elle portait de grosses boucles d’oreille et un imposant collier doré, une couronne tressée de cuir et d’or, un bracelet d’or ciselé en haut du bras gauche et un anneau d’or portant les armoiries de la Maison Hoare. Une légère cape de laine gris-bleu aux motifs floraux de fil d’or sur les bords l’empêcherait d’attraper froid dans les couloirs parfois venteux du Roc. C’est ainsi, et accompagnée de son oncle et de son cousin en tant qu’épées liges, qu’elle se présenta au Prince Lyman Lannister à l’heure prévue pour cet entretien et au lieu décidé par lui même.

La Princesse sourit, quelques bons souvenirs de lettres d’un temps révolu. A l’époque où elle avait contacté Lyman, la situation était déjà merdique, mais pas aussi désespérée. Quel gâchis. Partiellement de son fait d’ailleurs. Elle se souvenait aussi que son époux avait provoqué le lionceau en duel pour sa couardise et sa traîtrise, car ils n’avaient pas respecté leur alliance. Même si elle avait vainement essayé de le dissuader d’en arriver à de tels extrémités avant d’essayer de réparer les pots cassés avec Jordane, Loren et Lyman, elle aurait bien aimé voir ça. Son homme n’aurait fait qu’une bouchée de ce petit blondinet.

__ Votre altesse. Je suis honorée que vous ayez accepté de me rencontrer en personne malgré les préparatifs de la fête en l’honneur de votre héritier. J’espère que votre mère n’est pas souffrante. »

Myria s’inclina légèrement devant le futur Roi de l’Ouest tout en se demandant quelle stratégie adopter pour qu’un miracle se produise.

L’Ambassadrice du Royaume des Fleuves et du crépuscule fit son entrée en grande pompe dans la salle du trône annoncée par le héraut. Elle espérait que tout l’entretien ne se ferait pas ici, il était bien trop dangereux d’exposer son plan aux oreilles d'éventuels espions. Cependant, il était important qu’elle soit reçue officiellement par la famille royale au delà de l’invitation qui lui avait été adressée pour fêter la naissance de l’héritier de l’Ouest. Cela prouvait au moins qu’elle était bel et bien ici en qualité de représentante du Roi Yoren et non seulement comme amie de la Dame du Roc ou simple invitée. Cela révélait aussi qu’elle n’était pas venue ici pour faire de la figuration, pas seulement en tout cas. Et enfin, cela tendait à montrer qu’elle possédait une légitimité au delà de la tente de son amant et souverain, ce qui était une grande avancée pour elle tant sa réputation avait été malmenée lors de cette guerre. Néanmoins, si elle était honnie, tant par les Riverains soumis à l’Empire que par ceux fidèles à Harren, si elle était méfiée par les Fer-Nés et haïe par sa belle sœur, elle était parvenue à se faire aimer par le bâtard devenu Roi et cela n’avait pas de prix. On pouvait bien la regarder de travers, elle n’était pas venue pour qu’on l’aime, ni à Vivesaigues, ni à Pierremoutier, ni à Port Lannis, elle était venue pour remplir sa mission.

La brune aux yeux céruléens entra donc, de sa démarche assurée, le menton haut et le regard fier et s’avança vers le trône où se tenait le Prince Lyman, descendant de nul autre que Lann le futé et se faisant, elle pensa à Yoren. Flamme ardente de mes jours et de mes nuits, tu me donnes la force d’avancer seule dans la vallée de la mort. Tu me redonnes la vie à moi qui suis morte de n’avoir pas pu les sauver d’eux même, de n’avoir pas su préserver mon peuple de l'ambition destructrice des Hoare. Tu me rappelle que le pouvoir dont je dispose est un devoir que je m’impose. Tu m’aime et de ton amour je façonne notre destinée et celle du Royaume, sans jamais ciller, sans jamais trembler quelles que soient les épreuves que nous traversons. Ce qui est mort ne saurait mourir et se lève à nouveau, plus vigoureux et plus dur à la peine. Arrivée au bas des marches menant au siège Royal, elle s’inclina.

Myria eut un large sourire lorsque Lyman lui dit que la Reine Jordanne s’occupait des parturientes de sa maison. Bien sûr, comment n’y avait elle pas pensé plus tôt, et elle avait bien raison ! Les deux femmes avaient partagé leur point de vue sur l’enfantement et la dangerosité des Mestres dans ce processus. Il fallait bien qu’une femme qui avait déjà fait ce chemin transmette à sa fille et à sa belle fille sa connaissance afin de leur donner toute confiance en leur capacité à mettre au monde leur enfant sans le concours d’hommes de science trop prompts à découper les femmes en rondelles. Dans ce cas, elle ne saurait la déranger avant que tous les petits lionceaux soient nés. Nymeria, la propre fille de son amie était mort ainsi, tristement et loin des sien, telle qu’elle connaissait la Lionne, cette dernière ne tolèrerait jamais que cela se reproduise, encore moins sur ses terres et en sa demeure. Alors que le Prince l’invitait à dîner en compagnie de tous les Lannister, elle sourit et mit un main sur sa poitrine, un peu émue par tant de sollicitude, mais un peu inquiète aussi, à l’idée de partager un repas avec certains membres de la maisonnée qui probablement ne la portaient pas dans leur cœur, en premier lieu l’épouse même du Prince.

__ Ce serait une joie et un honneur d’être invité à votre table, votre altesse, et de revoir la Reine votre mère après tout ce temps que nous avons passé à échanger des missives. »

La veuve regarda la porte qui venait de désigner et hocha la tête, rassurée qu’il ne profite pas de la salle du trône pour la tenir à distance et éviter tout sujet politique et stratégique. Il aurait pu, et qu’aurait-elle bien pu faire pour lui exploser son projet alors ? Mais il ne l’avait pas fait et elle lui en était reconnaissante.

__ Avec plaisir Prince Lyman. »