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 Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]

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MessageSujet: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyMer 21 Nov - 13:29

J'étais encore empêtrée dans le sommeil, alors que je ressentais un certain sentiment d'inconfort, mais sans comprendre d'où cela pouvait bien parvenir. J'ouvris péniblement les yeux. Mes nuits n'étaient pas reposantes. Pas depuis un sacré long moment. J'avais des difficultés à trouver une position confortable pour dormir et les bras rassurants de Lyman n'étaient pas suffisants pour que je sombre totalement. Je dormais quelques heures, puis je m'éveillais. Et c'était ainsi tout le temps. Je tournais la tête pour apercevoir Lyman qui dormait du sommeil du juste. Il était épuisé. Il me rejoignait souvent tardivement. Et je dormais rarement dans ces cas là. Ou il me réveillait. Mon sommeil était léger et je devais lui assurer que ce n'était pas sa faute et que je préférais pouvoir profiter un peu de lui dans le secret de notre chambre. J'avais mal au dos. Plus que d'habitude. Je ressentis alors une violente douleur, qui m'encerclait. Je roulais de façon un peu pataude en dehors du lit, essayant de marcher pour faire passer la douleur, en silence. Je ne voulais pas réveiller Lyman. Cela m'arrivait de temps en temps, d'avoir mal. Sauf que là, c'était plus violent que d'ordinaire. J'agrippai le rebord de la fenêtre et me penchai un peu en avant en soufflant, mais en vain. Un gémissement m'échappa. "Lyman..." C'était un murmure, alors je réitérai. "Lyman ! Je... Je crois qu'il me faut une accoucheuse." J'approchai du siège et m'y assis en tenant mon ventre, en essayant de masser pour faire passer la douleur. Je ressentis une violente angoisse. C'était le moment ? J'allais avoir mon bébé ? Après tous ces longs mois d'attente, à m'émerveiller de cette vie qui grandissait en mois, à râler contre la fatigue et les mouvements trop vifs de l'enfant, j'allais enfin le serrer dans mes bras ? Et si je n'y arrivais pas ? Si mon corps ne le supportait pas ?

Il fila après quelques moments de flottements à me demander si j'étais sûre de moi et revins rapidement avec les personnes compétentes. On m'examina, avant de me faire allonger. Je sentis un liquide gluant s'échapper de mon intimité et commençai à paniquer. "Restez calmes votre Altesse. Vous avez perdu les eaux. Le travail a commencé." Je me raccrochais au ton calme de l'ancienne, qui avait déjà mis au monde bien des enfants. "Lyman !" "Il doit sortir, ce n'est pas la place du père. C'est le travail des femmes." Je serrai les dents. "Juste une minute." On le laissa approcher et je m'emparai de sa main avec force, avant de l'attirer pour un baiser, me moquant totalement qu'on nous regarde. "Je t'aime. Même si j'ai aussi envie de te tuer là, maintenant." Mon front s'était couvert de sueur sous la douleur, qui se faisait plus intense encore et qui me laissait moins de répit. "A toute à l'heure." Je le regardais avec résolution malgré tout. Je ne mourrais pas en couche. Notre bébé ne mourrait pas non plus. "Tu peux m'envoyer Lyna ?" On était au cœur de la nuit, mais j'avais besoin de ma cousine près de moi. Même si elle était fatiguée par sa propre grossesse. A défaut d'avoir ma mère ou une sœur. C'était elle que je voulais. Et elle ne me pardonnerait pas de ne pas l'avoir mander en plus.

Et la pauvre Lynara dut endurer ma poigne et ma mauvaise humeur, alors que je broyais sa main dans la mienne, que je supportais la souffrance, que je hurlais en demandant ce qu'on attendait pour faire sortir l'enfant. Mais mon corps n'était pas encore disposé à le faire sortir. Et de longues heures continuèrent ainsi, la nuit laissant place au jour, alors que j'avais la nausée de souffrir autant, que j'avais envie de dormir pour oublier la douleur, que tout s'arrête. Au milieu de la matinée, enfin, on me demanda de pousser. Sauf que j'étais épuisée. "Allez votre Altesse, encore quelques efforts, cet enfant doit sortir et il a besoin que vous l'aidiez." Je poussai, déchirée par la douleur, je pleurai aussi en sentant mes forces me quitter. "Je n'y arriverais pas, je n'en peux plus, je veux que ça s'arrête." Je sanglotai comme une enfant, alors que Lynara me caressait les cheveux, me rafraîchissait le visage, me parlait doucement, puis plus fermement. "Allez, pousse ! C'est presque terminé. " "Lyman ne me touchera plus jamais, je te jure qu'il n'approchera plus jamais !" Je rageais, je pleurais. Je poussais. Et puis plus rien. J'avais la tête qui tournait, les oreilles qui bourdonnaient. Confusément, j'entendais du bruit autour de moi... Un garçon. J'avais un fils. Des pleurs de bébé... Tout me paraissait provenir de très loin. La douleur reprit. Plus d'enfant, mais le placenta à expulser. Je lâchais totalement prise, entendant simplement les cris des femmes autour de moi alors que je sombrais dans la délicieuse inconscience après près de 12h de souffrance.

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MessageSujet: Le rugissement du Lionceau    Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyMar 11 Déc - 22:44

L’arbre-cœur, à Winterfell, imposant, sanglant, immobile, qui le toisait de toute sa hauteur millénaire, lui, cet homme né d’un long mélange entre Andals et Premiers Hommes, qui en avait oublié les coutumes depuis bien longtemps, ce Prince qui, à ce moment précis, lui faisait face dans ses riches habits alors qu’il attendait nerveusement que son destin se scelle, semblait le jauger. Etait-il digne de la fille des Loups, de la sauvagerie du Nord, ce gamin trop sûr de lui et bien trop veule pour les hommes d’au-delà du Neck, ce suiveur de cette religion qui avait, lentement, causé la mort de tant des siens, dans ce sud qui oubliait les valeurs des anciens temps ? Le Loup en avait décidé ainsi. Il le jugeait, lui aussi, alors qu’il s’avançait, royal, sa petite au bras. Et puis la vision se brouilla. Le septon prononçait les paroles rituelles, tandis que les consentements étaient échangés. Soudain, alors que ce Lyman passait l’alliance au doigt de sa désormais épouse, une lumière aveuglante éclata, l’enveloppant tout entier puis tissant une douce toile autour de la silhouette de cette Jeyne qui afficha un sourire radieux, comme réchauffé par cette luminescence puissante et irradiante. Lentement, ils s’élevèrent du sol, leurs doigts toujours liés, et répétant sans cesse les mots idoines. Je suis tien, tu es mienne, encore et encore, alors que l’incandescence les faisait disparaître dans sa lueur aveuglante. Des silhouettes les entouraient, murmurant des paroles impossibles à discerner. Ils les bénissaient. Leur lignée serait forte, l’alliance du nouveau et de l’ancien monde, le seul à même d’être porteur d’un message autre que celui de la mort. Alors que le jeune homme flottait vers l’un des inconnus et qu’il apercevait un homme fortement taillé avec un marteau à ses côtés, une voix perça cette atmosphère cotonneuse, familière à ses oreilles. Et elle s’accentua. Elle appelait son prénom.

Dans un sursaut, Lyman s’éveilla, perturbé par son rêve. Il mit plusieurs secondes avant de retrouver ses esprits, un peu abêti, avant que ses yeux encore papillonnants ne se posent sur la détentrice de la voix qui avait interrompu ses songeries. Voir son épouse accrochée à la fenêtre et gémissant encore son patronyme eut l’avantage de lui remettre les idées en place … pour un temps du moins, puisqu’il sentit la panique l’envahir. Maintenant ? Et si c’était une fausse alerte ? Il savait que, proches du terme, certaines femmes pouvaient endurer des douleurs terribles avant d’enfin accoucher. Mais si jamais ce n’était pas le cas justement ? Pardi, c’est que cela avait l’air sérieux ! Il connaissait Jeyne, et elle était faite d’un bois qui confinait à l’acier, probablement bien plus dur que le sien, d’ailleurs. Elle ne se plaignait presque jamais et avait une endurance à la douleur bien supérieure à ce qui lui-même était capable d’encaisser. En somme, elle était la démonstration de la supériorité de la robustesse féminine sur celle des mâles, ce que sa mère n’avait d’ailleurs jamais cessé de clamer comme une vérité révélée. Manifestement, elle avait raison, et il était probable que la démonstration soit encore plus éclatante au cours des heures à venir. Repoussant la couverture, le Prince dévisagea son épouse, sa poitrine se serrant alors qu’il y lisait la souffrance et … était-ce de la peur ? Oui, évidemment. Combien de membres du beau sexe avaient vécu là leur plus grande bataille, et l’avaient perdue ? Et c’était un combat qu’il ne pouvait pas l’aider à mener, qu’elle devrait supporter seule. Son cœur se serra doucement à cette idée, alors qu’il finissait par demander :

« Tu es sûre … ? Non, ne réponds pas. Je vais chercher quelqu’un. »

Quelques vêtements enfilés à la hâte plus tard, et le jeune homme quitta la pièce à la hâte, débraillé comme rarement alors qu’il courrait à travers les couloirs de Castral Roc. La première servante qu’il croisa en fut pour ses frais, tandis qu’elle contemplait son Prince d’un air hébété, avec ses cheveux blonds en bataille et sa mine hâve. Clairement, ses belles manières de courtisan avaient disparu sous le joug de l’instant, alors qu’il était, à cet instant précis, un simple garçon de dix-neuf ans qui courrait chercher de l’aide parce que la femme qu’il aimait allait donner la vie à leur enfant, et non un Prince rutillant. Il ressemblait à tous ces garçons de ferme qui, au petit jour, traversait leur village et les champs pour trouver le rebouteux et l’accoucheuse, une culotte en peau seulement sur eux, inquiets que leur jeune amie n’y perde la vie, et tout émerveillés en même temps de sentir la potentialité de ce miracle qui s’accomplissait et qu’ils avaient contribué à créer et qui les dépassait parfaitement. Il y avait, dans cette course effrénée, dans cette expectative singulière, une humanité commune qui se dégageait et qui, pour un temps, rattachait Lyman à toutes les âmes de son royaume, du plus grand au plus humble. La réalité, brutalement, le frappa, alors qu’il contemplait enfin la vérité de ce qui était en train de se jouer : dans quelques heures, quelques minutes peut-être, il serait père. Et cette réalité, précisément, il l’énonça :

« Toi, va prévenir le Roi. Dis-lui que la Princesse Jeyne va bientôt accoucher. »

Il ne laissa pas le temps à la pauvre fille de répondre qu’il reprenait sa course. Et c’est ainsi qu’il déboula, hors d’haleine, dans les appartements de Mestre Aethon, surprenant donc le pauvre homme en train de ronfler comme un bienheureux, nu comme au premier jour. Voilà qui était étrangement de circonstances, et l’adrénaline mêlée à cette découverte pour le moins gênante arrachèrent un sourire stupide à Lyman, avant que ce dernier ne détourne les yeux et ne parle à voix haute, afin de réveiller l’endormi et de lui délivrer la nouvelle qui l’avait fait traverser la moitié du château.

« Mestre ! Mestre Aethon ! Réveillez-vous, Jeyne a des douleurs très importantes, elle pense que le moment est arrivé ! »

Le vieil homme, non sans avoir rabattu la couverture sur lui, hocha la tête et, quelques minutes plus tard, il se ruait à son tour dans les couloirs non sans avoir réveillé ses aides et fait quérir quelques femmes ayant l’habitude de telles événements, des matrones aux mains calleuses, fichus sur la tête au vu de l’heure tardive mais qui, manifestement, en avaient vu d’autres. La petite troupe se dirigea donc vers la chambre princière. Lyman entraperçut son père sortir de ses propres appartements, guère mieux mis que lui mais ne s’arrêta pas pour le saluer. Il comprendrait. Après tout, il avait été, vingt ans auparavant, à sa place. Alors qu’il franchissait la porte de son logis, le jeune homme se demanda brusquement comment Loren avait réagi, à l’époque, pour sa naissance. Peut-être qu’il aurait l’occasion de le lui demander, de fils à père, d’homme à homme, durant l’attente pour la délivrance. En attendant il resta gauche, dans un coin, tandis que tout le monde s’afférait autour de Jeyne, sentant définitivement qu’il n’était déjà plus à sa place, qu’il s’agissait d’une affaire millénaire, qui ne concernait que les femmes, et quelques rares hommes admis en leur qualité de savant, dont il ne faisait pas partie. Jeyne l’appela et il s’approcha timidement, le regard courroucé de la plus vieille des matrones sur lui, comme si elle jugeait inconvenant qu’un mâle autre que le mestre s’approche de ce cercle sacré qu’elle formait, avec ses comparses, autour de la parturiente. Penché vers son épouse, il l’admira. Elle était belle, malgré la sueur, la douleur et la fatigue. Avait-elle jamais été plus belle qu’à cet instant, alors qu’elle débutait cette lutte propre à son sexe pour lui offrir un enfant ? Il en doutait. Il serra la main qui s’agrippait à la sienne et la rejoignit dans son baiser, mû par ce sentiment d’urgence, de peur et d’amour mêlé. Un léger rire, un peu étranglé, s’échappa de sa gorge alors qu’il entendait ses paroles :

« Si tu me tues, tu n’auras pas tous les baisers que je te ferai pour tout ça, ma douce. Mais je prends note de tes volontés homicides. »

Il savait qu’il était temps et pourtant, il ressentait un déchirement inédit à l’idée de quitter cette pièce, bien pire que ce qu’il avait vécu au moment de laisser partir Jeyne pour le Conflans. Et si … Non, il se refusait à l’imaginer, à seulement le penser. Mais pourtant, l’inquiétude était réelle, obsédante, entêtante. Lyman aurait tellement voulu accompagner son épouse dans cette épreuve, être celui qui lui serrerait la main, qui l’encouragerait sans fin. Mais ce n’était pas sa place. Il n’était qu’un homme et contemplait le vide abyssal de son inutilité. Doucement, il finit par déclarer, redevenant sérieux, peut-être plus qu’il ne l’avait jamais été :

« Je vous aime tous les deux. Toi, et notre enfant qui arrive. J’ai hâte … de pouvoir vous retrouver. »

Un dernier baiser apposé sur son front, et Lyman ressortit, acquiesçant à la demande d’aller quérir la cousine de sa Louve pour l’aider à endurer ce qui suivrait. Une fois dehors, il héla donc un valet qui partit ventre à terre chercher l’amie précieuse. A vrai dire, le château semblait déjà bourdonner. Lyman était à peu près certain que son père avait profité du temps où il était auprès de Jeyne pour prévenir la Lionne ainsi que Megara, et donc Gareth par extension. Dans peu de temps, l’ensemble de Castral Roc retiendrait son souffle. Mais alors qu’ils n’étaient encore que tous les deux, à se faire face, le Prince sentit la poigne ferme de son paternel se resserrer autour de son épaule.

« Tout va bien se passer, fils. »


Il aurait voulu le croire de toutes ses forces, Lyman. Mais cette porte qu’il avait refermée, elle avait paradoxalement ouverte toutes les plaies de son cœur, toutes ses craintes. Si cela ne se passait pas bien ? Si … si l’enfant mourrait ? Si Jeyne n’y survivait pas ? Et s’il devait choisir ? Il savait que son rang lui intimait comme devoir de choisir l’enfant, surtout s’il s’agissait d’un mâle. Sauf que … un enfant, il pourrait en avoir un autre. Une autre Jeyne, il n’en aurait pas. Et ce simple constat lui tordait le ventre, lui engourdissait les entrailles et lui cisaillait les muscles. Alors il se contenta de hocher la tête faiblement et de murmurer :

« J’espère … père. »

Son calvaire ne faisait pourtant que commencer. Jamais il n’attendit autant de temps dans l’angoisse, et à mesure que les heures passaient et que les cris de la parturiente ne faiblissaient pas, Lyman devenait de plus en plus irritable et nerveux. Il était à peu près certain que Gareth et Quentyn avaient envie de lui envoyer des claques, mais vu qu’ils seraient tous deux bientôt concernés par des événements semblables, sans doute qu’ils considéraient qu’il valait mieux éviter d’avoir un ami énervé lorsqu’ils seraient dans le même état que lui. Comme prévu, toute la cour retenait son souffle. Et l’attente durait, durait … Quand enfin vint la délivrance. Mestre Aethon finit par sortir de la chambrée et se dirigea vers le Prince qui manqua le renverser tellement il se précipita rapidement sur lui.

« Alors ? Mestre ? »

« L’enfant va bien, mon Prince, comme la mère, même si elle est éprouvée. C’est … »

Il n’acheva pas. Lyman s’était déjà précipité dans la pièce. Au diable les conventions ! Il n’en pouvait plus, tout ce qui comptait, maintenant, c’était de voir Jeyne, de voir son bébé, et rien d’autre. Immédiatement, il vit sa femme, étendue sur le grand lit et paraissant inconsciente. En un instant, il fut auprès d’elle, prenant sa main dans la sienne et l’appelant doucement, avant de se retourner, paniqué :

« Pourquoi est-elle ainsi ? Que se passe-t-il ? »

« Du calme, mon Prince. Elle est juste fatiguée. Vous le seriez aussi, si vous aviez poussé pendant douze heures comme ça ! »

En d’autres temps, une telle familiarité aurait sans doute été durement punie. En l’espèce, évidemment, Lyman n’en tint aucunement compte, même s’il était passablement agacé. Cela ne répondait pas du tout à sa question ! Et puis …

« Vous avez un magnifique petit garçon, Votre Altesse. »

La matrone lui tendit un petit paquet emmailloté et Lyman sentit soudain un élan impérieux le saisir, lui commandant de prendre immédiatement cet amas de fourrures dans ses bras. Pour autant, il se refusait à lâcher la main de son épouse encore inconsciente et son regard allait donc de l’un à l’autre, tiraillé et indécis. Cela eut l’heur de faire sourire la brave matrone qui ajouta, un brin maternel :

« Elle va bien, le mestre l’a déjà examiné, et c’est assez courant, après un tel effort. Elle va vite reprendre ses esprits. »

Enfin rassuré, Lyman reposa délicatement la main de son épouse sur le lit et se tourna donc vers son fils. Qu’il était étrange de prononcer ce mot, comme il résonnait bizarrement dans son esprit ! Et pourtant, il était porteur d’une réalité immanente, profonde, charnelle. Une douce chaleur envahit le Jeune Lion tandis qu’il recevait son Lionceau et le tenait pour la première fois dans ses bras. Avec moult précautions, il écarta les linges entourant son enfant et contempla le visage de son premier-né. Ce dernier dormait paisiblement, une expression tranquille sur ses traits encore fripés par la naissance. Un sourire bienheureux se forma sur les lèvres de Lyman, qui s’agrandit alors qu’il posait ses yeux sur la touffe de cheveux blonds cendrés qui ornait son petit crâne. Emu comme jamais face à cette vie si fragile qu’il tenait entre ses mains, qu’il avait contribué à faire venir en ce monde, qui était à moitié lui, à moitié Jeyne, Lyman sentit les larmes lui monter aux yeux. Alors, pour ne pas perdre contenance face à ces femmes qui l’observaient, il plongea son visage contre la peau de son fils, s’enivrant de cette odeur si douce de nouveau-né, humant profondément la flagrance de son Lionceau. Il déposa un baiser sur son front plissé avant de lui murmurer :

« Je suis si heureux de te rencontrer. »

Ce moment n’appartenait qu’à eux deux, au père et au fils, à cette nouvelle génération qui se formait, en écho à ce qu’il avait vécu avec son propre père, quelques heures auparavant. Il resta longtemps à le contempler et entendit à peine les matrones et le mestre quitter la pièce pour leur offrir un peu d’intimité. Et bientôt, il vit Jeyne bouger doucement sous les couvertures. Alors, silencieusement, Lyman se glissa à ses côtés, son précieux fardeau serré contre lui, et il attendit qu’elle revienne à elle. Lorsqu’il fut certain que sa femme était réveillée, il murmura doucement :
« Quelqu’un veut faire ta connaissance, mon amour. »

Le nourrisson, à cet instant précis, ouvrit ses yeux et les posa sur sa mère, les reflétant parfaitement.

« Bonjour, Martyn Lannister. »

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MessageSujet: Re: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyDim 16 Déc - 16:07

Des voix. Assourdies. Je ne comprenais pas tout. Mes paupières me semblaient si lourdes. Mon cerveau n'aspirait qu'au repos. Mon corps endolori aussi. J'avais tellement l'impression d'avoir été rouée de coups. j'entendais bien l'agitation autour de moi. J'avais juste envie de sombrer. Pourtant, je ne le pouvais pas. Je n'avais pas encore droit au repos. Mon enfant... J'avais donné la vie et je ne l'avais même pas serré contre moi ! Quelle mère horrible ! Je tentai d'émerger. J'étais tellement fatiguée... Mais j'avais envie de voir mon fils. Je savais que c'était un fils, je l'avais entendu avant de décrocher de la réalité, avant que mon corps épuisé n'exige un peu de repos. Très bref. trop. J'avais perdu beaucoup de sang, sans compter l'épuisement de l'accouchement et de la délivrance. Je n'aurais jamais pensé que c'était aussi éprouvant. Toutes les grossesses ne se déroulaient pas de la même façon, parfois, cela ne durait qu'une paire d'heures, parfois bien plus. Parfois l'enfant ne parvenait jamais à sortir et la mère mourait avec lui. Parfois, il voyait le jour et la mère décédait des fièvres malignes dans les jours qui suivaient... j'étais loin d'être sortie d'affaires en réalité. Et mon enfant de même... Les premiers mois... les premières années de sa vie d'ailleurs, seraient un combat continuel.

Je sentis une présence se glisser près de moi et je n'eus pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir de qui il s'agissait. Mon cœur sembla se réchauffer. Je finit par ouvrir les yeux, très péniblement. Ma vue était troublée, aveuglée par la luminosité, avant que je ne tourne le visage vers celui de Lyman à mes côtés. J'étais terriblement pâle, mes lèvres totalement décolorées, à bout de force. Je devais être vraiment affreuse après cette épreuve. Mais il était là. Et il était tendre. Il aurait pu serrer son fils dans ses bras, fier d'avoir transmis son sang et ne plus se préoccuper davantage de moi. Mon devoir était accompli. Mais Lyman n'était pas ainsi. C'était un mariage politique, qui s'était mué en mariage d'amour. Il tenait à moi. Il ne se serait pas débarrassé de moi, même si ses parents lui avaient ordonné. Et je ne souhaitais pas davantage mettre fin à cette union, malgré la conjoncture actuelle. Nous étions sur la même longueur d'ondes, malgré nos approches différentes et nos disputes. Je souris très faiblement, touché par sa présence près de moi, par la tendresse dans ses paroles, mais également la fierté du jeune père dans son regard clair. Je baissai les yeux pour regarder notre fils, qui semblait si petit, si fragile. J'avais pourtant eu l'impression qu'il était bien plus imposant que cela alors qu'il se frayait un chemin pour sortir. "J'ai réussi..." Quelle faiblesse dans ce murmure... Mais j'avais survécu. "Je t'avais promis." Je sentis les larmes me monter aux yeux alors que le sanglot n'était pas loin. Sans doute la fatigue. Et l'émotion.

"Aidez-moi à me redresser." Je ne parlais à personne en particulier et à tout le monde. Je ne me sentais pas capable de soulever mon propre poids. Mais je voulais être plus assise. Les femmes n'étaient pas toutes parties, même si elles étaient restées en retrait pour laisser le prince profiter de son fils. L'on me vint en aide, me rafraîchissant au passage, m'aidant à être assise, afin de mieux contempler mon époux et mon fils. Je tendis alors les bras pour que Lyman me laisse le porter. "Laisse-moi le voir." Je récupérai délicatement mon fils dans mes bras et laissai les larmes couler sur mes joues. "Il est parfait..." "Altesse, vous souhaitez le nourrir ?" Je jetai un regard à la femme expérimentée qui était intervenue avec douceur mais fermeté et hochai la tête, alors qu'elle dégageait mon cou et une partie de ma poitrine, tout en m'aidant à positionner mon fils contre moi, sa tête minuscule contre mon sein. J'eus une expression de surprise quand il se mit à téter, incapable de définir cette sensation étrange, mais grisante. Et un peu désagréable et douloureuse en même temps.  Je relevai le visage vers Lyman. "Il est enfin là... Non sans mal. Qu'as-tu fait pendant tout ce temps ?" Il n'était quand même pas resté derrière la porte pendant une demie journée, il avait mieux à faire.

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MessageSujet: Re: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyLun 28 Jan - 22:33

Un sourire bienheureux aux lèvres, Lyman contempla son épouse poser ses yeux sur leur fils, dévora du regard les deux paires d’yeux si Stark qui se fixaient, s’apprivoisaient, se reconnaissaient. Cet échange-là se passait de mots, et lui-même avait conscience du fait qu’il lui faudrait bientôt s’effacer pour laisser s’épanouir le lien si particulier existant entre une femme et son enfant nouveau-né. Pour le moment, cependant, il savourait encore un peu la chaleur du petit être calé contre lui, s’émerveillait de chaque trait qu’il découvrait, des ressemblances qu’il apercevait. Martyn avait des fossettes adorables, quand il observait le monde autour de lui, découvrant ce qui serait son domaine dans de très nombreuses années. Qu’il était étrange de se dire que ce petit bout d’homme deviendrait un jour Roi, qu’il s’inscrirait dans la longue lignée de Lann le Futé, après sa propre mort. Cet être si fragile représentait tout son avenir, en tant que fruit de sa chair et héritier tant espéré. Est-ce que Loren avait eu les mêmes réflexions alors qu’il le découvrait lui ? Sûrement. Est-ce que lui aussi avait juré silencieusement de toujours protéger la femme qui lui avait offert ce cadeau si précieux, incomparable ? Il ne le savait pas, mais pouvait affirmer que cette promesse, il la forgeait à cet instant précis, tandis que Jeyne paraissait submergée par l’émotion. Attentif à son inestimable fardeau, Lyman se pencha précautionneusement vers sa femme pour déposer un baiser sur son front, avant que ses yeux ne se reposent à nouveau, presque automatiquement, sur son fils :

« Tu as réussi au-delà de tout ce qui est possible, Jeyne. Jamais, dans toute ma vie d’homme, je ne pourrais égaler ce que tu m’offres aujourd’hui, pour ce que tu as enduré afin qu’il advienne. »

Elle lui avait promis, comme il lui avait fait jurer de survivre à cette épreuve. Futilité évidente, mais superstition de père impuissant. Et il la regardait, entendait les sanglots dans la voix, sans qu’il ne sache s’il s’agissait du soulagement s’exprimait, de l’amour maternel bouleversant tout, ou simplement de la fatigue. Alors il se content de la regarder et de murmurer d’une voix emplie de chaleur et de dévotion sincère :

« C’est la plus belle promesse que j’ai vue. Il est magnifique. »

Tandis que Jeyne demandait à être redressée, il fit signe aux accoucheuses et chambrières qui n’en avaient absolument pas besoin, puisqu’elles venaient d’elles-mêmes, apportant également de quoi soulager son épouse si elle le désirait. Une fois un peu remise et mieux calée, la jeune mère voulut évidemment contempler le fruit de son travail harassant, que Lyman lui tendit avec moult précautions, passant un bras autour de sa femme alors qu’elle découvrait Martyn. Sa main vint cueillir quelques larmes, silencieusement. Il se retira néanmoins quand l’accoucheuse lui proposa de nourrir leur enfant, ne sachant que faire alors que la matrone dispensait quelques conseils de posture et autre, conscient qu’il s’introduisait sans le vouloir dans un domaine qui, normalement, lui était farouchement fermé. Curieusement, la vision simple de son garçon contre le sein de sa mère l’emplit d’une vague d’émotions nouvelles. C’était … simple. C’était le tableau que vivaient n’importe quel paysan du royaume qui, à cet instant, était père également. Il y avait dans cette scène une forme de douceur et de permanence qui l’emplissaient d’un respect profond comme d’une félicité étrange. Il comprit alors qu’il s’agissait-là, bêtement, de la simple fierté d’être père, celle que n’importe quel homme, peu importe son rang ou son origine, pouvait ressentir. Ainsi donc, voilà comment on était Lyman, et non le Prince du Roc. Un instant, il songea à s’éclipser pour laisser pleinement Jeyne profiter de ce moment, mais cette dernière l’interrogea sur la manière dont il avait occupé son temps pendant cette longue et terrible attente.

« J’ai appris toutes les gravures sur le linteau de la porte de notre chambre. Je pense sérieusement me présenter comme apprenti au premier ébéniste que je vois, car je suis certain d’avoir désormais une connaissance en matière de bois proche de l’exemplarité. »

Tout pour lui arracher un sourire, pour effacer ces larmes de joie, de peine, de tout, parce qu’ils étaient parents, et qu’il était impossible de laisser ses yeux ne pas s’illuminer comme ils en avaient ordinairement l’habitude. Même dire des bêtises. Encore que … il avait en effet passé un certain temps devant la porte, en effet.

« J’ai tyrannisé Gareth avec mes craintes, assommé Quentyn à coup de questions … Et quand ils ont été à deux doigts de commettre un meurtre, le reste des Lions a pris le relais. »

Il baissa un peu les yeux, avant d’avouer :

« Quand je t’entendais crier … Je ne le supportais pas. C’était … terrible, de savoir que tu étais là, près de moi, et que je ne pouvais pas t’aider, alors que j’étais … enfin que nous étions responsables de cela. J’ai prié. Plus que dans toute ma vie, peut-être. Plus que je n’aurais jamais cru être capable de le faire. »

Sa main s’aventura vers son fils, caressant délicatement sa joue douce de nourrisson.

« Est-ce que je pourrais jamais assez te remercier ? »

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MessageSujet: Re: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyMer 27 Fév - 11:14

J'étais tentée de détromper Lyman, mais je me ravisais, alors que j'étais convaincue qu'en réalité, il avait raison. Que pourrait-il m'offrir de plus beau qu'un enfant ? Rien. Un royaume était dérisoire en comparaison. "Nous avons été deux à le concevoir tu sais ?" Malgré mon épuisement, je répondis avec malice, puis repris doucement : "C'est un cadeau commun, tu ne penses pas ? Tu m'offres la chance d'être mère." Même s'il n'en serait probablement pas convaincu. Alors dans un souffle, je lâchai : "Offre-nous la paix..." Je savais très bien le sentiment de Lyman concernant la situation qui déchirait Westeros et son positionnement dans tout cela. Il était comme beaucoup, aspirant à simplement avoir la paix et pouvoir faire prospérer son royaume. Mais certains voisins ne l'entendaient pas de cette oreille et voulaient toujours davantage. Au fait que je sois vivante, je rétorquais simplement que j'avais promis de survivre à cette épreuve... même si ma volonté seule n'aurait pu me garder des abysses de la mort si elles avait décidé de m'emporter. Aucune femme ne souhaitait mourir le jour où elle donnait la vie. Mais aucune n'avait vraiment voix au chapitre et nombreuses étaient les parturientes qui sombraient et ne se réveillaient jamais. Et je n'étais pas sortie d'affaire pour autant. Les jours prochains seraient tout aussi hasardeux. Je me laissais envelopper par l'amour infini dans la voix de Lyman, par son admiration également. Cela m'aidait à me sentir un peu plus forte après cette épreuve. Je n'avais pas pensé que cela pouvait être aussi difficile et douloureux, même si la récompense en valait la chandelle. Pour autant, je n'étais pas pressée de retomber enceinte pour le moment, ayant besoin de me remettre et de profiter un peu de mon premier né.

Premier né que je réclamais d'ailleurs dans mes bras, maintenant que son père en avait eu l'exclusivité. J'ignorais combien de temps au juste j'étais demeurée inconsciente. Et je détestais cet état de faiblesse insupportable alors qu'il me fallait de l'aide pour simplement me tenir assise dans le lit, calée par des édredons. Je devais être dans un état lamentable... Entre le manque de sommeil, la perte de sang, les stigmates de la douleur et de l'effort... un tableau pitoyable. Pourtant, Lyman était là et à aucun moment je n'avais vu de dégoût ou de déception dans son regard... Ce n'était cependant pas une raison pour prendre son amour pour acquis et il me tenait à cœur de redevenir un tant soit peu séduisante pour lui rappeler que j'étais son épouse en plus d'être la mère de son enfant. Nos relations intimes m'avaient beaucoup manqué ces derniers mois.

Quand on me proposa de nourrir mon fils, j'acceptais sans hésiter, terrifiée, mais aussi curieuse et j'écoutais religieusement les conseils, avant de découvrir la sensation inédite et perturbante de mon fils tétant au sein. Je m'en émerveillais, le dévorant du regard comme la chose la plus merveilleuse qu'il m'ait été donné de voir. Et c'était le cas. Je n'en oubliais pas mon époux, l'interrogeant alors sur son activité au cours des dernières heures. Et malgré moi, je pouffai de rire à sa réponse, soulagée que tout ce soit terminé. C'était probablement nerveux. Mais une vague d'amour me submergea. Encore. Pour lui, pas simplement pour Martyn. Pour lui qui était resté derrière cette fichue porte pendant des heures et avait donc du m'entendre hurler, pleurer et supplier, sans pouvoir rien faire... De quoi le rendre fou. "C'est un choix de reconversion intéressant ma foi." Même s'il n'échapperait jamais au poids de la couronne, nous le savions tous les deux. "Je les plaindrais presque... Presque." Imaginer le tableau des trois jeunes hommes dans cette situation me faisait sourire et m'attendrissait. Mais je cessai de sourire quand il avoua son impuissance. "Je sais... j'aurais aimé être plus forte, ne pas hurler ou pleurer ou supplier ainsi... J'aurais peut-être pu si cela avait été rapide..." Mais non, cela avait duré des heures. Certains disaient que ça allait plus vite au second enfant. Je l'espérais.

Il m'avoua avoir prié, plus que dans toute sa vie, avant de me demander comment il pourrait me remercier. De ma main libre, j'agrippai sa nuque pour l'amener jusqu'à moi et l'embrasser, avant de chuchoter : "Demeure tel que tu es. Demeure à moi. Je serais alors amplement remerciée." Puis j'ajoutai encore plus bas, de façon presque inaudible : "Quels dieux as-tu donc prié ?" Les siens ? Les miens ? Tous ceux qui existaient et voudraient bien l'entendre ? Autour de mon cou demeurait le pendentif qu'il m'avait fait confectionner pour me protéger, logé entre mes seins, sous ma chemise. Je sentais sa chaleur à cet instant.

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MessageSujet: Re: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyMar 12 Mar - 23:51

« Je sais, j’étais là après tout. Mais … ma participation a été bien plus fugace … et sans nul doute beaucoup plus agréable, je le crains. »

Le sourire légèrement fat de Lyman, comme toujours chez un jeune homme évoquant ses œuvres, contenait également une part d’excuse toute mâle face aux conséquences qu’une étreinte et quelques secondes d’acmée pouvait amener chez la dame partageant sa couche et possédant son corps et son cœur. C’était là toute l’inégalité de la nature, qui voulait que les hommes conçoivent la vie dans le plaisir, partagé parfois, encore que, et que les femmes enfantent dans la douleur. Combien de femmes subissaient les assauts d’un époux égoïste, mû uniquement par son désir de perpétuer la lignée et éventuellement d’en retirer une vague satisfaction physique, pour n’obtenir que la peur de la fausse couche, la souffrance de l’accouchement ? Beaucoup. Presque toutes, à vrai dire, si le Jeune Lion était honnête. D’abord, parce que la proportion d’hommes à se satisfaire dans les bordels était ce qu’elle était, et que dans ces cas-là, on avait beau dire ce que l’on voulait pour soulager sa conscience, le but n’était pas de satisfaire sa partenaire, mais d’obtenir ce pourquoi on avait payé. Et que les couples correctement assortis étaient rares, sans parler de ceux parvenant à éprouver de l’amour. A cet égard, il avait entièrement conscience de sa chance. A titre personnel, son mariage était une réelle réussite. A titre diplomatique, il en était moins sûr, comme Jeyne, parce que l’ombre menaçante de son beau-père ne cessait de se faire plus pesante, et parce que les appétits s’aiguisaient trop, de tout côté, pour ne pas menacer sa propre épouse qui, du fait de ses origines, n’était pas sans déclencher un certain rejet parmi la noblesse du Roc, sans parler de la population. Peut-être que la naissance de Martyn, d’un Prince allié à sa conversion leur permettrait de gagner enfin le cœur du peuple. De toute manière, ils ne pourraient gouverner correctement sans cela. Comme disait souvent son beau-père, on ne régnait qu’en fonction de la confiance que le peuple accordait à ses souverains. Sur ce point, Lyman considérait que le Vieux Loup avait entièrement raison, et peut-être qu’à force de penser au futur lointain du royaume, de se perdre dans ses calculs politiques à plusieurs étages, sa mère l’avait perdu de vue, n’anticipant pas suffisamment la fierté tâtillonne et chauvine des ouestriens, ainsi que leur fermeture au monde extérieur. Ironique, pour une nation de commerçants, de mineurs et d’usuriers ? Pas nécessairement. Les ouestriens tiraient leurs ressources principales de leur terre, si généreuse, et avaient développé en échange une forme d’orgueil attaché à leur perception comme royaume auto-suffisant et prospère. L’histoire, à vrai dire, n’aidait pas non plus. Les princesses Lannister se mariaient rarement à l’extérieur, et les exemples des temps anciens n’étaient guère féconds. On parlait encore de la manière dont Lelia Lannister avait été mutilée par son propre fils, Hagon Hoare, ce qui avait déclenché un conflit meurtrier entre Lannister et Hoare. Sans parler de Lancer Ier Lannister, qui mena les armées du Roc jusqu’à Hautjardin pour une histoire de femme, même si les versions divergeaient : certains disaient que son épouse bieffoise l’avait cocufié avec son frère, d’autres arguaient que sa sœur avait été déshonorée par un Gardener. Quoiqu’il en soit, généralement, les mariages avec l’extérieur rimaient avec la guerre, dans l’Ouest. Les petites gens ne l’avaient pas oublié, et l’exemple fer-né ne pouvait que les inciter à se méfier de ceux ne partageant pas les mêmes convictions qu’eux.

« Si tous se passe comme nous l’espérons, dans quelques jours … Le peuple s’apaisera définitivement. Et Martyn pourra grandir en paix. »

Oui, c’était tout ce qu’il pouvait souhaiter, de voir son garçon grandir tranquillement, et aussi de vivre en tant que père sans se soucier de son enfant autrement qu’en songeant à ses premiers sourires, ses premières dents, ses premiers jouets et ses premières colères. Il voulait pour son fils ce qu’il avait eu lui, tout en ayant conscience, tristement, que la douceur de vivre dont il avait joui n’avait été obtenue qu’au prix d’un très lourd sacrifice. Son grand-père était mort pour que son royaume vive, pour que son petit-fils ne connaisse pas de tels affres. Était-il donc lui aussi, face à cette situation ? Devait-il mourir, ou voir son père faillir, pour assurer à son enfant d’échapper au fracas des armes pendant à peine vingt ans ? La paix du Lion n’était-elle qu’une chimère à laquelle ils se raccrochaient tous, comme des naufragés à un radeau de fortune ?

Ces pensées n’avaient rien de joyeuses, aussi Lyman les chassa, refusant de voir cet instant si précieux assombri par la politique. Pour une fois, cette dernière ne dépasserait pas la porte de leur chambre ! A la place, il préférait contempler son épouse avec leur fils, et s’amuser de son émerveillement, tout en contemplant, mi-muet mi-jaloux, la proximité instantanée entre le nouveau-né et sa mère alors que ce dernier se retrouvait à téter pour la première fois. Comme d’instinct, le nourrisson paraissait savoir comment caler sa tête contre le sein de sa génitrice, se blottir contre elle, et tout cela paraissait entièrement naturel. C’était là, définitivement, quelque chose qu’il ne pouvait pas vraiment comprendre, et jamais vivre, juste observer. Et observer, il n’arrêtait pas de le faire, guettant chaque mouvement, chaque mimique, le moindre petit geste qu’il n’avait pas encore vu, pour l’enregistrer précieusement dans sa mémoire. Toutes ces heures si longues, si éprouvantes, avaient entièrement valu la peine, finalement. Et il était certain que ses amis diraient la même chose, quand ils tiendraient leur propre rejeton dans leurs bras.

« Ne les plains surtout pas. Ils vont avoir amplement l’occasion de se venger dans les semaines et mois à venir. J’en frissonne d’avance. »

Rien que d’imaginer Gareth face à l’imminence de la naissance de l’enfant de Megara, Lyman avait envie de pouffer de rire, et en même temps, il ressentait une joie intense à l’idée de devenir oncle, même s’il était à peu près certain que, lorsque sa sœur accoucherait à son tour, il serait tout aussi insupportable que l’infortuné mari. En fait, c’était Quentyn qu’il fallait le plus plaindre. Le pauvre allait subir deux fois la même chose … avant de s’inquiéter pour sa propre épouse. Comme les deux compères précédents, l’un par solidarité envers l’épouse de sa cousine, l’autre … pour des raisons personnelles. Au moins, la vie battait son plein au Roc, avec toutes ces naissances programmées.

D’un geste fougueux, Lyman coupa son épouse quand cette dernière se perdit en excuses pour ne pas avoir été assez forte, mettant un doigt sur ses lèvres, comme pour l’empêcher d’en dire plus. Il était hors de question qu’elle se sente … honteuse, alors qu’elle avait enduré tout cela pour lui, qu’elle avait été suffisamment forte pour survivre à une épreuve aussi longue. C’était tout impensable pour lui, que Jeyne se sente coupable ou pas assez à la hauteur, alors qu’elle venait de mettre au monde un fils, l’héritier des Lions, leur enfant, leur premier-né. Le baiser qu’ils échangèrent sembla un peu sceller ce message, alors que Lyman se retenait pour ne pas lui donner une tournure trop sensuelle, bien que sa nouvelle paternité et voir Jeyne avec leur fils dans les bras lui donnait paradoxalement quelques menues mâles envies. Il ne put s’empêcher néanmoins d’y répondre de manière passionnée, essayant de montrer à quel point il était reconnaissant … et aussi qu’elle ne lui avait jamais parue aussi désirable qu’à cet instant.

« Tu es sûre que tu veux me garder comme je suis ? Pourtant, à Goeville … Ah, j’aurais dû savoir que tu étais déjà sous mon charme, même quand tu me trouvais bien goujat ! »

Trouvant le baiser trop bref, il en initia un nouveau, ne relâchant son étreinte qu’une fois ses poumons en train de le brûler pour manquer d’oxygène.

« Je serais toujours à toi. »

Oh, il fallait avoir dix-neuf ans pour faire de telles promesses, il en avait conscience. Est-ce que sa mère avait entendu les mêmes, à sa naissance ? Avait-elle été cruellement déçue par la suite, ou bien, dès le début, elle avait su que Loren Lannister ne pouvait être l’homme d’une seule femme ? Il ne savait pas s’ils passeraient leur vie ensemble, parce que la mort rôdait bien trop pour être certain qu’elle les épargne. Il ne savait pas, en vérité, comment tous deux évolueraient, comment ils sortiraient de ces années si complexes. Mais il était en revanche certain d’une chose : il essayerait, encore et encore, parce que cette femme dans ses bras, contre ses lèvres, il l’aimait comme un fou.

« J’ai prié les Sept au début, la Mère. Et puis, au bout d’un moment … le Grand Septon n’en serait pas bien content, mais j’ai peut-être adressé quelques mots à qui voudrait bien l’entendre. »

Il la regarda, avant d’ajouter :

« Un nordien m’a dit, avant la Mort-aux-loups, que les Anciens dieux n’avaient pas besoin qu’on s’adresse à eux d’une manière formelle. Qu’ils écoutaient s’ils le désiraient, si c’était juste. Peut-être qu’ils ont daigné m’écouter.

A moins que ce ne soit ces dieux d’Essos dont Quentyn m’a parlé. Je ne le saurais jamais, et en fait, je doute qu’un dieu quelconque y soit pour grand-chose. »


D’une voix plus ferme, il conclut :

« C’est à toi que nous devons cela. Je veux que tu sois fière de ce que tu as accompli. Tu as été une Lionne, et les lionnes rugissent avec vigueur. Parce que moi, j’étais fier de toi, à chaque instant, à chaque cri. Et je sais que … toutes les femmes du château pensaient la même chose, et priaient aussi pour la délivrance, surtout à mesure que les heures avançaient. Et les hommes attendaient, les plus vieux disaient qu’une bataille, ça ne durait pas si longtemps.

Tu as été une guerrière, Jeyne. C’était ta bataille, et tu l’as gagnée avec bravoure, avec panache. »

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MessageSujet: Re: Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE]   Le rugissement du lionceau [TOUR VI - TERMINE] EmptyDim 12 Mai - 16:42

Je ne pouvais pas vraiment dire le contraire. Le rôle des hommes dans la conception des enfants était effectivement minime. Et ils n'avaient pas à endurer ensuite tous les inconvénients de la grossesse, jusqu'à la délivrance. Même si il fallait à certains une patience légendaire pour ne pas étriper une épouse devenue capricieuse et colérique à la moindre frustration. Lyman avait été un époux exemplaire. Il ne m'avait pas rejetée, sauf lors de la mort de sa sœur, et cela n'avait alors rien à voir avec mon propre état, mais plutôt avec sa façon de gérer la peine. Même si ça avait été compliqué pour moi de le comprendre. Intellectuellement, c'était facile. Émotionnellement, ça avait été une autre paire de manche. Mais il avait été là, il était revenu et il avait pris soin de moi, jusqu'à il a quelques heures, alors qu'il avait du me laisser seule pour affronter la plus grande épreuve de ma vie... Il était plein de reconnaissance envers moi, amenant une vague d'amour immense en mon cœur. Pourtant, Martyn était un cadeau pour chacun d'entre nous, il n'y avait rien que je puisse désirer désormais. Hormis un monde où notre fils pourrait grandir et s'épanouir. Un vœu sans doute très idéaliste, pourtant, il ne se moque pas de moi alors que je lui demandais la paix. Je grimaçai alors qu'il évoquait les événements à venir... Présenter Martyn aux septons, comme son père et ses tantes avant lui... Et moi ensuite, venant ainsi balayé tout ce en quoi j'avais cru jusqu'à maintenant. Je n'étais même pas certaine que cela suffise vraiment à nous préserver... La paix ne viendrait pas simplement par un acte de Foi. Mais je me gardai bien d'évoquer mon scepticisme. Je n'avais pas envie de gâcher le moment présent et j'étais trop épuisée pour réfléchir correctement à la politique.

Aussi profitais-je de l'humeur amusée de Lyman et renchéris-je. J'imaginais mon époux tyranniser ses deux amis qui ne savaient pas vraiment comment se comporter avec le futur père au comble de l'angoisse. Gareth et Quentyn se vengeraient sans doute quand leur tour viendrait, dans quelques semaines. J'espérais de tout cœur, que les accouchements de Megara et Lynara se passeraient bien. Je ne savais toujours pas ce que je leur dirais si elles venaient me demander mes impressions. J'avais souffert le martyr. Au delà des mots, au delà même de ce que j'aurais pu penser supporter. Mais il n'y avait pas d'autre choix que de gagner ce combat ou périr. Pas question d'abandonner, il fallait aller au bout, quoiqu'il en coûte. Et la récompense était si belle à la fin... Pour autant, je n'étais pas prête à remettre le couvert. "Et ils auront bien raison de le faire. Tu pourras leur apporter ton expérience." Je lui adressai un clin d’œil de connivence. Avant de m'excuser de ne pas avoir été plus forte. Excuses qu'il ne souhaitait pas vouloir entendre alors que son index se posait sur mes lèvres. Je reçus son baiser fougueux avec gratitude. J'avais envie de retrouver mon mari. De retrouver notre intimité, mise à mal par ma grossesse. Pas maintenant, j'étais trop épuisée, mais... Bientôt. Je sentais l'envie dans la façon dont il m'embrassait et cela me rassurait concernant l'avenir.

Je laissais échapper un rire quand il répondit à ma demande en évoquant le vilain tour qu'il m'avait joué à Goeville. "Il faut croire que j'aime bien ton côté goujat alors. Il tranche avec l'image de prince bien sous tout rapport que tu entretiens. J'aime les rebelles." Je lui mis une pichenette sur le front, chassant un de ses boucles blondes et indisciplinées avec tendresse et amusement. J'avais été furieuse d'avoir été dupée, mais ce malandrin blond qui m'avait volé un baiser dans ces cuisines m'avait troublé. Il m'embrassa à nouveau, avant de me promettre d'être toujours à moi. Et en cet instant, j'avais juste envie d'y croire. Je l'interrogeai ensuite sur quels dieux il avait prié pour mon salut et celui de Martyn. Un doux sourire nostalgique se dessina sur mon visage quand il parla des dieux du Nord. Et finalement, il conclut que ce miracle, je le devais à moi et non aux dieux. "Vous blasphémez mon cher... Encore un signe de votre rébellion." Je sentis une boule se former dans ma gorge à ses paroles. "Tu vas me faire pleurer à me dire de telles choses... ou me faire prendre la grosse tête. Mais si j'ai été digne de ta famille, alors je suis heureuse." Est-ce que tout Castral Roc avait vraiment retenu son souffle ? Pour l'enfant ? Pour moi, alors que j'étais une étrangère, encore méprisée par certains ? Je ne le saurais jamais, mais je savais sur qui je pouvais compter en revanche. "Reste encore un peu à mes cotés, Lyman." Encore quelques minutes. Quelques heures. j'avais envie de sombrer à nouveau, et je voulais que mon époux veille sur mon sommeil, sur celui de notre fils. Le quotidien nous rattraperait bien assez vite. Et le devoir également. Martyn serait alors le prince de Castral Roc. Pour le moment, il était notre fils chéri et c'était tout ce qui comptait.

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