Assis devant le plateau de cyvosse, Ronnel réfléchissait au prochain coup qu’il allait jouer. Ce jeu était toujours assez compliqué mais il devait bien admettre qu’il lui plaisait énormément. Il fallait bien sur réfléchir pour pouvoir jouer correctement, mais ce n’était pas suffisant pour remporter la victoire. Il fallait également apprendre à réfléchir comme son adversaire pour anticiper les coups tordus qui pouvaient vous être infligés. La patience prenait un rôle important tout comme la préparation et l’anticipation des manœuvres de votre adversaire. C’était un jeu qu’il pratiquait assez souvent et qu’il appréciait. Même si d’autres jeux de stratégie plus complexes et des simulations de bataille avaient sa préférence, le cyvosse avait pour lui d’être simple à mettre en place et de permettre de jouer assez rapidement.
En face de lui, sa mère déplaça sa cavalerie lourde sur le plateau.
La partie se déroulait comme il l’avait anticipé pour le moment. Ce n’était pas pour cela que les choses ne pouvaient pas changer ou qu’elle l’arrangeait, mais ce déplacement en tout cas ne le surprenait pas et ce n’était déjà pas mal. C’était à lui de jouer et il déplaça une infanterie légère sur le plateau, jetant un coup d’œil rapide à Sharra.
C’était elle qui lui avait appris à jouer à ce jeu lorsqu’il était plus jeune. Et il lui était arrivé très souvent de la battre à l’époque. Avec le temps, il se rendait compte qu’elle le laissait gagner. Il ne savait pas vraiment depuis combien de temps elle avait arrêté de le faire. C’était difficile de dater clairement ce moment. Il était certain qu’elle ne l’avait plus fait après la mort de son père. Par contre, avant, il était moins sûr. Peut-être qu’elle avait progressivement augmenté la difficulté pour le pousser à progresser sans le frustrer en le mettant immédiatement face à un défi insurmontable. C’était probablement ça. Depuis que son père était mort par contre, il était certain qu’elle ne le faisait plus. Ça n’aurait pas été logique de continuer à le laisser gagner alors que tout ce qu’elle lui faisait subir depuis la mort de son père avait pour but de le faire se dépasser et de faire en sorte qu’il devienne un commandant et un combattant accomplit.
Ces parties qu’ils disputaient très souvent se jouaient généralement après le souper et avaient un peu pour but de se détendre un peu. Ils n’avaient pas beaucoup joué au début. Il fallait dire que Ronnel était tellement épuisé après ses entrainements qu’il se serait sans aucune vergogne endormi sur le plateau de jeu si sa mère l’avait obligé à s’installer pour jouer au cyvosse. Mais depuis quelques temps les choses allaient mieux. Son corps s’habituait à l’effort intense auquel le soumettait cet enfoiré de maître d’arme. Il était moins fatigué le soir venu et pouvait lire un peu dans son lit ou disputer correctement ce genre de partie plutôt que de s’effondrer comme une masse sur son lit. Dans un coin de sa tête, Ronnel se demandait quand l’entrainement allait se durcir. S’il commençait à s’habituer à l’éducation accélérée et aux efforts que lui demandaient sa génitrice et ses précepteurs, cela signifiait que ces derniers pouvaient encore durcir l’entrainement. Et il redoutait, avec une certaine curiosité toutefois, de savoir si son maître d’arme était au maximum ou s’il pouvait lui imposer pire encore.
Ronnel recula ses cavaliers lourds pour les mettre à l’abri du dragon de sa mère. Une unité trop précieuse pour être sacrifiée. C’était difficile de se rendre compte avec des morceaux de bois et de pierre taillés, mais sur un champ de bataille, il serait peut-être amené à sacrifier ses propres hommes pour obtenir la victoire. Et quand bien même il ne le ferait pas, combien mourraient pour l’arracher ? Il n’avait pas encore participé à une bataille, mais ses éventuels rêves d’héroïsme étaient déjà mis à mal par les leçons de son maître d’arme. Depuis qu’il était petit, on lui avait appris à se battre celons les vertus et l’honneur des chevaliers. Un très bel objectif d’une grande noblesse. Mais ce n’était pas ce que lui apprenait Ulwyck. Lui, il lui apprenait à gagner.
Sa participation à la campagne contre les clans des montagnes l’avait laissé quelque peu frustré. Il n’avait pris part à aucun combat. C’était plus une balade tranquille en armure qu’autre chose. Il n’était pas assez stupide pour chercher à se lancer tête baissée dans un affrontement armé, mais… il y avait quelque chose dans son sang qui bouillait d’impatience tout de même.
« Dit moi Ronnel, as-tu déjà réfléchis à l’épouse que tu prendras ? »La jeune seigneur du Val fit un effort pour ne pas trop réagir à cette question que venait de lui poser sa mère. Souvent, elle ajoutait une difficulté supplémentaire à la partie de cyvosse en lui imposant ce genre de jeux de mémoire et de réflexion sur des problèmes très concrets. Il n’y avait jamais de bonne ou de mauvaise réponse. Elle voulait juste qu’il soit capable de réfléchir à plusieurs problèmes simultanément.
Enfin, s'il ne réagissait pas trop, c'était surtout pour ne pas donner l'impression qu'il allait réclamer quoi que se soit. C'était les enfants capricieux qui réclamaient quelque chose et cela n'allait assurément pas l'aider dans une discutions avec sa mère de se comporter le la sorte.
La réponse à la question, il la connaissait. Ils savaient tout les deux ce qu'il s’apprêtait à dire. Mais il fallait se montrer plus circonspect que ça pour arriver à ses fins. Sans quoi Sharra allait sans doute se braquer.
Tout en observant le mouvement de sa mère, Ronnel tenta mentalement de définir son plan d'action. Tout les deux savaient qu'il allait répondre "Nymeria Lannister". C'était la seule et unique réponse qui pouvait compter. Mais s'il ouvrait la bouche pour dire ça, il n'allait arriver à rien. Mentalement il fit une liste des potentiels épouses. Il y avait bien sur Rhaenys Targaryen, Jeyne Stark, Eren Hoare, Megara et Nymeria Lannister, Argella Durandon, Deria et Arianne Martell, les deux Redwyne, Ysilia Royce, Théa et Lynara Karstark, et éventuellement Alysanne Manderly. C’était une liste qui n’était certainement pas exhaustive, mais qui avait le mérite d’être une bonne base de travail.
La question à se poser maintenant, c'était de savoir laquelle de ces femmes serait une très mauvaise idée sans être parfaitement incohérente. Quel épouse sa mère ne pourrait pas accepter malgré ses qualités. S'il donnait l'impression de vouloir tel ou tel jeune femme, à côté, Nymeria Lannister aurait l'air d'un choix beaucoup plus acceptable quant bien même Sharra n'avait jamais caché le fait qu'elle ne la voyait pas en reine.
Ronnel déplaça une pièce sur l’échiquier.
Déjà, elle devait être plus âgée que lui. 'était un premier point qui pouvait paraitre annodin, mais si elle était plus âgée, elle risquait de ne pas pouvoir lui donner beaucoup d'enfants et de mettre en péril la lignée des rois du Val. Et bien que Sharra aimait son fils, elle ne permettrait jamais cela.
Sharra prit à ce moment l’infanterie lourde de son fils et Ronnel grimaça un peu. Il n’avait pas été assez attentif et il fallait qu’il se concentre à nouveau sur le jeu. Sa mère ne lui ferait pas le moindre cadeau.
Ysilia Royce pouvait sembler un bon choix. C'était une cousine proche. pas sur que Sharra soit fan de l'inceste que cela pouvait représenter. mais non, elle était bien foutue de demander son avis à un septon. Exit Ysilia donc.
Ronnel joua à son tour et profita d’une ouverture pour éliminer la cavalerie lourde de sa mère. Il revenait dans la partie.
Taïna Redwyne… elle aurait fait une reine excellente à n’en pas douter. D’après ce qu’il savait, il elle avait un certain caractère et ne trainait absolument aucune casserole derrière elle. On disait d’elle qu’elle était superbe, très intelligente et il devait avouer être tombé sous son charme lorsqu’il l’avait rencontrée à Goëville, mais au final, elle n'avait ici pour elle que la différence d'âge.
Shara déplaça une pièce sur l’échiquier et Ronnel lui répondit. Mal et maladroitement sous l’effet de l’énervement. Pourquoi fallait-il que celle qui serait de parfaites reine n’appartiennent qu’à des maisons secondaires ? Il ne croyait pas un seul instant que sa mère accepterait n’importe qui comme belle fille.
Une alliance dangereuse pouvait être un bon point si on voulait discréditer une épouse potentielle. Et cela tombait bien, il en avait deux sous la main.
« Je pencherais pour Eren Hoare, fini par déclarer Ronnel. »Sharra Arryn était très douée. Elle avait passé des années à régenter le Val pour qu'un jour son fils en prenne la tête et elle n'aurait pas réussi sans un minimum de talent politique. Pour autant, lorsqu'il prononça ce nom, Ronnel ne put manquer le fait qu'elle sembla sur le point de faire une syncope.
Son coup suivant en fut d'ailleurs quelque peu maladroit et celui d'après visiblement très énervé. Peut-être parce qu'elle considérait qu'il avait échoué à son petit test.
« Sinon, Nymeria Lannister me plairait assez. »Le sourire entendu sur les lèvres de Sharra montra qu'elle avait comprit tout le petit manège de son fils. Peu importe. Son allait pas choisir son épouse autour d'un plateau de cyvosse.
* * *
Ronnel ne put retenir un long soupir lorsqu’il entra dans l’eau chaude de son bain. Elle était brûlante et il devait un peu ressembler à une écrevisse dans sa marmite, mais cela lui faisait vraiment du bien.
Comme toujours, l’entrainement d’Ulwyck avait été plutôt difficile et il sentait ses muscles vivement protester contre le traitement qu’on leur faisait subir. Enfin, s’il devait être parfaitement honnête, il l’avait trouvé moins difficile que les autres aujourd’hui. C’était un peu curieux. Qu’était-il arrivé à Ulwyck ? Est-ce qu’il se faisait vieux ? Que c’était lui qui progressait ? L’une comme l’autre de ces raisons ne lui convenaient pas vraiment. La différence qu’il avait ressenti entre la veille et aujourd’hui était un peu trop important pour qu’il puisse l’attribuer à son développement musculaire soudain. Une autre possibilité, c’était que le maître d’arme ait passé une mauvaise nuit. Hypothèse déjà plus vraisemblable même si, en deux ans d’entrainement intensif, c’était bien la première fois que cela arrivait. Enfin, la facilité de cet entrainement était toute relative, il en était quand même ressortit courbaturé, couvert de bleus, de sueur et de boue de la tête au pied. Mais il y avait une différence entre finir un entrainement en mauvais état et le terminer à l’agonie.
Quant à l’étude avec les vieux mestres pendant la matinée… elle avait été facile aujourd’hui. Pas de sujet beaucoup trop compliqués. Ce n’était pas facile, il avait une fois de plus prit son repas de la mi-journée penché sur un vieux livre. Mais on l’avait laissé dormir jusqu’à une heure raisonnable avant de le tirer du lit pour le faire étudier et les sujets étaient plutôt simples.
Peut-être le fait de son éducation et l’approche de monter seul sur le trône était-il pour quelque chose dans son comportement, mais maintenant qu’il y repensait… tout cela lui semblait des plus suspect. Il lui paraissait assez improbable que les exercices physiques auxquels le soumettaient son maître d’arme deviennent du jour au lendemain beaucoup plus faciles pour lui. Donc, soit Ulwyck avait vraiment eu une très mauvaise nuit, soit c’était intentionnel de sa part. L’hypothèse de la très très mauvaise nuit n’était pas incohérente, mais elle avait une faille.
Le bruit de la porte s’ouvrant tira Ronnel de sa méditation. Une servante entra avec un broc d’eau à faire chauffer pour le bain. Il la regarda mettre l’eau à chauffer dans la cheminée sans rien dire et referma les yeux pour se remettre à réfléchir.
Le fait qu’Ulwyck ait passé une mauvaise nuit expliquait pourquoi l’entrainement aux armes avait été moins difficile qu’à l’accoutumé. Mais cela n’expliquait pas pourquoi ses professeurs lui avaient ménagé des exercices qui n’étaient pas trop compliqués. Parce qu’ils ne pouvaient pas tous avoir passé une très mauvaise nuit.
« Attention altesse, ça va être chaud. »Ronnel s’écarta de la servante qui versa le contenue d’une petite bassine d’eau fumante dans son bain pour ne pas être complètement ébouillanté. La jeune femme était plutôt belle avec de jolies pommettes et elle lui adressait un léger sourire. Elle était plus âgée que lui. Dans les vingt ans sans doute. Le regard du jeune garçon fut assez rapidement attiré vers son décolleté qu’elle avait assez plongeant, d’autant plus qu’elle était penchée sur la baignoire. La jeune femme leva les yeux dans sa direction avec un léger sourire.
Ronnel détourna très vite les yeux en se sentant rougir. Ce n’était clairement pas le moment de se laisser aller à ce genre de pensées. Surtout pas lorsqu’il était dans un bain. L’eau n’était clairement pas ce qu’il y avait de mieux pour dissimuler ce genre de… euh… troubles. Allez savoir s’il venait de se faire pincer ou pas, mais la jeune femme n’aurait pas agis autrement si elle n’avait rien remarqué au grand soulagement de Ronnel.
Pour s’extraire définitivement l’esprit des seins rebondis de celle avec qui il partageait la pièce, Ronnel se força à repenser à Ulwyck et à l’entrainement du jour. Surtout au maître d’arme d’ailleurs. Une technique vraiment infaillible pour se calmer très rapidement.
Où est-ce qu’il en était déjà dans ses réflexions ? Ah oui, Ulwyck et ses maîtres n’avaient pas pu tous passer une mauvaise nuit. Donc, cela signifiaient qu’ils l’avaient volontairement ménagés. Mais cela soulevait d’autres questions. S’ils l’avaient vraiment ménagés aujourd’hui, à quoi cela pouvait-il bien servir ? Cela faisait deux ans qu’il lui en faisait voir de toutes les couleurs alors pourquoi est-ce que cela devait changer maintenant ? Pourquoi aujourd’hui en particulier ? Qu’est-ce que ce jour avait de particulier ? Ronnel chercha à se remémorer ce qui pouvait avoir un rapport avec la date. Non loin, la servante s’agitait un peu sur son tabouret. Il entendait le froissement de tissus de sa robe, mais il se força à garder les yeux fermés.
Ulwyck… Ulwyck… Ulwyck…
Ce n’était pas sa Fête de Naissance. La dernière fois, le maître d’arme s’était assuré de lui faire perdre le gras du gâteau qu’il n’avait au final même pas mangé, s’effondrant de fatigue. Ce n’était pas non plus celui de sa mère, pas de son père, ni l’anniversaire du jour de sa mort. Pas plus que la Fête de naissance de Jonos. Alors quoi ?
Ronnel perçus quelques bruits de pieds nus sur le sol avant que.
PLOUF !
Quelque chose d’assez massif venait de rentrer brusquement dans le bain, en déversant une bonne partie à sur le sol de la salle qui se trouvait asperger. Est-ce que la servante avait glissé sur des dalles humides ? Ronnel ouvrit les yeux immédiatement pour se retrouver face à la jeune femme qui lui adressait un sourire rassurant presque maternel. Elle était bel et bien dans la baignoire, sauf qu’elle n’y était assurément pas entrée par accident. Ou du moins si ça l’était, elle avait d’abord pris soin de retirer sa robe brune et son corsage avant de tomber dans l’eau. Elle ne portait plus que sa sous robe que l’eau collait à son corps ne dissimulant vraiment plus grand-chose de ses formes. Et si Ronnel pouvait tenter de détourner le regard, ce qu’elle était en train de faire avec ses mains, il ne pouvait pas l’ignorer.
* * *
Debout devant le reflet déformé de son miroir, Ronnel triturait anxieusement le bas de son pourpoint. Sa tenue était parfaitement mise et cela depuis de très longues minutes. Aucun petit fil ne dépassait, mais ça ne l’empêchait en rien de continuer de s’en assurer. Plus le temps passait et plus il sentait son anxiété monter et lui tordre le ventre. Pourquoi un page ne venait-il pas l’avertir que les conseillers étaient arrivés ? Est-ce qu’il devait en être rassuré ou au contraire est-ce qu’il s’agissait là de quelque chose de tout à fait normal ? Est-ce qu’il n’aurait pas dut attendre les conseiller dans la salle du trône plutôt que de les faire attendre ? Quel était la marche à suivre ? Et comment devait-il s’adresser à eux au final ? Ronnel se força à respirer pour faire redescendre son anxiété avec des résultats plus ou moins concluent. Il connaissait déjà les réponses à ces questions. Il n’avait pas à paniquer comme une pucelle le soir de ses noces. Il savait de quoi allait traiter le conseil, il savait comment il devait s’adresser à eux. Et il savait que le roi devait toujours arriver le dernier à ce genre de réunions. Pas longtemps le dernier. Mais il aurait été malséant pour chacun de ces seigneurs que de faire attendre leur suzerain dans sa propre salle du conseil. S’il attendait ici et maintenant, c’était parce que le stress le privait de faire autre chose, mais aussi parce que si le roi devait attendre, il lui fallait le faire là où il ne serait pas vu. Un roi devait toujours être afféré ou au moins en avoir l’air.
Les quelques coups frappés à la porte le tirèrent de ses pensées et le firent sursauter.
« Qu’y a-t-il ? »Sa voix avait-elle été assez sure et forte ? Son ton assez direct et sec ? Est-ce que cette voix qui muait et changeait encore avait-elle raisonné assez clair avec assez de royauté ? Ou est-ce qu’elle n’avait été qu’un coassement distordu par l’anxiété. Ronnel n’était pas certain de vouloir voir la réponse à cette question.
« Le conseil est réuni Altesse. Ils vous attendent. »Ronnel ne perdit pas longtemps et sortit de sa chambre pour se diriger vers la salle du conseil d’un pas à l’allure changeante. Parfois, son tempérament un peu sûr de lui et frondeur prenait le déçus et il avançait vite d’un pas ferme et décidé. Mais la seconde d’après, une sourde vague d’angoisse le submergeait et il n’avançait plus qu’à reculons.
Mais qu’avait-il à craindre ? Toutes les personnes qui seraient présente ne seraient rien de plus que le conseil de régence qui depuis deux années déjà s’occupait des affaires courantes du Val d’Arryn. Et la réunion d’aujourd’hui n’aurait certes pas pour but d’impacter de façon importante la politique du royaume. Il ne s’agissait que d’effectuer quelques ajustements, de discuter de conflits entre deux petits vassaux et de tâcher de les régler, mais rien de bien difficile ou de vraiment important. Pourtant, Ronnel était terrifié à l’idée de se présenter devant le conseil. Quel que soit les affaires à juger et quel que soit les discutions, cela l’effrayait. Il connaissait tous ces gens, il les savait compétents, doués et œuvrant pour le bien et la grandeur du royaume de la Montagne et du Val. Il n’avait pas à craindre de son conseil de régence qu’ils cherchent à le jeter à bas de son trône. Pas après avoir passé deux années à administrer le Val et à préparer son règne.
Mais c’était son premier conseil sans aucun filet.
Quelques jours plus tôt, Sharra avait quitté les Eyriés pour se rendre dans le Nord et s’entretenir avec son roi. Résultat, il serait absolument seul pour présider ce conseil privé de sa régente. Cela pouvait sembler tout à fait anodin et ne pas changer grand-chose. Après tout, son avis ne restait que consultatif pour le moment. Tant qu’il n’avait pas atteint sa majorité, quoi qu’il dise au conseil, celui-ci était parfaitement dans son droit s’il passait outre. Mais s’il y avait bien une chose plus terrible que la défaite en politique comme à la guerre, c’est bien le ridicule. Si Ronnel était si anxieux et tendu, ce n’était pas tant parce qu’il craignait les membres du conseil que parce qu’il craignait de se décrédibiliser. Auparavant, il pouvait adresser un signe à sa mère et lui glisser quelques mots à l’oreille pour savoir si oui ou non ce qu’il disait avait du sens ou pouvait être une idée valide, mais aujourd’hui, impossible d’avoir ce garde-fou.
Prenant une grande inspiration avant de passer les portes de la salle du conseil, Ronnel s’efforça d’adopter une démarche rapide et déterminée, incapable de savoir s’il avait vraiment réussi ou s’il était tout à fait ridicule tant il cherchait à éviter le regard des membres du conseil pour ne pas perdre tous ses moyens. Tous s’étaient levés à son arrivée au moins. C’était déjà un bon point.
A pas rapide, Ronnel arriva assez vite devant le trône de barral sur lequel il monta avec autant de prestance qu’il le put. C’était assez difficile à faire. Même s’il avait déjà débuté sa poussée de croissance, le trône était encore trop imposant. Une fois assis, ses pieds ne touchaient pas le sol. Ça ne se jouait pas à grand-chose, mais il lui manquait encore quelques centimètres.
« Dames et Lord du Val, siégeons. »A l’unisson, tous les membres du conseil de régence se remirent assis à leur place et le secrétaire entama assez rapidement la lecture de l’ordre du jour. Bon, ça ne s’annonçait pas si mal que ça. Il fallait juste espérer que la montée de bile due au stresse qu’il sentait déferler allait se calmer et qu’il n’allait pas se mettre à vomir sur le trône de ses ancêtres.