Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé]
Sujet: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Dim 8 Mai - 14:15
L’atmosphère morose pesait lourd dans les rues d’Accalmie. Partout, les visages affichaient des mines sombres et sans espoir. Les petites gens s’afféraient mécaniquement à leurs tâches quotidiennes, sans réellement sembler songer à ce qu’ils faisaient. Manifestement, l’esprit de tous était ailleurs. Et cet ailleurs n’était guère loin d’ici. Par-delà les remparts de la cité, le siège durait depuis un temps déjà trop long. Coupé de ses ravitaillements, la capitale des Terres de l’Orage commençait à souffrir de la faim et de l’enfermement.
La garde de la cité, quant à elle, n’était pas davantage reluisante. Avec un peu de chance, Joren Hoare n’en savait rien pour le moment. Composée majoritairement de fils de paysans, de marchands et de toutes ces âmes qui, bien que bonnes et dévoyées, n’avaient jamais manié de lames auparavant, l’armée d’Accalmie ne saurait réellement se mesurer aux milliers d’hommes qui patientaient autour de ses murs. Karnal ne savait pas, lui non plus, si ces riverains qui encerclaient sa position avaient davantage d’expérience au combat. Mais quoi qu’il en soit, tous avaient déjà assisté au moins à une bataille, celle de la Croix du Roi. Et il ne pouvait en dire autant des forces d’Accalmie.
Sur ce tableau bien noir, se dessinaient pourtant quelques lumières, derniers espoirs d’une situation qui n’en offrait plus aucun. Une poignée d’un millier de soldats de métier, pour une partie ceux de Karnal, avait survécu au massacre orchestré par le fils du Roi Noir et formaient ensemble la dernière égide de la cité, si celle-ci venait à être subitement assaillie. Parmi eux, nul cavalier. Ils étaient reîtres, hommes d’armes, soldats d’infanterie. Mais ceci importait peu : dans les ruelles et sur les remparts, le cavalier n’a aucune utilité tactique. Aujourd’hui, le poids qui pesait sur les épaules de la Princesse Durrandon était sans pareil. Elle était la Dame protectrice d’Accalmie, celle dont le sort du Royaume dépendait entièrement désormais. Paradoxalement, le manque de moral général coïncidait aussi avec la manifestation croissante d’une foi inébranlable envers Argella Durrandon, laquelle savait rallier le cœur des siens avec un peu plus d’ardeur jour après jour. Joren eu-t-il décidé d’assaillir soudainement la ville qu’il aurait trouvé un millier de vaillants enragés prêts à subir la froideur de douze lames pour défendre leur héritière.
Karnal, quant à lui, subissait, comme tous, la situation de siège mais bénissait secrètement les Sept de lui avoir permis d’être ici, en ce moment. L’affection mutuelle qui le liait avec Argella depuis leur enfance le rendait à peu près certain qu’il n’aurait pu supporter l’idée d’être à l’extérieur des murs alors que la Princesse en était faite prisonnière. Et il préférait mille fois survivre en cage à ses côtés que souffrir le spectacle de la voir seule face aux hordes environnantes.
Comme tous les matins, Karnal venait de terminer son entraînement au combat. Il était certes fils de Seigneur, peut-être déjà Seigneur lui-même si son père avait été tué à la Croix du Roi, mais il n’en était pas moins un homme proche des siens. Tous les jours, Le Martel, comme on l’appelait, dirigeait les manœuvres et les enseignements tactiques, parcourait les rangs des soldats et des volontaires afin de leur donner des conseils dans le maniement de leurs armes. Par-dessus tout, il souhaitait leur insuffler la même foi que celle qui faisait vibrer son échine à chaque nouveau lever de soleil.
Ce matin-là, l’héritier des Buckler fit la ronde des remparts, et inspecta les hommes qui y veillaient. Pendant un moment, il observa les lignes ennemies, afin d’y déceler quelques indices sur leur état. Dans ses yeux ne transparaissaient rien, si ce n’était une colère contenue tant bien que mal, et qui ne saurait s’expier qu’à coups de marteau sur le champ de bataille. Il aurait volontiers foncé seul vers l’ennemi, comme un idiot courant vers sa fin, si la mort de quelques-uns d’entre ces maudits riverains avait pu taire la fureur qui bouillonnait en lui. Puis, dans le silence, il fit demi-tour, redescendit les remparts pour se diriger vers le palais.
En y pénétrant, il y trouva la Princesse. Celle-ci portait encore les marques des quelques blessures qu’elle avait subies lors de la bataille de la Croix du Roi, mais semblait s’en remettre très vite. Karnal la savait forte ; bien plus forte d’ailleurs que toutes les femmes qu’il avait connues. L’homme s’approcha de la Princesse, s’inclina en vertu de la bienséance, puis se releva ensuite.
[Karnal] – Pardonne-moi de m’être emporté hier. Je sais que ce n’était pas mon rôle. Mais entendre ces vieux conseillers, depuis toujours assis dans leurs chaises, te suggérer de réfléchir à une reddition m’a mis hors de moi. Mais ils sont les hommes de ta cour, et ceux de ton père. Il ne tient pas à moi de m’opposer à leurs paroles. Je tâcherai la prochaine fois de garder le silence, ou de ne pas assister au conseil de guerre. L’héritier des Bronzes déambula un instant dans la grand-salle, rassemblant manifestement ses pensées, et fit volte-face, soudainement, pour quérir la Princesse du regard.
[Karnal] – Ce matin, j’ai longuement réfléchi. J’en ai un temps voulu à mon père de m’avoir ordonné de fuir cette bataille à laquelle j’ignore s’il a lui-même survécu. Mais en réalité, je suis soulagé d’être avec toi, ici, à Accalmie. Je n’aurais pas pu accepter l’idée de te savoir isolée entre ces quatre murs. Si Joren décide d’attaquer et que par une malédiction des Sept nous ne parvenons pas à le défaire, je veux être la dernière personne qui se tiendra entre toi et cette ordure.
L’homme prit une profonde respiration, et serra le poing.
[Karnal] – J’y crois, Argella. Nous ne tomberons pas. Et je suis à tes côtés, jusqu’à la mort.
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Dim 8 Mai - 23:04
Faire les comptes, voilà bien une chose qui ne l'a jamais enthousiasmé. Pourtant, avec l'absence du roi et de sa femme, ses parents, il faut bien qu'elle s'y colle. Même s'ils sont en situation de siège, il n'en faut pas moins négliger le royaume. De surcroît, il va bien falloir gérer les réserves d'Accalmie. S'ils ont de quoi tenir quelques mois, ce sera uniquement parce que ce devra être distribué avec parcimonie sans affamer le peuple.
Argella rechigne à la tâche, elle devrait être dans la tour contenant leurs réserves. Au lieu de ça, elle observe les entraînements de la matinée, dans la cour. Buckler prend les choses bien en main, se charge de ce qu'elle ne peut faire, en attendant de gérer les autres choses relatives au royaume. Karnal sait parfaitement motiver les troupes. Elle se résigne à ne pas s'attarder aux alentours des entraînements et rejoint la tour de réserve où l'attend déjà le mestre. Après s'être enquis sur son état, ils se lancent dans l'organisation des vivres pour les mois à venir et la meilleure façon de les distribuer. Ça lui prit toute la matinée et elle commençait à perdre patience lorsqu'ils en eurent enfin terminé.
Elle rejoint la grande-salle, rejoint les employés de la maison et discute avec eux d'une façon de distraire les soldats pour quelques heures. Une fête ou un banquet serait déplacé au vu des circonstances, mais ils peuvent toujours trouver des moyens de les divertir et remonter leur moral avant l'inévitable. Sur ces entrefaites, l'héritier Buckler fait son entrée, la princesse fait signe aux employés qu'ils peuvent la laisser et retourner à leurs occupations.
Karnal s'excuse de son comportement de la veille, Argella s'était laissé emporter également, mais le conseil avait l'habitude la concernant, ils n'avaient guère apprécié qu'un Buckler s'en mêle par contre. La princesse avait tout de même appuyé son avis, la reddition n'est pas envisageable. Pas plus qu'il cesse de l'accompagner auprès des conseillers d'Argilac, elle a besoin de soutien face à ses hommes qui ne la considère pas à sa place sur un champ de bataille.
« En effet, tu n'aurais pas dû t'en mêler, c'est aussi leur rôle d'évaluer toutes les situations pour le bien du royaume, ils regrettent déjà que je ne sache pas mieux me tenir sans avoir à supporter un second caractère emporté. D'autant, qu'ils savent très bien que je n'accepterai jamais la reddition, pas plus que mon père ne l'aurait fait, et ce, même si le prince m'a fait une offre avantageuse si nous abandonnions la défense du royaume. Tu m'accompagneras à chaque conseil, je compte sur toi pour faire un peu plus attention à l'avenir. »
Elle se fiche pas mal d'une place dans un conseil, son devoir est de se préoccuper de son royaume pas de quelconques ambitions personnelles. En tant que princesse, elle deviendra reine, que demander de plus ? Elle aura une bien meilleure place en défendant ses terres qu'en répondant positivement à l'offre de ce félon de prince.
Elle se tourne complètement vers lui lorsqu'elle constate que quelque chose semble le tracasser. Elle l'observe sans sourciller, tandis qu'il se retourne vivement vers elle et se confie. Il fait mention de son père, prisonnier de l'ennemi. Elle s'attend d'ailleurs à ce qu'ils commencent à trancher des têtes, jusqu'à ce qu'ils résignent enfin à sortir d'Accalmie.
La princesse reste assez pantoise, partagée entre l'affection qu'elle porte au Buckler et sa colère qu'il ne lui fasse pas plus confiance. Finalement, elle opte pour l'impartialité, Karnal est l'un des premiers à avoir cru en elle, elle n'a pas le droit de l'accuser de ne pas avoir confiance en ses capacités et il ne cherchait probablement pas à l'abaisser, contrairement aux conseillers de son père, qui ne ratent jamais une occasion de lui rappeler qu'elle n'est pas un prince.
« N'en veux pas à ton père, même si maintenant, tu préfères être auprès de moi, pense au respect qu'il te porte et non à l'affront que tu penses qu'il t'a fait en te donnant l'ordre de t'enfuir. Il compte sur toi pour veiller sur votre maison et le royaume. Peut-être même a-t-il voulu te protéger, et alors ? Mets-toi à sa place, n'aurais-tu pas fait la même chose avec tes fils ? Est-ce mal de désirer que tu survives ? C'est ce que mon père cherche à faire depuis toujours, me garder éloigné des guerres depuis le début, aujourd'hui, j'y suis contrainte et je manque d'expérience. Si ton père ne t'avait pas contraint à t'enfuir, je serais démunie, alors qu'avec toi, j'ai déjà plus de chance de ne pas mener les soldats à la mort. »
Elle se rapproche de son fidèle ami, s'empare de son poing serré et masse le dos de cette main afin qu'il se détende. Elles sont calleuses, des mains d'hommes de guerre, des mains qu'elle a vu et senti se dégrader au fur et à mesure des batailles du ''Martel'' aux côtés du roi. Il représente à l'instant, un soutien inestimable. La princesse lève cette main jusqu'à son visage et embrasse ses phalanges avec un sourire attristé.
« Ne meurs pas pour moi Karnal, je sais me défendre. Si tu dois mourir, ce sera en combattant pour ton royaume, mais je t'en prie ne te sacrifie pas pour moi. »
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Dim 8 Mai - 23:58
Droite dans son rôle, Argella ne manqua pas à son tour de le rappeler à l’ordre, tout en soignant de ne pas froisser sa susceptibilité outre-mesure. Manifestement, elle tenait à sa présence au sein de ce conseil de guerre restreint, en partie composé de personnes dont les connaissances du champ de bataille se limitaient aux livres d’histoire et de politique. Karnal resta silencieux durant le court sermon, sachant pertinemment qu’il aurait pu exprimer autrement son désaccord avec les conseillers. Son impulsivité était l’un de ses défauts les plus prégnant, bien qu’il travaille quotidiennement sur lui pour diminuer ce trait de caractère.
Se rapprochant de lui, saisissant ses mains endurcies par le métal et le cuir, la Princesse Durrandon lui parla ensuite avec sagesse, autant qu’avec une certaine tendresse. Ce qu’elle venait de lui dire, au sujet de son père et du choix qui fut le sien d’envoyer Karnal auprès d’elle, sonnait avec la voix de la raison. Karnal vouait un respect sans pareil pour son paternel, qu’il considérait comme un homme de grande valeur et d’une noblesse inégalée. Peut-être que son sacrifice en avait été la preuve ultime. Karnal se dit un court instant qu’il n’en avait pas besoin, de preuve, qu’il était déjà acquis à la certitude d’être le fils d’un Seigneur dont l’Orage se rappellerait. Mais, comme venait de le dire si justement Argella, sa décision avait aussi été celle d’un père, aimant, souhaitant protéger son enfant. Car Le Martel, si fort et expérimenté qu’il était aujourd’hui, resterait toujours un peu ce fils qu’il avait vu naître, alors frêle et sujet à maints dangers.
L’héritier des Bronzes savoura le toucher de la peau d’Argella contre la sienne. Sa main était à l’image de la Princesse : douce, et forte à la fois. Sur un ton désormais plus proche de celui de l’amie que de la Princesse, la dame l’implora de ne pas faire une telle promesse. Karnal, quant à lui, resta silencieux. Il n’avait rien à dire. Il savait que si telle situation se présentait, c’est pour elle bien plus que pour le Royaume qu’il périrait au champ d’honneur. Mais mourir pour la Princesse, c’est mourir pour son Royaume, non ? L’homme arrangea sa conscience sur cette simple pensée.
Karnal plongea ses yeux dans ceux de la Princesse. Ils étaient de cette couleur noisette tout à fait singulière qui le charmaient depuis l’enfance. L’homme se rappela les années passées, les sourires, les pleurs, les secrets et les bagarres. Il esquissa un sourire et, dans le même temps, saisit les deux mains d’Argella, face à elle.
[Karnal] – La première fois que je t’ai vue, tu venais de naître. Du moins, c’est ce qu’on m’a dit. J’étais moi-même trop petit pour m’en souvenir. Ma mère m’avait confié une fois qu’après être resté à côté de toi pendant deux heures, dans un calme bien trop inhabituel pour être normal, je m’étais mis à pleurer à chaudes larmes lorsqu’on avait emmené ailleurs. Je crois que déjà tout petit, tu m’enchantais autant qu’aujourd’hui.
Puis, son visage se ferma soudainement. Il s’assombrit subitement si bien que lui, dont l’impassibilité à toute épreuve était l’un traits notables, ne pouvait masquer à la Princesse les pensées contrariantes qui l’envahissaient soudain.
[Karnal] – Ainsi va le monde. Tu épouseras bientôt le Prince de Dorne, et je me marierai tôt ou tard avec une noble quelconque, dans le souci de préserver le rang de ma Maison. Et si je me montre un peu trop récalcitrant quant à cette nécessité, il ne fait aucun doute que mon père, ou le Roi, se chargeront de me présenter une demoiselle. « Présenter »… Quel mot curieux pour parler d’une obligation tacite.
Tandis que l’homme énonçait chacun de ses mots, ses mâchoires se resserraient et les contours de son visage, parcouru de quelques blessures encore vives, se durcissaient. Il lâcha les mains d’Argella, et se mit à déambuler en rond autour d’une colonne qui soutenait le gigantesque toit du palais d’Accalmie.
[Karnal] – Je ne devrais pas dire ça, c’est mauvais pour toi et moi. Mais je sais qu’au fond de moi il n’y aura d’autre place dans mon cœur que celle que tu occupes. Le mieux que je puisse faire, c’est de vivre cette vie de guerrier et de commandant, de me rendre utile là où je sais pouvoir l’être.
Il lâcha les mots qui suivirent avec dégoût, et frappa la colonne de pierre de son poing lourd, faisant résonner le coup dans les couloirs de la grande-salle.
[Karnal] – Je crache sur ce destin.
L’homme s’apaisa tant bien que mal, et retrouva peu à peu son calme.
[Karnal] – Bientôt, nous serons éloignés, par la force des choses. Nous serons séparés. Il est préférable de l’accepter, et de s’y préparer. Tu me manqueras, Argella. Sache-le.
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Lun 9 Mai - 17:14
La sagesse n'est d'ordinaire pas sa première qualité, bien au contraire, mais elle est déjà passée par ce qu'il traverse. Argilac ne l'empêche pas de guerroyer parce qu'il n'a pas confiance en ses capacités, mais parce qu'elle lui est trop précieuse et qu'il compte sur elle pour protéger et veiller sur le royaume pendant son absence. Il n'avait probablement pas prévu que la guerre viendrait à elle, par le Bief.
Sa réponse ne la satisfait qu'à moitié, il élude le sujet, en lui racontant un événement de leur passé. Son sourire se fait un peu plus franc, c'est en effet amusant d'imaginer le jeune Buckler fondre en larmes en les séparant. Cette déclaration lui fait extrêmement plaisir et cela se perçoit dans son sourire, mais cela n'efface en rien l'inquiétude qui lui ronge le cœur du sacrifice qu'il ferait, pour elle plus que pour le royaume.
Son comportement change du tout au tout, il souriait d'un air attendri, désormais, il se fait féroce et l'abandonne au milieu de la grande-salle. Elle ne fait rien d'autre que de l'observer tourner comme un lion en cage. Argella ne réagit pas, que dire, si ce n'est qu'elle pense la même chose ? Mais jamais, ils n'avaient abordé le sujet de leurs sentiments respectifs. La princesse est partagée entre la joie de l'entendre dire qu'elle sera la seule et le fait qu'ils seront indubitablement séparés par leurs mariages à venir.
Souffre-t-il ? Difficile à dire sous toute cette colère, une chose est certaine, elle souhaite l'apaiser. Hors, elle ne réagit toujours pas, consciente qu'il doit trouver un exutoire et comme elle le pressentait, il finit par se calmer. Après avoir cogné une colonne, qui aurait pu lui briser la main. Il n'est pas le premier homme furieux qu'elle croise, ils sont légions dans le royaume et pour avoir eu affaire, plus d'une fois, à son père enragé, elle sait qu'il est inutile de chercher à s'interposer.
« Nous l'avons toujours su, nous n'avons jamais été maîtres de notre destin, c'est le triste sort des héritiers, certains s'en accomodent mieux que d'autres. » Il peut encore choisir sa future femme, et elle le lui souhaite, tandis qu'elle n'a plus d'autres choix que d'accepter sa prochaine union. Elle aurait pu se rebiffer, si la guerre n'avait pas pénétré ses terres, si elle n'avait pas eu besoin du soutien de Dorne. Aujourd'hui, elle est résignée à accomplir son devoir et offrir un avenir à son royaume en donnant un héritier. La princesse aspire pourtant à bien d'autres choses.
« Je peux choisir ta femme aussi. Je connais toutes les dames de l'orage et je suis la mieux placée pour savoir qui te rendra heureux. » Sauf elle, qui ne peut s'empêcher de se demander si les choses auraient été différentes, si elle n'avait pas remporté le tournoi à ses 17 ans. Son père aurait-il alors accepté qu'elle épouse un noble de l'orage ? Plutôt que de chercher ce qu'il y aurait de meilleur pour elle, à travers Westeros. Aurait-elle pu épouser Karnal ? Sans aucun doute, il est l'un des rares à comprendre qu'elle est bien plus qu'une princesse ordinaire et la soutien.
Elle avait discuté avec son père une fois, elle lui avait demandé de but en blanc, s'il accepterait qu'elle épouse l'héritier Buckler. La réponse avait fusé, négative, pour la simple et bonne raison qu'ils sont trop similaires, il prétendait qu'elle n'avait pas besoin de lui. Le Roi n'était pas dupe, savait très bien que les deux jeunes adolescents se portaient une affection toute particulière et n'avait jamais tenté de les séparer, il s'était contenté de rester ferme sur le fait qu'elle ne deviendrait pas lady Buckler. Argella n'avait plus jamais abordé le sujet, de peur qu'il les empêche de se revoir si elle insistait.
Elle se décide enfin à l'approcher de nouveau, prend le visage du Buckler entre ses mains et le force à la regarder droit dans les yeux. « J'ai l'impression que tu me fais tes adieux Karnal et je ne l'accepte pas. Depuis quand est-ce que tu te laisses abattre ? Ce ne sont pas des mariages qui nous sépareront, d'autant que je ne pars pas à Dorne, il est très clair que je serais la reine de l'orage et princesse de Dorne, mon premier fils sera un Durrandon et héritier du royaume, ma vie est ici, tu m'entends ? » Elle est furieuse, autoritaire, terrifiée aussi, parce qu'il ne peut pas la quitter.
« A moins que ton choix sera d'être fidèle à ta femme, je ne m'effacerais pas aussi facilement le Martel. Je ne me fais pas d'illusion concernant le Dornien, je ne le connais pas, mais je suis prête à mettre ma main au feu qu'il ne souhaite pas plus que moi notre union, espérer qu'il me soit fidèle serait une erreur de ma part, il n'aura aucune raison de réclamer la mienne et ce n'est pas ce que j'attendrais de mon mariage. »
La princesse n'est pas la fille du roi et de la reine pour rien, elle les a vu se détruire mutuellement. Ils s'aimaient, c'est une certitude, peut-être s'aiment-ils encore, mais ils n'ont pas su trouver un terrain d'entente. Elle a toujours fermé les yeux sur les infidélités de ses parents et Argella n'est pas prête de commettre les mêmes erreurs qu'eux. Sa vision du mariage ne ressemble en rien à celles des jouvencelles qui rêvent d'amour.
« Cela fait des années que ça dure. Nous avons toujours réussi à nous retrouver sans être démasqués ou éveiller quelconque soupçons. Qu'est-ce qui nous empêcherait de continuer ? Mes fiançailles te rendent-ils la situation moins facile à supporter ? »
Elle en demande peut-être trop au guerrier. Elle sacrifie déjà beaucoup en se résignant à épouser un dornien, elle n'est pas prête à tout sacrifier non plus. Pourtant, il a aussi son mot à dire dans cette histoire. Et elle ? Supportera-t-elle de le voir avec sa femme ? Sera-t-elle capable de jouer la comédie de l'indifférence face à cette future lady Buckler ? Karnal et Argella ne se sont jamais jurés fidélité, pour autant, elle ne l'a jamais vu accompagné d'une autre femme et elle a toujours fait attention d'en faire de même.
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Lun 9 Mai - 22:21
Les idées se bousculaient et se contredisaient dans son esprit. Comme à l’habitude lorsqu’il était question d’Argella, rien n’était jamais vraiment très clair. Hormis le fait qu’il l’aimait. Ce n’était pas un amour passionnel, le genre de transports éphémères et violents, qui bien trop souvent détruisent ceux qui en sont épris. C’était un sentiment d’affection profonde et sincère, teintée d’un respect et d’une dévotion sans failles. L’amour que Karnal portait à Argella était celui d’un homme qui connaissait déjà tout sur la Princesse, qui aurait su mimer n’importe laquelle de ses réactions dans les moindres détails et qui avait su trouver la quiétude et la force à travers lui.
Une nouvelle fois, il écouta les paroles d’Argella. Celles-ci résonnèrent dans sa tête, comme un écho continu. Elles s’imprimaient dans son cerveau en même temps qu’il les entendait, gravant dans sa mémoire chacun des mots que la Princesse prononçait. Tout ce qu’elle lui disait en ce moment était teinté d’une authenticité et d’une sincérité que le ton de sa voix ne pouvait pas masquer. Et comme à son habitude, il se contenta du silence en guise de réponse.
L’héritière de l’Orage savait parfaitement comment interpréter un tel silence. Karnal était de ceux qui ne parlent pas pour ne rien dire, et qui éprouvent parfois certaines difficultés à faire coïncider l’émotion du cœur et l’expression des lèvres. Qu’il ait entrepris de lui confier ces quelques paroles était déjà un gage de sincérité rare, autant que le signe d’un profond tracas qu’il n’arrivait manifestement pas à contenir. Et Argella le savait ; elle le connaissait mieux que quiconque.
L’homme sembla chercher quelque chose du regard, dans le vide, puis, comme s’il revenait à la réalité, esquissa un sourire à sa dame, en même temps qu’il la contempla à nouveau.
[Karnal] – Oui, tu as raison. Pardonne-moi. Rien ne changera, je te le promets. Mais par pitié, ne choisit pas ma future épouse. Je crains que tu ne profitte de l’occasion pour me faire un cadeau empoisonné. Quoi ? Tu t’arrangerais pour que la promise ne te fasse pas trop d’ombre j’imagine, non ?
Sur ces derniers mots, Karnal sourit et retrouva son humour. C’était bon signe. Il déposa un baiser sur le front d’Argella, en même temps qu’il posa ses deux mains sur ses épaules. Celles-ci n’étaient pas chétives, comme celles des demoiselles larmoyantes des cours princières, mais subtilement musclées et gracieuses, comme le reste de sa silhouette athlétique. Argella était belle. Il se le répétait à chaque fois qu’il la regardait, comme s’il la découvrait de nouveau à chaque instant. D’une pensée, il balaya ce sujet qu’il ne comptait pas ré-aborder de si tôt et prit une profonde respiration.
[Karnal] – Des nouvelles de l’extérieur ? A-t-on retrouvé une bonne âme qui daigne aller espionner le camp d’en face ? L’on m’a dit que depuis le retour à l’envoyeur de la fois dernière, aucun homme de la garnison ne souhaitait plus se dévouer à ce rôle. Y compris sous l’appât d’une belle solde. Il faut dire qu’ils nous l’avaient rendu en sale état. Plus d’oreilles, les yeux crevés, et à poil de surcroit, histoire que l’on puisse bien lire ce qu’ils lui avaient scarifiés sur le torse. « Voilà notre prix à nous », qu’ils avaient « écrit ». Sans doute que ce pauvre bougre avait avoué combien on lui avait promis pour tenter l’infiltration…
L’héritier marqua une courte pause, puis reprit.
[Karnal] – La garde de la ville se motive de nouveau. Les entraînements quotidiens leur donnent foi en leur capacité à protéger Accalmie. J’ai de l’admiration pour ces gens. Fils de paysans, de marchands, quelques mendiants même. C’est peut-être la seule chose qu’il y a de beau dans la guerre. Elle aplanit les différences. Devant la mort, le palefrenier éprouve la même meurt que le seigneur de Maison. En l’affrontant, il puise dans le même courage. C’est le sentiment de fraternité qui soude une armée. Jour après jour, je le sens s’installer chez nous. Si l’immondice du Roi Noir veut franchir ces murs, il rencontrera de la résistance.
L’homme inspecta les callosités de ses mains, en même temps qu’il semblait songeur. Il s’interrompit quelques secondes avant de continuer.
[Karnal] – La nuit, je rêver du moment où je briserai son crâne. Pas de mon marteau, mais entre mes mains, ou entre deux pierres, en sommant chacun des hommes de cette cité de sauter à pieds joints dessus jusqu’à lui fendre la tête en deux. Je ne me fais pas d’illusions Argella. Je suis un homme réaliste. Mon père ne reviendra pas. Et je jure par les Sept qu’il sera vengé. Je tuerai Joren. Je le tuerai, et je le ferai souffrir. Il implorera, et je lui sourirai au visage.
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Ven 13 Mai - 21:09
Argella n'accepte pas facilement la défaite, elle se bat pour son avenir, pour ses convictions, pour le royaume qui sera le sien. Entre son royaume et son avenir, elle a dû faire un choix, son royaume. Et pour cela, elle doit épouser un inconnu de Dorne, cela ne signifie pas qu'elle doit faire l'impasse sur tout ce qui la rend heureuse. Karnal ne répond pas totalement à ses questions, mais elle n'insiste pas. S'il n'est pas l'homme le plus loquace de l'orage, elle sait qu'il ne parle pas pour mentir. Rien ne changera, ce sera ainsi et c'est tout ce dont elle a besoin de savoir.
« Alors nous sommes d'accord. Quant à ta prochaine femme, je ne suis pas si harpie que cela que je sache, je ne veux que ton bonheur. » D'accord, en y réfléchissant bien, elle aurait sûrement trouvé une tare à cette femme, elle n'en aurait pas moins réfléchi à la façon dont elle aurait pu satisfaire Karnal, tant que ça n'évince pas totalement la princesse de son cœur. Après le furtif baiser de son amant sur le front, le sourire d'Argella s'élargit, mais elle ne se laisse pas aller à son impulsion qui serait de lui rendre son baiser à un autre endroit, ce n'est ni le lieu, ni le moment. La grande salle est trop exposée au regard des autres, leur relation ne serait pas secrète s'ils s'étaient montrés trop impulsifs par le passé.
« Je refuse que l'on envoie quelqu'un d'autre espionner l'ennemi et j'aurais refusé la première fois si les conseillers avaient daigné m'en avertir. Sombres idiots qu'ils sont, ils sous estiment beaucoup trop le prince Hoare. » La princesse lève les yeux au ciel, excédée par les conseillers de son père qui persistent à ne pas reconnaître l'autorité de la princesse, pour la simple raison qu'elle est femme. Ils ne font que la convaincre d'avantage de faire autant ses preuves qu'un prince, quand comprendront-ils qu'elle n'abdiquera jamais face à eux ? Quand cesseront-ils d'en faire qu'à leur tête et de prendre son avis en compte ?
Il n'y a pas besoin d'espion pour comprendre ce qu'attend le prince. Il sait parfaitement que leur réserve ne durera pas éternellement, elle s'amoindrira même beaucoup plus vite avec l'arrivée des renforts. Ils seront bien obligés de sortir lorsqu'ils n'auront plus de quoi alimenter les gens d'Accalmie, il n'aura qu'à les exécuter un par un par cette maudite et unique sortie de la forteresse. Elle ne peut pas compter sur le conseil royal pour les sortir de là et elle leur a bien fait comprendre la veille, soit ils se plient à ses décisions, soit elle les jette en pâture à l'ennemie.
Fâchée après le conseil, elle ne comprend pas tout de suite où veut en venir l'héritier Buckler en faisant mention des soldats. Jusqu'à ce qu'un sourire ourle les lèvres de la princesse, il parle avec dévotion des soldats mobilisés pour cette guerre, la plupart sans expérience, mais tous ont un point commun, aucun ne souhaite mourir, ni même rester emprisonné éternellement. « Tes paroles sont sages, comme quoi tu n'en es pas dénué. Je pense aussi que tu sais motiver les troupes. » Un regard d'elle et il pourra comprendre qu'elle n'acceptera aucune modestie de sa part. Ce sont aussi les entraînements qu'il leur fait exécuter qui poussent les hommes à avoir d'avantage confiance en leurs capacités.
La princesse reste ensuite silencieuse à la suite de ses propos, retient à grand-peine une grimace contrite. Elle ne s'effarouche pas de la brutalité de ses mots, de ce qu'il envisage de faire au prince, elle a déjà été témoin de choses bien pires. Les souvenirs de sa première véritable bataille, contre Joren, sont encore vivaces dans son esprit et ce qu'elle a vu, l'aurait brisé si elle n'y avait pas déjà été préparée. Il y a donc peu de choses qui peuvent la choquer.
Suite sous hide
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé] Sam 21 Mai - 14:10
Durant quelques minutes, Karnal s’était laissé aller à la manifestation d’une tendresse et d’une fragilité dont il n’était pas coutumier. Même ses paroles les plus dures et les plus crues manquaient de cette retenue qui le caractérisait. L’homme écouta les réponses de la Princesse. Elle avait toujours les mots pour le rassurer.
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Sujet: Re: Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé]
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Mains de velours et gantelets de fer [Tour III - terminé]