L'indifférence est le pire des mépris. C'était ce que ma mère me disait souvent lorsque, à des yeux, je m’emportais trop pour des broutilles. L'indifférence, ma fille, voilà ce qui devait être ta réponse. Jusqu'à aujourd'hui je ne l'avais pas cru. Jusqu'à aujourd'hui je n'étais pas d'accord avec elle. Mieux vaut tard que jamais non ? L'indifférence, voilà ce que j'offrais à cette ville de traître. Même du ciel je les avais entendu hurler de peur, de douleur surtout. Meraxes était impitoyable une fois lancée dans un combat. Elle avait tué avec ses crocs, des griffes et son feu ardent. Elle ne leur avait laissé aucune chance et c'était ce que j'avais attendu d'elle. Nous avons tué, détruit, brûlé. Une pluie de cendres volait autour de nous, brassée par ses ailes puissantes. Elle pousse un dernier cri terrifiant alors que je lui demande d'arrêter son massacre et de se poser. Il ne restait, de toute façon, plus grand chose. Un drapeau avait été levé côté empire, signal que je devais suivre. Je n'étais pas la cheffe de guerre. J'étais une guerrière, une exécutante qui suivait les ordres qu'on lui donnait. Je connaissais mes forces et mes faiblesses. Mon époux avait beau m'avoir trahi de la pire des manières possibles, je suivais son plan. Parce que j'étais l'impératrice. Parce que c'était mon devoir, mon rôle.

Meraxes est sale. Elle est couverte de suie et de sang. Je suis à son image, éclaboussée par l'hémoglobine des fous qui sont restés à sa portée. À ce liquide, s'étaient mêlés ce qui reste des bâtiments et des habitants de la ville. Cela m'indiffère au plus haut point. Ce n'est pas la première fois. Ce ne sera pas la dernière. Nous avions frappé fort et les autres royaumes allaient réapprendre à craindre l'héritage des Valyriens qui coulaient dans mes veines, celle de mon valonqar et de mes enfants. Ils avaient oublié et ils en payaient le prix. Tant pis pour eux. Cela n'avait pas été faute de les mettre en garde. D'abord le Bief et son usurpateur de roi, ensuite, ce qui restera du Conflans et enfin l'Ouest. Je voulais voir les Lannister brûler, tous les Lannister. Désormais je n'avais plus à me soucier de ce qu'en pensait Torrhen. Il avait fait ses choix et je ferai les miens. J'avais déjà sauvé une fois sa fille. Je ne referai plus la même erreur. Oh non plus jamais.

Ma sœur soulève de la terre en touchant terre. Elle hurle une fois de plus, mettant au défi tous ceux qui oseraient s'approcher d'elle. Elle est encore fébrile de ce sang qui a tant coulé et en redemande. Je descends et prends le temps de calmer son ardeur, sa soif, avant de l'envoyer chasser. Elle a fait du bon travail et je suis fière d'elle. C'est ce que je lui dis dans notre langue natale. Je la regarde s'éloigner avant de rejoindre les gardes qui m'attendent plus loin. Je marche plusieurs minutes avant de prendre les rennes de Tempête et les suivre au galop. Nous nous sommes posées assez loin de la ville. Plus près, elle aurait sans aucun doute voulu attaquer les humains non loin. Je laisse ma garde ouvrir la voie. À vive allure nous ne mettons pas vraiment beaucoup de temps bien que cela me paraisse trop. Je n'ai plus l'habitude d'être sur un cheval. Tempête est toujours aussi magnifique et vive mais je ne suis plus vraiment sa cavalière. Elle est désormais bien plus souvent au service de Torrhen qui fait honneur à son potentiel et pédigrée. Son crin blanc de couvre légèrement de gris, de noir et de rouge, sans doute à l'image de mes cheveux. Son pas ralentit à mesure que ceux des étalons devant nous le font. Nous ne sommes pas encore arrivés à destination mais Il est venu à notre rencontre. Il y a encore quelques semaines j'aurais été ravie de cela. Là, ce n'était plus le cas. Mes mains se resserrent autour des rennes alors que mon escorte se réorganise, ou plutôt notre escorte. Au pas, nous nous remettons en route puisque je n'avais pas posé pied à terre. Il se tient à côté de moi, symbole sans doute fort pour l'empire. Il est aussi couvert de cendres, s'étant tenu à côté de la ville en flammes. Quel est le bilan ? Lui demandais je pour briser ce silence. Je sais qu'il sera lourd. Ils ne se sont pas rendus aussi vite qu'il l'avait pensé. Pour lui, un simple passage de Meraxes suffirait. Oui le monde avait oublié combien elle était cruelle et terrible pour ne pas avoir rendu plus tôt les armes.

Bien. Un mot, simple mais qui en disait long. Je n'avais rien à répondre de plus sur ce point là. Ils avaient joué, ils avaient trahis, ils en payaient le prix. Ils pensaient sans nul doute que nous allions faire preuve de clémence. Nous ne l'avions que trop fait au point où ils ne nous craignaient plus. J'avais voulu une paix plus douce que celle que désirait Aegon. Il avait eu raison, dès le départ. Rassembler par la peur était bien plus efficace que par le cœur. J'en avais que trop fait les frais. La liste de ceux tombés à cause de mon inclinaison à épargner était désormais bien trop longue. La paix ne pouvait pas se passer de morts et de sang. J'avais décidé que désormais la cendre viendrait de nos ennemis et non de mes propres rangs. Pas de pitié, pas de quartier. Je les éliminerai tous, même si je dois y laisser la vie. Que cette ville brûle et continue d'emporter ses habitants. Ils avaient été maître de leur propre destin et avaient choisir de péril ainsi. Un noble n'est rien s'il n'est pas suivi. Le peuple n'avait pas ouvert les portes. Il ne s'était pas rebellé contre la trahison de leur suzerain. Il était, tout aussi coupable, si ce n'était plus. Il avait la force de dire non mais il ne l'avait pas fait. Alors qu'il brûle. Qu'il hurle. Qu'il pleure. Je n'en avais cure. Au contraire, cela était réjouissant. Que nos hommes ne l'éteignent pas, même si toute la ville doit y passer. Qu'ils se débrouillent de sauver leur foyer s'ils en étaient capable. Ce n'était pas à nos troupes de le faire à leur place. Nous avions tendu que trop souvent une main que l'on voulait voir couper. Faible, nous l'avions été. Faibles, ils étaient désormais. Qu'avez-vous décidé pour leur famille ? Le message devait être fort, plus fort encore que précédemment. Que leurs membres connaissent tous le même sort. La terreur sera notre plus fidèle allié. L'Usurpateur s'en servira oui et ? Et rien du tout. Je me fichais bien de ce qu'il pouvait dire sur nous puisqu'il n'avait que cela comme arme : répandre des ragots, des rumeurs et faire douter. Nous devions prendre justement les devants et revendiquer nos actes, sans  aucune honte. Nous lui couperions l'herbe sous le pied en faisait cela.

Je sens le regard du Nordien sur moi mais je ne le regarde pas. Je ne tourne pas la tête vers lui. Mes yeux se fixent sur un point au loin devant moi. Je n'oublies pas. Je n'oublie pas cette colère que je ressens à son égard, cette trahison dont lui même à fait preuve à mon égard, mais surtout à l'égard d'Aeden et Athynea. Il avait pris le parti de les mettre en danger pour une aventure de quelques mois. Il avait pris le parti d'ébranler leur future autorité et position pour assouvir ses désirs d'enfants. Non heureux que je ne lui serves plus de ventre à remplir, il l'avait fait auprès de sa maîtresse, tout aussi manipulatrice et traîtresse que lui. J'avais désormais pris ma décision concernant l'avenir de MES enfants. Je les protégerais à tout prix. J'avais encore quelques points à affiner mais je savais désormais ce que je devais faire. Il me demande comment je vais mais je ne lui retourne pas la question ni ne répond. Cela ne le regarde plus. J'ai reçu une lettre de Jaenyra Valtigar. Mais j'imagine que vous êtes déjà au courant. Elle sous-entend une alliance avec son père et son frère encore vivant. Maegor m'avait déjà fait une demande par le passé : ma main et une alliance solide pour régner sur Westeros Je ne lui en avais pas parlé à l'époque. Seul Orys avait été mis dans la confidence. Je n'avais pas voulu, à l'époque froisser ou ébranler mon époux. Maintenant ? Cela n'avait plus d'importance.

La ville ne comptait pas. Argella sera sans nul doute furieuse, mais j’affronterai cela plus tard. Je ne la reconstruirai pas. Je ne financerai pas non plus les réparations. Les innocents, il n’y en avait pas. Ils étaient tout aussi coupables, coupables de passivité, coupables de ne pas avoir réagi, coupables de les avoir laisser faire. Que ce soient les femmes, les fils, les filles, les enfants. Je n’avais aucune pitié, aucune considération pour eux. Ils avaient décidé de leur sort et de leur destin. Ils avaient décidé de laisser s'abattre sur eux le feu, le sang et la cendre.

Je n’étais pas la responsable. Je n’avais fait que réagir à leurs prises de décisions. Je ne ressentais aucun scrupule, aucun remords. La lignée doit s’arrêter et la ville confiée à un loyal d’Argella. Pour le reste, je n’avais aucune autre exigence. Le Lord en place devait voir son nom s’éteindre et n’être connu dans l’histoire que comme un félon. En attendant, nous continuons de chevaucher et je lui parle de Dorne. Je ne veux pas évoquer autre chose avec lui que la politique. Il ne mérite rien de plus venant de ma part. Il évoque mon frère mais je le laisse finir avant de prendre à mon tour la parole. Orys y voyait un moyen de nous épargner un front. Cependant il n’est pas envisageable de négocier ce qui ne l’est pas. Les Valtigar ne sont pas fiables et nul doute qu’ils tentent un rapprochement parce qu’ils ont perdu un atout majeur. Versatiles, comme le sont les dirigeants de l’Ouest. L’opinion de la Princesse de Dorne et de Roward Martell devront primer, puisqu’ils sont les principaux concernés. Pour le reste, je gardais bien mon avis pour moi même. Je l’avais bien lu sur les missives, le collège se fichait bien de ce que je pouvais désirer ou penser. Je n’étais, à leur yeux, qu’une arme. Même Lyham, le premier a avoir ployé le genou, non pas devant Torrhen mais moi même n’avait plus aucune considération pour ma personne. Jeyne avait tissé sa toile avec grand soin, toile renforcé par son frère et son père qu’elle avait pourtant trahi à plusieurs reprises. La Meute restera une meute, peu importe s’ils se mangent entre eux. Et, je n’y avais jamais eu ma place contrairement à ce qu’ils avaient voulu me faire croire, ou espérer. Athynea et Aeden non plus. La meute se fichait complètement de nous. Soit. Je leur rendrai la pareille. Mes enfants seront dragons comme je le suis et je les protégerais de tout et de tous. J’avais lamentablement échoué quand au fait de leur offrir une famille unie et soudée. Nous formerons, tous les trois, cette unité que je désirais pour eux, et le reste, je leur apprendrais à se méfier, se prémunir, et à ne pas se faire manipuler naïvement, comme cela était arrivé avec moi.

Une fois de plus, je sens son regard sur moi, mais je ne daigne pas lui offrir le mien. Mes yeux restent fixés sur l’horizon devant nous. Ce qui a été cassé ne saurait être réparé. Ce qui a été brisé ne saurait être recollé. Je lâche un ricanement que je ne peux retenir quand il affirme que je suis impératrice et cheffe. Comme si. Je ne suis l’impératrice de rien, la cheffe de guerre de personne. Le collège avait été très clair sur ce point. Leur traitement en avait été la preuve la plus flagrante. On pouvait me traîner dans la boue, on pouvait attenter à ma vie, pire, à la vie des héritiers de l’Empire, cela les rendait indifférents. Je n’étais pas une louve. Mes enfants n’étaient qu’à moitié Nordiens donc sans importance. Jeyne avait très bien placé ses pions sur l'échiquier, je pouvais lui reconnaître cela.  

Je ne réponds pas à son interrogation. Je n’ai pas la réponse et même si je l’avais, je n’ai pas à la partager avec lui. Il a perdu ce droit, ce privilège là. Et, je devais assumer les mauvais choix que j’avais fait, comme je le faisais actuellement. Contrairement à ce qu’il disait, si, si il était désormais trop tard. Le Dragon ne me regarde que moi et moi seule. lui dis-je sans plus de détails. Puis j’ajoutais, concernant la suite Je suivrais les ordres comme je l’ai toujours fait. Indépendamment de ce que tu as… "abimé" pour reprendre tes termes. Tu es le chef de guerre et je suis une exécutante. Je connais mon rôle et ma place. Parce que je n’étais rien de plus que cela à leur yeux à tous. Et encore, j’avais ce role là parce que Meraxes l’avait accepté comme sa sœur. Sans elle, j’aurais été une simple décoration, une plante que l’on met en avant quand il y a besoin, et que l’on bouge ensuite dans un coin quand elle n’est pas utile. Et j’avais beau être dans une colère monstre envers l’homme, je continuerai à écouter ses directives militaires et suivre ses plans. Je continuerai à préserver sa vie et celles de chaque homme sous nos ordres. J’en avais fait la promesse… Et j’étais femme à tenir mes engagements.