Souvenir d'un enfant aventurier
sur des monts hivernaux

Le temps passe d’une lenteur extrême au camp, l’ambiance devenant de plus en plus maussade au fil des jours, semaines. La majorité des soldats commencent à sérieusement trouver le temps long, scandant que leur compagne ou leur famille leur manque. L’ennui accapare nos pensées dès lors que la nuit tombe. Ceux qui ne sont point de garde retournent dans leur tente ou s'attroupent autour d’un feu de camp afin d’écouter les histoires de tout un chacun. Il y a peu, je me suis remémoré des souvenirs d’enfance avec Gaudias Brax et Leandro Hill, deux hommes avec qui j’ai grandi lors de mon éducation auprès du Seigneur Herley. Nous nous étions conté nos conneries d’antan, nos disputes et surtout nos aventures improvisées. Mais à vrai dire, il n’y en a qu’une qui m’a réellement marqué, celle d’une nuit enneigée où la lune avait disparu derrière les nuages assombris.

Tout avait commencé en fin d’après-midi, alors que notre entraînement d’équitation avait pris fin. Nous étions libres avant le souper et Leandro souhaitait nous montrer un endroit impressionnant d’après lui. Le problème étant que nous étions chaperonnés à l’époque par un garde, et nous avions interdiction de quitter le domaine de Corval. Étant jeunes et insouciants, nous l’avons fait tourner en bourrique avant de nous enfuir, la neige crépitant sous nos pas de course et nos capes volant derrière nous. Nous avons alors découvert une petite cascade, où l’eau du bassin n’avait pas encore gelé. Pour passer le temps, nous avions jouer au voleur et au garde, balançant des boules de neige au voleur et vise-versa, sautillant au-dessus des cours d’eau afin d’échapper au garde, nous bataillant avec des bouts de bois, jusqu’à ce que le ciel s'assombrisse. Nous étions clairement conscient que nous risquions de nous faire disputer par le Seigneur Herley, mais pour nous cela en avait valu la chandelle.

Ce n’est que lorsque nous étions sur le chemin du retour que les problèmes nous sont tombés dessus. Un loup nous épiait. Tétanisés par notre vision, nous nous sommes agglutinés, cachés derrière Gaudias qui n’était pas en reste, mais avait encore en sa possession un bâton. Alors que notre ami a tenté de le faire fuir avec sa voix, il a fini par faire un geste brusque qui a déclenché l’agressivité de l’animal. D’une rapidité impressionnante, il a saisi la main de Gaudias qui avait lâché son arme, tirant dessus comme un forcené. Nos cris ont alors percés la sérénité des bois plongeant peu à peu dans l’obscurité. Avec Leandro nous avons balancé une multitude de boules de neige afin que la bête lâche notre ami. Ce qu’il finit par faire, laissant Gaudias trébucher dans la poudre blanche en gémissant, la main ensanglantée. Nous l’avions ensuite relevé avant de tenter de nous enfuir.

Nos pas lourds s’enfonçaient dans la neige, nos corps s’affaiblissant de plus en plus par l’effort que l’on fournissait. Des hurlements de loup nous terrorisaient, alors que le froid nous mordait. Perdus, nous ne savions plus quelle direction prendre, la lune étant camouflée par les cotons des cieux. Nous ne faisions alors qu’avancer en espérant trouver quelque chose pour nous abriter. Jusqu’à ce que nous repérions une chaumière aux fenêtres illuminées. La lumière nourrissant nos espoirs, nous avons accourus jusqu’à elle, tapant à de nombreuses reprises contre le bois de la porte en hurlant à l’aide. Un vieil homme nous a alors ouvert, surprit que l’on vienne toquer à sa porte à une heure pareille, autant que des enfants nobles se retrouvent à sa porte.

Il nous a gentiment fait rentrer, et donné de quoi se réchauffer. Un bol de soupe aux champignons dans nos mains, autour du feu de cheminée qui apaisait nos peaux rougies par le froid. Le courageux Gaudias s’est vu bandé la main alors qu’il grimaçait au cataplasme sur sa plaie. Ce vieil homme n’était d’ailleurs point seul, sa compagne gisait dans son lit, affaibli par le temps et la météo. Pourtant, elle eut encore la force de nous sourire et de nous conter une histoire avant que nous ne nous endormions auprès d’elle.

Je me rappelle encore ses mots alors que nous allions partir le lendemain : “Soyez bons les uns envers les autres, mes petits. La bonté vous attirera les bonnes grâces des Dieux et vous apaisera l’esprit. Soyez comme la neige, un bouclier pour vos êtres chers. Pur, authentique et beau. Il y a suffisamment de souffrance en ce monde pour en créer à nouveau. Que les Sept soient avec vous.” Son compagnon nous a ensuite ramené au domaine de Corval, où le Seigneur Herley s’était montré fou de rage, nous coltinant un bon mois au nettoyage des écuries. Mais ce n’est en réalité point cela qui nous aura servi de leçon, mais toute cette aventure, cette expérience qui nous aura forgé. Comme l’a dit cette vieille dame qui nous quitté peu après notre rencontre, chacun de nous ressemble à un flocon de neige, fragile, éphémère. Mais si chaque flocon de neige s’unissent les uns aux autres, nous formons un bouclier pour ce que nous protégeons.