L'angoisse n'avait eu de cesse d'augmenter au cours des dernières heures, des derniers jours, alors que toutes les informations qu'elle parvenait à recevoir au sujet de la situation du royaume, ne respiraient nullement la joie de vivre. Le peuple n'en pouvait plus, les soldats avaient du mal encore à croire à une victoire et elle était parfaitement consciente que tout le monde n'était plus aussi prêt à accepter de continuer les combats, alors que le Bief avait réussi à mettre la main sur les personnalités de la maison royale. Une partie de la noblesse et donc une partie de la population de l'Orage avait accepté de plier le genou face à l'envahisseur. La question était maintenant de savoir s'ils étaient prêts à repartir à la reconquête du territoire pour le Bief ou si c'était un moyen de retrouver une certaine tranquillité en attendant que le vent vienne à tourner à nouveau. Dans tous les cas, la démobilisation était inquiétante. Mina savait qu'Argella Durrandon était décriée par certains, il fallait dire qu'elle avait eu parfois une gestion du pouvoir et une mise en action de ces décisions qui laissaient potentiellement une ouverture à la critique. Le poids de la couronne est une charge lourde à porter, quand elle ne devenait pas un fardeau trop important dans certaines situations. Néanmoins, personne ne pouvait dire qu'elle avait relâché sa vigilance, ou sa volonté d'accomplir de grandes choses pour l'Orage, et par extension pour l'Empire. Elle ne doutait pas qu'elle avait dû se battre avec acharnement, jusqu'à ce qu'elle soit malheureusement, capturée par l'ennemi et son époux avec. Au moins, il y avait eu quand même quelques avancées, le blocus maritime devant la haute forteresse d'Accalmie n'était plus pour le moment, et la possibilité pour l'Empire de rejoindre la capitale était une bonne nouvelle, une victoire qu'il fallait apprécier malgré tout, même si elle semblait bien mince face à l'immensité des choses qu'il faudrait accomplir pour pouvoir reprendre l'ensemble du territoire et y faire à nouveau adhérer l'ensemble de la population.

Retrouver Accalmie venait à réveiller de nombreuses choses chez la jeune Lady de l'Orage. La capitale du royaume avait été le lieu de sa rencontre avec Argella Durrandon, et après cet instant-là, une toute autre aventure avait commencé pour elle. Depuis qu'elle avait posé les pieds à Accalmie, il y a de cela presque une éternité maintenant, elle n'avait plus jamais eu l'occasion de rentrer à Pierheaume, de réellement avoir la possibilité de gérer les terres de son défunt époux, et d'une certaine façon, elle avait renoncé à retrouver une vie là-bas. Ce n'était pas pour autant qu'elle ne pensait pas aux terres de la maison Swann, et qu'elle ne faisait pas en sorte de se battre pour elles, et pour leur sauvegarde, autant au nom de son fils, qui serait un jour voué à jouer son rôle de Lord de Pierheaume, que des personnes qu'elle avait rencontré et qui l'avaient accueilli, alors qu'elle avait tout quitté pour pouvoir unir son destin à celui de Béric Swann. Pour l'heure, c'était le royaume tout entier qu'il fallait sauver et même si elle n'était nullement maîtresse en la demeure, elle s'était permise d'organiser une rencontre au sommet, entre les impériaux qui pouvaient se rendre disponible, sachant pertinemment que Torrhen serait au moins présent, et de jouer la passerelle avec Lord Connington, qui avait tenu Accalmie mais qui était aussi l'héritier désigné par Argella si la situation s'aggravait et c'était le cas actuellement. Une salle avait été mise à disposition, de quoi manger et boire avaient été apportés, ne sachant pas combien de temps ils resteraient ensemble pour discuter. De plus, Mina ne voulait pas qu'ils soient dérangés pendant la discussion ou qu'ils puissent y avoir des yeux et des oreilles indiscrètes.

Le royaume de l'Orage était à genou et Accalmie avait manqué de peu d'y passer aussi. La délivrance complète de l'ennemi était encore loin, parler de reconquête était un mot que beaucoup espérait entendre mais qui semblait plus tenir de l'utopie que d'une réalité rapide à laquelle parvenir. Alors la reconstruction du royaume, cela n'arriverait sans doute pas avant une éternité. La capitale avait beau être debout, elle ne servirait pas à grand chose si l'Orage n'arrivait pas à se relever de tout ça, elle ne serait qu'une position comme une autre, sur un territoire entièrement désolé et parmi une population pratiquement décimée jusqu'à sa totalité. La forteresse était si épaisse et si hautement placée, qu'elle pouvait en effet tenir des jours, des semaines et sans doute, des mois face à l'ennemi, tant qu'il y avait au moins un moyen de la ravitailler, mais elle aurait nécessairement perdue toute sa splendeur et également son intérêt si le reste n'était plus que ruine. L'endroit n'était pas agréable pour le couple impérial, même si elle n'avait pas eu l'occasion d'en reparler avec eux depuis les tragiques événements qui s'étaient déroulés ici au cours de leur dernier voyage au sein de la capitale. Il fallait bien avouer que l'endroit, déjà à l'époque, n'était pas un cage de sécurité plein et entier, et que l'ennemi s'était déjà introduit ici pour tenter de nuire à l'Empire de la plus horrible des façons. Elle n'avait jamais réussi à oublier la dernière fois qu'elle avait eu l'occasion de contempler le visage souriant de Yesaminda, celle qu'elle découvrait à peine comme femme, autant que comme belle-sœur. Quand elles s'étaient quittées, Mina n'avait jamais imaginé qu'un tel drame pourrait se passer. C'était sûrement par naïveté, mais elle n'avait jamais vu Accalmie comme un lieu où elle risquait son existence. Et pourtant, de nombreuses personnes avaient perdu la vie pour pouvoir sauver les jumeaux impériaux, et par les Sept, l'action n'avait pas abouti et les enfants étaient toujours en vie, laissant à ces petits une chance de mener leur existence, une existence qui était déjà fort compliqué, par le principe même de survivre aux premières années infantiles qui faisaient toujours leur lot de victime, mais aussi parce qu'au vu de leur statut, ils étaient une cible privilégiée.

Pour autant, malgré le tragique événement, elle ne pouvait s'empêcher aujourd'hui de voir Accalmie comme une poche de résistance, comme un sanctuaire aujourd'hui de ce qu'il pouvait rester de l'Orage. Les hommes avaient résisté, bon gré, mal gré sans doute, mais ils avaient tenu et même si Connington avait connu des problèmes personnels avec ses propres terres, il n'avait pas abandonné son poste, il n'avait pas failli à sa tâche et Mina ne pouvait en être que reconnaissante pour cela. Quand il fit son entrée, elle s'inclina devant lui avec un doux sourire au visage, mais encore plus avec un respectueux sourire envers lui. Elle secoua doucement la tête en se relevant alors qu'il venait à lui faire des compliments. « J'ai bien peur que vous ne me voyez plus positivement que la vérité de la réalité. J'ai fait ce que j'ai pu et à mes yeux, je n'en ai pas fait assez, et j'ai tout aussi peur de ne pas être en mesure aujourd'hui de pouvoir sauver ce royaume que nous chérissons tant l'un comme l'autre. » Alors venir à le diriger, même si Torrhen avait potentiellement fait comprendre qu'elle pourrait tenir ce rôle provisoirement, elle en était tout simplement effrayée. « Je ne suis qu'une pièce rapportée de la maison Swann, qui essaie de préserver l'héritage de son époux et tout ce qu'il aimait plus que tout. » Bien qu'elle croyait tout autant au projet, ce n'était que la vérité. Elle s'installa autour de la table après lui, et son visage se fit plus triste quand il porta un toast. L'entrée des souverains au sein de la pièce, la fit se redresser pour s'incliner à nouveau. Elle rendit son sourire à Rhaenys, heureuse de la revoir après tout son temps et adressa un sourire plus ténu à Torrhen, alors que l'Empereur s'imposait devant l'homme. Elle s'installa à nouveau et regarda chacun des protagonistes présents, ne disant plus un mot alors que le couple impérial s'adressait pour le moment à Lord Connington, le sauveur d'Accalmie.

Le principal de son attention était tourné en direction de Lord Connington qui devait faire face au flot d'informations et de directives qui s'accompagnaient avec l'arrivée de la délégation impériale au sein d'Accalmie, alors qu'il venait tout juste de voir cette même cité, être libéré du siège qu'avait imposé l'ennemi bieffois. La succession des événements, l'obligation de prendre de nombreuses décisions ne lui permettaient pas de parvenir à faire une pause pour reprendre ses esprits, il n'avait pas le temps, il fallait pouvoir compter sur quelqu'un maintenant et tout de suite pour espérer voir le bateau tenir à flot, alors qu'il était ballotté par des vents violents à longueur de temps. Il se retrouvait devant le fait accompli, l'Orage avait besoin d'une figure forte, et pour le coup Torrhen avait raison, on ne pouvait pas mettre quelqu'un de l'Empire pour gérer le royaume à la place d'un de ces natifs. Cela pourrait provoquer des réactions qui ne seraient pas en faveur de l'idéal impérial, et toute pensée d'ingérence serait déplacée dans le contexte actuel. La collaboration était une chose, après tout Argella Durrandon avait, pleinement et en toute connaissance de cause, accepté de signer la Constitution et donc ils étaient là pour assurer un soutien, mais seul un véritable orageois, pouvait jouer le rôle de régent en attendant des jours meilleurs. Et cela ne pouvait pas être elle, en tout cas, pas directement, même si elle était une fervente protectrice de la cause du royaume de l'Orage, elle était née dans le Bief, et elle entretenait des liens étroits avec Fort-Darion, sa Cour et ses représentants les plus éminents. Elle pouvait se faire le relais entre toutes les institutions, mais certains pouvaient rester prudents, voir méfiants avec elle. Mina n'avait jamais oublié l'attitude de Dovan Caron à son égard à chaque fois qu'ils se croisaient, comme si par sa naissance, elle était directement coupable des victimes que le Bief avait pu faire.

Dans tous les cas, elle était sincèrement touchée que Lord Connington puisse la voir comme une partenaire politique de premier ordre, et elle inclina doucement la tête devant lui, un sourire amical sur le visage pour la confiance qu'il venait à lui accorder. C'était sans doute un peu trop d'honneur qu'il venait à lui conférer-là, elle n'était pas aussi douée que ce qu'il laissait à entendre, et depuis qu'elle avait intégré l'Empire en tant que tel, elle avait joué beaucoup de rôles différents, sans que tous ne soient véritablement tournés vers des questions politiques. En tout cas, Torrhen avait fait en sorte de remettre les choses dans leur contexte, elle ne serait qu'une conseillère comme les autres, au sein d'un groupe sans doute plus grand qui serait encore à composer. Elle fixa un peu plus l'Empereur, se demandant s'il allait parler ou non de la possibilité d'une union. Pas qu'elle désirait ardemment se remarier pour la cause impériale, mais elle avait envie que cette question soit réglée le plus vite possible, pour pouvoir y voir plus clair de son côté. Et vu que Lord Connington parlait de co-gérance, c'était peut-être le moment de lancer le sujet. En attendant, elle garda le silence, suivant l'échange qui se passait entre les deux hommes présents à cet instant. Elle hocha doucement la tête quand le Lord vint à s'adresser à nouveau à elle. « Nous devons nous organiser, en effet, sur un conseil qui pourra entourer le régent tout autant que la Reine Argella quand elle reviendra parmi nous, ainsi cela viendra à la soutenir après les épreuves qu'elle aura vécu. Il faut établir une liste des postes et ensuite une liste des candidats potentiels. Pour autant, même si dans l'idée, il sera bon de les convoquer ici pour les réunir, je pense que se rendre jusqu'à eux, cela sera une marque forte qu'on se rend à leur chevet, avec la guerre, tout le monde n'acceptera pas de risquer de laisser son fief pour venir jusqu'à Accalmie, sans oublier ceux qui sont sur le front à tenir face à l'ennemi bieffois. » Écouter le peuple orageois, du paysan jusqu'à la haute noblesse était important, l'un et l'autre était en capacité de se révolter. « Outre la question des combats, qui est bien évidemment, essentielle dans un telle contexte, il faudra penser également à la situation religieuse. Le Grand Septon a appelé à purifier l'Orage par le feu, et cela ne peut que nous rajouter de nombreux problèmes contre lesquels lutter. »