Le jour déclinait peu à peu et, à mesure qu'il le faisait, je le sentais de plus en plus fébrile. Debout dans cette clairière, Meraxes et Ebryon à mes côtés, j'étais loin d'être sereine. J'attendais. J'attendais que Torrhen me rejoigne. J'avais donné des instructions précises au garde qui était allé le trouver : ramener la lanterne sur laquelle j'avais travaillé plusieurs heures ; ramener une torche et un morceau de bois sec ; ramener une plume et de l'encre. Je voulais aller jusqu'ici avec lui mais je n'avais pas pu me résoudre à attendre et… à croiser Orys et Isla. Je prendrais le risque de vaciller, de rebrousser chemin mais je ne le pouvais pas. J'allais bientôt partir et il fallait que cela soit fait. Attendre ici m'empêchait de fuir aussi. J'y étais désormais et je ne pouvais plus faire demi-tour. J'en crevais d'envie. Je voulais que la tempête se lève, que la pluie se mette à tomber pour reporter mais le ciel était clair comme il l'avait été rarement ces derniers jours. C'était le bon jour. Je ne faisais que me le répéter même si je n'arrivais pas réellement à m'en convaincre.

Méraxes s'envola, suivi d'Ebryon. C'était le moment. Torrhen arrivait. Je ne me tournais pas tout de suite vers lui. j'attendais qu'il soit à la hauteur pour enfin le regarder. Je lui adressais un maigre sourire pour le saluer. Ma gorge était trop serrée pour que j'arrive à parler et voir la lanterne ne m'aida pas. Elle était… belle. Oui c'était le terme. J'avais pris la peine de peindre dessus, avec difficulté, mon épaule étant toujours bandée. D'ici peu, je pourrais enfin en récupérer tout son usage... D'ici peu. Autour d'un B calligraphié, j'avais, sur tout le côté droit, dessiné un immense loup gris dans de la neige, dont le museau touchait le bas de la lettre. Sur le côté gauche se trouvait un dragon noir à trois têtes, se baignant dans d'immenses flammes rouges. Leurs queues se retrouvaient à l'opposé du B et formaient un cadre autour… d'un vide. Je n'étais pas arrivée à écrire son prénom comme je l'avais prévu. Ce n'était rien pourtant mais… non je n'en avais pas eu la force. C'est pour cela que j'avais demandé à apporter de quoi écrire. Je ne le pouvais pas mais Torrhen si. Au fond ce n'était pas plus mal qu'il puisse apporter sa touche sur cette lanterne. Je n'arrivais pas à parler mais il comprenait, je n'en doutais pas. Une fois qu'il l'aura fait, nous pourrons nous avancer plus loin dans la plaine, au milieu de la ronde qu'effectuaient Méraxes et Ebryon dans le ciel qui devenait de plus en plus sombre. Là alors, nous l'allumions pour la regarder s'envoler…

Je tremblais à cette idée.

Non finalement je n'allais pas en être capable.

Je n'en aurais pas la force.

Je ne voulais pas.

De ma faute.

Tout est de ma faute.

Sa main prend la mienne mais elle me semble gelée, comme la mienne l’est. Il n’y a aucune chaleur. Il n’y a aucune gaieté. Il n’y a aucun espoir. Ses yeux sont comme les miens. Sa souffrance, je l’ai repoussé jusque là mais me voilà à devoir l’entrevoir, à devoir la porter. Tout est de ma faute. Tout est de ma putain de faute. J’ai tué notre enfant. Pas seulement le mien mais le sien aussi. Je pensais que cela ne l’avait pas atteint autant que moi. Il était, pour sûr, meilleur que moi pour cacher sa douleur. Il n’avait pas déraillé comme je l’avais fait. Il ne semblait pas avoir du mal à se lever chaque nouveau jour. Nul doute qu’Isla y était pour beaucoup. Elle était, j’en restais persuadée, la compagne qu’il méritait d’avoir, d’aimer, et avec qui il méritait se présenter. Ce soir, j’en avais la preuve flagrante. Jamais elle ne le fera souffrir comme je l’avais fait. Elle aurait été prudente. Elle l’aurait écouté. Elle n’aurait pas perdu cette vie qui grandissait en elle. Non. Cela ne lui serait pas arrivé. Orys avait tort. C’était moi, moi qui était une pâle figure à côté d’elle et non le contraire. Elle était bien meilleure que moi, bien meilleure que moi pour Torrhen.

De ma faute.

Tout était de ma faute.

Je ne bouge pas. Ma poitrine semble vouloir sortir de ma cage thoracique. J’ai mal. Physiquement. Mentalement. Un parent ne devrait jamais à avoir dire adieu à son enfant, un enfant qui n’avait même pas ouvrir ses grands yeux sur ce monde si cruel et beau à la fois, un enfant qui n’avait même pas pu faire entendre sa voix.

De ma faute.

Tout est de ma faute.

Torrhen est à genoux, à faire ce que j’ai été incapable de réaliser. Il écrit son nom et des larmes coulent silencieusement de mes yeux. Bientôt je ne suis plus en mesure de lire cette généalogie qu’il prend la peine d'apposer sur la lanterne. Je ne les chasse pas. J’ai appris depuis que cela ne servait à rien.

De ma faute.

Tout était de ma faute.

Je l’avais privé d’un enfant qu’il aurait aimé comme chacun des autres qu’il a eu. Cela ne faisait aucun doute. Je l’ai privé de le voir, l’entendre, l’observer s’épanouir, et devenir à la fois Loup et Dragon. Au nom de mon foutu orgueil, de cette foutue pensée d’invincibilité que j’ai eu, je l’avais privé de tout cela. Il m’avait enjoint à la prudence. Il m’avait demandé à ne pas prendre de risque. Et je ne l’avais pas écouté. Je ne l’avais pas écouté et il devait désormais vivre avec cette douleur dont il ne se remettra sûrement pas.

De ma faute.

Tout est de ma faute.

Il me présente le fanal mais je ne me sens plus digne de le toucher. Mes mains sont pleines de sang, pleines du sang de notre fils, de notre petit prince. Je secoue la tête et lui laisse. Mes pas s’avancent sans que je n’en sois vraiment consciente. Ce chemin, je l’avais pris et repris plusieurs heures. Cela s’est comme ancré en moi. Ma gorge est trop serrée pour dire le moindre mot. Torrhen a toujours été le plus fort de nous deux. S’élève cette prière qu’il adresse à tous les siens nordiens, à tous ses dieux qui, je l’espère, ne l’ont pas abandonné comme ils m’ont abandonné moi. J’ai été trop ambitieuse. J’ai oublié ma place et mon époux doit désormais en payer le prix. Je ne mérite plus de prononcer leurs noms. Je ne mérite plus de les prier. J’ai perdu tout cela avec mon enfant. Je n’en suis plus digne. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas pourquoi ils m’avaient épargné moi et non lui, si innocent, si… pur. C’est moi qui aurait dû rendre mon dernier souffle. C’est moi et moi seule. tout aurait été pour le mieux. Oui tout aurait été pour le mieux.

De ma faute.

Tout était de ma faute.

Je tourne mon regard vers le ciel pour crier, crier de rage, de douleur. Je hurlais à m’en user la voix, hystérique, jusqu’à ne plus en être capable, jusqu’à ce que plus aucun son n’arrive à s’échapper de ma gorge. Je ferme les yeux, le visage ruisselant toujours orienté vers ce ciel qui m’avait privé de notre fils. Le vent balaye mes cheveux qui viennent fouetter ma peau. Je suis impardonnable oui, je suis impardonnable. J’ai envie de mourir, d’arrêter cette douleur qui enserre ma poitrine, qui me fait haleter, qui me fait manquer d’air.

De ma faute.

Tout est de ma faute.

Je l'aime dans le temps. Je l'aimerai jusqu'au bout du temps. Et quand le temps sera écoulé, alors, je l'aurai aimée. Et rien de cet amour, comme rien de ce qui a été, ne pourra jamais être effacé.** J’entends les mots de Yesaminda comme si elle était à mes côtés. Je me rappelle de ces mots si touchants qu’elle m’avait livré lorsqu’elle m’avait parlé de cet enfant qu’elle avait perdu sous les coups de son premier époux. Qui se souviendra de lui si je ne suis plus là? Qui se souviendra de ses rires, de son visage, du son de sa voix, de la malice qui faisait briller ses yeux lorsqu’il avait fait une bêtise ou s'apprête à en faire une ? C’est là notre fardeau, à nous les vivants de leur permettre justement de continuer à vivre, en nous.

Yesaminda. Baâl. Leslyn. Aegon. Visenya. Père. Mère. Le petit prince.

J’ouvre les yeux vers Meraxès et Ebryon. Ils ont arrêté de danser. C’est leurs ailes qui ont fait se lever ce vent qui nous entoure. Je les regarde, si beaux, si majestueux.

Orys. Torrhen. Athynea. Aeden. Meraxès. Ebryon. Isla. Argella. Daena. Gawain. Mahée. Kora.  Mina. Jon. Lyham. Roward. Nathaël. Baelor. Aylan…

Je ne regarde pas mon époux. Si je le fais, je vais m’effondrer. Difficilement, je sors deux silex et le morceau de bois sec. J’ai du mal à faire s’embraser ce dernier. Mes doigts glissent, mais je persiste jusqu’à ce qu’une étincelle vienne le dévorer. Je laisse le fanal dans les mains de Torrhen. doucement, j'embrase son coeur qui vient l’éclairer. Je caresse du bout des doigts les lettres qui ont été écrite par l’homme à mes côtés puis pose mes paumes sur le délicat objet. Là, seulement je regarde le Nordien. Je lui fais un léger signe de tête, les yeux toujours aussi brouillés de larmes. Je guide nos mouvements. Nos bras finissent par se tendre vers le ciel, vers les deux dragons qui ont repris de la hauteur et leur valse. Je ne le lâche pas tout de suite. Sa chaleur ne me brûle pas. C’est son absence qui va le faire. Mes jambes commencent à vaciller alors avant de retomber au sol, j’éloigne mes doigts. Je laisse ce dernier souvenir s’envoler, sans le quitter des yeux, pas même lorsque mes genoux touchent le sol. Je le regarde rejoindre mon frère et ma soeur. Je le regarde passer entre eux, et continuer son ascension. Je le regarde devenir de plus en plus petit, et être emporté par le vent loin de moi, loin de nous.

Yesaminda. Baâl. Leslyn. Aegon. Visenya. Père. Mère…

Prenez soin de lui. Prenez soin de mon petit. Prenez soin de ce prince qui ne le sera jamais.

Yesaminda. Baâl. Leslyn. Aegon. Visenya. Père. Mère…

Par pitié, prenez soin de mon enfant. Prenez soin de... Viserys.



** (c) Jean d'Ormesson

La terre est mouillée. Elle imbibe mes vêtements et comme jamais encore, je ressens la morsure du froid, d’un froid qui s’infiltre dans chaque partie de mon corps, un peu plus à mesure que la lumière disparait dans le ciel. Je n’ai pas envie de lutter contre lui. Je n’ai pas envie de me battre pour retrouver la moindre chaleur. A quoi bon ? A quoi bon continuer ? Pourquoi raviver un feu qui ne demande pas à l’être ? Toutes mes flammes se sont éteintes en même temps que les siennes. Un pas en avant. Des milliers en arrière. Peu importe ce qui s’est dit avant. Peu importe les mots, et l’espoir.

Des cendres.

Il ne reste que des cendres.

Je veux rester coucher sur ce sol et le laisser m’engloutir. Je veux rejoindre mon enfant. Je veux rejoindre mon fils. Je veux retrouver ce que l’on m’a repris. Et cela peu importe le prix, peu importe ce qu’il en coute, peu importe ce que cela implique. Je veux rester coucher sur ce sol et le laisser m’engloutir. On me tire, de force. Une chaleur s’impose à mon corps si froid, si frigorifié, si gelé. Un timbre semble crier à mes oreilles. Je regarde sans vraiment voir le Nordien. Je l’écoute oui, mais je suis incapable d’ouvrir la bouche. L’homme le dit si bien.  Mon cœur est cassé. Mon âme n’est plus rien d’autre que tristesse et désespoir. Je me sens si… vide. Oui si vide. Mes mains se posent sur mon ventre et des larmes se déversent sans bruit, en torrent. Vide, oui si vide. Il comprend. Il sait que c’est le mieux. Je suis brisée, si brisée. Il doit me laisser ici, me laisser renoncer. Pourquoi ne le fait-il pas ? Pourquoi s’accroche-t-il alors qu’il n’y a plus d’espoir ? Il n’y a rien plus rien à attendre. Je n’ai plus la force d’appeler. Il n’y a plus rien à sauver en moi. Pourquoi lutte-t-il ? pourquoi ? Il nous redresse, m’enserre, essaye sans doute de chasser ce froid qui m’a envahi. Ses yeux dans les miens, il essaye de me ramener dans ce monde des vivants dans lequel je ne veux plus évoluer. J’ai mal, si mal à en perdre la raison. Il en appelle à ma colère mais elle n’est plus là désormais. Mes mains se serrent contre ses propres vêtements. Ma tête retombe contre son torse. Mon corps tremble. Je suis fatiguée. Je suis fatiguée, au bord des remparts du désespoir, dans cette forteresse de solitude que j’ai construite autour de moi. Un pas, un tout petit pas pour sauter dans le vide et ne plus être. Un seul geste suffirait pour me saisir de l’épée qu’il porte et l’enfoncer dans mon cœur. Mon cœur souffle à mes mains de mettre fin à tout cela. Ce serait si simple. Alors pourquoi ? Pourquoi sont-elles incapables de lâcher le Nordien ?

…

Je ne sais pas vraiment comment je suis revenue jusqu’à cette chambre. Je ne sais pas vraiment d’ailleurs comment je me suis retrouvée dans cette tenue de nuit. Mon esprit est embrumé. Ma gorge est sèche. Mon corps est fébrile. Je le ressens, ce manque qui me serre non seulement le cœur mais aussi l’âme ; ce manque qui me pousse à rester allonger, à ne plus me lever, à ne plus exister tout simplement. Si je ne suis plus, alors il s’en ira. Si je ne suis plus alors les morts arrêteront de s’accumuler autour de moi. Si je ne suis plus alors je n’aurais plus à souffrir autant, je n’aurais plus… Je ferme les yeux, me prend la tête entre les mains. Je serre mes paumes contre mes oreilles, voulant faire taire toutes ces voix qui me chuchotent combien il serait plus simple de ne plus être.

Oui tellement plus simple.

Et pourtant.

Son visage me revient. Ce visage que je pensais oublié me frappe sans crier gare. Je repousse tant bien que mal ce qui me couvre. Je manque de trébucher une fois, deux fois, plusieurs fois, jusqu’à atteindre le petit bureau. J’ouvre les tiroirs, trouve de quoi écrire mais rien pour le faire. Mon regard ère jusqu’à s’arrêter sur un tableau accroché au mur. Il est petit, mais qu’importe. Je vais le décrocher et sans aucune douceur, je le déloge de son cadre et retourne la toile. A même le sol, je commence à esquisser des traits. C’est d’abord fouillis, mais de ne plus en plus précis à mesure que je m’habitue à la texture du papier et au grain déposé parce que j’ai en main. Peu à peu des traits se détachent de ceux bien plus brouillon en dessous. Je ferme les yeux, visualise de nouveau ce qui m’avait échappé trop de temps, puis me remets à dessiner. Au premier regard, Athynea semble prendre vie sur le support. Au premier regard. Le nez est différent. La largeur du front également. Ses cheveux sont plus fournis même s’ils sont aussi argentés que les siens. Les cils sont plus courts. Une larme s’écroule sur un endroit encore vierge, et je chasse la seconde avant qu’elle ne vienne se perdre sur les traits. Ce n’est pas parfait, mais je souris. Je souris tout en estompant quelques ombres avec les doigts. Viserys…. Un doux mélange entre le Nord et Peyredragon. Un doux mélange entre ses deux aînés. Un doux mélange entre Torrhen et moi. Je me mets à pleurer et rire en même temps. De soulagement, de colère, de honte, de fierté. Je ne m’étais pas aperçue de combien il était beau. Je ne m’étais pas aperçue de tout ce qu’il représentait. Mon petit Prince, mon si petit Prince.  Je m’éloigne légèrement, pour ne pas abimer ce dont j’ai mis tant de temps à me rappeler. Le support finira par s’altérer et était trop rugueux pour que je puisse travailler ce dessin autant que je le voulais mais qu’importe. Qu’importe puisque j’avais le pouvoir de faire venir tout ce dont j’avais besoin pour le refaire. Son visage ne sera pas oublié. Son visage ne sera plus oublié. Il ne sera pas un simple nom. Il ne sera pas un simple Prince qui à cause de la folie de sa mère n’a jamais pu prendre son premier souffle. Pas seulement à mes yeux, mais aux yeux de tous. Il sera bien plus qu’un simple lampion lancé dans le ciel d’un royaume en guerre. Regarde, c'est Viserys... Je me mets à parler tout en riant, sans me retourner, en pointant du doigt le dessin. Ma voix se répercute contre les murs de la chambre. N'est-il pas beau? J'ai besoin d'une toile blanche, d'un fusain, d'eau et de chiffons ! J'ai besoin de diamants et de sélénites broyés en poudre et mélangés dans de la caséine. Une plume et un pinceau également. mon esprit s'emballe, et se met à énoncer tout ce le matériel nécessaire à la reproduction de ce portrait que j'étais enfin arrivée à faire.



HJ : je te laisse voir si Torrhen est resté ou non ; Si c'est lui qui est là, ou quelqu'un d'autre ; si Rhae parle dans le vide toute seule   - Tout est possible donc c'est vraiment selon ce qui est le plus cohérent avec Toto  

HJ 2 : les paroles en italique sont en haut valyrien.

Je dessine Mais cela ne va pas. Cela ne suffit pas. Ce n’est pas assez bien. Ce n’est pas assez bien pour le Petit prince. Je sens la frustration pointer le bout de son nez. Je balaye d’un revers de main ce qu’on est venu me donner. Cela ne va pas. On ne peut pas faire mieux ici, je m’en doute mais je me sens colérique, colérique qu’on ait pu penser que cela suffirait, colérique que j’ai pu penser moi-même que cela suffirait. J’avais cassé plusieurs mines avant d’abandonner. Le papier est trop rêche. Le fusain n’est pas assez affuté ni gras. Les couleurs ne sont pas assez vives et je n’ai pas de poudre. Je retiens un cri de rage et me relève, laissant au sol le dessin pour ne pas venir le tâcher avec mes mains pleines de fusain. Le clapotis de l’eau me rappelle la présence de Torrhen dans la pièce. Dans cette folie euphorique qui m’avait animé, j’en avais oublié qu’il était là. Je le regarde et fronce des sourcils. Fou. Lui aussi était fou. Je m’approche et plonge un doigt dans l’eau avant de pester. Quelle folie lui prenait de faire cela ? Sa peau était déjà rosie à cause de la chaleur. Il n’était pas un Dragon mais un Loup. Il n’était pas fait pour supporter ce genre de température, si agréable pour moi et brûlante pour lui. Je le dévisage puis vois quelques cadavres dans la pièce, qui ont roulé sur le sol. Nul doute qu’il avait du boire jusqu’à en perdre la raison. Je ne le jugeais pas, comment le pourrais-je alors que cela avait été mon refuge si souvent ? Je soupire malgré tout. Tu es la Glace, et non le Feu  mon ton est un peu sévère mais qu’importe. Pas question que je le laisse continuer à se brûler la peau comme il était en train de le faire. Je me rince les mains dans l’eau. Je les frotte jusqu’à faire disparaitre toutes les traces. Je devais surement en avoir sur le visage mais qu’importe. Je n’ai pas besoin de le nettoyer pour récupérer le dessin à terre, et venir le rouler délicatement. Je noue un ruban tout autour, puis repose le tout sur le bureau. Je vais demander à Daena de le reproduire à Fort-Darion. ici, ce n’était pas possible. Si elle ne l’avait pas autant pratiqué que moi, je la savais assez doué avec un fusain dans les mains. Je savais qu’elle arriverait à refaire ce que j’avais dessiné, puis l’agrémenter de couleur, en suivant les instructions que je lui donnerai. Je n’étais pas certaine de pouvoir un jour lui refaire entièrement confiance mais sur ce point-là, je n’avais aucun doute.   Sors de là Torrhen dis-je ensuite au nordien tout en revenant non loin de lui. L’eau est encore bouillante et il risquait de réellement se brûler s’il s’entêtait à y rester. Et cela m’inquiétait. Je caresse doucement sa joue et ajoute un s’il te plait. pour qu’il s’exécute vraiment et qu’il se rende compte de combien cela m’inquiétait de le savoir dans cet eau bien trop chaude pour lui. Pourquoi n'es-tu pas allé trouvé Isla? Elle aurait été de meilleure compagnie que toutes ses bouteilles...

je lève les yeux au ciel alors qu’il affirme qu’il fondrait. Pourquoi rester dans un élément qui pouvait le brûler? Je ne le comprenais vraiment pas. Nous avions beaucoup de choses à régler mais en cet instant, je ne m’en sentais pas encore la force. Je me sentais épuisée, et triste, même si cette dernière émotion ne me dominait plus totalement. Avoir pu dessiner mon fils… Cela était salvateur. Je ne voulais pas oublier ses traits, pas alors que je ne pourrais jamais l’oublier. Une part de mon coeur s’était envolé avec lui et rien ne saurait le remplacer. Avec lui s’en était allé une partie de mes rêves, de mes certitudes aussi. Et, je continuerais de ressentir cette culpabilité de l’avoir tué. Quoi qu’il puisse arriver, quoi qu’on puisse dire. Je devais apprendre à vivre avec. Ils ne sont pas d’une grande utilité dans notre monde A quoi bon savoir dessiner alors qu’en cet instant, on avait besoin de guerrier, de combattant, de chef de guerre? Je savais me débrouiller avec une épée oui, mais en duel face à un homme, je n’aurais aucune chance. J’étais faible et mon corps de plus en plus frêle ne faisait pas le poids. J’allais devoir remédier à cela, autant que faire ce peu. J’étais le point faible de l’Empire, son poid mort en dehors de la présence de Meraxès. Et je détestais cette idée. Je lui offre un maigre sourire alors qu’il parle d’une beauté que je ne suis pas certaine de posséder. Je ne suis pas vilaine, mais pas aussi majestueuse que Visenya, ni jolie qu’Isla. Il y avait toujours une femme plus belle que moi, je n’étais pas assez sotte pour penser le contraire. Qu’importe la beauté. Place moi à côté d’autres et je ne serai qu’une pâle figure. La force est bien plus importante. Alors même que j’étais amoureuse des belles choses, j’avais conscience que cela ne servait à rien.

Je lui redemande une fois de plus de sortir de cette eau qui va brûler sa peau. Je me doute qu’il n’accèderait pas à ma requête mais je la lui soumets tout de même. Ses doigts viennent rejoindre les miens sur sa joue avant qu’il ne les embrasse en m’affirmant qu’il ne bougerait pas de ce baquet. Je soupirais et secouais la tête. Je n’ai pas le temps de lui répondre que déjà il se met à vouloir m'enlever les traces de fusain que j'avais sûrement sur le visage, dans les cheveux, sur les bras. Daena était toujours propre après avoir dessiné… tout mon contraire. Lorsque je dessinais je ne faisais attention à rien d'autre qu'à ce que je couchais sur le papier. Je ne faisais pas exprès de me salir mais cela n'avait aucune importance si c'était le cas. Cet art m'avait toujours passionné au possible, me vidant l'esprit. Je ne pensais à plus rien lorsque mes doigts couraient sur une feuille. J'aimais sentir le tout, toucher, étaler, ombrer. Combien de fois Mère m'avait indiqué que ce n'était pas digne d'une princesse de se laisser autant aller alors même que c'était elle qui m'avait transmis cette passion et qu'elle avait elle aussi tendance à ne pas se restreindre? C'était les rares fois où elle n'arrivait pas à maintenir cette image de "Reine parfaite", digne, calme, superbe en toute circonstance. C'était non plus la dirigeante qui était mais la femme. Et elle n'en était que plus humaine à nos yeux, aux miens. C'était l'un des rares points communs que nous avions elle et moi et je le chérissais énormément. De l’eau imbibe mes cheveux, mon visage et la robe de chambre que je porte. Torrhen semblait se donner à coeur joie de me débarrasser de tout. Sans vraiment y réfléchir, je cueillais de l’eau dans mes mains et lui lançais le tout au visage. Il pensait vraiment que j’allais le laisser me tremper sans réagir? Surtout, que contrairement à lui, je ne craignais absolument pas la température de l’eau.

Non. Non il n’avait pas osé faire face. Je n’ai pas vraiment le temps de m’offusquer que je me retrouve la tête complètement sous l’eau quelques secondes avant qu’il ne me relâche. De l’eau éclabousse le sol. Je vais le tuer. Et je n’allais pas être la seule. Je dégage de mon visage mes cheveux et m’éloigne de lui autant que je le peux. Je lui envoie une nouvelle salve d’eau mais cette fois bien plus grande que la précédente avant de lui répondre Un dragon ça nage. Un loup ça coule.. J’étais une illienne. La mer était dans mon sang, à l’instar de la neige dans le sien. Je n’étais pas mauvaise… Plutôt amusée. Je me surprends à l’être en lui répondant de la sorte avant de lui remouiller le visage. Il allait me le payer et il pouvait être certain que je me vengerai. Je n’avais pas prévu de me baigner tout de suite, encore moins d’y être amenée par surprise. Bon, je devais bien le reconnaître, l’eau était agréable même si ma chemise de nuit me collait à la peau là où elle n’était pas émergée. Nous avions mis de l’eau partout, faisant déborder le baquet bien rempli avec ma présence à l’intérieur… Et mes éclaboussures. La nouvelle tenue de Torrhen n’avait pas été épargné et j’en retirais une certaine joie.Isla va te détester. Tu sais combien de temps il faut pour sécher et démêler mes cheveux? lui dis-je tout en récupérant l’un des rubans qui avait fini dans l’eau. Je m’attachais tant bien que mal mes mèches imbibées avant de l'arroser de plus belle. Bon ok, elle aurait quand même dû le faire vu que j’imaginais sans mal que je les avais salis, mais elle les aurait d’abord peignés pour que cela soit moins compliqué ensuite. Il n’avait pas les cheveux assez longs pour se rendre compte de la pénibilité de la chose. Et je me disais une fois de plus qu’il serait bien plus simple et pratique de les couper. Je lui donnais un léger coup de pied avant de secouer la tête de droite à gauche. Tu sais que tu ne t’en tireras pas aussi facilement? L’eau a beau être appréciable, tu n’aurais jamais du faire cela Zokla Je ne savais pas quand ni comment, mais je lui rendrais la monnaie de sa pièce, il pouvait en être certain. Mon regard brillait de ce feu qui criait à la vengeance. Mais en attendant, je secouais la tête avant de me tourner et lui présenter mon dos. Ne t’avise pas de s'immerger de nouveau. Aides moi plutôt. Je lui parlais des cordons gorgés d’eau qui maintenaient le tissu autour de mon cou et en haut de mes épaules. Je détestais la sensation sur ma peau du tissu. Je préférais m’en débarrasser et le plus vite serait le mieux. J’allais devoir en faire de même avec le pansement qui ne servait plus à rien désormais. La plaie était refermée et propre, mais en cours de cicatrisation. Elle était encore boursouflée et rouge mais les points avaient tenu bon et elle n’était pas infectée. Elle laisserait une marque et ma peau étant tirée sur mes os, cela se voyait énormément. Qu’importe. Ce ne serait qu’une partie de nombreuses. J’étais Chevaucheuse et guerrière. Je n’en avais pas autant que mon époux, c’était indéniable, mais j’en possédais mon lot, et la majorité remontait à avant notre rencontre. Je n’avais jamais été à me préoccuper d’avoir une jolie peau laiteuse et douce. Ton rire me manquait.. finis-je par lui dire, mettant de côté mes cheveux noué en queue de cheval basse, pour l’aider à se dépatouiller avec les attaches de ma robe. Je suis soulagée que tu puisses le partager avec quelqu’un qui le mérite. ajoutais-je en parlant bien évidemment d’Isla. Il méritait le bonheur et je savais qu’elle lui en apportait. Si je craignais encore qu’elle ne finisse par partir comme elle l’avait déjà fait, je la savais fidèle et attentionnée en amour. Elle était aussi entière que je pouvais l’être. Lorsqu’elle aimait, elle ne le faisait pas à moitié. Elle pouvait le combler sur bien des aspects. Au moins n’était-il plus seul et il avait à ses côtés une personne à sa hauteur, qui n’était pas… abimée et cassée. Elle ferait une épouse parfaite… J’étais sérieuse en te proposant de me retirer. Je sais que tu tiens à tes serments mais je peux te soulager d’eux… Je te demanderai simplement que vous preniez vos précautions… Le temps qu’Aeden et Athynea soient plus grands. Orys a raison sur le fait que l’Empire n’est pas assez stable et fort pour qu’il soit ébranlé par une lutte de succession… Je ne veux pas qu’ils soient encore en danger. Ils sont encore petits et n’ont pas de Protecteur. Attendez avant de fonder votre famille qu’ils grandissent un peu. C’est ma seule requête. finis-je par lui dire. Je n'avais pas su protéger mon dernier né. Au moins pouvais-je espérer et essayer de préserver les seuls enfants que j'aurais.

Je lève les yeux à sa boutade concernant Isla. Il ne voudrait certainement pas que je passe plus de temps avec elle, au risque qu’elle ne reste quasiment plus que dans mon sillage lorsqu’elle n’aurait pas son nez dans ses livres. Elle était ainsi jadis et vu l’acharnement dont elle faisait preuve pour que les choses redeviennent comme avant… Je l’admets sans aucun prétention, j’avais, quelque part, peur qu’elle ne délaisse Torrhen si je lui ouvrais un peu plus ma porte. Hors cela me rassurait de la savoir à ses côtés, de savoir qu’elle était là pour loin. Son coeur pouvait aussi aimer plusieurs personnes, je n’en doutais pas mais les journées et les nuits étaient parfois, souvent, tout le temps en fait, trop courtes. Si je décide de la garder à mes côtés, pour sur, cela atténuera ta pénitence puisque tu ne la reverras pas avant un bon bout. lui répondis-je mi sérieuse mi taquine. Cela ferait une bien belle vengeance pour cette baignade imprévue. Il disait détester l’eau en attendant il semblait prendre un malin plaisir d’y être, au point de m’y faire venir. Je suis Dragon. J’enflamme, je n’éteins pas les incendies. Lui répondis-je simplement concernant cette boutade sur la guerre. Je me nourrissais de flammes et de chaleur. En attendant, je lui demande de m’aider à dénouer les cordons sur ma nuque, le mettant en garde sur le fait de me replonger la tête sous l’eau. Je reste méfiante alors que ces doigts se mettent en action et ne finissent par avoir raison d’eux. Il m’aide à faire glisser le tissu jusqu’à ma taille. Impossible de l’enlever plus mais c’était mieux que rien. Je lâche un hoquet de surprise lorsqu’il m’attire contre lui. Son suffit me questionne. Est-ce à propos de ce rire si rare ou d’Isla? Je n’en ai aucune idée et je n’ai pas le temps de l’interroger à ce sujet là. Je sens ses mains se mouvoir sur l’une des cicatrices qui ornent mon corps. Il semble la détailler, puis une autre. Elles sont nombreuses. J’ai écopé de la majorité plus jeunes et d’autres depuis le début de cette guerre. Ma peau n’était pas immaculée comme celle des autres femmes. Elle était le reflet de mon histoire et je n’éprouvais aucune honte à ce qu’elles soient visibles. Meraxès était en colère contre moi… Elle était légèrement plus âgée qu’Ebryon. Elle m’a donné un coup de griffe. J’ai évité le plus gros du coup… lui dis-je concernant la première. La seconde… J’ai défié Aegon à l’escalade d’un arbre… Une branche a cassé et je suis tombée. J’avais vu plusieurs chandelles et mon frère avait été plus que grondé par notre Père et notre Mère au point qu’il avait été consigné dans ses quartiers de nombreux jours… Et moi aussi bien évidemment. Je n’avais eu le droit à aucune visite. D’après les mestres j’avais eu beaucoup de chance de ne pas me briser le cou. Il finit par arriver au niveau de mon bandage qu’il devra m’aider à enlever. Je me tends légèrement en sentant sa main aller jusqu’à ma cuisse. Je ferme un instant les yeux, prenant sur moi pour ne pas le repousser mais plutôt l’écouter. Il répond à mes demandes concernant l’avenir de nos enfants et celui qu’il partagera avec la Peyredragonnienne. Je soupire. Tu ne peux pas le garantir. Combien d’enfant illégitime lorgne sur l’héritage des “biens nés”? Tu sais bien que je déteste le terme de batard… Mais tous ne seront pas comme Orys. Il n’a jamais désiré gouverner, pas si cela signifiait nuire à sa famille… Mais nous n’aurons aucune garanti. Isla a fréquenté la couche d’homme pendant de nombreuses années et s’est toujours prémunie de grossesse… Deux ans maximum, c’est tout ce que je vous demande. Parce que d’ici là, Athynea et Aeden auront des protecteurs. Parce qu’ils seront plus grands, et plus en sécurité. Ils seront les seuls enfants que j’aurais et je ferais tout pour les protéger. Torrhen avait déjà de nombreux enfants. Je savais qu’elle joie cela lui apportait et je ne le priverais pas de cela. Mais pas maintenant. Il y avait trop de choses encore en suspend, trop de problèmes à résoudre. Sans que je ne lui demande, il défait le pansement imbibé d’eau et le pose en dehors du baquet. Je sais que la cicatrisation suit son cours mais que cela n’est pas franchement beau. Il passe ses doigts dessus avant de m’en parler. Je secoue la tête négativement. Elle fait partie de mon histoire… Pour ce qui est de me remusc… Il embrasse ma nuque et interrompt ma réponse. Si l’une de ses mains n’étaient pas encore posé sur ma cuisse, je me serais dérobée. Ma respiration s’est emballée tout comme mon coeur. Je sais qu’il ne pense pas à mal. Je sais que ces mots sont sincères et qu’il ne me blessera pas. Je me force à me concentrer la dessus. Je prends le temps de me calmer avant de lui dire. Doucement… Pas de surprise s’il te plait. Je fais de mon mieux, vraiment. Je l’aime, et son contact m’a aussi manqué. Mais je ne me sens pas prête. Je garde pour moi qu’il ne devrait pas m’aimer comme il le faisait. Je devais me faire une raison. Ni Orys, ni Torrhen ne rendraient les armes sur ce point. Je te l’ai dit… Nous sommes plus forts à deux… Dès que je tourne le dos, tu te jettes au-devant de la mort. On pourrait presque croire que c’est toi la princesse en détresse et moi le valeureux prince qui te sauve à chaque fois de justesse. Je le tance pour chasser cette légère tension. La métaphore est plutôt réaliste en plus. Il prenait beaucoup trop de risques lorsqu’il était seul.

Je le taquine un peu concernant Isla et la dévotion qu'elle peut nous porter l'un à l'autre. Je n'ai vraiment aucun problème avec le fait qu'elle soit désormais dans le sillage de Torrhen… ou devrais-je dire qu'elle se tienne quasiment constamment à ses côtés. Je reste profondément persuadée qu'un coeur peut aimer plusieurs personnes. Je connais la Peyredragonnienne et je la sais sincère. Elle n'a jamais été attirée par le pouvoir. Ce n'est pas la couronne de l'empereur qu'elle aime. C'est l'homme qui se tient en dessous. J'irais même plus loin : c'est l'homme qui se cache derrière cette image d'empereur. Au fond ce n'est pas étonnant qu'elle l'aime. Nous avions quasiment les mêmes goûts. Elle était, quelque part, un mélange entre Visenya sur le côté raffinement et noble et moi. C'était d'ailleurs pour cela que je pensais qu'elle ferait une bonne impératrice. Elle était érudite, gracieuse, patiente et réfléchie. Elle possédait une quantité de qualités que je n'avais pas. Torrhen n'avait pas besoin d'une guerrière ni d'une chevaucheuse pour l'aider à diriger. Elle s'en chargerait parfaitement bien. tu veux parier ? nous savions tous les deux que je perdrais mais je ne me laissais pas démonter pour autant. Elle l'aimait bien plus qu'elle ne m'affectionnait et j'étais en paix avec cela. Je lâche un léger rire quand il m'affirme qu'il se retrouve pris en tenaille entre des feux que je déclenche. seulement de brousse ? Même la pierre la plus solide ne résiste pas à mes tempêtes de feu. J'ai bien peur que la glace ne finisse par fondre à rester au côté du Dragon. une métaphore assez juste au final. Il restait la glace, et il allait finir par souffrir de se tenir au milieu de mes flammes. C'était déjà le cas. Mais il s'acharnait à vouloir rester alors même qu'Isla lui offrait une porte de sortie que je lui ouvrais également. Ce n'était pas bon. Ce n'était pas ce que je voulais pour lui. Mais je respectais son choix. Il trace le sillage de l'une de mes marques corporelles et je lui en explique la raison. Je n'ai pas une belle peau comme celle de son amante. Elle était marquée par mon Histoire à bien des égards. Combien de fois avais-je afollée mes proches en revenant blessée ? Je ne le comptais plus, ni eux d'ailleurs. Et cela n'avait pas changé. Je n'avais pas peur d'être blessée si cela signifiait protéger les miens. C'est d'ailleurs pour cela que je lui demandais d'être patient avec son amante et tous projets qu'ils pourraient avoir l'un avec l'autre. Les propos d'Orys me restaient en tête et je n'aimais pas cela. Deux ans avant d'avoir de nouveaux enfants. Nous devons penser à la stabilité de l'empire mais aussi et surtout à Aeden et Athynea. Ils sont encore jeunes. D'ici deux ans ils auront un dragon qui grandira à leur côté. Ils pourront embrasser pleinement leur héritage peyrdragonnien et empirien. Ensuite tu pourras avoir autant d'enfants que tu désires avec elle. Je sais que tu es un bon père et que tu aime l'être. Deux ans Torrhen. C'est tout ce que je te demande. Je n'aurais plus d'autres enfants mais je n'imposerai pas mon choix à mon époux ni même à Isla. Je n'étais pas contre le fait qu'ils fondent leur propre famille. C'était l'un de rêves de Isla. Et je ne rejetterai pas leurs enfants. Je ne les rabaisserais pas non plus. Je les accepterais comme membres d'une famille étendue… tant que cela ne mettait pas mes deux enfants dans une situation délicate. Isla était jeune. Attendre deux ans était possible pour elle. Et avant de lui en faire la demande je voulais que Torrhen comprenne ma demande et l'accepte. Je ne pourrais pas les forcer à attendre. Je ne pourrais rien y faire s'ils décident de passer outre ma demande. Mais dans ces cas là ils sauraient qu'ils s'exposeront à ma colère et à ma méfiance. Je ne serai pas aussi enthousiasme pour eux et envers leur progéniture mais méfiante au possible. Parce que quoi qu'en dit Torrhen, il ne pourra pas garantir la sécurité de nos deux enfants, quoi qu'il fasse, quoi qu'il fasse écrire. S'il ne faisait pas le nécessaire avec Isla alors je m'en occuperai, peu importe le prix que nous aurons tous à payer pour cela.


Ses lèvres se sont plus pressantes, tout comme ses mains. C'est… trop. Trop d'un coup. Je lui en fais part doucement mais sa réaction me blesse. J'essaie de faire des efforts mais il me renvoie violemment, en pleine face que cela n'est pas suffisant pour lui. Il s'éloigne et s''excuse mais cela ne suffit pas. Un court instant je suis tentée de me taire mais décide de ne pas le faire. Je me lève malgré tout et sors de la baignoire. Je laisse retomber sur le sol ma tenue trempée et me saisis tant bien que mal du tissu qu'il avait prévu pour se sécher. je ne m'excuserai pas. Je fais ce que je peux Torrhen. Si cela n'est pas suffisant ce n'est pas mon problème mais le tiens. Je ne t'oblige pas à reste avec moi et non pas être autre part avec d'autres personnes. De nous deux, l'égoïste sur ce point là c'est toi. j'ai repoussé Orys et il n'a pas réagi comme mon époux venait de le faire. Il acceptait. Pourquoi alors le Nordien ne le pouvait pas ? Cela me rend furieuse, que tu ne prennes pas en considération ce que je te dis ou ressens. Je ne le fais pas exprès et ne prends pas plaisir à repousser les contacts masculins, à te demander de ralentir lorsque cela est trop pour moi. A la dernière nouvelle tu n'es pas un petit garçon qui se braque lorsqu'on lui demande quelque chose mais un homme réfléchi. drapée autant que je le puisse, je m'éloigne et retourne vers le lit sur lequel je m'assoie. Je soupire et fini par lui dire je t'aime mais si, lorsque je fais un pas en avant, tu en fais deux en arrière, cela ne marchera pas.

Tu sais très bien que tu gagnes haut la main. lui dis-je sincèrement quand il me demande ce que le gagnant obtiendra. Isla lui ai dévoué, corps, coeur et âme. Le choix était vite fait et il savait tout aussi bien que moi que c’est lui qu’elle choisira, lui et non moi. Je n’avais aucun problème avec cela. Il fut un temps, cela aurait été moi mais les choses avaient changé. Son départ du château, ses non-dits jusqu’à ses non réponses avaient eu raison de ce lien qui était nôtre. Elle avait fait son choix à l’époque et si je savais qu’elle le regrettait, nous ne pouvons pas revenir en arrière. Elle avait changé et j’avais également évolué. J’avais appris à faire sans elle et j’avais, de mon côté, fais de nouvelles rencontres. Yesaminda avait comblé cet énorme vide qu’elle et Daena avaient laissé. Argella aussi. Je n’avais plus ni l’une ni l’autre. Mais j'avais retrouvé Orys. Et j'avais aussi Torrhen. Je n'étais certaine de vouloir plus. Je n'étais déjà pas certaine de mériter autant d'ailleurs. Je craignais sincèrement que je finisse par les détruire, l'un comme l'autre. Je n'étais pas assez bien pour eux, je le savais fort bien. Torrhen serait bien plus heureux s'il épousait Isla. Et Orys le serait bien plus qu'il aimait une autre que moi, une autre avec qui il aurait une véritable avenir et non cette demi vie dans laquelle il naviguait actuellement. Je secoue la tête et lui répond sincèrement Je suis morte de trouille au contraire. Je laisse passer le moment de la plaisanterie pour lui dire ce que j'avais sur le cœur. Rien de nouveau pour lui de toute façon. Je n'étais pas aussi courageuse que l'on pouvait parfois me décrire. Je ne faisais que douter de moi, de mes capacités et d'avoir peur pour cet avenir que je n'arrivais plus vraiment à entrevoir. Torrhen arrive encore à se projeter mais je ne prends pas pour argent content sa décision de ne pas avoir d'enfant avec Isla. Parce que je savais au plus profond de moi qu'il changera d'avis. Parce qu'il avait été clair sur le fait qu'il ne voulait pas qu'un autre homme puisse l'aimer de cette manière et qu'elle n'était qu'à lui et à lui seul. Je savais que jadis la Peyredragonnienne voulait aussi une grande famille. Il se laissera bercer par cela jusqu'à le vouloir également. Il l'aimait après tout. Je ne réponds rien d'autre qu'un vague hochement de tête. J'ai entendu ses mots et nous verrons à qui donnera raison l'avenir. De mon côté je me sentais soulagée qu'il accepte deux petites années. Je ne demandais pas plus, pas moins non plus.

Assise désormais sur le lit, je laisse le silence s'installer. Je lui ai dis ce que je pensais puisque nous nous étions promis de tout nous dire, que cela plaise ou non à l'autre. Je lui en veux et je ne lui cache pas. C'est à lui ensuite de comprendre, d'accepter ou de rejeter les mots… Il décide de s'emporter à son tour. Je ne l'interrompt pas. Je le laisse déverser tout ce qu'il souhaite déverser. Je prends ses mots. Je prends sa colère. Je prends sa lassitude. Je prends sa sincérité aussi. Et sa douleur. Elle me frappe de plein fouet tout comme mon inaptitude, mon incapacité à être une bonne épouse. Je sais que tout cela n’est pas facile. Tu n’as pas voulu te défaire de tes liens et de tes serments à mon égard. Je te l’ai proposé, je t’ai proposé de fuir sans te retenir. Tu as refusé cela. Ce n’est pas une accusation mais un fait auquel je me raccroche. Cela veut dire que si je flanche, c’est à toi de me rattraper. Si je tremble c’est à toi de ne pas m’abandonner. Si j’ai tant de mal à rêver, c’est à toi de m’aider à voir de l’espoir. Ce n’est peut-être qu’un petit signe pour toi… mais c’est bien plus pour moi. Il avait refusé la solution de facilité. Il avait refusé net de faire d’Isla son épouse et de moi un simple outil pour l’empire. C’était son choix. Je ne vais pas bien. Je suis brisée. c’était évident mais j’avais besoin qu’il l'entende. Et je ne sais pas comment changer cela. Je ne suis pas aussi clairvoyante que tu l'imagines. Je n’ai pas de solution. Je soupire et me pince l’arrête du nez avant de le regarder de nouveau. Ce n’est pas ton empressement physique qui me blesse mais toutes ses attentes que tu nourris. Tout ce que j’attends de toi c’est que tu m’écoutes, et que tu me parles. Depuis quand n’arrivions nous à communiquer comme nous le faisions pourtant si bien avant? Te rappelles-tu de la naissance d’Aeden et Athynea? Cette attente, et la douleur qui était mienne? Pas besoin qu’il me réponde pour que je sache que c’était “oui”. Maintenant je veux que tu imagines qu’à Dorne, je n’avais personne avec moi. Il n’y avait ni Yesaminda, ni Kora sous cette tente. Il n’y avait personne pour me rassurer, pour m’aider. Je n’étais pas une impératrice sous cette tente. Je n’étais qu’une… chose entre les mains de mestres qui pensaient tout savoir. Je n’ai pas été prise en considération. Je n’ai pas eu mon mot à dire, pas à un seul moment. Cela a duré des heures et des heures. Des heures et des heures de souffrance pendant lesquels ils me tenaient, m’emprisonnaient, me touchaient. “Pour le bien de l’enfant que je portais”. Voilà ce qu’ils me répétaient… Et tout cela pour rien, pour que cela ne mène qu’à la mort de Viserys… Des larmes s’échappent de mes yeux, des larmes que je ne retiens pas. Je suis une chevaucheuse. Les blessures et la douleur font partie de mon histoire… Ce que j’ai subi c’était au-delà de la simple douleur. C’était un véritable calvaire. J’ai prié mes dieux pour que cela cesse, pour qu’ils m’emportent…J’ai supplié mais personne n’a répondu à mes prières, ni homme, ni divin. Je reprends mon souffle Tu n’as pas idée à quel point c’est difficile aussi pour moi Torrhen de devoir garder de la distance avec toi. Tu n’imagines pas tout ce que j’aurais été prête à donner pour que tu sois là. Je t’aime. Pas une infime partie de toi, mais tout ce qui te définit et te constitue. Pleinement et entièrement. Je ne me sens réellement en sécurité qu’entre tes bras… Qui me glacent aussi le sang. Tout cela, ce n’est pas logique, je le sais. Et je fais vraiment de mon mieux. Je déteste devoir vous repousser. c’est juste… plus fort que moi tu comprends? Mon instinct va à l’encontre de ce que désire mon âme, mon coeur, mon corps. J’étais… traumatisée, traumatisée par ces traitements que j’avais subi à Dorne.

Je déteste cette situation dans laquelle nous nous trouvions. Deux chemins s’offraient à Torrhen : m’écouter véritablement, comprendre ce que je ressentais ou s’y refuser et ne plus avancer à mes côtés. Je lui ai proposé de m’écarter au profit d’Isla, pour qu’il puisse vivre avec une fille et une relation bien plus facile. Elle avait tout l’avenir devant elle, moi non. J’étais brisée, comme je lui indiquais de manière plus explicite. Pas seulement à cause de Dorne même si je n’évoquais que cela. J’emportais mes batailles oui mais à quel prix? Combien de proches devrais-je encore enterrer? Je n’étais pas faite pour porter une couronne. Je n’étais qu’une piètre impératrice et une épouse pitoyable. Il ne se rendait pas compte que ses mots, ses actes ne faisaient que me renvoyer cette seconde image au visage. Il détestait Orys et l’amour que je lui portais. Il s’imaginait, sans aucun doute, des choses qui n’étaient même pas réelles. Il attendait de moi que je lui ouvre mes bras et mes cuisses alors que j’en étais désormais incapable. Pire, il attendait de moi que j’accepte d’avoir de nouveau des enfants pour “consolider l’empire” alors que j’en avais plus la force. J’essayais de lui faire comprendre mais le comprenait-il seulement? Je n’y arrivais plus.

Pitoyable.

Brisée.

Pas juste en morceau, mais véritablement brisée.Je lui ai livré : j’aurais voulu que les dieux m’emportent pour ne plus avoir à souffrir autant. Je n’arrivais pas à trouver de l’espoir, un espoir qu’il me forçait pourtant à chercher. J’avais besoin de lui, mais pas de toutes ses attentes qui allaient avec. Je n’étais plus celle qu’il avait épousée. Je n’étais pas Isla. Des larmes coulent sur mon visage. Je suis à bout de tout. J’avais tellement mal dedans. Le Nordien sort du baquet et vient jusqu’à moi. Je ne bouge pas, le corps uniquement secouait par mes pleurs silencieux. Il se met à genoux alors même que nous savons tous deux que c’est inconfortable pour lui, et prend mes mains. Je frissonne d’horreur quand il m’annonce qu’il aurait demandé à ce que cela se fasse ainsi s’il avait été là même si je sais ce que cela signifie : parce que si cela lui sauvait la vie, j'aurais laissé des mestres le faire souffrir… Avant Dorne. Désormais, je le laisserai avoir son salut si tel était son désir. Ce serait à lui de choisir, pas à moi, ni aux autres. Il me jure qu’il sera toujours là, avec moi mais c’est faux. c’est faux parce que désormais il y a une autre femme dans sa vie, bien meilleure que moi. Je me garde de lui en faire la remarque. Je ne suis pas en état de l’entendre me le confirmer à l’oral même si je le sais au fond de moi. Je l’écoute et finis simplement par souffler Nous avons survécu… Mais à quel prix? Je lui murmure. Regardes moi. Il aurait été préférable que tu ais un second fils plutôt que ce soit moi. quoi qu’il en dise, quoi qu’il en pense, c’était ce que je ressentais au plus profond de moi. Tu aurais alors pu épouser Isla en nouvelles noces et ne pas être obligé de cacher ce que tu ressens pour elle, ni elle pour toi. les choses auraient été bien plus simples, oui bien plus simple Mais ce qui est fait est fait et nous ne pouvions plus revenir en arrière. Je ressentais une grande… lassitude quant à mon existence. j’avais vécu trop de choses en trop peu de temps. Depuis la mort de mes aînés, je ne m’étais pas arrêtée une seule fois, non pas une seule fois. Et cela n’était pas prêt d’arriver.