Le jour se levait à peine sur Fort-Darion, la froide lumière du matin venant lentement pénétrer chaque recoin de la capitale impériale et en réclamer l'autorité sur la nuit mourante. Lève toi, hurle le soleil. Lève- toi et va-t-en sur ton trône ou sur le champ de bataille qui est tiens, lève-toi et va remplir la tâche qui est la tienne en ce bas-monde car tel est ton rôle et le sera jusqu'à la dernière nuit où ni soleil ni lune n'ont d'autorité. Lève- toi! Mais ce matin, le soleil peinait à faire obéir ses sujets lorsqu'il leur ordonnait de se mettre sur leurs pieds car bien des hommes et des femmes s'étaient laissés emporter par ces derniers jours de festivité et peinent à quitter à présent le confort de leur lit pour retrouver le champs de bataille de la vie. Et c'est donc une ville somnolente sur laquelle le jour régnait ce matin.

Mais au milieu de cette torpeur générale, Lady Whent était déjà bien éveillée. La nuit s'était révélée une bien mauvaise compagne pour elle, lui refusant le doux réconfort du sommeil. La rage profonde provoquée en son âme par les événements de la nuit, par les visites nocturnes de son époux suivi de sa cousine, avaient tenu la conseillère impériale éveillée jusqu'à l'aube. Assise dans sa chambre, au milieu des débris de verre et de bois comme seule vestige de sa rage profonde, elle avait longuement réfléchi à la vision de son avenir. Mais à présent le jour se levait et il lui fallait continuer d'avancer et de remplir les nombreuses tâches étant siennes avec la même assiduité, un sérieux ne laissant rien transparaître de son trouble. Panser les plaies de la veille, rassembler l'épaisse chevelure en une coiffure stricte, se vêtir d'une armure de tissus et de bijoux. Cacher. Paraître. Enfin se sentait-elle prête à quitter sa chambre et aller suivre encore un jour le cours de sa vie.

Mais un pied à peine dans le couloir qu'une vision l'horrifia. Il fallait que ce soit lui.  

Lord Whent traversait alors le couloir, marchant quelques pas en avant d'elle-même avec la démarche titubante que partageaient tous ceux qui comme lui avaient abusé de la boisson la veille au soir. Insouciant. Inconscient. Cette vision fit immédiatement bouillonner le sang de Lady Whent, et le regard de la conseillère impériale dont le caractère froid et impassible était connu de tous brûla d'une rage froide. Ainsi son époux avait ignoré ses menaces de la veille. Cela fut suffisant pour que Lady Whent n'accélère le pas, le rattrapant assez rapidement, et vienne fermement le saisir par le bras.

"Ne vous avais-je pas dit de partir? Faut-il que j'aille moi même vous mettre sur une monture pour que vous partiez immédiatement de Fort-Darion?"

"Ne me donnez plus d'ordres Oranne."

La réponse de son époux surprise Lady Whent qui n'était pas habitué à un tel affront de sa part. N'avait-elle pas des années durant œuvré à ce que ce dernier devient silencieux et obéissant, que ce petit mari timide et gauche à qui elle avait été donné n'accepte son autorité? Mais ce dernier prenait ces derniers temps une trop grande hardiesse, voilà maintenant qu'il la défiait si ouvertement…

"Je vous ai trop pardonné vos encart de conduite, j'ai trop souvent justifié ces derniers au nom de ce que vous aviez ou accomplir pour la maison Whent mais je refuse d'être humilié encore longtemps! N'oubliez pas que je suis votre époux et que j'ai toute autorité sur vous."

"Que pensez vous faire tiens?"

La voix de Lady Whent se fit moqueuse, car un tel homme ne méritait rien d'autre que son mépris. Mais soudainement la main de son époux serrait fermement son poignet et il se mit à la secouer vivement, surprenant la dame qui ne sut comment réagir à cette soudaine marque de supériorité physique de son époux. C'était la première fois qu'il réagissait de la sorte face à elle, qu'il cherchait aussi clairement à asseoir son autorité sur elle et cette soudaine démonstration de force  

"Je vais rester quelque temps à Fort-Darion. Voilà trop longtemps que la maison Whent n'a été représentée par celui qui en est à la tête. Et vous vous ferez charmante en ma compagnie chère femme, il faut faire taire ses rumeurs selon lesquelles je ne serais que votre petit époux vous comprennez? Et vous obéirez! Vous comprenez? Vous obéirez… Maintenant laissez moi. Je vais me reposer."

Elle ne dit rien. Choquée, tremblant de l'angoisse de ce qu'un tel geste de son époux lui rappelait du passé et lui présageait de l'avenir, Lady Whent ne trouva aucune réponse. Mais cette dernière se tendit soudainement, car elle entendait des pas arriver derrière elle.

  @Isla Chelsted  

Codage par Libella sur Graphiorum

L             La main large de Lord Whent semblait se refermer autour de son poignet avec une force toujours plus importante à mesure que les secondes s’écoulaient, les doigts s'enfonçant plus profondément dans la chaire de Lady Whent à chacune de ses respirations tremblantes, rendant impossible pour elle de s’échapper à l’odeur fétide de son haleine ou à la menace de sa colère. Demain, l’égo masculin soudainement retrouvé de son époux laisserait sur sa peau si blanche des marques bleues, ses ongles des griffes d’un rouge profond. Elle avait assez connu la violence des hommes pour avoir appris les marques que cette dernière laissait sur le corps des femmes après les avoir utilisé, les avoir usé… Elle se souvenait des marques de la poigne qu’un autre avait laissé autour de son cou, de la cicatrice qui était aujourd”hui à peine visible pour toute autre personne mais que jamais elle ne parvenait à oublier. Ses cicatrices de guerre à elle. Mais ce n’était pas les traces qu’il allait laisser sur son corps auquelle Lady Whent pensait en cet instant, c’est ce qu’il allait faire ressortir dans son esprit de quelques angoisses du passé qu’elle pensait avoir aujourd’hui dépassées. D’un simple geste, Lord Whent venait d’appuyer avec grande force sur ses cicatrices de guerres véritables, celles qui avaient profondément marquées son esprit, et celà était la chose la plus terrible.

Lord Whent relâcha finalement son poignet et Lady Whent vint immédiatement masser la douleur perçante.

Et la voix qui s’éleva soudainement manqua de faire sursauter Lady Whent qui avait oublié de continuer de porter son attention aux bruits de pas s'avançant vers eux dans ce couloir, trop perdue dans ses propres souvenirs douloureux et ses angoisses, elle se tourna vivement vers celle qui venait de parler et dont la voix était si familière. Lady Chelsted. Celà n’annoncait rien de bien et la présence de cette dernière ne fit que plus encore appuyer sur les angoisses de Lady Whent. Elle ne connaissait pas assez bien cette conseillère impériale pour pouvoir réfléchir à la réaction qui serait la sienne face à ce qu’elle venait de voir mais, son esprit ne pouvait à cet instant qu’imaginer le pire, après tout cette dernière était assez proche de l’Empereur pour pouvoir lui confier ce qu’elle venait de voir et être prise au sérieux… Elle pourrait sans problème utiliser de qu’elle venait de voir pour faire pression sur sa personne et la forcer à lui rendre quelques services, ou elle pourrait attaquer sa réputation à la cour impériale comme la femme forte qu’elle avait toujours eu. Et surtout Lady Whent n’avait aucun point de pression sur Lady Chelsted pour l’empêcher de parler.

Lady Whent inspira avec grande difficulté alors que la conseillère impériale s'exprimait. Attendant la suite. Craignant la suite.

« Bien sûr. »

Son époux se renfrogna mais, après une hésitation qui sembla pour Lady Whent durer une éternité, il relâcha son poignet et finit par s'éloigner. Elle l’observa repartir sans un mot, observa la démarche encore titubante et tremblante de cet homme qui hier encore lui semblait uniquement pathétique mais dont la vision faisait à présent remonter en elle une pointe de terreur qu’elle aurait souhaité ne jamais avoir à connaître de nouveau. A présent elle le savait, le visage de cet époux se confonderait avec celui des autres hommes, sa violence se confonderait avec celle qu’elle avait connue par le passé. A présent il ne serait plus qu’un autre bourreau dans son esprit, une ombre parmi les autres qui hantent ses nuits et l’empêchent si souvent de trouver le repos. Et ce n’était que le début si elle ne trouvait un moyen de s’occuper de lui.

Lady Whent ravala sa salive avec grande difficulté et elle fit immédiatement en sorte de reprendre son apparence usuelle, remit en place les quelques mèches qui avaient osé s’échapper de son chignon et releva la tête pour montrer au monde son attitude froide et confiante. C’était certes un mensonge, mais elle ne pouvait retirer le masque étant le sien pour si peu. Fissuré, peut-être, mais elle ne quitterait son masque de suite. Mais d’autres choses ne pouvaient être cachées, notamment le tremblement de sa respiration et la marque laissée à son poignet.

« Bien. »

Bien que n’ayant aucune véritable envie de suivre Lady Chelsted dans les cuisines en cet instant, il lui semblait qu’un refus pour se retirer dans ses quartiers soit une très mauvaise réponse à tout ce qui venait de se dérouler. Une discussion s’imposait avec la conseillère impériale, la chose était certaine, et si cette dernière souhaitait lui imposer quelques demandes et faveurs en échange de son silence alors Lady Whent préférait le savoir le plus tôt possible afin de se préparer.

  @Isla Chelsted  

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Les deux conseillères impériales se mirent alors en route vers les cuisines, marchant côte à côte au milieu des couloirs vides de toute vie, se parlant sans que Lady Whent ne tourne la tête vers l'autre femme, marchant côté à côté mais semblant tout de même si distantes.

« Vous dansiez et vous vous amusiez Lady Chelsted, c'est le plus important. »

Celà n'avait aucune importance pour Lady Whent car peu de gens avait en vérité pris le temps de lui parler au cours de la grande réception, assurément repoussés par la froideur stricte qui se distinguait de tout son être. Elle était trop pieuse et ennuyeuse pour faire bonne compagnie lors d'une fête, le nier aurait été se mentir a elle-même. Il n'y avait qu'une femme qui avait pris le temps de venir la saluer en vérité mais, il lui aurait été plus agréable que personne ne lui ai parlé plutôt que d'être interpellé par Lady Omble.

Le sourire que lui offrit alors Lady Chelsted semblait véritable mais Lady Whent savait que certaines des femmes de la cour était ces jours-ci des menteuses des plus habiles

« Ce fut une dépense importante pour l'Empire celà ne fait aucun doute Lady Chelsted mais… »

Elle s'arrêta un instant, baissa le regard, chercha ses mots qui lui venaient toujours aux lèvres avec grande peine.

« Je partage votre avis, il est agréable de voir passer dans le livre des comptes des dépenses qui pour une fois ne sont liées ni à la guerre ni aux réparations de ces dernières. Je prie qu'un jour ne figure sur ces livres de compte que des réceptions, des grandes constructions et de charité pour les sujets de l'empire… »

Les deux femmes passèrent alors sous une alcôve et entrèrent dans la grande pièce qu'occupait la cuisine principale de la capitale impériale, où elles furent immédiatement saisies par les odeurs des nombreux plats servis au cours des festivités qui imprégnaient encore le lieu de leurs fumets. Les viandes et les épices qui avaient été cuisinées restaient dans l'air comme une preuve de la grande bataille qui avait été menée ici, seul preuve puis ce que tout avait déjà été nettoyé et rangé. Malgré l'heure bien matinale, une vieille servante se trouvait tout de même assise près du grand feu qu'elle entretenait avec attention, elle seule ne profitant pas d'un repos bien mérité après ces derniers jours. Voyant l'arrivée de deux nobles dames, la veille femme sembla leur demander du regard si elles désiraient son aide et Lady Whent lui répondit d'un simple geste de la main que ce ne serait pas nécessaire, préférant éviter qu'une oreille trop curieuse ne puisse entendre ce que Lady Chelsted allait bien pouvoir lui dire. Comprenant le geste, la veille femme se leva avec difficulté et quitta la pièce. Il ne restait plus que les deux conseillères impériales pour jouer la scène suivante.

Immédiatement, Lady Whent se mit en mouvement et alla chercher deux bols et un peu d'eau chaude qui restait toujours au-dessus du feu, c'était des gestes qu'elle connaissait déjà par habitude de travailler jusqu'à la nuit noire et devoir elle-même se rendre en cuisine pour une tisane. Bien que Lady Chelsted soit celle qui lui ai proposé de se rendre en cuisine, la conseillère impériale ne pouvait rester assise tranquillement, ne savait pas rester immobile. Elle ne voulait surtout pas attendre complètement immobile que cette dernière vienne enfin lui parler de ce qu'elle avait sans aucun doute aperçu dans le couloir de la scène entre Lord et Lady Whent.

« Avez-vous faim? »

Par cette offre Lady Whent espérait tendre une main amicale vers Lady Chelsted et espérer la pitié de cette dernière et le silence quant à la scène pathétique qu'elle venait d'observer mais, la conseillère impériale le craignait, ce ne serait sûrement pas suffisant.

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La question que posa Lady Chelsted déstabilisa légèrement la conseillère impériale, qui quelques secondes de trop pour que cela ne soit pas visible resta immobile. Pourquoi donc lui avait-elle posée cette question si soudainement ? Savait-elle quelque chose de la relation tendu qui unissait les deux membres du conseil impérial, avait-elle entendu des choses de la part de Lady Omble sur sa personne et sur son époux, sur la nature de leur relation… Tant de choses étaient possibles, tant de rumeurs et d’informations circulaient sur sa personne et Lady Whent n’appréciait que peu la manière dont la situation semblait lui échapper. Puis elle reprit son mouvement mécanique, déposant un des bols fumant devant la conseillère en matière juridique. Quel que soit la véritable intention de cette dernière alors qu’elle lui posait cette question, il ne fallait pas que Lady Chelsted s’aperçoive de son trouble.

« Simple politesse en effet. »

Lady Whent se pinça ensuite les lèvres, se demandant si une réponse si courte suffirait à satisfaire la curiosité malsaine de Lady Chelsted ou si cette dernière continuerait de la harceler de questions jusqu’à avoir obtenu tout ce qu’elle souhaitait entendre, tout ce qu’elle souhaitait posséder pour ensuite pouvoir la menacer. Que cachait donc cette femme derrière cette apparence faussement amicale ?

« Seul l’avenir nous le dira. »

Enfin, elle servit à la jeune conseillère en justice une tasse fumante avant d’elle aussi prendre place à la table de la cuisine, secouant la tête alors que cette dernière lui indiquait de se nourrir si elle le souhaitait. Lady Whent n’avait en ce moment aucune envie de manger tant son estomac lui semblait tordue par l’angoisse de ce que son époux avait essayé de lui faire subir la veille au soir et ce qu’il lui avait de nouveau imposé ce matin, angoissé par ce que Lady Chelsted s’apprêtait à lui dire.

Et enfin tomba la première des questions que Lady Whent redoutait, celle qui risquait d’en introduire d’autres toujours plus permissives et toujours plus dangereuse à répondre. Alors la conseillère impériale baissa les yeux sur son breuvage, posant ses mains dessus pour profiter de la chaleur de cette tasse dans la nuit encore fraiche, et elle réfléchissa à la réponse que serait la sienne. Après tout, ce ne serait pas un mensonge que de dire que c’était la première fois qu’il posait la main sur elle, jusqu’à présent jamais il n’aurait osé agir de la sorte et se serait contenté même dans sa plus terrible colère de se venger sur un meuble. Mais il fallait aussi qu’elle trouve à justifier ce geste pour ne pas recevoir plus de questions sur le pourquoi de ce basculement, il fallait répondre avec prudence.

« Oui. Mon époux n’est pas un homme violent, c’est simplement tout l’alcool qu’il a consumé lors des festivités qui doit continuer de lui embrumer l’esprit. »

Elle offrit alors un léger sourire, le plus large qu’il lui soit possible d’offrir, à Lady Chelsted.

« Vous n’aviez aucune inquiétude à avoir Lady Chelsted. »

  @Isla Chelsted  

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Lady Oranne Whent posa alors ses mains sur la tasse fumante, réchauffant ses longs doigts qui si souvent souffraient à passer des nuits glacées à travailler en venant les écraser contre le métal chaud. C’était une habitude pour cette dernière qui connaissait si souvent les soirées et parfois même les nuits à travailler seul dans son bureau, à la lumière seulement de quelques bougies, pour finir d’étudier les comptes ayant été dressés pour un projet ou un autre au sein de l’Empire, pour travailler sur quelques requêtes dressés par des serfs de la maison Whent, ou pour donner quelques ordres et guidances par lettres à ceux qui sur place faisaient appliquer ces ordres en tant que véritable tête de la famille Whent… C’était une chaleur souvent nécessaire durant ces soirées solitaires, mais qui jamais ne pouvait véritablement compenser ce qu’était l’absence d’autres autour d’elle.

Mais aujourd’hui quelqu’un se tenait là à côté d’elle dans cette grande pièce froide au milieu de la nuit. Pour une fois elle n’était pas seule. Cependant, Lady Whent ne savait pas quoi faire exactement de cette femme se tenant là et semblant lui tendre une main amicale après cette terrible épreuve que venait d’affronter la conseillère impériale, la deuxième main qu’on lui tendait en une même nuit pour l’inviter à se livrer sur ce qui se déroulait véritablement dans son mariage. Et son esprit lui hurlait de rejeter cette femme et l’aide qu’elle lui offrait comme elle l’avait fait quelques heures plus tôt à peine avec sa cousine. Et cette Lady Chelsted qui, là, la regardait avec cette compassion et cette pitié de cette scène qu’elle avait aperçu, son esprit ne semblait trouver d’autre choix que celui de la repousser. Elle leva la tasse pour venir souffler sur le liquide brulant.

« Surement avez-vous raison. »

Puis elle reposa la tasse de thé fumant sur la table et la relâcha, et la chaleur qui doucement s’était avait parvenu à s’infiltrer dans son corps la quitta soudainement. Ne restait plus rien qu’elle au milieu de cette grande pièce froide et cette étrangère, là, qui lui tendait une main.

Lady Oranne Whent s’était trop longtemps habituée à vivre dans l’ombre des autres, des hommes de sa famille qui ne voyaient en elle qu’une commodité à vendre contre une alliance, dans l’ombre protectrice loin des lumières portées au centre des festivités pour rester protégée des hommes, dans l’ombre de son époux pour que la véritable étendues de son pouvoir reste insoupçonné. Mais l’ombre était un lieu si froid et si solitaire qu’après des années à apprendre à y vivre, c’est finalement l’ombre qui s’était emparé de Lady Whent en la rendant à son tour froide et solitaire. Comment aurait-elle pu à présent accepter la main si chaude que lui tendait Lady Chelsted ? Il lui était impossible d’accepter ce geste dans sa simple gentillesse, de ne pas chercher à le comprendre par le prisme d’une possible future trahison dont elle ferait le prix car trop souvent Lady Whent s’était vue malmenée, gravée par les difficultés de la vie.

Alors cette femme leva le regard vers l’étrangère qui se tenait à ses côtés et essaya de lire dans le regard de cette dernières ses intentions véritables, essaya de trouver une lueur mauvaise qui confirmerait ses angoisses. Mais elle ne trouva rien de cela. Alors elle baissa de nouveau le regard vers la tasse fumante qui trônait face à elle et la portant à ses lèvres, bu d’une traite le liquide brulant.

« Pourquoi donc voudriez-vous m’aider ? »

  @Isla Chelsted  

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Oranne Whent bu une gorgée de sa boisson, cette dernière réchauffant sa gorge qui souffrait constamment du froid régnant dans la pièce de son étude. Voilà qu’à présent Lady Chelsted lui offrait un grand discours sur la place des femmes dans leur société, comme si la conseillère impériale n’avait pas par elle-même expérimenté la manière dont le monde pouvait se montrer injuste et cruel envers celle du sexe faible, comme si elle n’avait pas passé toute sa vie de femme mariée à œuvrer pour le nom de son époux et de ses enfants sans jamais pouvoir en prendre complètement les lauriers.

« Vos paroles sont bien belles Lady Chelsted mais elles ne restent que des paroles. »

Lady Chelsted lui offrait une main protectrice et rassurante. Et face à ce signe chacun des réflexes de Lady Whent lui disaient de rejeter immédiatement cette proposition qui ne pouvait être qu’une pomme empoisonnée, une offre qui très vite montrerait son prix. Sûrement très couteux. Son esprit lui expliquait clairement qu’elle devait refuser cette gentillesse et cette entraide qu’on lui offrait, qu’elle devait toujours n’avoir confiance en nul autre qu’elle-même comme lui avait été enseigné durant son enfance, comme la vie lui avait longuement et durement appris. Car les femmes, bien que possédant une force de nuisance moindre que celle des hommes, n’étaient pas pour autant de douces brebis à qui on pouvait sans problème accorder sa confiance. Dans ce monde, il fallait se méfier de tous comme de toute et Lady When était préparée à cela.

Et pourtant la réponse qu’elle offrit fut tout autre.

« Peut-être… Un jour… »

Elle ne parvint qu’à murmurer cette concession en réponse à Lady Chelsted, mais dans ce simple murmure c’était un cri qui depuis des années hurlaient dans son esprit qui soudainement lui échappait en un soupire. Un premier bruit qui enfin sortait d’entre ses lèvres après des années à avoir retenu le moindre cri, le moindre son…

Sûrement Lady Chelsted s’était-elle attendue à une autre réponse à cette offre qu’elle faisait avec toute l’honnêteté de son caractère et de son cœur, à être acceptée avec de nombreux remerciements et une ambassade chaleureuse. Peut-être serait-elle déçue de la réponse de Lady Whent et comprendrait cette dernière comme un rejet simple et complet de sa proposition, car il était bien difficile de déchiffrer derrière le masque de glace de la conseillère impériale ce que ces quelques mots révélaient véritablement. Pourtant ces derniers étaient sortis de ses lèvres avec un grand effort de sa part pour ne pas céder à son habituel mécanisme de défense, au coup d’une énorme prise de risque pour cette femme toujours si méfiante et réservée quant à la vie personnelle étant la sienne. Pour une personne peu méfiante comme Lady Chelsted, un jour était souvent une manière d’éviter poliment le négatif, mais pour Lady Whent qui sans problème refusait sa confiance et sa sympathie ce simple peut-être ouvrait le champ des possibilité… Entre ses doigts, la chaleur de sa tasse fumante remplaçait pour l’instant celui de la main de Lady Chelsted.

Un autre jour sûrement cette dernière aurait refusé cette main tendue par Lady Chelsted, mais la fatigue de ces derniers jours et les récents évènements avec son époux avaient entaillés la forteresse dressée par la conseillère impériale elle-même.

Mais cette discussion se faisait si fatigante pour la conseillère impériale, et elle ne pouvait à présent que se résoudre à implorer un peu de silence et de repos auprès de son interlocutrice.

« Je vous prie de ne plus me parler de cela aujourd’hui Lady Chelsted, je ne pourrais pas plus vous promettre que ce que je vous ai dit là… »

  @Isla Chelsted  

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