Il était bien impossible de dire qu'elle se sentait seule à Fort-Darion, car même si les hommes étaient pour la plupart partis à la guerre à présent, la capitale impériale continuait à grouiller de vie, de jour comme de nuit, des personnes venant de tous les coins de l'Empire, soit pour pouvoir visiter la cité en plein développement, pour pouvoir faire du commerce ou encore pour profiter d'un endroit plus sécurisé que celui qu'ils avaient quitté auparavant. Ysilia avait suivi la délégation valoise jusqu'à la capitale pour signer la Constitution Impériale quelques jours auparavant. Prise dans un tourbillon, dans une véritable tempête depuis que le royaume du Val et de la Montagne avait capitulé par décision de Ronnel. Elle avait du quitter la Porte-Sanglante pour Fort-Darion, participer à des festivités alors que le cœur était à la fois joyeux de ces nouvelles perspectives et pourtant, terriblement lourd de voir que certains risquaient de garder rancune et rancœur longtemps contre eux, sans parler de l'inquiétude générale qui était la sienne depuis que son époux était parti à la guerre. Elle se sentait fatiguée et elle avait parfaitement compris qu'il fallait qu'elle fasse confiance à son corps et qu'elle l'écoute autant qu'elle le pouvait pour ne pas risquer de faire une fausse couche. Elle n'était pas certaine que son mari vienne à lui pardonner qu'elle s'implique trop dans la politique et qu'elle mette de côté sa santé et celle de leur enfant à naître. Finalement, l'excuse était toute trouvée de rester ici puisqu'elle pouvait nouer divers contacts, avec des personnalités d'autres royaumes fédérés. Elle remplissait donc sa tâche de souveraine. Elle avait, certes, prévu un voyage jusque dans le Nord pour rencontrer la Reine Eléanor Stark et ainsi faire la passation de pouvoir au niveau des Trois Soeurs, mais elle prenait le temps ici avant de devoir monter sur le bateau. Le retour dans le Val allait devoir attendre un peu, la situation était pour le moment bien trop tendue pour qu'elle prenne le risque de rentrer avant que son père ne fasse un peu de ménage là-bas et y ramène le calme, autant que faire se peut.

Cependant, si elle avait bien eu une surprise ici, c'était la note de Daena Redwyne, lui proposant de partager un repas en tête à tête. Ysilia était parfaitement au courant que cette dernière avait rencontré Ronnel, son époux en avait discuté avec elle, lui montrant ainsi que tous les Peyredragonniens n'étaient pas à mettre dans le même panier. Après tout, la jeune souveraine n’avait nullement oublié les paroles dures que le Prince Régent, Orys Baratheon, avait eu pour le Val et pour la couronne. La danse qu'ils avaient partagé, n'avait pas aidé à calmer le ressentiment qu'elle pouvait avoir contre lui, et il lui avait bien semblé que l'Impératrice était du genre à suivre le même avis que ce dernier. De ce fait, Ysilia restait méfiante, même si elle ne le montrait pas ouvertement, pour qu'on ne puisse pas lui reprocher un quelconque impair envers un des représentants de ce royaume. Pour autant, elle n'avait nullement envie de renoncer à la proposition de la jeune lady, Ronnel avait eu une bonne impression et Ysilia désirait donner sa chance à chacun. Elle lui avait donc répondu favorablement avant de prendre les dispositions nécessaires pour pouvoir être prête à leur pour ce repas en tête à tête. C'est accompagné de deux gardes qu'elle vint à parcourir les couloirs du château, tout en suivant un page qui lui indiqua la salle. On ouvrit les portes et après un rapide coup d'oeil, elle fit signe aux hommes en armes de l'attendre à l'extérieur. Elle s'avança doucement dans la pièce, inclinant la tête avec un sourire à l'égard de Daena Redwyne, attendant que les portes ne se referment pour pouvoir prendre la parole. « Non ne vous inquiétez nullement pour mon programme. Je vais en sorte de me ménager et de profiter de prendre un peu le temps de vivre entre deux obligations. En tout cas, je vous remercie pour votre invitation fort aimable, je suis heureuse d'être ici. J'espère que vous ne m'avez pas attendu trop longtemps ? »

Ysilia avait pleinement conscience du devoir qui était le sien et de ce qu'elle devait essayer d'accomplir ici. Elle aurait pu rentrer bien plus rapidement aux Eyrié, et sans doute venir à s'enfermer jusqu'à la fin de sa grossesse. Elle savait combien il était important pour Ronnel de voir cette naissance, que ce petit être qui grandissait en elle puisse pousser son premier cri, de ne pas reproduire ce qui s'était malheureusement passé avec Nymeria. Pour autant, si elle ne pouvait apporter aucun soutien à son époux, maintenant qu'il était parti sur le champ de bataille, elle se devait de faire en sorte de se rapprocher un tant soit peu de leurs nouveaux alliés. Avant de regagner le Val, elle avait d'ailleurs contacté la Reine du Nord pour espérer avoir une entrevue, et défendre au mieux la cause des Trois Soeurs, car bien que ces terres avaient été récupéré par leur voisin lors de la capitulation, il ne fallait pas oublier qu'elles étaient encore valoises il y a peu, et que la transition serait sans doute difficile d'un côté comme de l'autre. En attendant qu'elle ne fasse un tel voyage, elle était ici à Fort-Darion, et l'invitation de Daena Redwyne était une plaisante distraction. Si Ronnel avait parlé d'elle à cette dernière et qu'elle avait pris le soin de vouloir l'inviter pour la rencontrer, c'est qu'elle ne devait pas être aussi fermée que les autres membres représentants de Peyredragon. En tout cas elle l'espérait, car les mots de Orys avait été douloureux, et même si elle comprenait en partie ce refus de se satisfaire d'une nouvelle alliance après les morts qu'ils avaient connu, il était essentiel qu'ils travaillent main dans la main.

Daena était belle, elle semblait douce également, ainsi que distinguée et cela apaisa tout de suite Ysilia. Bien qu'elle avait été auprès de Nymeria, comme dame de compagnie, ce n'était à ce moment-là, pas elle qui était en représentation mais bien la Reine, et c'était donc encore un exercice qu'elle était en train d'apprendre. « Faites vous plaisir, après tout, vous êtes ici chez vous en quelque sorte. De mon côté, je vais prendre quelque chose de plus doux, de plus sucré peut-être ... » Elle ne savait si Ronnel avait évoqué avec la jeune femme le fait qu'elle soit présentement enceinte. Même si elle n'en était encore qu'au début et que cela ne se voyait pas, elle avait eu certaines recommandations de la part du mestre et elle ne voulait en aucun cas manquer à son devoir de futur mère. Ysilia leva son verre, pour célébrer cette rencontre et but une gorgée à son tour avant de le reposer sur la table délicatement. « Non, il ne m'a pas évoqué cela … Mais maintenant que vous parlez de cette histoire, je veux bien l'entendre. Vous m'en avez trop dit ou pas assez ma Dame. » Répondit-elle avec un sourire amusé aux lèvres. « Si vous n'aviez pas fait bonne impression, je ne pense pas que nous nous serions vu aujourd'hui. Sans vous offensez, regardez ce qu'il en ait du Prince Régent … Je ne l'ai point revu depuis cette soirée. Même si je comprends les mots, nous faisons tous des erreurs, que nous essayons mon époux et moi de réparer aujourd'hui. » La jeune reine resta silencieuse quelques instants, cherchant les meilleurs mots pour décrire ce qu'elle ressentait par rapport à Fort-Darion. « Cela fourmille de monde partout, c'est aussi enrichissant … Qu'épuisant d'une certaine façon. Je suis heureuse d'être ici, mais une partie de moi à néanmoins hâte de rentrer à la maison … Et vous, depuis combien de temps êtes-vous ici ? Qu'est-ce qui vous y a conduit ? »

Daena avait fait en sorte de l'accueillir de la meilleure des façons. Ysilia ne sentait aucune hostilité de sa part, et cet endroit n'était pas fait pour pouvoir la condamner mais bien pour pouvoir créer une discussion cordiale, voir même amicale avec cette dernière. Et ce n'était pas de trop dans un tel endroit, et encore plus dans un tel contexte politique. Ronnel et elle avaient échangé de nombreuses choses avant que celui-ci ne parte pour aller combattre dans le Conflans, contre leurs anciens alliés. Bien évidemment, comme souvent, il avait été question de sa santé et de sa sécurité, elle se devait de faire attention à elle, de se reposer au maximum pour ne pas risquer quoi que ce soit, et d'éviter toute situation qui pourrait venir à lui causer un quelconque soucis. Elle n'avait eu de cesse de lui dire qu'il prenait lui bien plus de risque qu'elle à partir à la guerre ainsi, à mener ses troupes et donc potentiellement à perdre la vie là-bas, plutôt qu'elle à se rendre à des rendez-vous avec de nobles personnes de l'Empire que ce soit ici ou ailleurs. Elle ne comptait pas faire le tour de Westeros, et elle était consciente que le Val pour le moment, n'était pas le havre de paix qu'elle pouvait espérer pour mener à bien sa grossesse. Il était important qu'elle puisse rentrer jusque dans le royaume dont elle était la souveraine, mais pas au péril de sa vie, ou plutôt pas au péril de celle de son enfant. Néanmoins, entre tous ces tracas qui avaient été ceux de Ronnel et qui continuaient sans aucun doute à être les siens, même en étant bien loin de ses terres, il avait eu le temps de lui parler de Daena Redwyne, sans lui donner tous les tenants et les aboutissants de leur discussion. Il semblait pour autant que la jeune femme avait fait clairement bonne impression à son époux, et ce n'était pas une mince affaire par ailleurs. Elle était douce et prévenante et Ysilia avait réellement envie d'en apprendre plus sur elle, et bien qu'elle faisait confiance à son époux, elle voulait se forger sa propre impression.

Elle écouta donc attentivement Daena lui faire le rapport de sa rencontre improvisée et quelque peu catastrophique avec les deux lynx. Il fallait avouer que Cendre et Chance étaient encore petits, qu'ils étaient profondément gourmands, joueurs et par conclusion, ils étaient plus ou moins indisciplinés. C'était comme tout, il fallait les éduquer, mais c'était une chose qui prenait du temps et puis, ils n'en restaient pas plus ou moins sauvages malgré tout. En tout cas, elle était bien heureuse d'avoir gardé Chance auprès d'elle, elle était d'une agréable compagnie, et bien différentes des femmes et des hommes qui se pressaient autour d'elle. « Ils sont si jeunes, et bien que nous les nourrissions du mieux que nous pouvons, je crois qu'ils sont bien trop gourmands pour leur propre bien. Je ne doute pas que la scène devait avoir quelque chose de forte hilarante, mais tout comme mon époux je ne me serais pas permise de me moquer de vous. J'espère que vous n'en voulez pas à ce soldat, il y a si peu de moments de joie pour eux ces derniers temps, même si j'aurai préféré que cela ne se fasse pas au détriment de vous. En attendant, j'ose escompter que vous n'avez pas pris froid avec ce petit passage dans l'eau. » Il y avait un peu de malice dans le regard de la jeune Reine. « Je sais bien combien le chemin sera long pour pouvoir parvenir à une entente cordiale entre tous les membres des Royaumes Fédérés, nous avons tous combattus les uns avec les autres, mais aussi les uns contre les autres. Je ne punis pas ce sentiment amer qui peut étreindre les cœurs, le contraire serait plus étonnant et affolant encore. Mais vu son rang, vu sa place, le tact est une chose qu'il doit apprendre. Il risque, par ses mots, par son attitude, de réveiller certaines amertumes et empêcher une paix totale entre tous. » Elle lui adressa un doux sourire.

« Parler de politique ma Dame, je n'y vois aucun soucis. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le loisir d'être élevé pour cela, qu'on ne possède pas une vision du monde, de ces possibilités ou de ces restrictions. Parfois plus clairement que ceux qui y sont plongés. Moi-même, je ne sais si j'aurai bénéficié d'un tel enseignement si mon frère m'avait précédé ou que nous venions à avoir moins d'écart d'âge. » Il n'y avait aucune méprise à ce sujet. Ysilia vint doucement à sourire à la jeune femme, plongeant son regard dans le sien. « Je suis certaine que si un jour nous parvenons à cette paix, vous aurez tout le loisir de quitter Fort-Darion pour aller ailleurs, et si vos pas vous mène jusqu'aux Eyrié, je serai plus que ravie de vous y accueillir. Quant à votre lien de parenté, ce n'est pas la ressemblance qui permet de faire l'entente entre deux membres de la même famille. » Elle put un peu de son verre, rougissant un tantinet quand elle prononça les mots sur l'attachement que Ronnel pouvait avoir à son égard. « Je suis bien aise de le savoir, nous sommes cousins, et nous avons donc partagé nos jeux d'enfants. Mais il s'est marié une première fois, un mariage autant politique que d'amour, il n'est pas chose aisé de passer après une telle femme. Je crois qu'il est trop bon avec moi, je ne suis pas certaine d'être aussi intéressante qu'il a pu le dire. Je suis née à Roche-aux-Runes, le long des côtes. Je fus fille unique pendant de longues années, et je fus donc éduquer dans la possibilité d'être un jour l'héritière de mon père. J'ai été fiancée un cours instant avec Jon Stark, avant que ce destin s'éloigne, pour revenir après la disparition de Nymeria Lannister. Le jeu est toujours caché mais souvent cruel. »

« Il faut bien avouer que les situations cocasses sont peu nombreuses aujourd'hui. Les tensions sont partout, et la guerre est la véritable impératrice de Westeros. C'est parce que la guerre nous a opposé sur un champ de bataille qu'elle nous a poussé à rendre les armes et a accepté de participer au projet de l'Empire, que nous nous retrouvons ici toutes les deux à discuter. Nous avons oublié, petit à petit, les petits bonheurs simples, nous sommes chaque jour à attendre un de ces minuscules moments. Je crois que moi-même je n'aurai pas manqué de rire également, car c'est quelque chose d'extrêmement précieux. Bien que dans ce contexte, cela n'en restait pas moins indélicat. » Elle vit son regard se porter sur le verre de vin, et elle eut un petit sourire complice envers elle. « Cette chose est traite, je vous le concède volontiers. En attendant, vous avez sans nul doute, bien plus apprécié la suite de la soirée que je n'ai pu le faire. Je crois que les Valois se sont réunis ensemble pour faire la fête, mais j'avoue avoir regagné ma chambre pour ma part. Tout le voyage, puis les festivités m'avaient fatigué. Je n'ai donc pas eu à subir les affres d'un vin qui me monterait à la tête. Mais si non profitons pas de tels moments pour en boire et en abuser, je ne sais pas quelle excuse peut-on trouver pour cela. » Répondit elle avec un certain amusement.

Quand elle énonça le fait qu'elle était admirative de la femme qu'elle était, ou plutôt de celle qu'elle représentait, Ysilia ne manqua pas à secouer quelque peu la tête de droite à gauche pour pouvoir réfuter les propos qu'elle venait de lui adresser, bien qu'ils étaient fort agréable à entendre. « Je ne suis pas une femme de pouvoir, en tout cas je ne me considère pas ainsi. Sharra Arryn l'était, et l'est toujours d'ailleurs à sa manière, l'Impératrice l'est tout autant mais moi … Cela ne fait même pas deux mois que je suis devenue Reine du Val et de la Montagne. Et je n'ai pas véritablement l'impression que ce soit une grande réussite, que j'ai changé quoi que ce soit, ou que j'ai été un soutien à la hauteur pour mon royal époux avec les maux qu'il vient de traverser. » Et elle ne serait pas plus présente pour les suivants puisqu'elle ne pouvait l'accompagner sur un champ de bataille, elle était pleinement consciente que ce n'était pas sa place et elle n'avait aucun désir de connaître pareil situation. Mais elle ne pourrait pas lui tenir la main pendant les moments de doutes, elle ne pourrait pas l'agacer terriblement avec son optimisme qui était à l'égal mesure de son pessimisme à lui. Autant dire qu'elle était inquiète pour lui, le contraire serait bien étonnant, il n'était pas forcément question d'amour, mais d'un sentiment profond d'amitié qu'elle lui avait toujours voué, même au moment le plus terne de son existence, et sans doute bien plus encore à ce moment-là. « Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de m'y installer depuis que je suis Reine. Je me suis mariée à Chênes-en-Fer, terre des Vanbois, la famille de ma mère, puis j'ai rejoins la Porte Sanglante quand la capitulation s'est montrée comme étant la seule solution possible. Et ensuite, j'ai suivi la délégation valoise jusqu'à la capitale. Il me faut y retourner et parvenir à m'y installer. Mais les Eyrié sont suspendus en haut d'une montagne, et les nuages viennent souvent s'enrouler autour de la base, et on a l'impression de voler au-dessus de la brume. La ville ne peut englober le palais royal comme cela est le cas à Fort-Darion. »

« Ce n'est certes pas un voyage des plus agréables, mais en suivant le Mestre vous vous rendez bien plus utiles aux gens que je ne pourrais jamais le faire et c'est une noble cause qu'on devrait tous suivre. » Le spectacle était sans doute extrêmement douloureux mais la mort faisait également parti de la vie, et elle faisait en sorte de permettre à cette dernière de continuer en dehors des limites qu'on imposait normalement à une lady. La question de Nymeria était une chose difficile à aborder, car elle avait perdu une amie qui comptait à ses yeux, et à son cœur, et si elle l'avait hanté par un souvenir délicat, c'était aujourd'hui un mélange de bien d'autres choses qui n'étaient pas évidents à gérer tout en même temps. « Ma belle-mère m'a dit presque la même chose avant mon mariage avec Ronnel, au sujet de Nymeria. Certes, elle n'a pas été longtemps sur le trône du Val, en quelques mois seulement je serai parvenue à en faire tout autant. » Mais elle était dans son cœur depuis une éternité qu'il lui serait sans doute impossible à surpasser. Pour autant, cela ne la regardait pas outre mesure. Ysilia vint à sourire doucement. « Je ne doute pas que si vous avez commandé un repas pour nous, vous avez fait en sorte de demander aux cuisines les plats que je préfère manger, ou plutôt … Ce que je peux ou ne peux pas manger. » Elle eut un petit sourire. « Quelqu'un vous aurait-il murmuré quelque chose me concernant ma Dame ? »

Ysilia n'était pas amer, ou tout du moins, elle ne l'était pas totalement en tout cas. Pour elle, l'Empire allait sans doute ouvrir de plus grandes possibilités pour le royaume dont elle était la souveraine, et cela permettait surtout au Val de ne plus être pris en étau, entre le Nord, les terres mêmes appartenant au domaine impérial ou encore la  menace que pouvait faire planer Peyredragon directement sur eux, et elle savait combien, les rapports avec ces derniers risquaient d'être tendus. Il pouvait y avoir une entente de façade, et la signature d'une Constitution pour régenter tout ça, mais elle était toute autant consciente qu'ils auraient encore des ennemis au sein de la nouvelle forme politique qu'ils avaient rejoins, qu'à l'intérieur du Val, où tout le monde ne pouvait se réjouir de cette toute récente prise de position. Malheureusement, pour eux, il y avait eu au cours des derniers mois, et des deux années écoulées, trop de revirements de situation. La neutralité était une position difficile à tenir, surtout quand on savait que l'Ouest, lui, avait plutôt tendance à suivre le vent, suivant la direction qu'il venait à prendre. Cela faisait des Arryn, les derniers à chercher véritablement la neutralité. Et puis un jour, l'appel de la guerre, ou plutôt l'inquiétude vis-à-vis de celle-ci, qui se développait sur tous les territoires de Westeros avait poussé à faire des choix, et ils se devaient tous de l'assumer dans un sens comme dans un autre. Elle espérait juste que le royaume ne viendrait pas à s'effondrer de l'intérieur, et que cela ne serait pas au profit d'autres membres de l'Empire, réfractaires à eux. « Il est vrai que ce sont mes premières célébrations à Fort-Darion, mais j'espère bien que ce ne seront pas les dernières. Peut-être aurais-je l'occasion d'en profiter plus la prochaine fois, que l'inquiétude ou une certaine forme de désappointement ne viendra pas me gâcher mon plaisir. Après, peut-être que c'est aussi une question de tempérament, ou simplement, aussi une certaine fatigue avec le voyage. Je n'ai pas arrêté de me déplacer au cours des dernières semaines et cela joue sur l'organisme. » Encore plus quand on était enceinte. « Dans tous les cas, vous avez bien eu raison d'en profiter. »

En tout cas, on ne pouvait pas dire le contraire, Daena faisait en sorte de sortir tout ce qu'elle connaissait et toute la gestuelle de la diplomatie, pour faire visiblement un pont entre Peyrdragon et le Val, un pont entre l'Empire et le Val. Elle parlait même d'amitié, et c'était une possibilité à envisager. Ysilia ne voyait pas chez elle une quelconque once de méchanceté ou même de calcul par rapport à tout cela. Ce n'était peut-être qu'une façade, mais elle doutait que ça soit le cas. « Je compte bien prendre la place qui est la mienne, ne vous inquiétez pas pour moi, il est juste certain que je n'ai pas le même tempérament qu'une Rhaenys Braenaryon, ou d'après ce que j'en sais, une Argella Durrandon. Je me dis que chaque Reine a son style et sa façon de fonctionner, et puis s'adapter au peuple qu'on a en face de soit également. » Les Arryn n'avaient plus la même popularité qu'auparavant auprès du peuple valois, il fallait être capable de retrouver la confiance de ce dernier et cela serait sans doute un travail de longue durée. Elle resta silencieuse, écoutant la suite de son discours avec attention. C'était bien ce qu'elle s'était imaginée, elle était d'une honnêteté presque irréprochable et au moins, venait elle de lui avouer la raison de ce repas. « Doutez-vous que le Val ou Peyredragon ne tiennent pas leurs engagements ? La Constitution est normalement faite pour pouvoir nous préserver d'un quelconque mouvement séparatiste ou d'une agression entre alliées. Mais je comprends ce que vous entendez par là ... » Elle lui adressa un sourire délicat. « Votre proposition est réellement agréable et c'est avec plaisir que je l'accepte, j'ai autant besoin d'amis ici que directement au sein de la Cour des Eyrié, sauf que je serai bien plus présente là-bas qu'ici, et donc je n'aurai pas forcément écho des discussions cachées qui ne manqueront pas de pulluler ici. Mais cela ne vous gêne pas de jouer d'une certaine façon, les espionnes pour moi ? »

Daena ne manquait pas de se défendre d'une quelconque manœuvre politique, mais pour autant, c'était elle qui avait convié ce rendez-vous avec la Reine du Val et de la Montagne, suite en plus à une discussion avec son époux. Alors même si elle venait à prétendre qu'elle ne pensait nullement à un moyen ou un autre de prendre une place plus importante au sein de l'Empire, il n'en restait pas moins que le Val semblait avoir gagné son intérêt, tout autant qu'elle. Si aujourd'hui, Ysilia était souveraine de ce si joli royaume dans lequel elle avait toujours grandi et évolué, il y a quelques mois de cela, elle n'était rien d'autre qu'une lady comme une autre, proche du pouvoir certes, mais qui n'avait jamais cru que son destin viendrait à être autant bouleversé que c'était le cas. Enfin, après l'échec de ses fiançailles avec Jon Stark, c'était ce qu'elle avait pensé. La suite avait été totalement imprévue, et elle n'avait pu se faire que parce que Nymeria avait malheureusement rendu l'âme, ce qui donnait au tout, une petite note qui venait à la rendre quelque peu mal à l'aise. Maintenant, elle était là, quelques mois plus tard, mariée, enceinte et parlant avec une jeune femme tout à fait charmante mais pleinement inconnue, de nouer une amitié entre elles deux, mais une amitié qui allait au-delà de la simple conversation entre deux femmes. Il y avait une note profondément politique derrière, peut-être même stratégique d'une certaine façon et elle se demandait comment cela allait influencer leur relation. « Avoir des amis est une chose essentielle, encore plus dans le monde dans lequel nous évoluons toutes les deux. Je ne remets nullement votre proposition en considération, c'est véritablement agréable mais mettre ça en parallèle de l'idée qu'il y a des grincheux qui pourraient en avoir après moi, laisse une image particulière, je dois bien l'avouer. »

Et Ysilia perdit son sourire petit à petit quand Daena continua de s'exprimer. Elle était persuadée qu'elle ne disait pas cela en pensant à mal, mais il y avait quelque chose qui la dérangeait, qui venait à la plonger dans un froid nocif pour elle. Peut-être voyait-elle inutilement le mal à cet instant, mais son père l'avait malgré tout bien éduqué, et lui avait toujours dit de se méfier des propositions qui pouvaient se montrer aussi alléchantes que celle-ci. Elle reposa doucement sa fourchette, venant à placer ses mains sur ses genoux, jouant légèrement avec ses doigts sous la table. « Il n'est nullement question de refuser une main tendue, je serai bien idiote. Mais sans penser au fait que vous soyez la cousine de Rhaenys Braenaryon, que vous êtes l'amie du Prince Régent, ou encore que vous êtes proche de Isla Chelsted que j'ai aperçu en train de danser avec l'empereur lors de la fête à Fort-Darion. Juste être amies pour nous, sans avoir l'impression qu'il y a un quelconque intéressement à créer un tel lien entre nous. Se frayer un chemin jusqu'à eux pour pouvoir avoir pleinement leur confiance. Même si je représente le Val, et que les relations sont compliquées avec Peyredragon, nous sommes aujourd'hui au sein de l'Empire, nous sommes un royaume fédéré au même titre que les autres, et je ne veux pas être vue comme une manipulatrice qui passe par vous pour monter plus loin ensuite. Si cela aide, tant mieux mais je veux quelque chose de simple c'est tout ... » Lui répondit-elle tout simplement en plongeant son regard dans le sien. Elle baissa les yeux vers sa robe et elle eut un sourire délicat à son attention. « Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour le plaisir depuis mon mariage, entre la guerre, puis la capitulation, et ma venue ici, cela a été si rapide que je n'ai pas eu le temps de souffler. Néanmoins, j'ai de la chance d'avoir de très bons couturiers au Val, peut-être qu'un jour, vous aurez l'occasion de venir jusqu'aux Eyrié pour les rencontrer. Cependant, vous êtes ravissante également, n'en doutez jamais. »

Ysilia n'avait nullement le désir de blesser qui que ce soit en cet instant. Les attentions qu'avaient eu Daena à son égard étaient véritablement touchantes, mais la naïve jeune fille qu'elle avait été par le passé, venait à perdre petit à petit du terrain face à une souveraine, certes toute aussi jeune, mais qui se devait d'être plus méfiante vis-à-vis des autres, car l'approcher pouvait être une opportunité pour venir à obtenir des informations délicates, ou pire encore lui planter un couteau dans le dos. Elle considérait que ce n'était nullement la volonté de la Peyredragonnienne mais elle se questionnait néanmoins sur la teneur de la discussion qu'elle avait pu avoir avec son époux, Ronnel. Lui avait-elle fait le même numéro, parlant d'être les yeux et les oreilles du souverain du Val à la Cour de Fort-Darion et venir ainsi à lui faire des rapports sur la situation ici et sur ce qu'on pouvait bien dire sur les Arryn, quelque soit le membre de la famille dont on venait à parler. Elle ne voulait nullement se mettre quelqu'un à dos par une maladresse de l'engage ou d'attitude, l'exercice était si nouveau pour elle, là où Daena semblait en maîtriser cet art à un niveau bien plus supérieur qu'elle à cet instant. Sans doute qu'elle pourrait aussi apprendre une telle chose auprès de la jeune femme. Bien que pour parvenir à une telle chose, il lui faudrait rester plus longtemps dans la capitale impériale, et qu'elle devait mettre à profit le temps dont elle disposait pour pouvoir remettre à flot le royaume du Val et de la Montagne qui était déchiré depuis bien trop de temps, et qui finirait par prendre feu si on ne maîtrisait pas rapidement la colère du peuple.

« Ne vous excusez pas, c'est sans doute moi qui ne sait pas encore trouver le juste milieu entre la défiance sécuritaire et la confiance risquée. Je sais que vos intentions à mon égard ne sont pas mauvaises, Ronnel n'aurait sans doute pas accepté qu'on se rencontre s'il avait eu un doute. Néanmoins, je serai sincèrement heureuse qu'on puisse s'écrire quand je ne serai plus là, ça me donnera du baume au cœur quand je rentrerai chez moi. » Elle lui adressa un sourire doux. L'arrivée du dessert fut un moment qui l'apaisa et elle en profita avec une gourmandise certaine. « En tout cas, un repas en tête à tête comme ça, sans pression du monde, sans pression des hommes ou d'autres autorités impériales, c'est fort agréable. » Elle s'essuya le coin de la bouche, plongeant son regard dans le sien. « Le repas fut très agréable, tout autant que vous d'ailleurs. Je vous remercie pour votre invitation et j'espère que nous aurons l'occasion de remanger ensemble avant mon départ. Cette fois, c'est moi qui me charge de l'organiser. » Elle se leva doucement, la remercia à nouveau avant de prendre congé de Daena Redwyne.