Cela faisait maintenant quelque temps que nous avions quitté la tranquillité de mon royaume de naissance, pour nous enfoncer toujours plus dans celui de l'Orage, dévasté par la guerre. Je ne jugeais pas, ce n'était pas à moi de le faire, de toute façon, sur le plan politique, c'était un sacré merdier où qu'on aille. La compagnie de la dornienne était agréable, bien que nous n'échangions au final que quelques mots par-ci par là. Mais plus on approchait du but, moins j'étais bavard, déjà que je ne l'étais pas vraiment en temps normal, là, ça ne s'arrangeait pas. On pouvait au moins compter sur Léliana pour combler des silences parfois bien trop longs. Je ne savais toujours pas si c'était une bonne chose ou non qu'elle nous accompagne. Après tout, il s'agissait de son royaume de naissance et j'avais un peu peur qu'elle décide de partir de son côté. Bien que je ne m'y opposerais pas réellement, je n'étais pas prêt à la savoir seule, dans un royaume en guerre. Et elle n'était pas prête non plus, même si elle connaissait les bases du maniement de l'épée par exemple. Je savais que c'était un peu égoïste, mais c'était comme ça et jusqu'à maintenant, ça nous ne réussissait pas trop mal.

J'avais pourtant vu quelques changements dans le comportement de la jeune femme au fur et à mesure du voyage. L'influence et le fait d'être en compagnie d'une autre femme devaient certainement y jouer. Je n'étais pas vraiment doué dans le rôle de père, de figure paternel, j'étais plus doué dans celui de protecteur. Parce que dans le second cas, on se contente du minimum vital pour pouvoir survivre. Je savais que Léliana arrivait à un âge délicat, mais pour le moment, je n'avais pas à me plaindre, sans doute parce qu'elle avait déjà assez souffert et qu'elle n'était que très peu en contact avec les gens de son âge. Je lui avais vu une grande maturité, dès le départ, mais cela ne cessait de m'étonner. Il y avait pourtant des moments ou elle se comportait comme une enfant et même si c'était parfois drôle et amusant, ce n'était pas toujours adapté à la situation. Mais une chose était sûre : Il n'était pas question qu'elle met un pied dans le camp du Roi Manfred. Elle était jolie Léliana, mais c'est surtout le fait que la plupart des soldats n'avaient pas dû voir de femme depuis un moment. Et je voulais éviter que sa vie ne soit en danger. Ce n'était pas la seule raison, bien sûr, parce que moi j'y allais, mais je ne savais même pas si j'allais pouvoir en sortir. Mais il fallait encore que je lui annonce la nouvelle. Et ça risquait bien de ne pas lui plaire.

Une fois le camp monté, je reste un moment à m'occuper de mon cheval. J'essayais de trouver une manière de lui dire qu'il faudra qu'elle reste en arrière, pour sa propre sécurité, mais tel que je la connaissais, il allait sans doute falloir parlementer. Et sur ce point, j'étais catégorique. Elle ne m'accompagnera pas dans le camp du roi. J'observe un peu ce qui se passe et je vois qu'elle est seule près du feu. Je ne sais pas où sont les deux autres et ça n'a aucune importance pour le moment. Le repas était en train de cuire à la broche et je l'avais chargée de cette tâche. J'avance et viens m'asseoir en face d'elle, soupirant légèrement. " Tu n'oublieras pas de prendre soin de ton cheval après manger." C'était primordial pour qu'on puisse continuer d'avancer. Et puis un bon cheval, on a du mal à en trouver par les temps qui courent. " Bon écoute, il faut que je te dise quelque chose, qui, je le sais, ne te plairas pas." Je pose les yeux sur elle. Sur ses longs cheveux bruns, ses yeux de biche. Non, il n'est pas question que qui que ce soit pose un doigt sur elle. " Dans quelques jours on va atteindre notre destination. Je veux que tu restes à l'extérieur du camp. Tu n'y entreras sous aucuns prétextes." Pas même si l'autre jeune femme et moi-même, sommes en danger. Et ce n'était pas négociable.

J'avais mon point de vue sur la question et j'avais retourné le problème dans tous les sens avant de me dire qu'elle ne pouvait pas mettre un pied dans le camp royal. Je ne savais déjà pas si on allait être bien accueilli avec la dornienne, alors inutile de se rajouter des difficultés en plus. Mais d'un autre côté, ça ne m'arrangeait pas non plus. Léliana était comme ma fille, une enfant que j'avais appris à aimer et respecter, quand bien même ni elle ni moi ne mettions de mots sur notre relation. A quoi bon ? Cela marchait bien comme ça après tout. Je n'étais pas non plus le plus démonstratif des hommes, mais personne ne touchait à la jeune femme, et encore moins sans son accord. Mais il fallait que je le lui dise et le moment idéal se présenta presque naturellement alors que je la retrouve près du feu. C'était une belle jeune femme, surtout pour une paysanne, elle allait affolée bien des coeurs la petite quand elle aura conscience de cela, mais pour le moment, ce n'était pas ce qui me tracassait. Je savais que cette discussion allait être animée, parce qu'elle n'acceptera pas ce que je vais lui dire, je le savais d'avance. Je vois la surprise sur ses traits quand je lui parle de son cheval. Epuisée ou pas, c'est bien une chose qu'elle prenait au sérieux et puis elle s'était attachée à l'animal, je m'en étais bien rendu compte. Mais c'était un rappel parce que je voyais bien qu'elle était fatiguée, même si elle me disait que non. Je l'avais vu bâiller à s'en décrocher la mâchoire plus d'une fois dans la journée et manquer de s'endormir sur son cheval pas plus tard que la veille. Il serait donc logique qu'elle préfère dormir que de s'occuper de son animal à quatre pattes.

Et je lui annonce alors ce que j'avais décidé et comme je m'y attendais, elle eut un moment d'incompréhension puis de grande colère qu'elle ne tarda pas à exprimer. Pourtant, malgré ses yeux rougis, je reste sans rien dire dans un premier temps. Je savais d'expérience qu'il fallait qu'elle se calme avant de pouvoir discuté avec elle par la suite. Mais quand elle supposa que c'était de la faute de la dornienne, je hausse un sourcil, surpris et secoue la tête. " Elle n'y est pour rien, c'est ma décision." Mais je n'aimais pas spécialement ce que ça sous-entendait. Ce n'était qu'une cliente comme les autres, juste que cette fois, c'est un peu plus dangereux que d'ordinaire et il fallait qu'elle le comprenne. Je soupire et reprends, toujours calmement. " Je sais et tu sais que ta place est auprès de moi Léli, personne ne dis le contraire, mais c'est fois c'est différent." Je regarde le feu qui crépitait pendant quelques secondes avant de reposer les yeux sur elle et je reprends. " Il s'agit d'un camp royal Léliana, celui de mon roi. Je ne sais même pas comment on va être reçu une fois sur place, puis que je suis un mercenaire accompagné d'une étrangère en pleine guerre. Et je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose si j'ai le dos tourné." Je sais comment sont les hommes quand ils voient une jeune femme ou même une femme tout court. J'ai vu plusieurs scènes atroces, j'en ai empêché certaines, mais pas toutes. Et quand j'avais récupéré la jeune orageoise avec moi, je m'étais juré que ce genre de choses ne lui arriverait pas. " La meilleure décision à mes yeux c'est de te laisser en dehors du camp avec Baldyr en attendant qu'on parle au roi." Et je n'étais pas spécialement pressé de le rencontrer non plus. Je le connaissais de réputation, mais étant moi-même un noble, je savais parfaitement que ma place aurait été dans son armée. Heureusement que j'avais eu une autre trajectoire de vie.

Je ne lui cachais pas la réalité des choses, à dire vrai, je ne savais même pas comment j'allais être moi-même reçu et la savoir à l'écart et en relative sécurité, me déchargeais déjà d'un poids. Ce n'était pas la première conversation de ce genre que nous avons et ça ne sera certainement pas la dernière. Avec ou sans Arianne, je comptais bien sortir du camp royal sans perdre de plume au passage. Et la prendre avec moi était bien que trop dangereux, parce que c'était une jeune femme et parce que je savais très bien de quoi un homme est capable quand ses pulsions sont plus fortes que la raison. Je lui explique cela calmement alors qu'elle a le regard fixé sur le feu. Sa réponse ne se fit pas vraiment attendre et me surpris quelque peu. " J'en ai bien conscience Léliana et c'est pour ça que je veux te tenir à l'écart. Tu n'es plus une enfant. Et ce n'est pas le roi qui est le plus à craindre, mais ses hommes." Encore qu'il était bien possible qu'il fallait aussi se méfier du roi Manfred pour d'autres raisons. Je savais bien que je ne pouvais pas la protéger de tous les dangers, mais pour cette fois il faudra bien qu'elle m'écoute.

Pourtant, je savais que cette fois, ce n'était pas gagner d'avance. Elle semblait avoir compris que crier, s'insurger de la sorte ne menait à rien et elle reste silencieuse, le regard rivé sur les flammes du feu qui nous séparait. J'eus alors le loisir de l'observer et je me rendais compte à quel point elle avait changé et semblait avoir muri malgré tout. Les filles changent donc si vite ?  Elle me posa alors des questions auxquelles je n'avais pas vraiment de réponse. Je ne connaissais pas plus que ça l'acolyte de la dornienne, n'ayant échangé que de brefs mots avec lui, mais pour le coup je n'avais pas d'autres choix que de lui laisser la jeune femme, même si je n'aimais pas cette idée. Depuis que je l'avais sauvé de ces villageois, j'avais cette impression que c'était à moi de la protéger, de lui apprendre à se défendre contre ce monde injuste et voilà que je la confiais à un quasi inconnu parce que je n'avais pas le choix. Je n'avais pas le choix. " Si je pouvais faire autrement, ne penses tu pas que j'aurais privilégier une autre solution ? Je ne fais confiance à personne quand il s'agit de ta sécurité et tu le sais très bien, mais c'est mieux que de t'avoir à mes côtés et qu'il nous arrive des bricoles à l'un comme à l'autre." Passé cette surprise, je m'attendais quand même à une riposte de sa part et quand elle leva ses yeux emplis de colère, je savais que la partie n'était pas terminée. Loin de là. Et pourtant j'essayais de garder ce ton calme et maîtriser. Mais j'eus un froncement de sourcils quand elle reprend la parole. Son discours était sensé et je savais parfaitement que dans un cas comme dans l'autre, je ne pourrais rien faire pour la protéger. C'était ça le dilemme, l'amener avec moi au risque qu'il lui arrive quelque chose, ou la laisser derrière sans savoir ce qui pourrait arriver. J'inspire doucement. " J'ai envisager cette hypothèse avant de me décider Léliana. Si jamais une telle chose devait arriver, tu auras plus de chance de pouvoir t'échapper que dans un camps royal." Est-ce qu'elle essayait de me faire douter ? Petite maligne.

Mais tout aussi sûr de ma décision que j'étais, je ne m'attendais pas à un tel discours et quand elle aborda son passif, je serrais la mâchoire instantanément. Je portais cette culpabilité depuis le jour où j'avais donné cet ordre et plus encore quand j'avais retrouvé l'unique rescapée quelques jours plus tard attachée à un poteau. Et je me la reprenais en pleine gueule. Certes, elle savait que j'étais présent ce jour-là, mais pas que c'était bien moi qui avais confirmé l'ordre et qui avait lancé l'attaque. Je lui avais tout enlevé ce jour-là. Et l'entendre me reparler de cela me remuaient les tripes, parce que je savais qu'elle avait peur de se retrouver seule une fois de plus. Une peur panique que je ne revienne pas, que je ne sois plus là pour garder un oeil sur elle. " Je sais Léliana, je sais parfaitement ce que je suis en train de te demander... Mais cette fois sera différente." Je ne sais pas comment la rassurer, je ne sais pas comment lui dire que je ferais toujours tout pour rester auprès d'elle, même à distance quand elle le décidera. " Je vais revenir, je te le promet. Au même titre que je t'ai promis que tu ne seras plus jamais seule quand je t'ai trouvé." Je soupire et reprends. " Avec ou sans Perle, je sortirais du camp royal et on reprendra la route." Je n'avais pas mieux pour la rassurer, c'est maladroit très certainement, mais je n'étais pas doué pour mettre des mots sur ce que je ressentais. Et la simple idée qu'elle vienne et qu'il lui arrive des horreurs me faisait froid dans le dos. Mais je sentais bien qu'elle n'en avais pas terminé et j'attends la suite en silence.

Elle n'acceptait pas ma décision, c'était plus qu'évident et elle voulait me le faire comprendre. Cela ne me plaisait pas non plus, j'aurais préféré l'avoir à mes côtés, histoire de garder un oeil sur elle moi-même, mais la situation était bien trop dangereuse. Je savais comment elle était la petite, plus d'une fois, nous avons eu des discussions similaires à celles-ci, mais cette fois, c'était bien différent. Je hausse un sourcil à ses dires, et je comprends qu'elle a changé, qu'elle s'affirme maintenant, ce n'est plus une enfant et même si je ne l'ai jamais traitée de la sorte. Et que l'idée ne m'était jamais venue avec ce qu'elle avait déjà vécu. Mais à la surprise, succède la colère et je fronce légèrement les sourcils en secouant la tête. " Tu es injuste Léliana." Surtout si elle pensait que le roi allait prendre la défense d'une gamine qu'il ne connaissait absolument pas et qui en plus était native de l'Orage. Elle était encore naïve sur certains points et lucide sur d'autres, c'était presque perturbant. Mais je savais bien où elle voulait en venir et je savais au fond qu'elle avait raison. Je ne pouvais pas toujours être là pour la protéger. Elle devait faire ses propres erreurs et ne pas toujours être derrière elle, mais c'était plus dur à faire que je ne le pensais.

Mais elle n'abandonne pas et revient à la charge et je pose les yeux sur elle, impassible, mais dans ma tête, c'était le bordel. Je ne savais même pas quoi répondre sans savoir si mes réponses n'allaient pas mettre plus d'huile sur le feu. Je ne savais pas ce qui pouvait nous arriver à Perle et à moi-même, c'était ça, la vérité. Je soupire légèrement et reprends. " Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que je ne sais absolument pas ce qui m'attends ? Oui c'est le cas. Je ne sais pas comment on sera accueilli et c'est pour cette raison que tu restes en arrière." Quant au pourquoi j'avais accepté cette mission et pas une autre, je n'en savais rien. Je crois surtout que j'avais eu besoin de cette dose d'adrénaline, sans prendre en compte les conséquences. " Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté, mais ça ou une autre c'est du pareil au même Léliana. " La guerre est partout et nous n'étions pas à l'abri de problèmes, que ce soit avec ou sans Perle. Mais je sentais de la rancoeur dans sa voix et je sais que je ne l'ai pas consulté pour tout cela. Elle subissait plus qu'autre chose.

Et elle me pose une question à laquelle j'avais toujours la même réponse. " Non j'aurais eu la même décision." Le fait qu'elle soit une fille ne changeait rien. Je sais que la grimer en garçon aurait pu être une solution, mais là, c'était différent. Il aurait fallu qu'elle ne me quitte pas d'une semelle dans le camp, qu'elle ne commette pas d'impers et ça, c'était le plus problématique. Elle était impulsive Léliana, je le savais parfaitement et je voulais éviter plus d'ennuis que je n'en aurais déjà. Mais son regard empli de larmes ne me laisse pas aussi indifférent que je ne le voudrais et elle reprend, enfonçant un peu plus le clou sur cette culpabilité qui me rongeait depuis des années maintenant. Si je l'avais laissée sur le domaine c'est parce que ma propre situation n'était pas bonne et que je ne pouvais pas ramener une gamine dans l'Ordre parce que je savais comment elle aurait fini. Et je ne voulais pas de cet avenir pour elle. " Tu n'as pas à t'inquiéter pour ça, je n'ai jamais essayer de me débarasser de toi et tu le sais parfaitement. Si c'était le cas, tu crois vraiment que je t'aurais ramener avec moi jusqu'au Bief ?" Je soupire et je sais parfaitement que le fait de le lui interdire ne servait à rien. " Je sais qu'il est inutile d'essayer de te l'interdire. Mais juste ne fais rien de stupide." Parce que les gardes eux, ne la louperont pas et ce cauchemar que je lui avais décrit risquerait d'arriver.

Il devient assez évident que ce n'est plus une enfant. Elle est lointaine l'époque où je pouvais lui demander de m'attendre quelque part et d'être certain de l'y retrouver à mon retour. Elle grandit, et le monde dans lequel nous vivons est un danger perpétuel contre lequel je ne pourrais strictement rien si demain il décidait de s'en prendre à elle. Il était peut-être temps que j'arrête d'essayer de l'en protéger et que je la prépare mieux à ce qui risque de l'attendre quand j'aurais le dos tourné. Peut-être. Mais pas maintenant, pas ce soir. J'aviserais une fois cette mission réussie ou pas, je n'en sais rien. Je pose les yeux sur elle quand elle annonce prier pour moi. Depuis combien de temps je n'avais pas pris le temps de le faire ? Malgré mon passif au sein de la Foi, je reste quelqu'un de croyant, je crois toujours à la cause défendue, mais ce n'est pas la bonne façon de faire, j'en suis convaincu. Mais sa question suivante me prend encore plus au dépourvu. Je me souviens du jour où je l'ai trouvée également. Je ne savais même pas qui elle était, je ne savais pas d'où elle venait. Et je ne savais pas que cette rencontre allait tout changer et précipiter des décisions que je nourrissais depuis un moment. Mais je ne l'ai pas achetée. Quel intérêt aurais-je eus à le faire ? Puis notre arrivée a inquiété les villageois qui auraient été prêts à tout pour nous voir partir. " Qu'est-ce que tu voulais que je fasse d'autre ? Que je te laisse attachée à ton poteau ?" Et c'était la moins pire des solutions pour elle. Je secoue la tête. " Je ne t'ai pas achetée. Tu es libre Léliana, tu l'a toujours été et tu le seras toujours. Tu n'appartiens à personne et bien sot celui qui oserait le croire." Cette discussion on l'avait déjà eus avant, plus d'une fois, mais je sais que plus le temps passe plus il est difficile de lui cacher les réelles motivations qui m'ont conduis à la garder près de moi tout ce temps. Comment lui expliquer ? Je ne suis pas prêt pour ça et je ne le serais sans doute jamais.

Son regard m'indique clairement qu'elle n'argumentera pas plus, mais elle se garde bien de me faire la promesse de rester sagement en retrait. Je n'avais plus qu'à espérer qu'elle ne fasse rien qu'elle regrette ensuite. Parce que je ne serais pas là pour elle. Mais elle n'abandonne pas le sujet de sa formation et je soupire légèrement. Elle avait parfaitement raison sur le fond et je hoche la tête pour lui donner raison. " Très bien, si tu veux apprendre à te battre sérieusement on le fera." Elle n'était plus une petite fille après tout. Et elle voulait que j'arrête de la traiter comme ça alors d'accord. " On verra pour mettre ça en place après cette mission. Tu veux que j'arrête de te traiter comme une enfant et que je t'apprennes à te défendre, c'est ton droit et c'est d'accord." Mais il fallait encore qu'on termine ce qu'on avait commencé. Ce qui je l'espère, se passera du mieux possible. Et puis savoir réellement manier une épée ne pourra que lui être profitable si le besoin s'en fait sentir. Elle avait amplement mérité ce droit. Si je pouvais par moments utiliser mon nom pour me sortir de certains ennuis, elle, elle n'avait pas ce privilège. Même si je suis à peu près certain qu'elle a déjà utilisé ce subterfuge aussi pour éviter les ennuis.

Après un court moment de silence, elle change de sujet pour parler de Perle et du fait qu'elle l'aimait bien. J'eus un léger sourire aux lèvres. Mais je hausse un sourcil, quand elle ajoute qu'elle lui en veut que cette dernière m'ait crié dessus en pleine nuit. Elle s'était réveillée alors ? Elle ne pouvait pas nous entendre, l'orage couvrait nos paroles. Enfin, ça n'a pas d'importance. " Elle n'accapare pas mon attention Léli." Est-ce le cas ? Je n'en sais rien en réalité. Perle cache beaucoup de choses, c'est un fait et elle avait ce quelque chose que je n'ai vu que rarement chez une femme. Je ne sais pas si je suis charmé ou non, je ne sais pas si je lui accorde plus d'attention que je ne le devrais, mais de toute façon, ça ne change rien à ma relation avec elle. " Ne serait ce pas une pointe de jalousie ?" Je m'en amuse quelques secondes avant de reprendre. " Une fois la mission accomplie, je ne sais pas ce qu'on fera. Il est fort possible qu'on reprenne notre route et elle la sienne." Ce n'est qu'un travail comme un autre après tout. Mais la compagnie de la dornienne et de son compagnon peu bavard, sauf peut-être avec Léli, a été plus agréable que je ne l'imaginais en les voyant la première fois. " Tu aimerais qu'on reste avec eux toi ?" De toute façon, ce n'est pas à nous de prendre cette décision, du moins, pas entièrement.

Je ne sais pas si je fais bien, mais après tout, il est préférable qu'elle sache se servir d'une épée, parce que je ne pourrais pas toujours être derrière elle. Un jour ou l'autre, elle voudra certainement explorer le monde à sa manière et il vaut mieux qu'elle sache se défendre. Ses demandes n'ont rien d'illogique, ce ne sont pas non plus des caprices, parce qu'elle avait des défauts comme tout le monde, mais elle n'était pas capricieuse et c'est une bonne chose. Je ne crois pas que je l'aurais supportée sinon. Mais je savais aussi qu'il valait mieux céder à quelques-unes de ses demandes pour éviter qu'elle ne boude pendant des jours. Et ainsi, il me sera plus simple de lui refuser certaines choses tout en sachant que j'ai cédé sur d'autres. Ce n'était pas du calcul, mais je m'étais aperçu que tout était bien plus simple ainsi. Même si elle ne comprenait pas sur le moment ou qu'elle ne comprendra pas avant des années certaines de mes décisions, je ne fais cela que pour son bien. Être un mentor, ça ne s'improvise pas si facilement et encore moins quand il s'agit d'une fille. Mais je ne regrettais rien.

Et on reste sur ce statu quo sans trop savoir ce qu'il va en ressortir le moment venu. J'ose juste espérer qu'elle prenne la bonne décision. En revanche, elle trouve plus amusant de me questionner sur la dornienne. Et en toute franchise, je ne sais pas réellement quoi penser de cette situation. Je taquine alors ma protégée et celle-ci avoue être un peu jalouse, qu'elle n'avait pas l'habitude de voyager en compagnie d'une autre femme et que cette dernière peut l'aider. J'eus un haussement de sourcil, plus curieux qu'inquiet. Après tout, Léliana était une jeune femme et il y avait des choses que je ne pouvais pas lui apprendre. Mais son regard me donne une indication des sujets qu'elles ont été amenées à échanger. Evidemment, je ne lui étais d'aucune aide à ce propos.

Je ne sais pas où on ira après cette mission, qui est en théorie pas encore achevée. Mais il allait falloir qu'on quitte cette zone de guerre au plus vite. Je n'avais pas envie de rester dans le coin et pour des leçons de maniement d'épée, il valait mieux un lieu au calme où l'on peut rester plusieurs jours au besoin. " Il te manquera tout autant. A qui ira tu casser les pieds si je ne suis pas d'humeur hm ?" J'eus un sourire amusé quand elle ajouta que je manquerais à la dornienne. Je n'en étais pas certain, mais depuis que je l'avais surprise sous la pluie, les discussions semblaient plus naturelles. Elle se lève et grimace à cause des courbatures avant de venir s'asseoir de nouveau contre moi. Et je passe un bras autour d'elle, comme lorsqu'elle était plus jeune et qu'elle s'était réveillée en sursaut suite à ces terribles cauchemars qui l'avaient poursuivie des semaines durant. Il n'y avait aucune ambiguïté sur la nature de nos relations, mais au départ, j'avais été quelque peu gêné avant de m'y faire. Et lorsqu'elle reprend la parole, je pousse un soupir, même si j'eus un sourire amusé sur les lèvres. " Bien sûr qu'elle est jolie, il faut être aveugle pour ne pas le voir." Puis j'eus un léger rire lorsqu'elle reprend la parole. " Mais je t'en pose des questions moi ?!" Je ne le prends pas mal, je sais qu'elle taquine. " Tu ne sais pas ce que je peux bien faire certaines nuits quand tu dors et que tu ronfles si fort que tu en fait trembler les murs de l'auberge ou l'on séjourne." Il est assez rare au final que je me rende dans des endroits prévus pour ce genre de choses. Même si bien sûr, j'avais des besoins comme chaque homme sur terre. Mais inutile qu'elle en sache plus à ce sujet.

Elle reprend la parole et je l'écoute attentivement comme la plupart du temps. Même quand elle piaille pour ne rien dire, j'écoute toujours ce qu'elle peut bien raconter sans trop le montrer. " Tu es déjà une belle jeune femme Léliana." Je ne peux que lui espérer un futur joyeux avec un mari qui saura prendre soin d'elle et une famille. Je m'assurerais que personne ne vienne la lui prendre et elle pourra vivre une vie comme elle le mérite. Je voyais également que la fatigue était sur le point de l'emportée dans une nuit de sommeil bien méritée. Je souris à ces quelques mots, posant une main sur ses cheveux pendant qu'elle s'endormait. " Moi aussi je t'aime." Comme ma fille. Je reste là un moment, avant de me lever doucement et de la portée jusqu'à sa couche. En passant, je vois qu'elle n'a pas prit soin de son cheval. Evidemment. Une fois déposée je la regarde quelques secondes avant de me détournée pour aller faire ce qu'elle avait oublié de faire.