Elle l'avait lu à plusieurs reprises. Deria Martell était morte et ses contactes à Dorne confirmaient le carnage. Il y avait donc eu un massacre envers une allié à quelque jour d'un traité avec les responsables. Dire que cela compliquait les choses serait du plus grand euphémisme. Compliquer ne peut à peine décrire l'obstacle que cela représente pour les plans futures de Jordane, ainsi que l'Ouest.

Le rapport entre Jordane et Deria était froid, dire froid était même généreux. La Ouestrienne avait passé des mois à offrir du support à une Dornienne qui ne voulait rien entendre. Un refus catégorique qui fut aux détriments de Dorne et de son peuple. Le jour où la rébellion impériale a prise de l'ampleur, le jour où Dorne s'est coincé entre le Bief et l'Empire, Jordane savait que la maison Martell tomberait. Pourtant, la Lannister n'avait pas moins de respect et d'admiration pour la conviction de cette femme. Il est possible de dire beaucoup au sujet de Deria Martell, mais aucune d'entre-elles n'inclus la soumission ou la faiblesse. Et maintenant, elle était morte.

Jordane traversait les couloirs de Castral Roc, le pas rapide suivi par sa garde rapprochée. Ses pas séparaient les gens hors de son chemin comme un rocher dans une rivière. Son hâte était aussi apparente que le faux sourire qu'elle affichait. Celui-ci inspirait probablement davantage de crainte que sa colère. Entre ses mains se trouvait quatre parchemins, trois plus petits attachés ensemble et un plus grand. Les quartiers offerts à Jaenyra Valtigar se trouvait tout droit devant elle. Elle balaya en l'air de la main, un signe indiquant aux gardes de se séparer rapidement et commencer à vider les gens de ce secteur. Deux de ses gardes ouvrit les portes devant elle qui ne ralentit point dans sa démarche. Alors qu'elle traverse le cadre de porte, les gardes ferment immédiatement les portes derrière elle de l'extérieur.

Elle la voyait, elle était là, assise à son bureau. Jordane l'approcha à toute vitesse et frappa ses deux paumes brutalement contre le bureau :

- Non mais votre frère ce n'est pas un allié, c'est un putain de fardeau ! Il n'aurait pas pu attendre que le traité soit signé avant de l'exécuter ?

Elle pencha légèrement la tête vers l'avant, ferma les yeux et soupira profondément pour reprendre son sang froid. C'est lorsqu'elle redressa la tête vers Jaenyra qu'elle vit son expression. Elle ne pouvait enchaîner avec sa colère, pas lorsqu'elle en voyait les effets sur la jeune femme. La Reine ne voulait pas faire de mal à cette douce. La tension dans ses épaules se dégagea. Jordane se redressa la posture, retirant ses mains du meuble et commença à le contourner. Son regard se posa sur les quatre parchemins qu'elle avait délaissées sur le bureau dans son élan de colère. Elle ajouta calmement, reprenant de son calme :

- Je comprends pourquoi il l'a fait... Mais je ne peux pas immédiatement tenter de vendre cette idée à tout le monde avec autant de souplesse. Si votre frère aurait pu se retenir d'incinérer une souveraine pour quelques secondes... j'aurais eu d'autres royaumes sur la même page que nous deux beaucoup plus facilement...

Elle soupira bruyamment. Si un traité était signé si vite après la mort de Deria, l'Ouest serait suspecté d'un complot. Bien qu'une carte aussi bien joué serait le style de Jordane, ceci n'était pas le cas. La décision n'était pas le problème à ses yeux, mais plutôt le moment choisit pour prendre une telle décision. Le conseil, les seigneurs, ils auraient droit sa furie... mais Jaenyra Valtigar ? Non, pas elle. Jordane savait gérer, sa nature a toujours su s'adapter au changement de variable. Si Deria Martell était morte, il n'y avait aucun point à être frustré. Une situation pareille, c'est une opportunité et même dans un moment aussi vif, elle le voyait bien. Elle l'approcha et se saisit des trois petits parchemins attachés ensemble avant de les faire glisser lentement vers Jaenyra. Elle continue, un air dérangé toujours visible dans sa voix :

- Lisez ceci avant que nous continuous, puis brûler-les. Cela vous donnera la perspective plus détaillée que je possède des faits. Considérez ces messages de ma part comme une évidence indéniable de ma foi en vous. Lisez maintenant, je peux attendre...

Préservant son expression quelque peu frustrée, elle patienta alors que Jaenyra lisait les parchemins. Jordane la regardait pour un bref instant avant de se tourner vers le bureau. La tête penchée, elle identifiait chaque livre sur la table avant de tomber sur un couvert familier. Le livre rouge à propos de Cessia Lannister. Ses yeux se tournèrent vers la victime de sa furie pour s'assurer qu'elle lisait toujours. Peut-être pour ne pas se faire remarquer, puisqu'en se retournant vers le livre devant elle, une chose était différente. Le cordon pour marquer la page. Elle ouvrit le livre en cherchant où la lectrice était rendue, puis trouva la corde entre la dernière page et le couvercle arrière du livre. Jaenyra avait lu un livre de plusieurs centaines de pages en un peu plus d'une semaine. Une chose qui évoqua un faible sourire agréable et quelques mots à voix basse, se parlant à elle-même :

- Une vraie petite rat de bibliothèque...

Jordane inspira profondément. Elle n'a jamais été un incendie facilement éteint. Son mari ne l'a jamais pu, ses parents non plus. Son frère arrivait à lui changer les idées, mais faire partir sa colère ? Elle croyait que rien en ce monde ne pouvait y faire quoi que ce soit. Son dernier instant de fureur était aussi en la présence d'une jolie jeune femme, une coïncidence ou peut-être une nouvelle habitude. Elle referma le livre, le laissant retourné. Son sourire s'éclipsa. C'est alors qu'elle vit Jaenyra se lever debout et la rejoindre, un air colérique dans les yeux de Jordane observait les mains de Jaenyra sur ses bras. S'asseoir ? Non. Tendue ? Oui. Mais elle ne répondait pas.

Elle la fixa du regard jusqu'à sa chaise. Elle posa ses yeux sur la chaise offerte à ses côtés avec mépris. Elle écoutait ses paroles, mais ce qu'elle entendait était une femme qui regrette la situation, une femme qui n'y est pour rien. Une chose qui mit fin peu à peu à l'incendie en elle. Cette jeune brunette ne méritait aucunement sa colère. Celle-ci avait également belle et bien un point, un point qui fit rapidement son chemin. La lionne a toujours su s'adapter, oui, et très vite à chaque fois. C'est sans doute sa force, son talent. Elle lui répondit, sans bouger :

- "Incident" ? Votre frère a tué deux Martell et conquérit une portion de Dorne, puis il se déclare auprès de tous un pacifiste. C'est un peu plus qu'un incident.

Elle marcha tranquillement vers elle, comme un chat qui n'abandonnait pas sa chasse de la souris. Jordane s'approcha d'elle, inconfortablement proche, prenant de l'espace entre Jaenyra et le bord de la table. Le bout de ses cinq doigts, comme des griffes, comme cinq couteaux, se posèrent sur le haut du torse de la Valyrienne. Elle appuya du bout des doigts, la forçant soudainement à reculer, l'enfonçant dans le dossier de sa chaise.

Elle faisait de l'espace afin de prendre siège de côté sur les cuisses de Jaenyra. Elle croisa les jambes, ce qui fit sortir sa jambe droite de la fente du côté droit de sa robe, la laissant plus exposée par-dessus l'autre. Son bras était à présent allonger contre le dessus du dossier de la chaise. Ses yeux de félin remarquèrent la coupe de vin sur la table, celle de sa proie, elle la saisie et tourna son regard dominant sur Jaenyra. Les yeux de Jordane demeuraient verrouillé sur les siens alors qu'elle approcha la coupe presque vide auprès de son nez. Elle sentit le parfum du vin pour en connaître la saveur. Un vin des îles d'été. La Lannister relâcha un long soupire avant de lui dire :

- Que vais-je faire de vous ?

Elle porta la coupe à ses lèvres et en penchant la tête vers l'arrière, elle bu la dernière gorgé dans la coupe de Jaenyra. Son regard retourna vers elle, cette fois sans la moindre colère. Elle lui dit en la regardant de haut :

- Ne soyez pas ridicule, le traité ira comme prévu. J'ose espéré que vous ne pensez pas si peu de la foi que j'ai en vous, Jaenyra.

Non seulement Jaenyra était innocente, mais elle était aussi un individu d'intérêt et même de valeur pour Jordane. La fin des Martell était inévitable, autant que cela soit au bénéfice des Valtigar. Aux yeux de la lionne, il n'y avait pas de meilleur scénario possible, aussi catastrophique que celui-ci puisse être. Elle déposa la coupe sur la table et posa sa main sur sa cuisse avant de continuer :

- Il n'y aucun point de s'acharner sur la question de la mort de Deria Martell. Elle est morte, elle est le passé maintenant. Roward Martell, cependant, est le présent. Et si j'ai les yeux et les oreilles à Dorne pour le savoir, il est surement juste d'assumer que je ne suis pas la seule. Vous savez aussi bien que moi que vous ne pouvez pas faire les choses à moitié. Le temps n'est pas d'être pacifiste.

Son visage était marqué d'un sérieux et ses paroles d'un poids important. Maegor avait lancé une guerre, qu'il la voulait ou non.

Cette conversation avait débuté sur une note particulièrement amer. Les flammes de sa colère avaient brûlé. Et pourtant, la Valyrienne persistait. Doucement. Elle persistait. Dans ses yeux violets résidaient des étoiles pures. Elle est une exception. Jordane était cendre là où elle était autrefois furie. Les paroles de Jaenyra avaient éteintes les flammes de sa rage. Si les choix qu'avait fait Maegor étaient chaotiques, ceux qu'avaient fait son invité étaient notables. Il était à présent évident que Jaenyra comprenait la situation. Elle comprenait où sont les pièces, ainsi que là où elles doivent aller. Entendre les mots de la Valyrienne lui rappelait qu'elle avait bien raison à son sujet. Cette jeune femme était pleine de potentiel. La lueur de peur qui se trouvait dans ses yeux, ce fragment de timidité face leur position actuelle. Elle avait ce qu'elle décrirait presque comme de l'affection pour Jaenyra. Oui, exactement. Jordane lui sourit, satisfaite des mots qui sortaient des jolies lèvres qu'elle fixait du regard. Elle saisit le menton de la jeune femme et le souleva pour lui faire face, elle lui dit en approuvant :

- Bonne fille.

Elle délaissa son menton délicatement, puis avec le revers de sa main elle caressa lentement sa joue jusqu'à sa mâchoire. Une confession lui échappa :

- Il existe une grande force endormie en vous, recluse tout au fond. Vous pretendez être endormis -- un sommeil absolu -- rêvante et nonchalante. Mais je peux sentir le dragon qui vous habite.

La Reine récupéra ses bras et se leva debout afin de faire quelques pas, lent et pesé. Elle réfléchissait comme elle le fait constamment, jour et nuit. L'avenir était incertain et reconstruire cette certitude était une tâche lourde. Elle s'approcha de la fenêtre ouverte, une vue inférieure à la sienne certainement et Jordane Lannister a un si grand faible pour une belle vue. Le bord d'une tour était visible, tout comme une partie du jardin de la court royale. Un lieu vert comme il y en a peu dans un château, une forteresse même, de dimension aussi divine que Castral Roc. La situation était délicate, mais les options initiales existaient toujours :



La main de la Reine de détendit à plat sur la table. Son regard se perdit un moment, juste un moment dans sa direction. Comme une inspection de l'âme. Jordane a toujours été méfiante et mécontente lorsqu'une personne parvient à provoquer des sentiments chez elle par leur simple présence. Sa nature est contre ce qui la perturbe, la trouble ou l'affecte. Peut-être est-ce son coup de foudre à 18 ans pour Loren Lannister qui a fait naître cette méfiance comme première barrière. Un filtre pour le bon jugement et au-delà de ce filtre se trouvait une complicité naissante entre la Lannister et la Valtigar. Elle avertit, d'un ton plus sérieux :

- L'arrogance de Maegor le verra testé, Jaenyra. Ses alliés et ses ennemis se manifesteront prochainement, il doit faire les bons choix ou sa présence sera purgée aussi vite qu'elle s'est manifestée. Avec ou sans dragon, cela ne fera aucune différence. Qu'il ne fasse pas l'erreur de croire que la capacité à tuer est comparable à la capacité à règner.

La réponse de Jaenyra, bien qu'elle était la bonne, ne suffirait pas. Elle avait les bonnes intentions, la bonne approche et le bon but. Jordane vivait pourtant la preuve que ces choses ne sont pas assez, elle le voyait en ce moment même dans le Val. Les stratégies et les mesures employées échouaient. Et si l'échec n'est pas la trahison, la politique n'est souvent qu'émotion. Deria avait suivi son coeur et cela l'a tué, Maegor avait suivi son coeur et cela fait de lui aujourd'hui un régicide. Même Lyman avait suivi son coeur.

C'est la chose qui a toujours fait de Jordane une personne différente des autres, une étrangère. Elle a toujours enterré sa souffrance, elle l'a enterrée depuis son jeune âge et le fera surement à jamais. En espérant que son coeur glacial ne va pas se mettre un battre pour qui que ce soit, pour qui que ce soit. C'était aussi tristement l'origine de son mépris secret pour la faiblesse dans ses enfants, bien qu'elle tentait de contenir ce mépris. Puisqu'il y a une différence entre aimer ses enfants et les comprendre pleinement. L'empathie ne sera jamais assez et la retenue de sa sévérité s'avérait constamment un point qui la tourmentait. Les Rois et les Reines de ce monde n'avait que peu en commun avec la lionne. Mais Jaenyra comprenait les règles de ce monde, celui dans lequel elle s'est plongée.



Jordane décroisa ses bras et se redressa avant de marcher vers les portes par lesquels elle était entrée. Elle se retourna pour observer la valyrienne une dernière fois et surpris son regard observant son dos exposé au bas du dos. Elle croisa son regard, un faible sourire apparu sur ses lèvres avant d'ajouter :

- Je la trouve plus belle portée à dos ouvert que porté avec corset. J'imagine qu'elle est peut-être belle portée aux chevilles également.

Elle cogna deux fois sur la porte en la fixant, puis dit froidement alors que les portes se refermèrent derrière elle :

- Ne me désappointez pas ou la maison Valtigar en payera le prix.