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Jaenyra n'a jamais eu peur de mourir, c'est l'obscurité qu'elle craint.

I've tried to leave it all behind me And if I stay home, I don't know. There'll be so much that I'll have to let go. You're disappearing all the time but I still see you in the light. For you, the shadows fight. And it's beautiful but there's that tug in the sight. I must stop time traveling, you're always on my mind. You're always on my mind. You're always on my mind. And I never minded being on my own, then something broke in me and I wanted to go home .•°¤ Mags.

Le soleil frappe avec force ses paupières closes, une inspiration lui permet de respirer l'air marin de Westeros, il a quelque chose de différent. C'est comme mettre une odeur sur ses rêves, approcher du concret, du vrai. Quand elle ouvre les yeux, rien ne ressemble à ce qu'elle avait imaginé. C'est un grand songe, Valyria. Une grande légende qui ne lui appartient qu'à moitié mais qu'elle a fait sienne avec les années. Elle n'a que les yeux et pas les cheveux argentés, pas de peau opaline et fragile. La sienne est déjà touchée par le soleil et on pourrait sans doute la confondre avec une dornienne, c'est peut-être ce qui lui procure ce sentiment d'apaisement un peu coupable. Sensation d'être criminelle quand elle s'imagine un instant avoir vécu une autre vie, ici, à Dorne et pas à Elyria. Une vie plus simple où elle n'aurait jamais eu à choisir entre la culture de sa mère et celle de son père, elle se souvient encore des doigts de cette dernière sur son poignet quand elle est partie. Elle serrait fort, peut-être un peu trop, comme pour marquer la peau. Sa mère est loin maintenant et elle ne devrait sans doute plus y penser. Sauf qu'elle y pense, se souvient des récits qu'elle lui murmurait le soir, ils n'avaient rien de comparable avec ceux qu'elle entendait tout fort le jour. Les doigts de la Valtigar se promènent sur les ornements de sa robe presque nerveusement, elle a appris à contrôler ça, cette anxiété. C'était important qu'elle paraisse sans faille, à peine réelle. C'était important qu'on oublie ce qui la séparait de la perfection valyrienne mais à ses yeux, ce ne sont que des détails. La gamine terrifiée a fait du chemin, pourtant elle n'oublie rien.

Valyria, ma sœur, c'est l'histoire des flammes.
   

It was just a dream Valyria. It was written that on the day of Doom every hill for five hundred miles had split asunder to fill the air with ash and smoke and fire, blazes so hot and hungry that even the dragons in the sky were engulfed and consumed. Great rents had opened in the earth, swallowing palaces, temples, entire towns. •°¤ Mags.

Elle lui racontait souvent des histoires, surtout quand Naelys n'arrivait pas à dormir. Alors elle lui parlait de ce dont on lui parlait à elle, sans cesse, sans jamais se lasser. Elle lui parlait de la grandeur de Valyria qu'ils n'ont jamais connu mais qui est coule dans leurs veines, elle lui parlait de ce qui la fascinait, de ce qui faisait briller ses yeux violets.

- As-tu déjà regardé quelque chose brûler ? As-tu déjà observé les couleurs, la lumière ? C'est si puissant Naelys, si terrifiant. C'est dans les flammes que Valyria est née et c'est dans les flammes qu'elle a périe.

Elle rendait tout plus fou, avait du talent pour raconter les histoires. Avec le temps, les histoires sont devenues des mensonges pour répondre aux besoins politiques de son père et de son frère. Avec le temps, les yeux de Naelys ont grandis et ont cessés de s'animer lorsqu'elle lui racontait encore et encore cette douce vision qui rythmait leurs jours et leurs envies.

- Les flammes de leurs dragons mais aussi de leur magie, de toute cette force qui était à portée de main et qui a disparue en même temps qu'eux. Imagine Naelys, les immenses statues de leurs divinités, les chevelures argentées, la mer à perte de vue, la beauté d'un tel empire. Imagine.

Ses mains passent dans les cheveux de sa sœur pendant que la douce chaleur du feu les berce tranquillement, elles sont censées dormir depuis longtemps mais les moments comme ceux-là se font rares. Ce sont des moments privilégiés dans lesquels les deux jeunes filles peuvent se laisser aller à penser des choses moins formelles, moins sérieuses. Jaenyra a toujours eu un sens aigu des responsabilités, elle a toujours plus ou moins su ce qu'elle voulait. Perdre du temps à bavarder, c'est un luxe qu'elle ne s'accorde que peu.

- C'est ça que l'on veut reconstruire, imagine.

Il y a tant de choses qu'elle ignorait à l'époque, tant de choses qu'elle taisait à sa sœur de peur de l'ennuyer. Elle ne parlait pas de politique, de ces familles dirigeantes qui la fascinent tant ou du système de vote que son précepteur lui a évoqué. Elle ne s'attardait pas sur les détails insignifiants, seulement sur ce qui pouvait permettre à sa sœur de passer une bonne nuit.

Finalement, elle mentait.

Born to die Don't make me sad, don't make me cry. Sometimes love is not enough and the road gets tough, I don't know why. Keep making me laugh, let's go get high. The road is long, we carry on, try to have fun in the meantime. Come take a walk on the wild side, let me kiss you hard in the pouring rain. You like your girls insane. So choose your last words, this is the last time 'cause you and I, we were born to die. •°¤ Mags.

Elle passait beaucoup de temps à observer, en vérité. La grande partie de sa vie, elle l'a passé les yeux grands ouverts à scruter chaque geste, chaque sourire. Elle s'interrogeait alors sur tout ce que ces signaux implicites signifiaient pour ceux qu'elle regardait vivre pendant qu'elle attendait son tour. Elle n'était pas très confiante au début, toujours cachée derrière quelqu'un, quelque chose, pas très éloquente non plus. Elle paniquait vite, beaucoup trop vite. Se retrouvait souvent à trembler et pleurer dans son lit sans pouvoir s'arrêter, sans savoir pourquoi. Un jour elle est venue voir sa mère quand son père n'était pas là, c'était juste après qu'elle l'ait vu agir si bizarrement avec cet homme. Le Tigre, le Tigre ils avaient dit.

- Comment tu fais pour être belle ?

Sauf qu'elle ne voulait pas vraiment dire belle, elle voulait dire hypnotisante. Son admiration pour sa mère n'a jamais vraiment cessé, elle la voit toujours comme une sorte de divinité qu'elle ne pourra jamais égaler. Et pourtant, elle lui a appris. Elle se souvient très bien de son sourire cette nuit-là, elle n'oublie rien. Elle lui a dit :

- N'oublie pas de laisser ton cœur te porter, de temps en temps. Pas toujours.

C'est resté dans sa tête toutes ces années, pas toujours mais quand alors ? Quand choisir son moment ? Ça a été simple en vérité, elle rêvait de gloire et de pouvoir depuis toujours. Elle a seulement laissé son cœur la guider vers l'héritier de leur empire, c'est peut-être les seuls moments où elle s'autorise à être irrationnelle. Au début elle se disait que son désir pour Maegor était seulement intéressé, il lui permettrait de s'élever, elle l'utiliserait comme sa mère en avait tant utilisé. Et puis elle a réalisé une chose un peu bête, peut-être éphémère, peut-être que ça la rend faible.

Elle ne pleure plus quand il est avec elle.

Legends never die You see a king. You are both wrong. He is the Lord's chosen, the warrior of fire. I have seen him leading the fight against the dark, I have seen it in the flames. The flames do not lie, else you would not be here. It is written in prophecy as well. When the red star bleeds and the darkness gathers, Azor Ahai shall be born again amidst smoke and salt to wake dragons out of stone. •°¤ Mags.

Ce n'était plus elle qui racontait l'histoire mais un étranger. Elle n'a pas mis beaucoup de temps à accepter la prophétie, l'épée de feu, les ténèbres, le sacrifice que la lumière demande. Elle n'a mis longtemps à ajouter cette légende à toutes celles qui composent déjà sa vie et guident ses pas. C'était clair, limpide. Maegor était cet homme dont le prêtre parlait, ce prêtre qu'elle ne parvenait pas à cerner et encore moins à apprécier. Elle savait qu'il essaierait de faire sa place auprès des hommes de sa famille, probablement de la déloger de la sienne. Elle savait qu'il essaierait de les éloigner.

- Et toi, qui es-tu dans cette légende Nyra ?

Sa peau se tend dans l'eau pourtant si chaude, elle tressaute quand la voix de sa sœur la tire de ses pensées pour la ramener à la réalité. Et elle ? Quant est-il de sa place ? Sa légende ? Est-ce qu'elle est celle dans laquelle on plante sa lame pour accéder à la lumière ? Celle qu'on sacrifie ? Est-ce que mourir est la seule chose pour laquelle elle est venue au monde ?  

- Je ne sais pas, les femmes n'ont pas de légendes pour elles.

Sa langue est mordue, les autres mots sont tus. C'est plus facile de penser que cette histoire ne la concerne pas et qu'elle régnera avec Maegor lorsque leur temps sera venu, comme elle l'espérait, comme elle l'imaginait. Plus simple de penser que rien ne peut mal tourner et que rien ne peut les séparer. Et même s'il fallait s'en aller, tout plutôt que le rejet, tout plutôt qu'être oubliée.

Elle n'a pas peur de mourir, seulement de l'obscurité.