Argella serra la missive dans sa main, la froissant soudain, la broyant entre ses doigts aguerris par la guerre, la faisant presque disparaître entre ses jointures blanchies, serrant les dents avant de la laisser choir sur le sol. Le messager frémit, mais ce n’était pas contre lui qu’elle était en colère, c'était contre elle-même. Ridicule. Elle savait, elle connaissait le risque. Elle avait choisi. Elle avait préféré ménager ses hommes déjà malmenés par les intempéries et par plusieurs mois de course poursuite dans le Bief et préserver ses forces plutôt que de courir le lièvre Stackhouse. Ainsi ne tiendrait-elle pas sa parole à l'empereur, elle n’écraserait pas le Bieffois sur les rives de la mer de Dorne.

__ FOUTRE DIEUX !!!

Gueula-t-elle.

__ Barrez vous…

Ajouta la jeune femme en voyant le messager la regarder avec de grands yeux écarquillés de frayeur. Ce à quoi il répondit par un léger hochement de tête avant de prendre ses jambes à son cou. Les fureurs de l'impétueuse étaient légendaires, mais elle tapait rarement sur les messagers gratuitement en revanche il lui arrivait de prendre un homme au hasard pour s'entraîner avec elle et autant elle était une duelliste valeureuse et difficile à battre autant quand elle était dans ce genre d'état elle faisait vraiment mal et personne n’avait vraiment envie de lui servir de partenaire.

Cette foutue guerre ne finira donc jamais, j’ai raté le coche pour éliminer une des armées de Manfred. On n’est foutrement pas sortis de l’auberge.

LOragoise envoya cartes et figurines au sol d’un revers de la main de toute façon les cartes étaient rebattues impossible de savoir ou cet enfoiré de Manfred ou Tarly ou n’importe quel connard de Bieffois frapperait la prochaine fois inutile de s’attarder en conjecture pour le moment il fallait d’abord qu’elle se calme.

__ DU VIN !

Un léger cliquetis d’armure de l’autre côté de la porte, les gardes avaient tressailli, à moins qu’ils ne se soient simplement réveillés. Elle s’en fichait totalement, elle n’était plus que rage. Heureusement au bout d’une dizaine de minute le vin arriva, porté par son écuyer qui voulut repartir aussitôt. Elle l'attrapa fermement par l’épaule, ouvrit la bouche et le lâcha finalement. Enguerrand Selmy n'était pas là, elle aurait aimé qu’il le soit pour discuter stratégie toute la nuit avec lui, mais au lieu de ça elle prit le pichet de vin et s’effondra dans un profond fauteuil avant de se servir une coupe qu’elle vida d’une traite.

__ Manfred, Manfred, Manfred… tu attends patiemment que je perde mon sang froid. Tu comptes encore monter mon peuple contre moi ou est-ce que tu veux que mes nobles me…

Stupeur.

__ MERDE ! Le mariage !

La Reine guerrière but plusieurs gorgées à même le pichet. Elle repoussait l'échéance, elle avait espéré une guerre courte justement afin de pouvoir se marier à Accalmie en grande pompe une fois tout cela terminé. Elle avait pour objectif de détruire les forces de Stackhouse pour se donner un petit répit au moins afin d’épouser le plus valeureux orageois de la campagne. Mais elle venait de prendre conscience que ça n’”tait plus possible, qu’elle ne pouvait plus attendre plus du tout. L’image d’Enguerrand passe dans son esprit une fois de plus, parce que oui, quand elle pensait à son future mariage elle pensait immanquablement à son petit cul se mouvant dans son pantalon en cuir lorsqu’il quittait ses appartements après avoir discuté du déploiement des armées de l’Orage. Sauf que là encore, enfer et damnation, déception totale, il ne s’était pas distingué lors de cette campagne, et elle devait se rendre à l'évidence, elle devait oublier, pour toujours, ce joli petit cul ainsi que ses yeux à tomber et ses boucles blondes.

La jeune femme soupira et s’envoya tout le pichet presque en une fois, reprenant son souffle, soupirant à nouveau et s’enivrant plus avant.

__ Bon, quand faut y aller, faut y aller…

La Durrandon se leva, chancela, se rétablit tant bien que mal, fit la moue, avança vers la porte, l’ouvrit et sortit afin d’aller faire sa demande à Wenstington. Mais en marchant elle entendit son armure cliqueter. Elle s’arrêta net, constata qu’elle n’était pas en tenue pour une demande en mariage. Elle renifla son aisselle et se dit qu’en plus de se changer, il serait de bon ton qu’elle se lave. Elle fit donc demi tour, et demanda à son écuyer d’aller chercher des servantes pour bain coiffure et compagnie avant de rentrer.

__ Dites à Lord Wensington que je l’invite à dîner dans mes appartements ce soir.

Argella prit le pichet de vin et constata avec dépit qu’il était vide, mais il fallait qu’elle décuve avant le dîner, elle n’en redemanda donc pas malgré son envie de se bourrer la gueule jusqu’à rouler sous la table. Pas que ce soit si désespérant d’épouser Wenstington en vérité, mais elle était morte de trouille, elle ne savait pas comment faire ça, comment lui annoncer, ni s’il serait d’accord, ni rien, pire qu’une jouvencelle devant son premier loup. Et puis ce mariage en plein guerre c’était loin de ce qu’elle avait prévu. Tout semblait s’effondrer et il était probable qu’elle allait devoir abandonner son armée pour pondre un gosse au plus vite. De tout ce qui, dans cette situation, la désespérait et l'effrayait, c'était probablement le pire.

Pour éviter de trop penser tandis que les servantes remplissaient la baignoire d’eau chaude, la biche ramassa ses cartes pour réfléchir à la situation et à la prochaine répartition de ses troupes. Elle fit aussi préparer la seule et unique robe qu’elle emmenait en campagne, ajustée au buste, très ample en bas, en brocart doré recouvert de dentelle noire au large décolleté découvrant ses clavicules courtes manches reposant sur le bout de ses épaules. Après le bain, elle s’habilla, se fit coiffer et mit quelques bijoux. Une servante lui tendit un miroir dans lequel elle se trouva ridicule, mais il était trop tard pour se changer...

Argella avait pris place dans la forteresse de Pierheaume, terres de son amie Mina. Au moins elle était au sec et bien qu’il ne fasse pas suffisamment froid pour allumer un feu, elle pourrait si besoin. Mais l’armée s’amassait sous les remparts, elle en avait confié la supervision à Lord Wensington qui avait tenu à rester dans le camp sous sa tente malgré l’invitation du maître des lieux. Elle même était habituée aux orages et à patauger dans la boue, mais depuis plusieurs semaines qu’ils étaient sur les routes à courir après Lord Tarly d’abord puis Stackhouse ensuite, elle ne crachait pas sur un peu de confort. Un lit douillet, un édredon moelleux et chaud, de quoi la requinquer pour les prochaines batailles. Tandis que les serviteurs dressaient la table et ramassaient les cartes et les figurines éparses au sol pour les ranger en regardant l’Impétueuse de travers, elle faisait les cent pas dans le bureau qui serait bientôt transformé en loggia pour le dîner. Elle savait gérer des armées, un royaume même. Elle connaissait ces hommes en tant que soldats, seigneurs et commandants. Mais elle se sentait fébrile à l’idée de demander un homme en mariage. En plus, ça n'était pas vraiment les usages, mais bon, elle n'était pas à ça près.

La Reine de l 'Orage n’avait pas trouvé de stratégie satisfaisante pour lui annoncer la nouvelle quand Adrian se présenta à sa porte et fut introduit auprès d’elle. Elle allait le saluer quand il se mit à bafouiller des compliments. Elle hocha la tête sans trop comprendre ce qui arrivait au jeune homme qu’elle n’avait jamais vu dans cet état lors d’une bataille. Il fallait croire qu’il était aussi à l’aise qu’elle en armure de plate avant un combat et aussi mal à l’aise pour ce qui est des relations sociales. Cela présageait bien des déboires. Mais il insista alors sur sa beauté quotidienne, ce qui la fit rougir et sourire, et rougir encore plus et écarquiller les yeux. Elle préféra donc baisser les yeux avant qu’il ne remarque quoi que ce soit et regarda sa robe. Elle se mit à la lisser pour se donner une contenance, contenance qu’elle avait perdu en même temps que son charisme et sa superbe en rougissant comme une jouvencelle à son premier bal.

__ Ah oui… ça… Oui… Heu… C’est à dire que… Merci.

Voilà qui était dit et bien dit. Pas du tout. Elle s’était autant emmêlée les pinceaux que lui. Ainsi ils faisaient la paire, une belle brochette de maladroits.

__ Tout l’honneur est pour moi.

[i]Si tu savais mon petit lapin ce que j’ai à te dire, soit tu en seras honoré, soit tu prendra tes jambes à ton cou. Mais en tout cas, ça va te faire un choc.

__ Asseyons-nous si vous le voulez bien.

La bonne nouvelle c’est que la brune aux yeux azur avait eu suffisamment de temps pour décuver un minimum avant le dîner. En revanche, elle n’avait pas eu le temps de trouver une phrase adéquate et digne de la situation. Toutes celles qu’elle avait formulées étaient, soit incompréhensibles, tournant autour du pot jusqu’à n’en plus finir, soit beaucoup trop directes. Mais en son fort intérieur, elle savait déjà qu’il n’y avait pas de bonne manière d'annoncer une chose pareille à un homme et moins encore de la part d’une Reine. Alors il était probable, même encore à ce moment où elle avait soudainement envie de parler de tout, surtout de stratégie, y compris du moral des troupes, voir même de broderie plutôt que de ça, qu’elle aille droit au but. Ou pas....

__ Vous n’êtes pas sans savoir que Stackhouse a fui, réduisant à néant tout espoir de mettre fin à cette campagne rapidement. Ce revirement de situation n’est pas pour me plaire, mais c’est ainsi et il va nous falloir réaffecter nos forces au plus vite. J’ignore où la prochaine offensive du Bief aura lieu, aussi il nous faut pallier à toute éventualité. Je suis preneuse de toute vos suggestions sur le sujet.

Fit la jeune biche tandis qu’on leur servait du vin aux épices. Elle but une gorgée à sa coupe et la reposa, écoutant attentivement le jeune homme tout en l'observant. S’il devait devenir son époux, il fallait bien qu’elle le regarde et aussi qu’elle se fasse une idée de l’homme qu’il était. Elle priait déjà pour qu’il ne soit pas comme Lord Connington, en retard tout d’abord et le regard fuyant, un air fourbe et un sourire narquois toujours accroché aux lèvres. Elle le détestait, et elle ne savait même pas exactement pourquoi.

__ Et dites-moi, comment vont les soldats ?

Parler de stratégie était toujours un plaisir pour Argella. La situation pouvait être absolument merdique, comme c’était le cas actuellement, ça lui remontait toujours le moral d’échanger avec un de ses hommes sur les options pour les prochaines batailles. Elle sourit donc, très franchement cette fois, à Adrian alors qu’il lui donnait sa vision des choses. Vision très juste et intéressante, vision qui lui plaisait. Effectivement, l’objectif premier de la campagne était d’amener les Bieffois à pousser dans l’orage et refermer le piège tendu sur eux. Mais ils avaient fui et l’Empire leur avait couru après bien trop loin et trop longtemps. Elle ne regrettait cependant pas les choix qu’elle avait fait, il était trop tard pour ça, et cela avait au moins permis à Wensington de se distinguer à la bataille de Willum. Car oui, il s’y était illustré, tant par chance que par opportunisme et par sa capacité à gérer cette bataille. Ce n’était pas aussi flamboyant que ce qu’elle aurait voulu, ce n’était pas non plus une bataille décisive comme elle l'espérait, ce n’était même pas un fait d’arme extraordinaire comme elle l’avait envisagé en écrivant sa lettre d'intention, mais c'était suffisant. Et à présent elle ne pouvait plus attendre. Elle acquiesça silencieusement, comptant mettre en œuvre cette stratégie dès que possible pour enfin dérouler le plan prévu dès le début du printemps. La donne avait considérablement changé, mais l’objectif non. Et en tant que guerrière et commandante expérimentée, elle ne se laissait gagner ni par la panique, ni par la lassitude, ni par l’empressement. Cependant, quand le jeune homme souligna combien la présence de la Reine était importante aux yeux des soldats de l’Orage elle eut un rictus d’angoisse et ferma les yeux un instant avant de les rouvrir en regardant l’assiette qu’on venait de poser sur la table. Elle congédia les serviteurs avant d’ouvrir aussi la bouche pour lui faire sa demande.

__ A propos… C’est justement de cela que je voulais vous parler. il n’est pas exclu que je doive rentrer à Accalmie…

Elle inspira profondément et releva les yeux vers Lord Wensington.

__ Je ne peux pas attendre plus longtemps. J’aurais préféré que mon mariage soit prononcé en temps de paix, en grande pompe à Accalmie. C’est ce que je voulais. Mais je ne peux plus repousser l'échéance. J’ai besoin d’un époux, la lignée Durrandon a besoin d’un héritier et l’Orage à besoin de ce mariage. Et…

Elle baissa les yeux, faisant une courte pause.

__ Et... c’est vous que j’ai choisi... si vous voulez bien vous acquitter de cette tâche. Nous avons eu peu de succès d’envergure, mais Willum en est un et vous y avez eu un rôle essentiel.

La question sur l’état de la brune est passée à la trappe, mais il a sa réponse en quelque sortes. Elle est mal à l’aise, c’est palpable. Elle n’a jamais envisagé de faire un mariage d’amour, mais elle imaginait un tout autre genre de demande et elle espérait que son mariage n’aurait pas lieu sur un champ de bataille. Elle espérait aussi, elle avait prié pour cela même, qu’elle n’aurait pas à choisir entre ses hommes et un éventuel héritier, qu’elle aurait mis les premier en sécurité avant d’envisager le second et que cet héritier arriverait dans de bonnes conditions. Rien de tout cela n’aurait lieu, rien ne s'était passé comme prévu. Mais elle ne voulait plus repousser l'échéance, cela lui brisait le cœur et plus encore après ce qu’Adrian venait de dire. Oh elle le savait, que sa présence était le meilleur moteur pour cette armée et que tant qu’elle était là, les soldats seraient toujours prêts à se battre pour l’Orage. Elle savait aussi que tomber enceinte l’éloignerait indubitablement du champ de bataille et elle n’avait pas voulu s’en retirer avant d’avoir terminé cette guerre. Mais elle n’avait plus le choix, elle ne pouvait repousser ce mariage encore et encore et cette guerre semblait ne jamais vouloir prendre fin. Aussi elle avait pris une décision, probablement la pire de sa vie. Car elle ne voulait pas perdre son enfant une fois de plus et Adrian, s’il acceptait de l’épouser, allait devoir prendre sa place à la tête de l’armée fédérée. C’était loin d’être un cadeau et si au moins elle avait eu des sentiments pour lui, cela aurait été un tant soit peu romantique, mais elle ne ressentait rien d’autre que l’obligation de tenir sa parole et le devoir de donner un héritier à l’Orage.

Argella se perdit longuement dans la dégustation de son vin alors qu’Adrian venait d’accepter le mariage. Elle se reprit néanmoins.

__ Merci Sire. L’Orage vous remercie et je vous remercie aussi, tout personnellement? Je sais que la tâche ne sera pas facile, je sais que je vous mets dans une situation compliquée, surtout avec la fuite de Stackhouse et le départ de l’Empire. Je sais aussi que je ne suis pas ce qu’on appelle une bonne épouse. Votre dévotion envers la Maison Durrandon me va droit au cœur et si je pouvais douter de ce choix jusqu’ici, je n’ai plus aucun doute à présent. Les Sept vous ont mis sur la route de Lord Tarly à dessein et ils nous mettent sur la route l’un de l’autre pour la grandeur de l’Orage, je ne peux pas en douter après une telle preuve de loyauté et de courage.

La Reine guerrière mangea quelques bouchées de la tourte qui venait d’être apportée à table. Elle essaya tant bien que mal de le regarder, mais elle était toujours aussi mal à l’aise. Cette situation était peu orthodoxe et si elle était plutôt à l’aise quand elle était entourée d'hommes pour la bataille, le mariage était une toute autre affaire. Or elle avait suffisamment raté le précédent pour craindre le pire de celui-ci et entre-temps on ne pouvait pas dire que la situation militaire s’était améliorée. Elle ne savait pas trop comment se comporter devant un homme qui deviendrait bientôt son époux et ce alors qu’ils ne se connaissaient pas le moins du monde, du moins c’est ce qu’elle pensait en cet instant. Elle ne savait pas non plus si ce mariage serait réellement un honneur pour lui ou si c’était juste une condamnation à mort vue la guerre qui sévissait et la tournure que prenait cette campagne. En revanche, elle s’était promis quelque chose, elle ne commettrai pas les mêmes erreurs qu’avec Roward, pour commencer, elle ne laisserait personne s'immiscer entre eux. Cela lui coûtait et elle priait qu’il se montre bon amant, sans quoi cela lui coûterait encore plus. Mais elle ne pouvait pas laisser la moindre place au doute sur le respect qu’elle lui portait dans l’esprit du Wensington, pas plus que dans l’esprit des autres seigneurs de l’Orage ou des soldats.

__ Quand à mon retour à Accalmie, je n’ai pas le choix Lord Wensington. Si je suis enceinte, il est hors de question que je cours la campagne et perde l’enfant. Cependant, je vous accompagnerais tant qu’il me sera possible de le faire et le commandement vous sera ainsi confié devant toute l’armée. Votre autorité ne sera pas contestable et vous deviendrez, au moins je l'espère, un moteur aussi puissant que je peux l’être pour nos hommes et ceux de l’Empire. Je vous fait le serment, en échange du vôtre, de rester à vos côtés aussi longtemps qu’il le faudra et de tout faire pour que vous soyez accepté comme le chef suprême de cette armée.

La jeune femme sourit, essayant de soutenir, en même temps que le future Prince Consort de l’Orage, son regard qu’elle fuyait depuis trop longtemps, ce qui n’était pas dans ces habitudes et qui ne pouvait continuer plus avant malgré son malaise.

__ Willum n’est pas ma victoire, elle est notre victoire à tous les deux, le futur couple royal.

Essayait-elle de le convaincre lui ou de se convaincre elle-même en prononçant ces mots ? Elle ne savait pas. Probablement les deux, car il fallait l'être à présent, convaincu, déterminé et uni. Le sort de l'Orage tout entier en dépendait.

Le cépage légèrement fruité   était agréable.  Son gout m’était familier mais  je ne pouvais guère mettre de   nom dessus. C’était ma mère qui m’avait transmis le gout pour le bon vin, les crus entreposés à Wensington étant de vrais trésors à ses yeux.  Une énième gorgée me permit toutefois de retrouver la mémoire.

__Délicieux…Du vin de Lys…Domaine Lessiya Si je ne m’abuse…Les Swan ont très bon gout !

M’exclamais-je en tendant   ma coupe à l’échanson royal.  Je venais d’accepter la proposition de la reine, ses remerciements ne se fient guère attendre mais je ne l’ai point fait pour cela. L’Orage avait besoin de ça, même si cela équivaudrait à renoncer à Wensington , au fond je savais  qu’entre les mains de mon frère  et de ma mère , la gestion de notre domaine était assurée.  Aujourd’hui seul le sort de l’orage m’importait. Les Sept me donnaient enfin la chance de montrer ma valeur à cette dame qui n'était autre qu’une reine.  Ses mots sont toujours venus à moi, plus douces que le miel, plus appréciables que l’or fin. Lorsque je me dispose à  penser a elle j’hésite sur la meilleure façon de commencer ce que j’ai à en dire . En effet, tout ce que je ressens à son sujet est doux et agréable à mon cœur.

__ Il n’ y a vraiment pas de quoi majesté.  Je suis votre.. Reine Argella, au nom de l’Orage et des Durrandon. Il n’y a pas meilleur souhait , meilleur devoir que je puisse faire que de servir cette terre qui  nous a vus tous naitre, il n’a pas meilleure tache que de vous aider dans votre tâche. Celle de rendre à L’orage sa grandeur d’antan. La situation est certes difficile et nous sauront la surmonter ensemble. Les Sept nous mettent  à l’épreuve  et je suis d’accord avec vous ,  ce sont leurs desseins qui  nous réunissent. Quant au fait  d’être une bonne épouse, vous n’avez pas de soucis à vous faire.  je ne suis pas dupe… je sais que votre mariage…vous espériez mieux…ou un tout autre parti...Aussi…je peux vous promettre de m’en rendre digne...je ne suis pas de sang royal…c'est une certitude...mais j'aime mon pays...et je vous jure de faire en sorte d’en être digne. Je ne veux guère vous écraser, imposer mes choix  ou vous forcer à adopter  une quelconque vision, vous êtes et resterez libre de vos  choix.  

Mangeant  également  mon plat , je sentais le cœur s’accélère quelque peu puis une  difficulté passagère à soutenir son regard.  Prenant une énième gorgée pour marquer un temps d’arrêt , assez pour souffler un peu et me poser. La Pression qu’incombait ma tâche  nouvelle allait se montrer palpable. Adrian Durrandon ?  Sérieusement, à petit croyable  vu comme. La timidité était bien là, la reine pourrait le voir mais la sincérité de mes propos tout autant.  Cette même femme qui , il y a quelques années de cela, avait partagé un instant  à mes côtés lors d’un bal à l’occasion de son propre anniversaire. Si la Biche semble ne pas s’en rappeler, son regard céruléen de ce jour-là était pourtant imprégné dans les méandres de ma mémoire.    Ses fiançailles avec Roward s’étaient pour le coup très mal terminé, cela aurait pu me donner matière à douter mais ce ne fut guère le cas. Roward avait laissé tombé l’orage   et son engagement envers la brune de surcroît, c n’était pas mon cas,  chevauchant au côté de la bannière au Cerf Noir et ce depuis   toute ma vie, d’abords pour le coup de notre  regretté Argillac et à présent, sa fille.  

__  Je tâcherais de remplir mon rôle Majestée, il est bien  évidement exclu de vous voir vous exposer de la sorte si vous  hum… l’avenir des Durrandon est assuré.  Cendrât j’ignore si je serais  aussi digne que vous pour mener cette armée, je n’ai pas de sang royal, en porte pas le nom Durrandon de naissance. Mais je vous promets d’essayer de vous ramener   au moins la tête de Tarly comme trophée… Ce sera notre cadeau de mariage !

Lançais-je  en éclatant de rire, c’était ait un maniére de me mettre à l’aise, la mention de l’hériter potentiel m’ayant quelque peu  désarçonné. Comment traiter de cela. Comment expliquer à la reine, la divine Impétueuse que son futur mari n’avait jamais connu de femme et qu’elle serait  de surcroît, la première, pour sur elle  me renverra au camp de base  et trouverait un autre parti, un parti  bien plus à l’aise sur toutes ces questions matrimoniales.  Était-ce une bonne idée de le cacher ?  Un couple ne devrait-il pas faire acte d’honnêteté et tout se dire. La mention de Willum comme étant  une victoire commune me fit toutefois sourire.

__ Alors dans ce cas-là…A notre Victoire ! Notre est la fureur !

Lançais-je haut et fort en tapant sur la table  , levant ainsi ma coupe.  

Lorsque Lord Wensington nomma le vin, Argella se figea de surprise. Elle aimait le vin et elle s’y connaissait, mais de là à reconnaître un vin Lysien, somme toute rare en Westeros et à nommer le domaine, elle en aurait été bien incapable. Elle regarda l'échanson qui d’un coup d'œil entendu confirma les dires d’Adrian.

__ Hé bien Sire, vous avez un palais exceptionnel. J’avais tout juste reconnu le fruité Lysien sans oser l’affirmer.

Une nouvelle fois par sa réponse, l’Orageois montra qu’il était dévoué au Royaume et à sa Reine. Elle ne pouvait rester insensible à une telle déclaration, même si elle avait appris à se méfier des belles paroles et il en prononçait beaucoup. Un peu trop à son goût en vérité et elle le fixa un moment dans les yeux pour y déceler la moindre trace de mensonge. Mais à ce stade, il valait mieux qu’elle le croit car les dés étaient d’ores et déjà jetés. Il avait du mal à soutenir son regard, mais cela pouvait autant être un signe de déloyauté qu’un signe d'humilité ou de timidité. Elle était bien placée pour le savoir, elle avait toutes les peines du monde à le regarder dans les yeux elle aussi. Après tout, ils ne se connaissaient pas et allaient devoir former une famille et un couple solide devant le pouvoir et les devoirs qui leur incombaient. Elle apprécia qu’il dise qu’il n’avait pas vocation à lui imposer ses choix, elle sourit d’ailleurs en baissant les yeux et en soufflant un petit rire. Rare étaient les hommes qui ne cherchaient pas, un jour où l'autre à imposer ses choix à leur épouse, mais peu importait car la brune aux yeux céruléens n’était pas du genre à se laisser dicter sa conduite, sa présence ici même en étaient le témoin.

__ En tant que Roi, cependant, vous devrez vous imposer, non à moi, mais aux seigneurs et aux soldats et généraux. Votre sang n’est peut-être pas royal, mais par ce mariage, il le devient. Nous tâcherons de régler nos désaccords en privé, car en public, il nous faudra faire front commun et nous montrer forts.

Se montrait-il humble devant elle pour l’amadouer ou pensait-il vraiment ce qu’il disait et si tel était le cas, serait-il assez confiant pour faire face aux critiques et aux tempêtes qui ne manquerait pas de secouer les fondements de l’Orage ? Se rendait-il compte à quel point le fil sur lequel il allait devoir marcher était fin et fragile ? La Durrandon, elle, était pleinement consciente que leurs comportements à tous les deux seraient scrutés et qu’à la moindre incartade de l’un ou de l’autre, leurs positions seraient débattues sur la place publique. Elle ne pouvait pas se permettre de mettre son pouvoir en danger face à lui, mais elle ne devait pas non plus laisser place au moindre doute sur la virilité du futur Roi. Et même en faisaient attention à tout cela il y en aurait pour se poser la question de la soumission de l’un à l’autre et inversement, de la légitimité de Wensington comme de celle d’Argella qui avait tendance à être contestée du simple fait qu’elle était une femme. Bref, il aurait certainement été plus simple qu’elle soit un homme et Adrian une femme, comme l’ordre des choses le prévoyait, mais il n’en était rien et cette simple différence serait compliquée à gérer. Pour autant elle devrait affirmer son choix car il était celui d’une Reine qui n’a pas de comptes à rendre, et il devrait s’en montrer digne pour que jamais elle n’ait à le défendre ou à le désavouer. Elle sourit une nouvelle fois en plongeant son regard azur dans celui d’Adrian lorsqu’il parla de lui ramener la tête de Lord Tarly.

__ Un bien beau cadeau de mariage Messire.

Fit-elle en riant avec lui avant d’en revenir à la bataille de Willum. Enfin il accepta un compliment, enfin il s’en réjouit sans faire montre d’une contrition qui semblait à l’Impétueuse toujours plus exagérée et fausse. Elle en fut soulagée et lorsqu’il reprit à son compte la devise des Durrandon, devise bien mérité il fallait l’admettre, elle trinqua avec lui montrant un enthousiasme jusque là impossible.

__ Nôtre est la fureur.

Elle ajouta, reprenant cette fois à son compte la devise des Wensington sur un ton qui, s’il n’était pas fort et puissant comme celui d’Adrian un instant plus tôt, n’en était pas moins assuré.

__ Sonnez la charge car nôtre est la fureur.

En vérité, elle l’avait presque murmuré et à présent, elle le regardait d’un air plus intéressé que jamais. Par ces mots elle unissait leurs maisons, leurs forces et d’ici peu, ils seraient unis par les liens sacrés du mariage et pourraient unir leurs corps. Les mois d'abstinence ayant précédé se faisaient sentir, mais quel genre d’homme était Lord Wensington sur ce point, elle n’en savait strictement rien et elle craignait de choquer sa pudeur ou sa foi en allant trop loin. Et elle préférait de toute façon, qu’il ait le temps de réfléchir à tout ça avant que la relation n’aille plus loin et avant que le mariage ne soit annoncé. Mais elle le dévisageait à présent. Avait-il les yeux clairs ou sombres ? Avec la pénombre, il était difficile de se prononcer. Mais en tout cas, il était séduisant avec ses boucles châtain et son collier de barbe qui soulignait sa mâchoire. Il lui rappelait quelqu’un et elle ne pouvait pas le lâcher des yeux avant d’avoir mis le doigt sur ce vague souvenir…

Argella sourit, c’était une gentille proposition et elle voyait bien qu’il essayait de bien faire, de se montrer attentionné, mais ça n’en était pas moins ridicule. Pas que des présents ne fassent pas plaisir à la Durrandon, et ce même si les moyens du Wensington n'étaient pas à la hauteur de tout ce qu’elle possédait déjà. La valeur marchande du présent n’était pas très importante, au fond, mais la valeur sentimentale oui, la personnalisation. Un présent était la démonstration que celui qui offrait avait eu une pensée sincère et attentive à celui qui le recevait. Aussi transférer du vin des caves de la demeure d’Adrian à la demeure royale qui en étaient bondées n’avait rien de ce qu’une Reine pouvait attendre de son promis.

__ Non merci Sire. Les caves d’Accalmie sont pleines de très bons vins, laissez-les plutôt à votre famille, je m’en voudrais de déposséder Dame votre mère de son vin en plus de son fils et héritier.

Fit poliment la Reine Impétueuse avant de soupirer en entendant une fois de plus le mot digne, le mot tâche. soupira. Cela ne faisait-il pas 50 fois qu’il répétait à qui voulait l’entendre qu’il tâcherait de se montrer digne de la digne tâche de rester digne pour l’aider dans sa tâche de souveraine ? Doutait-il de le pouvoir au point de se perdre en promesses et en explications superflues ? Elle fronça les sourcils. Il était, au fond, aussi mal à l’aise qu’elle et elle pouvait le comprendre. Mal à l’aise et peu assuré, sans doute. Après tout, il devenait Roi consort alors que rien ne le prédestinait à ça. Mais s’il tenait aussi peu la pression, qu’en serait-il à la première bataille qu’il commanderait ? Qu’en serait-il lorsqu’il verrait des milliers d’orageois tomber sous les coups de l’ennemi ? Un souverain n’a pas le droit de se chier dessus, il peut douter, mais n’en jamais rien montrer, car la moindre faille au moment fatidique peut faire la différence entre une armée qui tient et une armée qui flanche. Elle manqua de s’étouffer avec son vin quand il dit qu’il ne la forcerait à rien. Elle était à deux doigts d'exploser de rire dans sa coupe, qu’elle fut contrainte de finir à toutes petites gorgées pour ne pas qu’il voit sa tête. Elle ne voulait pas causer son désarroi et elle se garda de répliquer qu’il n’avait en aucun cas la moindre chance de la forcer à quoique ce soit. Elle ferma les yeux une seconde, toujours cachée derrière sa coupe et prit une grande inspiration avant de la poser, arborant un de ses plus beaux sourires.

__ Oui, le dialogue… Hum…

La Durrandon réfléchit un instant pour ne pas dire une connerie qui le brusquerait. Qui essayait de rassurer qui finalement ?

__ Le dialogue n’est pas dans mes habitudes, je dois dire, mais j’espère que vous m’enseignerez cet art qui me sera utile et moi, je vous enseignerai l’art d’être un Roi.

La jeune biche sourit et prit la main d’Adrian.

__ Leçon numéro 1 : arrêtez de dire que vous tacherez de vous montrer digne de ce mariage, soyez en convaincu et convainquez moi, non avec des mots, mais avec des actes.

Elle lâcha la main du jeune homme.

__ Certes oui, mais ne vendons pas la peau du Tarly avant de l’avoir tué et je dois avouer que ni lui ni Stackhouse ne me feraient autant plaisir que Manfred l’usurpateur et le Grand Septon qui dit des ignominies sur moi et mes amis et alliés. Vous et moi sommes de fervents croyant des sept, n’en déplaisent à ceux qui pensent que, parce que je suis née femme, je ne dois pas suivre les traces du Guerrier. Mais ils ne savent rien de ce que la Mère peut faire pour ces petits et mes petits sont le peuple de l’Orage.

L’Impétueuse avait serré le poing sur la table, son visage était crispé. Mais elle se reprit.

__ Je tiens à la liberté de culte, depuis des millénaires Westeros vit en paix avec plusieurs fois qui cohabitent. Je n’oublie pas non plus que les Durrandon, et plus largement les Orageois ont prié les anciens Dieux avant que la culture Andale mélangée à la culture ancestrale de cette terre de tempête ne prenne peu à peu le pas. Combattre les anciens Dieux, c’est combattre nos racines, combattre toute nouvelle croyance, c’est combattre celle, qui peut-être, fera évoluer notre société vers une ère nouvelle comme l’arrivée des Andales en leurs temps. Ce n’est pas digne de nous et ce n’est pas digne de l’empire, mais surtout c’est craindre que notre foi soit ébranlée par la cohabitation avec des gens qui ne pensent pas comme nous et nous ne sommes pas des faibles pour que nos Dieux aient à craindre d’autres croyances. Mais je ne me leurre pas, si toute cette mascarade fonctionne à merveille sur le peuple, le but n’est pas de défendre les Sept, mais bien de faire tomber l’empire, et l’Orage en premier lieu. Aucun Grand Septon ne devrait pouvoir remettre en question la légitimité d’un souverain sur les terres que sa famille gouverne depuis des millénaires. Je ne peux le tolérer et nul souverain digne de ce nom ne devrait le tolérer.

La devise fut prestement dite, mais Adrian n’avait pas entendu, alors la Reine de l’Orage répéta un peu plus fort, il devait-être un peu dur de la feuille, c’était une bonne nouvelle, il pourrait l’écouter hurler sans avoir mal à la tête.

__ Sonnez la charge, car nôtre est la fureur.

Elle le fixa pour voir sa réaction.

__ La tourte était très bonne.

Elle insista sur le passé car il n'en restait plus une miette et on apporta d’ailleurs bientôt la suite, ils discutèrent de tout et de rien jusqu’à la fin du repas, mais la fatigue se fit vite sentir et ils ne s'éternisent pas ensemble, Adrian regagnant ses foyers pour une bonne nuit de sommeil.