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 L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]

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MessageSujet: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyMer 16 Oct - 22:07







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Rude était le Val aux coeurs sensibles et aux amours tendres. J'aurais pu rire avec cynisme à ce constat, en ayant fait les frais moi-même. Mais c'eût été être bien injuste envers notre royaume qui avait abrité et abriterait encore bon nombre d'histoires d'amour affirmées, assumées, et clamées au grand jour. Il y avait les élus, ceux que le destin choisissait de finalement bénir de ses grâces et autorisait à vivre leur amour dégoulinant à la face du monde. Il y avait ceux qui devaient garder leurs passions secrètes, parce qu’inavouables, et enfin ceux à qui l'amour était arraché dans son essor, ce qui, sans doute était encore plus cruel.

Mon roi, Ronnel, jeune homme à peine fait, avait croisé l'amour au détour d'un mariage en tous points arrangé par sa mère, Sharra, qui désormais était revenue à la régence après le décès de sa belle-fille. Preuve que ce vil coquin qui transperce les coeurs pouvait surgir au moment où on s'y attendait le moins et faire mourir de consomption les âmes les plus fières. Ce n'était pas la première fois que l'amour s'invitait à la table des négociations. Il y avait déjà eu Jehan et Sharra. Ce ne serait sans doute pas la dernière, j'en étais intimement persuadé. Des mariages royaux auraient encore lieu dans le Val qui uniraient deux âmes éperdument éprises. Il n'en demeurait pas moins qu'une troisième invitée pouvait se glisser dans le ballet émouvant de deux tourtereaux. Cette belle amante que je provoquais si volontiers et qui se glissait dans la couche des amoureux pour jeter son dévolu sur l'un d'eux et le ravir à son âme soeur. Il y avait d'abord eu Jehan, tombé au champ d'honneur, dans un acte de témérité stupide dont j'avais été le témoin ... le complice ? Puis il y avait eu Nyméria. Douce enfant des lions portée par l'amour jusqu'au nid du Faucon. Elle n'y avait pas survécu.

Sa mort avait bouleversé tout le monde. A commencer par ma sœur, sa belle-mère, qui avait diligenté une enquête sur les causes de la mort, avant d'escorter jusqu'à Castral Roc la dépouille de la jeune lionne pour la rendre à sa mère, une autre. Bien entendu, on ne trouva rien, ni trace de poison, ni blessure physique qui put expliquer la mort aussi soudaine d'une enfant en pleine santé. J'avais du mal à imaginer ce que deux mère avaient pu se dire autour de la dépouille d'un enfant. J'avais encore plus de mal à réfléchir à ce qu'il était advenu de l'enfant véritable. Celui, qui innocent, avait trouvé la mort encore dans le ventre de sa mère. J'avais du mal à concevoir que cette vie, celle que nous nous échinions à vivre, malgré sa toxicité permanente, pouvait tout simplement être étouffée avant même d'avoir crié la première douleur d'une longue série. Finalement, y aurait-il, à de rares moments, quelques instants de bonté au fond des instances divines qui nous régissaient pour qu'ils épargnent à un petit être sans défense, un long calvaire qui avait toute l'apparence d'une pénitence sans fin ?

D'une certaine façon, j'enviais Jehan massacré à la Porte Sanglante. Il resterait pour toujours ce martyre guerrier, qui succomba par excès de bravoure. Le plus dur, c'est toujours pour ceux qui restent. Les morts nous font une bien mauvaise blague. J'enviais Nyméria aussi. Elle n'aurait pas à endurer ce long chemin de tourments, à voir son enfant grandir, dans un monde sombre et incertain, perclus de traîtrise et de violence. J'enviais ce petit bout de chair en son sein d'être resté comme une promesse inassouvie. N'avoir jamais été, rien, être néant avant d'avoir existé, avant d'avoir souffert. Oui, je les enviais d'avoir passé le guet et de nous avoir laissés de l'autre côté.

Ronnel était comme moi, de ce côté du guet, celui où l'on souffre en songeant à ceux emportés sur l'autre rive, en supportant la souffrance qui est infligée, chaque jour, à ceux qui sont restés. Tout ça pour quoi ? Dans le mince espoir qu'on pourra contribuer à alléger cette souffrance qui oppresse tout et chacun, chaque jour qui passe ? Qui voyais-je heureux autour de moi pour contrebalancer, justifier autant de souffrance ? Des pantins sans âme voués à reproduire à l'infini la divine comédie ? Combien je comprenais les affres qui enserraient mon petit Roi ! Ma mine lugubre qui faisait s'écarter de mon chemin la valetaille du château, tout autant que les Gardes sous mes ordres, se transforma au fil de mes pas, pour laisser place à un visage bienveillant et rayonnant de vie.

Allons-y ! Ce qu'il me restait, de force et d'espoir, s'il y en avait bien un qui le méritait et en avait besoin, c'était cet enfant, épris d'une chimère qui lui avait échappé. L'amour ... l'amour n'était qu'un lit de roses qui égratignait l'oiseau en vol ... le blessant à mort tandis qu'il s'empalait sur les épines dissimulées par la fleur.

Je frappai à la porte.

- Ronnel ? C'est moi, cette espèce de vieille corneille noiraude !

La porte s'entrouvrit, laissant voir un valet qui s'effaça pour me laisser entrer. Le Roi, mon neveu, consentait donc à me recevoir enfin. Le sourire aux lèvres, entièrement recomposé, raidi pour dompter la douleur qui me ravageait les entrailles depuis des jours, je lançai à la cantonade.

- Aujourd'hui, je ne t'ai pas fait passer de lecture ! C'est moi en personne que je t'apporte, et une offre de promenade au grand air sur les remparts. ELLE est d'accord, et je parie que tu aimeras ... j'ai quelque chose à te montrer !



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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyJeu 17 Oct - 13:07



Ronnel Arryn


Ronnel Arryn est un jeune Roi qui, bien qu'éduqué à la dure par une mère exigeante, s'est révélé fragile dans son deuil récent d'une jeune épouse dont il était follement épris. Nyméria comptait énormément pour le jeune et idéaliste Ronnel, et son trépas l'a aigri et l'a profondément choqué. Même si le mestre n'a pointé personne du doigt, il en est convaincu, c'est un empoisonnement! Prisonnier de bien sombres pensées sur les responsables de l'horrible forfait, Ronnel délaisse le trône que sa mère a occupé si longtemps...

On la lui a enlevée. Sa douce Nymeria. Sa folie, son âme sœur, son tout… On la lui a pris, la renvoyant dans le monde des éthérés, accueillie par la Mère à n’en point douter. Tellement de douceur chez cette lionne, qui n’en aurait vêtu le manteau que pour défendre les siens, l’abandonnant volontiers, pour lui, pour celui de la colombe. Sa colombe. Son oiseau. Fine et délicate. Un cou de cygne. La grâce d’un ange. Un faciès divin. Son Eden faite femme. Les Dieux se sont montrés plus cléments qu’il ne l’aurait jamais espéré en la mettant sur sa route, pour se montrer plus cruels qu’il ne l’aurait jamais redouté en la lui prenant si tôt, ainsi que leur enfant à naître. D’elle, il ne lui reste rien, rien d’autre que des souvenirs dans lesquels Ronnel préfère se complaire, abandonnant volontiers la régence du Val, à sa mère, beaucoup plus compétente en l’état. Du reste, le Val ne l’intéresse plus. Plus rien ne l’intéresse, plus rien ne l’appelle si ce n’est le confort des bras de Morphée, qui lui rend à chaque voyage son aimée. Dans ses rêves, Nymeria est là. Dans ses rêves, leur enfant est né, et en pleine santé. Et chaque réveil est une cruauté de plus, une dague supplémentaire qui trouve le chemin de son cœur et s’y fiche, profondément, pour qu’aucune, ni d’elle, ni d’aucun des couteaux qui l’ont précédée, ne puisse trouver son chemin en sens inverse.

Ronnel s’abîme et s’abime dans la dépression. Les restes de son âme, ce qui n’a pas été arraché par la perte de Nymeria, s’étiole de jour en jour. Il boit pour oublier, consomme des opiacés qui lui permettent de rêver. Le rêve est devenu la vie, la vie le rêve. Être éveillé est une pénitence, son corps le pèse, sa conscience le fait mourir à petit feu. Chaque jour qui passe, la dépression plante plus profondément ses griffes dans son être, vampirise son esprit, referme sa poigne froide et cruelle sur lui comme une prison sans barreaux. Chaque jour qui passe, le Seigneur du Val s’enfonce un peu plus dans les ombres. Il mange à peine, et s’affaiblit. N’a plus d’autre source de plaisir que ses chimères oniriques, plus goût à rien. Le vin, il ne le boit pour dormir, dormir encore, dormir plus longtemps. C’est à peine s’il consent qu’on écarte les teintures qui masquent sa fenêtre pour laisser entrer l’air frais des hauteurs des Eyriés. A peine si les servants respectent ses désirs, puisque, si, lui, l’odeur de renfermé ne le gêne pas, eux, elle les écœure. Comme le reste, sa toilette est négligée. Il n’accepte de se baigner que quand sa propre odeur, trop forte, l’empêche de s’endormir. Ses cheveux en bataille, emmêlés, quelques poils naissants sur son menton, l’absence de vêtements seyant à son rang… Tout chez le jeune Lord hurle son abandon de soi.

Les requêtes de sa mère restent sans réponse, comme toutes les autres. Parfois, comme aujourd’hui, fatigué d’avoir trop dormi, incapable de fermer les yeux, Ronnel s’assied au bord de sa fenêtre et observe le Val qui s’étend, tout en bas. Il est tenté de voler à son tour, de rejoindre cette femme qui lui manque si affreusement. Il se voit, pendant la chute, se transformer en oiseau et prendre son envol, vers un soleil presque au couchant dont la blondeur lui rappellerait celle de sa douce. Elle le prendrait dans ses bras… Des coups frappés à la porte le tirent, à peine, de sa contemplation muette. D’un geste de la main parfaitement désinvolte, désintéressé, indifférent, sans desserrer les dents, Ronnel fait savoir à son servant qu’il peut ouvrir. Celui-ci s’exécute, et entre son oncle, homme autrefois admiré, respecté, qui aujourd’hui, manifestement, a décidé de l’irriter avec sa bonne humeur, outrancière pendant son deuil. « Bonjour Mon Oncle. » Les salutations sont froides. Ronnel nage dans un peignoir de chambre trop large pour lui, qu’il ne s’embarrasse même pas de nouer correctement. Le soleil a beau en être au début de sa course quotidienne, le Lord se serre un grand verre de vin, sans même en proposer un à son visiteur, parfaitement mal élevé, parfaitement trop concentré sur sa propre peine pour encore voir quoi que ce soit d’autre. Outre sa dégaine négligée, ses yeux sont rougis. Indubitablement, il a encore pleuré la perte de sa douce récemment, inconsolable.

« Non merci. » Est la réponse que reçoit le Lord Commander du Val, son oncle, comme réponse à sa proposition. Il peut s’estimer heureux. Dans son état, Ronnel aurait pu se montrer beaucoup plus mordant. A la place, il vide les trois quarts de sa coupe de vin et titube jusqu’à son lit, sur lequel il se laisse choir, sans grâce, sans considération pour son visiteur ni qui que ce soit d’autre. Sans considération pour son allure, pour sa dignité… Seulement obnubilé par la peine, par l’absence, tourmenté par la pensée de ce qui aurait pu être et de ce qui ne sera jamais. Cette promenade, il n’en veut pas. Pas plus qu’il ne veut de la visite de son oncle, qu’il aime pourtant encore trop pour le chasser. Pourtant, que Smaug le veuille ou pas, son neveu s’est perdu. Il n’a plus de volonté, plus d’ambition… Tout ce qu’il aimerait, puisqu’il est impossible de ressusciter les morts, c’est qu’on le laisse continuer à vivre ses chimères dans la quiétude, jusqu’à ce qu’il en crève…


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Mahée Allyrion
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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptySam 19 Oct - 15:54







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Ronnel m'offrit un accueil des plus glacials et un tableau affligeant de négligence. Je lus immédiatement les stigmates de ses abus, les connaissant bien pour m'y adonner moi-même avec plus de mesure, quand la réalité devenait par trop insupportable. Peu de personnes devaient s'en douter, grâce à mon souci maniaque de tout contrôler y compris l'image que je donnais de moi, de ma fonction. Sharra, peut-être, avait des doutes, sachant certainement quels cercles mal famés il m'arrivait de fréquenter dans ma jeunesse et avec lesquels j'avais gardé des liens, d'ailleurs fort utiles pour ma fonction de protecteur. J'apprenais certaines choses par mes relations car les bordels et fumoirs étaient des lieux où rumeurs et indiscrétions s'échangeaient entre deux ébats et autres égarements opiacés, entre deux beuveries aussi. Parfois j'y envoyais des agents, parfois je m'y déplaçais en personne, toujours officieusement, ne voulant entacher mon grade de ces errances. Mais elle devait savoir, oui, car je n'avais nul doute sur le fait qu'elle eût ses propres agents de renseignement, espionnant pour son compte son entourage. Ma sœur et moi partagions la même paranoïa, sans doute héritée de notre enfance, et renforcée par notre rang dans le Val, une série de trahisons et des deuils marquants. Elle désapprouvait sans doute mes excès au plus haut point, mais n'avait jamais proféré le moindre commentaire à leur sujet, pour la simple raison, et elle le savait, que je m'imposais une rigueur dans leur pratique, une mesure dans la débauche afin de ne point altérer mes capacités de Capitaine de la Garde. Juste assez pour me rendre l'insoutenable supportable, mais pas trop pour ne pas perdre ma seule raison de vivre encore, la servir.

Mon neveu, lui, dans tout l'excès de la jeunesse, n'arrivait visiblement pas à s'imposer cette modération et paraissait avoir sombré dans tous ces excès, à l'exception du sexe. Merci à son tempérament idéaliste et romanesque de nous épargner cette dérive qui me frappait. Certains hommes se noyaient dans la débauche de la chair lorsqu'ils perdaient l'objet de leur désir et j'étais de ces faibles là. Ronnel non. Le cynisme ne l'avait encore pas rongé à ce point. Mais il se rattrapait sur l'alcool et autres pourvoyeur d’éthers, de toute évidence. M'approchant de lui, je m'assis sur le rebord de la fenêtre, en face de ce visage aux yeux rougis, aux cheveux en bataille, de ce corps déjà amaigri qui flottait dans une robe de chambre trop large, débraillée. Mon regard était à la fois dur et un brin provocateur lorsque je le vis se servir une coupe de vin pour en descendre la quasi intégralité sans aucun plaisir apparent. Il ne s'y trompa d'ailleurs pas, me connaissant sans doute assez pour savoir ce qu'annonçait cet air et s'éloigna de moi en allant se vautrer sur son lit. Je détournai brièvement le regard de mon Roi pour le porter loin sur la vue du Val qu'embrassait la fenêtre. Une lueur de fierté et d'amour passa dans mon regard. Passionné, exclusif. J'aimais le royaume comme j'en aimais la souveraine, à mes yeux, Sharra était le Val et quand je contemplais l'un, je voyais l'autre. Fusionnels, indissociables. Et Ronnel était une extension de Sharra, si nous venions à la perdre, je n'y survivrais que pour tenir une promesse faite il y avait seize ans à Jehan, mais plus encore, à ma sœur il y avait plus de trois ans. Par deux fois, j'avais prêté serment que le Corbeau protégerait le Faucon.

Et c'est ce que je m'apprêtais à faire aujourd'hui, même si pour cela, je devais essuyer les foudres de mon Roi, parce que c'était mon devoir, parce que j'étais ainsi. Sharra le savait mieux qui quiconque. Même si cela devait nous éloigner, je ne leur dirai jamais à tous deux que ce que je pense vrai et juste pour le Val et pour eux, et non ce qu'ils auraient envie d'entendre. Je savais user de duplicité et de flagornerie quand il le fallait, mais certainement pas aux dépens de ceux que j'aimais plus que ma vie. Je ne jouerais jamais la carte de la complaisance, dans l'espoir de m'attirer leurs faveurs, ou pour gagner la popularité du peuple, contrairement à certains courtisans, mais contre vents et marées, malgré les regards réprobateurs qui pesaient sur moi, j’œuvrerais toujours à juste à les protéger., même de leurs propres errances, même si je devais perdre leur amour pour cela. Cet aspect de mon rôle, dire les choses telles qu'elles sont, sans ménagement, était le plus ingrat, mais j'étais le mieux placé pour le remplir. Jamais un Lord ne se risquerait à autant de franchise que moi, envers la famille royale, chacun sachant que de la franchise à l'opposition, le glissement pouvait vite passer pour de la sédition. Or Sharra comme Ronnel ne pouvaient douter d'une chose à mon sujet: ma loyauté inconditionnelle. Non pas parce que le même sang coulait dans nos veines, mais parce que chaque mot, chaque geste venant de moi était loyauté.

Je me tournai à nouveau vers mon neveu et haussai les épaules.

- Comment ça, non merci ? Tu crois que c'est une faveur que je te fais en te proposant une promenade ? Tu n'as pas à me remercier. Je ne fais que mon devoir, en te protégeant. Et il semblerait qu'il faille te protéger de toi-même.

D'un geste de la main, je montrai le paysage qui s'étendait, au dehors, derrière nous.

- Tu peux penser que ton chagrin est unique. C'est vrai, chacun a le sien, qui lui est propre. Mais ne pense pas être le seul à souffrir ! Tu n'en as peut-être cure de celui de ta mère qui te voit dépérir sous ses yeux un peu plus chaque jour, de celui de ton peuple qui a besoin de son Roi, de celui des Lannister qui ont perdu leur fille, mais que penses-tu de la promesse que tu as fait à Nyméria en l'épousant ?

Je me levai pour arpenter la pièce, rassemblant au passage une chemise et des pantes déposées là par la lingère royale, et les jetai au visage de Ronnel:

- Crois-tu que c'est cet homme là qu'elle aurait aimé et épousé ? Ce n'est pas une faveur que je te demande, ce n'est pas une requête du Capitaine de la Garde. C'est un ordre de Nyméria qui franchit mes lèvres ! Tu dois vivre, et honorer vos engagements, pour deux ! Tu l'aimais, tu ne cesses de le crier sur tous les tons ! Et quoi ? Tu l'aimais ? Tu ne l'aimes donc plus ? Déjà ? Parce que oui, tout est là. Si tu choisis de vivre dans le passé, tu ne peux pas prétendre l'aimer encore ! Encore moins l'honorer ! Pense à ce qu'elle aurait fait, si la situation était inverse, si elle t'avait perdu ! C'était une lionne ! Tu es un faucon ! Pense à ce qu'elle voudrait te voir faire et agis en conséquence !

Je m'assis à nouveau dans un fauteuil en écartant Dame Affliction puis croisait une jambe sur mon genou, le regard déterminé je jaugeai mon Roi, prêt à tout entendre.

- Maintenant tu vas t'habiller, et nous allons sortir. Je ne  bougerai pas d'ici sans toi et je ne te quitterai pas avant d'avoir entendu ce que tu projettes de faire.  


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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptySam 19 Oct - 19:02



Ronnel Arryn


La dépression est une créature vicieuse. C'est un ignoble parasite, monstrueux, qui, une fois sa proie trouvée, plante ses griffes au plus profond de son cœur, au plus profond de son esprit, touche son âme et la corrompt, la noircit, affaiblit chaque jour qui passe un peu plus la lumière, jusqu'à l'éteindre tout à fait. A ce stade, l'hôte ne ressent plus rien. Rien du tout. Ni peine, ni joie. Ni fierté, ni culpabilité. Rien. C'est une coquille vide à la dérive, qui n'a plus l'envie ni le besoin de voir qui que ce soit, qui pourvoie à peine, sinon pas, à ses besoins primaires... Par automatisme. Ou bien par valeur. Les valeurs, ce sont bien les seuls piliers que la maladie ne parvient pas à atteindre tout de suite, qu'il lui faut un petit peu plus de temps pour grignoter, comme de la rouille, et détruire les volontés de fer. Celle de sortir, celle de voir le soleil, celle de profiter... Celle de vivre. Celle de vivre est l'ultime qui, une fois vaincue, est remplacée par celle de mourir, qui grandit alors des restes de sa prédécesseuse, comme de la mauvaise herbe. D'abord faible, fugace, elle se fait de plus en plus insistante. Ronnel, lui, en est à ce moment charnière où celle de vivre le quitte peu à peu, peu à peu remplacée par la pensée de la mort, qu'il commence à voir comme une délivrance.

Le chagrin rend égoïste. Parce que lui ne demande rien d'autre que la paix, que d'être laissé à son sort et ignoré, il entend qu'on respecte sa volonté plutôt que de perdre son temps avec l'être larvaire qu'il devient, et tout acte contraire à cet oubli dans lequel il souhaite se lover est perçu comme une agression, comme l'invasion de son espace vital, le non respect de sa vie privée. Recevoir son oncle lui est pénible, au même titre que recevoir qui que ce soit. Il ne lui a ouvert la porte que parce qu'il se souvient, il y a longtemps, qu'il a apprécié sa présence. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Et il doute que ça soit de nouveau le cas un jour.

Le doute devient certitude quand commence le plaidoyer que Ronnel attendait... Sans bouger, affalé sur son lit, les yeux résolument tournés vers le plafond, le roi fait mine d'écouter... Parce qu'il écoute, il écoute sans entendre. Il ne veut pas entendre. Il ne veut pas comprendre. Pire, son poil se hérisse quand Smaug tente d'instrumentaliser le souvenir de Nymeria... Le jeune homme, impassible, se redresse, et là, ses yeux sombres se posent sur son invité forcé... Mais dans ses iris, rien. Rien, alors que sa tête est pleine. Intérieurement, Ronnel le hait de mentionner un nom qui lui fait encore tant de peine. Ronnel le hait de tenter de l'apitoyer, de le culpabiliser... Croit-il qu'il ne s'est pas déjà répété tout ça ? Croit-il que ça ne le pèse pas déjà suffisamment ? Ne voit-il pas que son neveu est écrasé par ses propres sentiments ? Et que ce sont ces mêmes sentiments, peine, culpabilité, suspicion, colère, qui l'ont amené là pour commencer ? Les yeux du rois se baissent sur sa coupe. Smaug passe à un rien de se la voir jetée à la figure, même ça, même ce geste de colère pure, Ronnel n'a plus assez de passion pour le nourrir. Inerte, le jet de ses vêtements ne le fait pas plus réagir. Il se contente de les repousser, sans joie, avec le calme de l'indifférence.

Patiemment, dans un froid glacial d'au-delà du mur, Ronnel attend la fin du plaidoyer de son « invité ». Ce n'est qu'une fois arrivé à cette fin qu'il consent à relever des yeux, eux-mêmes froids comme la mort, et plein de haine, vers son oncle. « Vous pensez qu'il vous suffit d'entrer ici, de me culpabiliser et d'ordonner pour être exaucé ? » Son ton est tranchant comme la lame d'une épée fraîchement aiguisé. Il se lève, mal assuré sur des jambes amaigries et déjà ivres, mais parvient à ne pas chanceler, à s'ancrer durement dans le sol. « Vous allez sortir, parce que je vais vous ordonner moi de sortir, et VOUS vous y plierez parce que je suis votre roi. » Insolent, ingrat, capricieux, trop malheureux pour encore mesurer le poids de ses paroles, simplement avide de voir son oncle et ses leçons moralisatrices s'en aller, sous peine d'immédiatement le voir se jeter par la fenêtre. « Je n'ai que faire de votre stupide promenade... Et je ne tolérerais pas de vous entendre manipuler mes souvenirs de Nymeria ! Ce que nous avions n'appartenait qu'à nous, vous m'entendez ?! QU'A NOUS ! » Il hurle, lançant pour de bon sa coupe au visage de Smaug. « SORTEZ ! IMMEDIATEMENT ! » Comme un animal acculé, Ronnel mord, enlacé, dorénavant symbiotique, avec ce parasite qui lui grignote l'esprit, l'assombrissant, l'éteignant un peu plus chaque jour...


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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyDim 20 Oct - 22:06







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Le vent des Eyrié prenait consistance dans la réponse qui me fût  adressée, et les oiseaux que nous étions, lui et moi, savaient combien il pouvait être glacial et cinglant. Je fermai les yeux et me redressai, recevant sa colère, légitime ô combien, et me gainai à nouveau pour faire taire la douleur qui ravageait mes entrailles. J'étais prêt à tout endurer, même leur haine, pour ceux que j'aimais. Et ce sursaut de rage prouvait à mes yeux que mon Roi était encore vivant. Je hochai la tête lentement, en signe de dénégation. Enfin, j'avais son attention, pour quelques secondes, peut-être.

- Non, bien sûr, je pense vous aimer assez pour devoir vous sauver. Je pense qu'elle vous aimait assez pour me souffler de le faire. Haïssez-moi, si cela peut vous aider. Vous avez toutes les raisons de le faire. Je n'ai aucun souhait à faire exaucer. Je suis le Corbeau. Il y a longtemps que je ne nourris plus de souhaits pour moi-même.

Je me levai en grimaçant le moins possible, droit, fier et intransigeant.

- Je ne sortirai pas. Appelez la Garde si vous le souhaitez. Pensez-vous qu'ils vont me traîner de force, ceux qui m'ont vu saigner plusieurs fois pour défendre votre Royaume ? Alors faites-le et moi je vais simplement rester là, assis dans ce fauteuil, attendant qu'ils m'emmènent, mais surtout, dites leur bien de me mettre en geôle, car sans cela, je reviendrais dans l'heure, ou demain ... toujours.

Je me rassis, essayant de faire en sorte que ce ne soit pas trop lourdement.

- Oh bien sûr, ce qui existait entre vous, vous appartenait ... Comment cela, pourquoi appartenait ? Cela ne vous appartient plus ? Et qu'est ce qui vole ces souvenirs, ces instants précieux ? N'avez-vous pas comme moi cette peur d'oublier jusqu'aux contours du visage aimé quand vous en êtes séparé ?

Je me penchai en avant pour murmurer:

- J'ai bien compris que vous ne voulez pas guérir d'elle. Et ce n'est pas ce que je vous supplie de faire. Je ne vous demande pas de l'oublier, mais de la chérir. De vous battre chaque heure, chaque minute pour sa vision du monde.

Mon regard fiévreux fixait à présent cet enfant que j'aimais comme s'il était le mien.

-HURLEZ mon Roi, Hurlez, tant que vous le voulez contre moi.

Je suis là pour ça songeai-je tandis que la coupe heurtait mon visage et que, d'un geste j'essuyais le liquide qu'elle contenait encore, se mêlant à mon sang. Une entaille sur la joue qui me cuirait non pas parce qu'elle marquait mon visage mais parce qu'elle serait la cicatrice d'un amour arraché.

- Je ne sortirai pas sans vous, Mon Roi ! répondis-je à ses hurlements. Si vous préférez contenir vos cris d'amour pour elle dans cette chambre, alors je resterais. Si vous voulez les laisser s'envoler vers elle en hurlant sur les remparts de la plus haute tour des Eyrié, alors je vous y escorterais.

Je m'étais levé de mon fauteuil, une nouvelle fois, et j'avançai vers cet enfant que j'avais vu grandir, le torse offert.

- Hurlez, frappez, haïssez, mon Roi. Mais je vous interdis de mourir. Je ne saurais comment me pardonner ... Un père aurait su trouver les mots. Vous dire que l'amour ne meurt pas quand on perd ceux qu'on chérit ... Sharra a beaucoup porté. Elle a perdu son amour, et ... il a des choses ... que ...  Elle ne survivra pas si vous renoncez... Et moi non plus ...

J'occultai volontairement Jonos, petit prince sacrifié, encore une fois. Bien sûr je vivrais pour le protéger aussi, je le devais, j'en avais fait serment, mais j'ignorai dans quelles ressources je pourrais puiser si je devais faire face à cette situation. Finalement, ma voix, troublée, éructa tandis que je saisissais mon neveu par les épaules.

- Jonos n'est pas prêt à faire face à cela !


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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyJeu 7 Nov - 18:28




  • Smaug Corbray & Ronnel Arryn
Le Roi n'était pas malade de l'esprit, mais malade du cœur et cela, on le sait, ne peut se soigner avec des mots sérieux.



Ronnel se laissa saisir comme on attrape un chiffon. A ce moment là, qu'on l'aurait lâché et il se serait effondré, vidé de toute force et de toute volonté. Son oncle ne comprenait pas. Comment aurait-il pu comprendre ? Au delà des apparences, de ces airs de dément, de la violence de ses gestes et de ses paroles, le petit Roi entendait. Mais c'était sa raison qui prêtait l'oreille et la raison à elle seule ne peut prétendre à gouverner tout le reste.

Il était comme enfermé à l'intérieur de lui même, prisonnier d'une prison de peine, d'amertume et de rage, et ne pouvait qu'assister, impuissant, à la morale et aux attentions de ses bienveillants bourreaux. Qu'il essaye seulement d'exprimer autre chose que la folie et les mots les plus raisonnables se transformaient en invectives, les caresses, les gestes doux devenaient des coups, il aurait sourit à son oncle s'il l'avait pu, lui aurait dit des choses rassurantes. "Ne craignez rien." Ou "Je ne compte pas me laisser aller à la folie de mourir." mais qu'il ouvre seulement la bouche et c'était tantôt des sanglots acides qui en sortaient, tantôt des mots froids et cruels que les Autres n'auraient pas reniées.

Pathétique être déchiré entre un esprit raisonnable et un corps, des émotions qui refusaient de lui obéir, chacun des mots de Smaug était comme un coup de poignard de plus. Chaque geste d'empathie, chaque démonstration de bonne volonté lui lacérait la chaire plus sûrement qu'un rasoir, lui mettait les nerfs à nu. Oh il savait, il savait, il savait tout cela, toutes ces paroles sérieuses, ces appels du devoir, il ne les avaient pas oublié, mais les transformer en actes, passer la frontière de ses lèvres, agiter son corps, et tout alors s'écroulait.
Le Roi n'était pas malade de l'esprit, mais malade du cœur et cela, on le sait, ne peut se soigner avec des mots sérieux.

Perdu au creux de cette poigne puissante, où ses propres épaules osseuses semblaient être avalées comme on disparait entre les mains d'un géant, Ronnel ne chercha même pas à repousser celui qui pourtant était son sujet. A ce moment là, il n'y avait plus ni suzerain ni vassal, en tout cas pas dans son esprit à lui. A cet instant, toute idée d'ordonner, d'exiger, l'avait quitté. Cela avait toujours été des menaces en l'air, un délire fiévreux, un excès débordant de bile, douloureux mais sans conséquences. La peine affectait ses humeurs, mais point son caractère et Ronnel n'était pas quelqu'un d'injuste. Seulement blessé.

A cet instant, il avait le regard vide. Ses cheveux mi-long et lourds, qu'on n'avait plus coupé depuis plusieurs mois, lui tombaient devant les yeux, masquant à moitié son visage. La fureur semblait avoir refoulée soudainement comme une vague, car c'en était ainsi de ses folies, elles étaient inconstantes, sauvages et le terrassaient, le laissant sans force jusqu'au prochain assaut.

Loin des malédictions déraillantes qu'il venait de proférer, ce fut cette fois une voix lasse, rauque et cassée qui s'échappa de sa gorge. On aurait dit un vieux matou qui miaule, un meuble qu'on déplace en le raclant sur le sol. Il y avait toujours de la peine, comme une ombre de sanglot, mais également beaucoup de lassitude.

- Vous dites des sottises mon oncle...

Ces paroles étaient empruntes d'une sorte d'étrange et souverain désespoir, quelque chose qu'on ne trouvait rarement ailleurs que chez ces très vieux forçats qui sentent au fond d'eux même qu'ils mourront enchaînés. Ronnel avait cette fatalité là dans la voix. Insolent désespoir de celui qui depuis longtemps déjà se bat contre lui même et ne semble apercevoir aucune échappatoire à ses troubles.

Son corps se tendit entre les mains de Smaug, comme de nouveau parcouru d'une fureur qui montait et semblait venir du fond de ses tripes, gagnant dans une affolante escalade les plus lointaines extrémités de son corps. Il agrippa la literie, s'en faisant blanchir les phalanges et on pu entendre ses dents grincer.

- Croyez vous que le château ait besoin de voir son Roi dans... cet état là...?

C'était la raison qui avait parlé, au prix d'un rugissement contenu, brisant les digues de l'émotion. S'il fallait cela pour faire partir son oncle, alors il en ferait l'effort. Les mots qui passèrent ensuite ses lèvres étaient portés par un grondement sourd, comme un chat qui feule cette fois, prêt à cracher.

- Est-ce cela que vous voulez imposer au Val, Capitaine ?! La vue d'un pauvre épouvantail que la moindre perte met à bas ?! Est-ce cela qui doit protéger le royaume, veiller sur ses sujets ?! Doit-t-on dire que Nyméria, en mourant, a tué aussi bien son enfant que son mari ?!

Il cracha vraiment quelque chose. Le glaire était rougeoyant, peut-être s'était-il mordu la langue dans sa harge, ou peut-être n'était-ce que du vin.

- Je ne laisserai pas insulter sa mémoire... elle n'est en rien responsable de... ça...

Comme on n'ose croiser son propre regard dans le miroir, il n'osait plus se désigner lui-même, passant du chagrin au dégout, de la rage au désespoir, transpercé de la culpabilité de ne pas être à la hauteur et de cette tendresse perdue qui avait jadis comblé son corps et son cœur.

- Mon oncle... je vous le redemande... laissez-moi... Nous sortirons un autre jour.

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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyVen 8 Nov - 2:31







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Combien avais-je aimé cet enfant, combien aimais-je aussi l'homme fait et en maturation qu'il promettait de devenir ? Pourvu que je parvienne à le sortir de ce marasme qui entravait son âme. Ma première blessure mortelle, et que pourtant, j'avais ignorée alors. L'incarnation de l'amour qui liait Jehan à Sharra. Et pourtant je le chérissais, je chérissais, oui, ce que je voyais en lui hérité de Jehan, qui avait succombé à mes côtés à la Porte Sanglante, je chérissais ce que je voyais de sa mère en lui. Ce regard sombre et impérial, qui jamais ne ploierait face à une autre volonté, ce port altier hérité du Faucon et du Corbeau. L'envol d'une âme qui aspirait aux plus hauts sommets et dans le même temps se drapait d'un éclat sombre. Ronnel était tout cela. Plus que tout, il symbolisait l'union bénie de deux maisons, du Val et de son plus fidèle vassal, le Corbeau. Il incarnait l'enfant que je n'aurais jamais.

Loyauté qui m'avait forgé dès mon plus jeune âge, par l'entremise de mon père Rorgard. Amour qui me brûlait les ailes, infligé par la seule femme que je ne devais convoiter et que j'aimais pourtant, d'un amour incroyablement pur, malgré la souillure que notre naissance lui infligeait. Lequel de ces deux impérieux jougs avait fait naître l'autre ? Était-ce ma loyauté qui s'était muée en amour, ou mon amour qui m'avait imposé une loyauté aveugle envers Sharra ? Je me perdais dans ces tortueux supplices et je m'y complaisais autant que Ronnel se complaisait dans la contemplation de son amour perdu. Lui avait perdu cet amour à peine amorcé par la cruauté d'un mal encore non élucidé. Moi, j'avais perdu mon amour le jour de ma naissance. J'étais né frère de celle que mon cœur chérirait jusqu'à sa mort. Le plus cruel des supplices, le plus inacceptable. Car je ne pourrais le crier, le jour de mon exécution, au pilori, comme l'aurait fait un simple valet épris indûment de sa Reine. Pourquoi n'étais-je pas né dans une autre maison ? Pourquoi n'étais-je pas né bâtard ou demi-frère ? Parfois je me prenais à rêver que nous n'étions pas issus de la même couche. Après tout, le désamour de mon père dans mes premières années, la consomption de ma mère, pouvaient étayer cette thèse. Mère aurait-elle eu un amant ? Cela m'aurait délivré d'une demi faute, mais pas encore assez. Le Val n'était pas royaume à tolérer d'union et encore moins d'amour entre nés de la même maison. L'un fut-il bâtard? Nous n'étions pas des Targaryens mais des Corbray. Mon amour ne s'enracinait point Peyredragon mais dans le Val.

J'aimais cette femme à en mourir, mais jamais, jamais personne n'en saurait rien. J'étais persuadé d'être maudit, n'ayant jamais connu un autre amour qui pût me guérir de celui-là. Et je me tenais face à son enfant, qui lui aussi, se pensait maudit, probablement. Je devais taire cette envie de lui crier que je comprenais sans doute ses tourments mieux que quiconque. Mais on louerait sa peine comme une légende chevaleresque, romanesque, tandis que la mienne était vouée au silence de la tombe. Je me tenais face à cet homme, à peine sorti de l'enfance, dont la souffrance attisait la mienne, condamné à ne pouvoir lui avouer.

- Oui, je dis des sottises, mon Roi. Ce n'est sans doute pas la première fois.

Je sentis ses muscles se nouer sous mes mains, se révulser, même, mais je ne lâchai rien.

- Je crois, je crois que le jour est venu, mon Roi, de garder en vous cette incroyable douleur, ce vide de chaque instant, cet arrachement de souffrance, ce sentiment de perte qui ne finira sans doute jamais. Je le crois, parce que je le vis moi-même chaque seconde depuis des années. Il y a bien des façons de perdre l'être qu'on chérit le plus au monde, et j'en ai moi-même expérimenté la plupart. Depuis ma naissance.

Je fermai les yeux, en proie à un profond malaise. Les murs de la pièce tournaient, ma vue s'était assombrie. Je me redressai, résistant farouchement à la douleur qui revenait en force.

- Je crois que si, moi, simple Capitaine de la Garde, j'arrive à donner le change en public, vous, Majesté, y arriverez d'autant mieux.

Mes mains lâchèrent les épaule de mon souverain et je tendis les bras, offerts, pour l'enlacer comme un père le ferait pour consoler son fils. Je balayai ce faisant des siècles de tradition, faisant fi de l'étiquette des Eyrié, mais j'étais exténué, vidé.

- Jamais je n'aurais la moindre prétention de salir la mémoire de celle qui vous a été arrachée. Je la tenais en haute estime, car elle vous rendait heureux. N'ayez pas honte de ces moments d’égarement fou qui précèdent l'aube des plus grands champs de bataille.

Je refusai pour la première fois, l'ordre de mon Roi. Non, je ne pouvais l'abandonner à la cruauté d'un amour perdu.

- Quant à votre peuple, il sait déjà combien vous êtes fort, malgré votre apparence de ce jour. Je vous aiderais à ne rien laisser paraître de votre affliction, je suis passé maître en la matière. Je vous seconderai le moment venu, pour revêtir cette armure invincible qu'est l'honnêteté. Croyez-moi, ils ne vous verront bientôt que comme un homme et un époux plein d'honneur et de courage.

Je reculai et portait ma main gauche à ma tempe, soudain pris d'un violent malaise et je me laissai choir sur le fauteuil à côté de son lit.

- Ne sortons pas, alors, si vous ne le souhaitez. Mais ne comptez pas sur moi pour vous abandonner en pleine tourmente, mon Roi. Je reste encore et je veillerai sur vous d'ici, dans cette chambre.




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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptySam 9 Nov - 0:25




  • Smaug Corbray & Ronnel Arryn
Les dieux sont-ils devenus fous ?



Ronnel écoutait son oncle à travers le filtre de sa lassitude. Une lassitude profonde, générale, qui soudain avait envahis tout son être, prenant la place de toute colère, de toute émotion. A cet instant alors, il n'avait même plus de tristesse en lui, le chagrin avait cédé face à une lourde fatigue morale. Les paroles semblaient lointaines, désincarnées, il observait ces mains tendues, cette tendresse presque paternelle passer sous ses yeux, comme adressée à un autre. Lui, il était en dehors de son corps, il avait fait sécession de tout.

Ce fut l'enlacement de Smaug qui le ramena à la réalité. Ce geste était si surprenant, si soudain et bien loin de ce que son oncle se permettait en général, lui qui était tant attaché à sa fonction et aux symboles, le premier des protocolaires. Ronnel en fut gêné, mais l'espace d'un instant, le souvenir Nyméria s'éloigna un peu de lui et il ne fit pas mine de repousser cette marque de tendresse. Ces choses là d'ordinaire ne lui venaient que de sa mère. Pour le reste du monde, il était Ronnel Arryn, Roi du Val et protecteur du Royaume. Autant dire un intouchable.

Quand son oncle se renversa en arrière, s'effondrant sans grâce dans le fauteuil en face du lit, le jeune homme fut parcouru d'un soubresaut. Pleurait-il ? Riait-il ? Il riait. C'était les nefs, bien sûr, un rire rauque et étouffé, qui ne faisait pas du bien. On aurait dit un chaudron qui déborde et dont s'échappe de la soupe. Cela faisait le même bruit et avait la même consistance.

Le petit Roi se laissa lui aussi retomber en arrière. Il fixa son oncle dans les yeux. Il y avait quelque chose de souverain dans ce regard. Aussi misérable qu'il pouvait être, on n'effaçait pas si simplement toute une éducation à la royauté et lorsqu'il vous fixait, il y avait un peu de supériorité paternelle dans ces yeux là. Etrange dynamique entre ces deux jeunes gens, chacun tour à tour supérieur et inférieur, comme une bouée qui ballote dans des flots agités.

Ronnel secoua la tête. Il avait une ombre de triste sourire sur le visage.

- Quelle sombre farce nous jouons là mon oncle... A croire qu'il n'y a pas une âme qui ne soit pas tourmentée dans ce château.

Disant cela, son regard s'en alla voleter vers la fenêtre du balcon de ses appartements. Au dehors, le ciel était d'un bleu émaillé de gris, comme un tableau morne.

- Nyméria doit bien rire, auprès des Sept, et la Jouvencelle avec elle. Qu'est-ce que c'est que ces histoires de cœur là, qui se finissent en drames pathétiques ?

A nouveau il sourit, et cette fois c'était un sourire macabre.

- Les dieux sont-ils devenus fous ? Ne réalisent-ils pas que nous avons un pays à gouverner... faut-il n'avoir pas le sens politique pour affliger comme ça le Roi du Val, et moi je dois faire un bien mauvais héros puisque la première épreuve divine m'envoie en boule au fond de mon lit.

On le sentait, son désespoir s'était soudain mué en quelque chose de plus transcendant, une forme de conscience tragique, d'ironie malheureuse.

Il repoussa les couverture avec une lenteur terrible, comme si chaque geste lui coûtait, et se mit debout.

- Veillez sur moi, mon oncle, puisque cela a l'air de vous plaire. Quel spectacle !

Il fit alors mine de se diriger en chancelant un peu vers une table où trônait une bouteille de vin encore à demi-pleine, et des coupes qu'ils n'avaient pas encore lancé sur un visiteur.

- Un jour, quand je me porterai mieux, vous me ferez récit de vos malheurs, alors c'est moi qui vous empêcherait de boire. Pour l'heure, pardonnez moi, mais j'ai encore du cœur à ronger et peu d'esprit à vous accorder.

Il soupira. Sa tête lui tournait un peu et ses paroles s'envolèrent comme des demi-mots qu'on murmure quand vient le sommeil, ou la mort.

- Allons, donnons le change, mon oncle, donnons le change...

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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyDim 10 Nov - 18:57







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Ronnel n'avait pas repoussé mon contact, comme j'aurais pu le craindre et ma fatigue, ma souffrance m'avaient empêché de voir complètement le caractère incongru de la situation. J'avais voulu cette étreinte, aussi brève qu'elle soit, et malgré la rupture d'usage qu'elle représentait. Mon Roi aurait pu s'en offusquer et me le faire sentir en m'infligeant un blâme, public ou non. Il aurait pu et aurait été dans son droit absolu. Mais j'avais pris le risque, parce que mon sort n'était rien et que lui, il était tout. Le véritable amour s'exprime parfois par le risque de ne plus être aimé, mais rejeté, honni. Le véritable amour, le véritable dévouement ne passaient pas par la flatterie, mais par l'honnêteté et la franchise. Cela imposait à mes yeux de dire ce qui semblait juste et non ce que l'autre avait envie d'entendre.

Avachi dans mon fauteuil, j'observai les prémices d'un réveil sur le visage de mon neveu. Certes, il pleurait et riait tout à la fois dans un gloussement sinistre qui lui secouait les épaules, certes il était tout aussi ployé que moi sous la douleur, là assis sur son lit. Mais pour la première fois depuis mon entrée dans la pièce, je croisai véritablement son regard. Enfin il me regardait en me voyant et ses yeux me parlaient tout autant que ses mots. Je me redressai pris d'un sursaut d'espoir et de fierté. Je hochai lentement la tête.

- Aucune âme n'échappe au tourment, je crois, mon Roi. C'est le propre de tout être humain. Mais je dois avouer que notre sang semble en être affligé bien davantage que la moyenne des hommes. Peut-être est-ce parce que nous avons une haute conscience de ce que la vie peut avoir de fugace et d'insane. Les Arryn se sont toujours insurgés contre la fatalité. Votre premier ancêtre sur cette terre du Val, Artys Arryn, le chevalier ailé s'est ainsi dressé pour unir des clans et fonder une dynastie. Pourtant ce n'était qu'un simple chevalier, et il a réussi le tour de force de les fédérer dans un même combat. Son sang coule dans vos veine. C'est ce qui vous donne cette pleine conscience des choses, une acuité qui peut aussi être une souffrance.

Je soupirai profondément avant de poursuivre.

- Quant aux Corbray, ils ne sont guère simples eux aussi. De leur souffrance, ils se font une armure, un masque. Croyez que je sais ce qu'il en est plus que tout autre. Mais cette amure, ce masque, sont lourds à porter, terrifiants même, car ils gainent et étouffent tout sentiment. Tout reste à l'intérieur, hormis la rage qui nous porte lors des combats. Il vous fallait du temps, mon Roi, pour en accepter le poids. Le cœur ne s'endurcit jamais. Il saigne à l'intérieur et parfois se noie dans son sang. Le sang du Corbeau coule également dans vos veines, mon Roi. Murmurai-je avec fierté.

Je fermai les yeux pour cacher l'indicible souffrance qui m'habitait.

- Les Dieux sont impuissants à endiguer le flot de cette peine lorsque nous la laissons déborder, parfois, rarement. Je ne pense pas que la politique soit leur affaire. C'est une invention humaine, tout comme le pouvoir et la charge que génèrent le fait de gouverner.Je ne pense pas qu'ils soient fous ...

J'eus envie de dire "je ne pense pas qu'ils soient ... tout simplement" mais blasphémer et révéler mon hérésie à mon neveu n'aurait fait que le plonger dans une confusion supplémentaire dont il n'avait pas besoin.  

- Ce ne sont pas les Dieux qui nous éprouvent, mais nous-même qui nous infligeons ces épreuves ... par amour. Quel que soit la forme de cet amour. Celui d'une femme, d'un peuple, d'un pays, d'un royaume. C'est parce que nous aimons que nous souffrons. Les Dieux n'y sont pour rien. Cette tragédie humaine perpétuelle les amuse sans doute beaucoup. Ce spectacle permanent de ce que nous sommes capables de nous infliger. Et parfois, je ris avec eux, par dérision. Par désespoir. Mais c'est un état passager, vous verrez. La vie reprend ses droits. Nous sommes des hommes de devoir. Nous sommes ainsi.

Je vis Ronnel se lever de son lit après avoir repoussé avec lenteur les couvertures. Son pas hésitant, d'homme ivre, me donnait l'impérieuse envie de me lever pour le ramener à son lit, mais j'y résistai. Je ne devais pas être une béquille pour mon Roi, mais son guide et son confident, son protecteur aussi. Quand je le vis se diriger vers la table où trônait une bouteille et des verres, je compris son intention et me levai à mon tour pour m''interposer sur son chemin vers la bouteille. Contre toute attente j'approuvai sa volonté de boire, en apparence, du moins.

- Les dernières semaines n'ont pas été simples, et j'aurais bien besoin de boire un peu en votre compagnie. Ne vous en faites pas, d'aucuns prétendent que j'ai de l'esprit pour deux, sous l'emprise du vin. Pourtant j'y mets deux conditions. Je veux que vous puissiez apprécier pleinement ce qu'est une beuverie en ma compagnie,
dis-je avec un étrange sourire au coin des lèvres.

Si Sharra m'avait entendu tenir de tels propos à son fils, elle m'aurait probablement arraché les yeux, mais je savais ce que je faisais. Je me tenais désormais plus droit que jamais devant mon Souverain.

- Vous puez, Majesté ! Un Roi ne saurait converser et se saouler en compagnie du Capitaine de sa Garde dans un tel état. Vous allez donc prendre un bain, et vous vêtir de propre. Non pas parce que c'est un caprice saugrenu de cette espèce de vieille corneille qui vous sert d'oncle, non pas parce que cela ferait plaisir à votre mère, mais parce que vous êtes roi, Roi du Val et de la Montagne. Et aussi parce que vous avez envie de ce bain. Votre corps l'appelle de toutes ses pores ... et mon nez également. Dis-je le plus sérieusement du monde tandis qu'un sourire commençait pourtant à éclairer mon visage aux traits tirés.

De ma stature, je dominai d'une bonne tête celle de mon Roi, et je n'aurais eu aucun mal à le porter moi-même jusqu'à la baignoire et à l'y plonger. Je baissai légèrement la tête pour que nos deux visages ne soient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, ce qui était également totalement hors des usages de la cour. Mais je savais Ronnel assez intelligent pour arriver à n'y voir que l'ombre protectrice du Corbeau, l'amour inconditionnel de son oncle et la loyauté indéfectible de son Capitaine. Il le savait, il devait le savoir, depuis le temps, après tous les entraînements, toutes les chevauchées que nous avions partagé.

- Je vais sonner vos valets pour qu'ils le préparent et j'en enverrai un chercher quelques bouteilles d'un vin dont vous me direz des nouvelles, ma réserve personnelle ... Une fois que vous serez dans le bain, je vous révélerai ma seconde condition. Murmurai-je en sondant son cœur de mes prunelles d'azur glacé.


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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyDim 10 Nov - 22:57




  • Smaug Corbray & Ronnel Arryn
Pour peu qu'on ait l'ivresse.


Son sang. Ses dieux. Aux paroles de son oncle, à cet instant précis, il se sentit encore plus accablé. Qu'elles partent d'une bonne intention, d'un désir de compassion ou de partager un peu de leurs malheurs, pour le diluer l'un dans l'autre et se le rendre plus supportable, rien n'y fit. Ronnel avait une âme amoureuse et donc dramatique. Il se percevait soudain frappé par de lourdes lames de fond, comme si son malheur n'était, après tout, qu'une contingence attendue, héritée et prévisible. Si encore cette douleur avait été de son seul fait alors, alors à force de travail il en aurait vu le bout, mais là ? Comment lutter si deux noms de famille, de par leur poids, devait toujours reposer, invisibles, sur ses épaules ?

Il ne vit pas son oncle se lever et manqua de lui rentrer dedans. Cela lui arracha un pauvre sourire et il souffla une petite phrase triste.

- Le Faucon qui se brise sur le Corbeau... eh, cette soirée prend décidément la tournure d'une fable mon oncle...

Ronnel avait grandit sans père. Jehan était mort trop tôt et le peu de temps où lui et son fils avaient été contemporains, le Roi du Val l'avait passé en campagne. Quant à sa mère, sa mère, elle avait toujours été plus source de force que de tendresse. Une indéfectible alliée, indiscutablement, qui l'avait tout au long de son enfance forgée d'un biseau de fer pour en faire un monarque digne de ce nom. Ronnel souffla du nez. Quelle franche réussite...

Cette éducation solitaire n'avait pas été sans laisser des traces. Le Roi n'avait jamais reçu d'ordre de personne, si ce n'est de Sharra, et de fait n'avait jamais supporté d'en recevoir. C'est pourtant le devoir des seigneurs que de faire passer leurs sentiments derrière le protocole et la loi. Ce sont là les deux choses qui tiennent bon le monde féodale, et protège le plus faible de la tyrannie des puissant.

Pourtant, bien éloigné par le vin et le malheur, le protocole et la bonne tenue semblaient d'être évanouis, aussi bien du côté de Ronnel que de Smaug. Ce dernier voulait se montrer bienveillant, lui proposer de boire à deux et non seul, il avait la tournure habile et le verbe doux. Cela hérissa Ronnel. Une vague de colère remonta de son ventre. Comment osait-il ?! N'était-il pas Roi ?! Tout cela, y compris la vie de son oncle lui-même ne lui appartenait-elle pas ?! Il cracha.

- Sortez Smaug ! Sortez !

Et il essaya de le repousser. Autant souffler sur un arbre pour le déplacer. Les vagues, c'est leur nature, refluent. Et l'indignation avec elle. Ronnel recula encore un peu, cette fois-ci, il avait le regard perdu. Les jours et les mois qui le voyaient se réveiller chaque jour dans le même état, parcouru par la même frustration d'être faible, tout cela lui écorchait les nerfs, lui brisait la raison. Ses humeurs allaient et venaient comme des jouteurs fous, passant et se passant les uns les autres dessus jusqu'à ce qu'invariablement, les heures écoulées, le Roi s'en retourne se coucher, écroulé d'épuisement. Parfois il voyait ce cycle avec une sorte d'extrême et cruelle lucidité. Dans ces moments là, il s'effrayait lui même. Il souffla un murmure, comme horrifié par son propre trouble, dégouté par sa confusion.

- Je... je ne sais pas ce...

Les deux derniers pas en arrière finirent par le ramener aux bords de son lit. Il s'y assit et se prit la tête entre les mains.

- Oh, et puis à quoi bon ?

Ce soir là, il se sentit un peu l'âme d'être traité comme un gamin qu'on rudoie. N'en était-il pas un, après tout ? Ces derniers temps, ça seule force lui venait des piques de colère indignée qui le traversait régulièrement et lui donnait alors des airs de dément aux paroles cruelles. Cela passé, il ne lui restait plus rien, il était sans force, gagné par une extrême lassitude qui le prenait jusqu'au plus profond des os. Son oncle refusait de s'en aller, et avait finit par briser ce qui lui restait de volonté furieuse. Il aurait pu appeler la garde, le faire enfermer, tuer même s'il avait été assez fou, mais, oui, à quoi bon ? Il était las de se battre, las de refuser les attentions. Si Corbray voulait se montrer paternel, qui était-il pour le lui refuser ? Après tout, cela ne devait pas être si désagréable que cela, juste l'espace d'un instant ?

Ronnel avait abandonné ce qui lui restait de fierté. A ce moment là, il se vit comme il était et s'accepta comme tel : un vieux morceau de branche balloté sur un océan noir. Il n'y avait pour l'heure nulle part où nager, nul endroit où se cacher. Son oncle avait raison, il était misérable, il puait, ne pouvant se rappeler du dernier moment où il s'était lavé. Il était incapable de faire valoir ses droits, que ce soit par la pointe de l'épée, l'autorité princière ou même la force morale, lorsqu'il s'agissait non plus de gouverner les autres, mais lui même. Il soupira.

- Soit mon oncle... s'il faut cela pour que vous me laissiez boire... et dormir...

Pendant qu'on faisait mander les serviteurs, Ronnel entreprit une troisième fois de se lever. Agrippé aux baldaquin de sa couche, il se rapprocha de la porte qui donnait sur son balcon. Celle-ci était fermée pour ne pas laisser pénétrer le vent hivernal du dehors. Après avoir fait jouer fébrilement la poignée pendant près d'une demi-minute, celle-ci s'ouvrit finalement, laissant s'engouffrer dans les appartements un courant d'air froid parsemé de flocons.

Le Roi prit une profonde respiration, sans pour autant s'aventurer sur le balcon.

- On dit que le pouvoir se porte habillé, mon oncle. Si c'est vrai, que dire d'un pouvoir vêtu de loques et de crasse ?

Il se tourna vers Smaug. Il avait le regard vide, saisit d'une fatigue profonde.

- Vous m'encouragez à revêtir l'apparence d'un Roi honorable, mais cela, vous le dites vous même, n'est qu'un masque. A quoi bon les parfums et les parures d'or si le cœur est pourri ? C'est cela qu'il faudrait baigner, ce soir. Pas la peau ou les cheveux.

Il sourit tristement.

- Alors, noyons-le encore dans le vin et vos récits épiques. Vous me raconterez vos exploits, et peut-être y trouverons nous l'inspiration. Posez les conditions qu'il vous plaira, pour peu qu'on ait l'ivresse.

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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptySam 16 Nov - 13:09







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Je masquai mon désarroi à voir ainsi Ronnel osciller entre folie et désespoir profond. Je devais me montrer stoïque et ferme devant les tourments que la perte lui infligeait. Nymeria avait eu son temps de pleurs, ses obsèques, des larmes avaient coulé à l'Ouest, comme dans le Val. Moi, je n'avais pas pleuré, bien que touché par la mort de la jeune reine que j'estimais réellement. J'avais juste éprouvé tristesse et colère face à cette injustice de la vie qui frappait ceux que j'aimais le plus au monde, Sharra et Ronnel. Le deuil serait mené à son terme par respect pour la défunte et personne ne songerait à présenter des prétendantes à mon Roi avant le délai, mais déjà le Mestre commençait à suggérer à ma soeur, je le savais, des noms de familles potentiellement dignes de s'allier à la maison Arryn, de s'asseoir à la gauche du Roi du Val et de la Montagne. Le temps viendrait où Ronnel devrait choisir, par devoir, tout comme moi je devrais consentir à épouser une femme qui m'insupporterait pour la simple raison que j'en aimais une autre. Mais ce temps n'était pas encore advenu. Nous avions un sursis.

Pour autant, si le mariage pouvait encore attendre, la gouvernance du Val ne devait pas déserter trop longtemps les mains de mon neveu. Sharrra était une reine régente d'une intelligence remarquable, une femme de coeur et d'esprit, une guerrière à sa façon, qui utilisait des armes dangereuses que j'étais loin d'approuver toutes. Mais la faiblesse du Roi affaiblissait aussi la position de sa mère. Pour preuve cette révolte des croisés qui avait germé et pris son essor tandis que Sharra était partie du Val pour escorter la dépouille de la défunte reine à Castral Roc. Tant que le Faucon resterait prostré dans son nid, les vautours n'auraient de cesse de le convoiter. Le Roi devait reprendre sa place et écouter les conseils de sa Régente mère et de ses fidèles vassaux, les écouter, et non les laisser décider pour lui, exercer le pouvoir en son nom pour gouverner son Royaume. Chaque jour qui passait renforçait l'urgence de cette reprise en main royale et plus elle tarderait, plus elle serait compliquée pour Ronnel. J'en avais cruellement conscience.

Aussi ne bronchai-je point lorsqu'il tenta de me pousser et me hurla de sortir. A son ire, j'opposai un calme olympien que j'étais loin d'éprouver au fond de moi. Le masque, toujours le masque. Je finis par le contraindre sans bouger à retourner s'asseoir au bord de son lit et appelai ses serviteurs pour que le bain fut préparé. A peine avais-je le dos tourné pour ce faire, que mon roi se relevait pour aller à la fenêtre. Il me fallut une grande maîtrise de mes nerfs, pour ne pas me précipiter et l'empêcher d'ouvrir ce fichu battant. Le froid, vivifiant, frappa nos visages, porté par le vent des Eyrié. De légers flocons de neige vinrent mourir à nos pieds. Je rejoignis mon Roi près de la fenêtre, mon regard se portant au loin sur les crêtes du Val. Nos regards fiers se portant exactement dans la même direction.

- Le Pouvoir n'est rien sans l'honneur. Aussi haut que l'honneur, n'oubliez pas mon Roi. Murmurai-je. Peu importe l'apparence qu'il revêt si l'honneur le porte sur ses ailes.

Un valet vint murmurer à mon oreille que le bain chaud et les vêtements propres attendait sa majesté dans la pièce de bain contiguë à sa chambre. Je le remerciai d'un signe de tête puis me tournai à nouveau vers mon roi.

- Je puis juste vous inciter à laver votre corps Majesté, mais pour ce qui est de votre cœur, c'est le Val lui-même qui se chargera de le soigner et de le purifier de toute souillure.

Un second valet fit son entrée avec deux bouteilles de grand cru de la Treille, un vin charpenté et fleuri qui avait la traîtresse faculté de me rendre bavard et même, parfois joyeux. J'en débouchai moi-même une et appelai le goûteur pour qu'il fit son office sous mes yeux. Puis je pris les deux coupes vides sur la table et les deux bouteilles dans l'autre main, et me dirigeai vers la porte de communication avec la salle de bains, appuyé au chambranle, je laissai passer un nouveau vertige et appelai doucement mon neveu.

- Majesté, votre bain vous attend. Et ce bon vin aussi ... Ajoutai-je en levant les bouteilles.


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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptySam 16 Nov - 15:19




  • Smaug Corbray & Ronnel Arryn
Il était amaigri, asséché serait le terme juste.
Ronnel ne remarqua pas tout de suite la présence de son oncle à ses côtés. Il avait l'esprit volatile, passant d'une humeur à une autre, comme une vague et son reflux et là soudain s'était perdu dans la contemplation des paysages du Val, blanchis par la neige.

Honneur, l'honneur. Oui. Un concept qui n'avait guère de sens à l'heure actuelle. Que pouvait-il bien avoir à faire de l'honneur quand il lui manquait déjà la force d'agir ? Son devoir, ses serments planaient comme des spectres au dessus de sa conscience, criant à chaque instant à quel point son attitude était misérable, et pourtant, incapable d'avancer, tétanisé par l'ampleur de la tâche à affronter, il restait immobile et tremblant face à ses obligations.
L'honneur engage ceux qui décident, tranchent, ordonnent. L'honneur est une qualité de prince, de dirigeant et de ceux-la, il n'y en avait nulle trace dans la pièce.

Ronnel sentit ses yeux se fermer, un peu. A cet instant, il aurait pu s'endormir là, debout, faisant fi du froid et de la dureté du sol qui ne manquerait pas de l'accueillir. Un moment il fut tenté. Se laisser aller tout simplement, mais au fond de son crâne, quelque chose lui disait que c'était mourir un peu, et cela il s'y refusait. Il ne pouvait pas être lâche à ce point, et Nyméria restait à venger.

Alors il se contenta de hocher la tête aux paroles de son oncle, pour faire bonne mesure, et se rentra dans ses appartements.

Le Roi avait l'esprit ailleurs, c'était là son privilège et les mots joyeux de son oncle peinaient à percer le brouillard de lassitude qui les séparait. Il lui emboita le pas machinalement, comme on suit une trace, sans bien savoir pourquoi, mu par la curiosité et l'ennui, jusqu'à la salle d'eau.

C'était une pièce moins vaste que la chambre, moins chaleureuse aussi. Comme beaucoup de choses aux Eryié, elle datait de la première construction, bâtie de marbre veiné à la mode ancienne. Il était difficile d'entreprendre des travaux à une telle altitude, aussi le château avait peu évolué à travers le temps. En ressortait cette étrange impression de parcourir parfois les siècles en passant une porte.

Percé au centre, un bassin fumant était rempli d'eau chaude. Il était assez vaste pour accueillir quatre chevaux côtes à côtes, et sans doute une douzaine de maîtresses du temps de rois plus vaillant que lui.

Ronnel embrassa la pièce d'un coup d'oeil. Il avait grandi dans ces lieux, seize ans sans vraiment les quitter, il en connaissait chaque détail, il y avait maints souvenirs. Dans sa petite enfance lorsqu'il jouait avec Jonos dans ce même bassin, puis seul, avec ces bateaux modèles réduits. Les drogons miniatures trônaient toujours en haut d'une armoire où étaient entreposés des onguents. Il s'était aussi baigné avec Nyméria ici. Cela lui tira un frisson, comme si la morte allait soudain surgir de la vapeur pour l'enlacer, comme elle le faisait, avant.

Il chassa cette vision de son esprit et entreprit de se dévêtir. Il fit cela machinalement, toute une vie de bain avait ancré les mouvements dans ses muscles. Il n'y avait pas de gêne à se montrer nu. D'abord parce qu'il avait déjà abandonné beaucoup de sa fierté ces derniers temps, ensuite parce que les rois n'ont pas d'intimité. Il y avait toujours un serviteur ou un garde ici ou là dans son entourage et il ne pouvait même pas se rendre aux latrines sans que quelqu'un ne se poste derrière la porte, prêt à réagir au moindre problème, à répondre à la moindre de ses demandes.

Il était amaigri, asséché serait le terme juste. Lui qui n'avait jamais été un colosse, faisant figure de petit pour son âge, semblait à cet instant la véritable incarnation d'un faucon déplumé.

Une fois débarrassé de ses vêtements, Ronnel prit le temps de s'asseoir, lentement, sur le rebord du bassin, avant de s'y laisser glisser. Il craignait qu'à se précipiter, l'eau chaude et le vin aidant, il ne soit pris à nouveau de vertige. Ronnel Arryn, premier du nom, le roi noyé dans son bain. Cela le fit sourire.

- Mon oncle, promettez moi de ne pas me laisser me noyer. Nous avons déjà assez de troubles avec la Foi et les anciens dieux pour ne pas en plus laisser penser au peuple que leur souverain a adopté la religion des fer-nés.

Il avait presque oublié le contact de l'eau chaude, quand celle-ci lui remonta jusqu'au buste, alors qu'il s'enfonçait dans le bassin. C'était doux, et pas désagréable de se sentir soudain un peu plus propre. Mais si cela soignait le corps, son coeur, lui, restait lourd, et il passa rapidement ses bras par dessus les bords ouvragés, comme pour se retenir de sombrer plus profond, entrainé par le poids de ses chagrins.

Quand il fut certain d'être stable, il se tourna vers Smaug, entre froideur et amusement.

- Grande victoire pour le chef de la garde, le Roi a pris son bain. Avec un peu de chance, d'ici quelques mois il apprendra à se torcher.

La plaisanterie ne le fit même par sourire lui même et il se perdit dans la contemplation des reflets de l'eau.

- Il faut boire, à présent...

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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyLun 18 Nov - 20:03







L'amour est un lit de roses qui égratigne l'oiseau dans son volRonnel & Smaug










Je ne pus empêcher mon coeur de se serrer, même si je n'en montrai rien  pour ne pas accabler mon Roi, lorsque je le vis se dévêtir. Le jeun qu'il avait imposé à son corps avait fait son oeuvre et la maigreur de mon neveu me frappa. Il était temps. Je n'avais que trop tardé à prendre mon courage à deux mains pour tenter de l'extraire de sa mélancolie morbide. Je m'en voulus presque, d'avoir relégué cette mission qui était la mienne de le protéger, fut-ce même contre ses propres errances. Mon cœur battait la campagne, les tensions du Val m'avaient accaparées, au détriment de mon jeune Roi. Mais cela allait changer. Je devais trancher cette part de moi qui se fourvoyait dans un amour impossible. Je devais le transcender pour ne songer qu'au Val et ... m'oublier totalement. Je n'avais pas le droit de me morfondre sur ma propre infortune.

Le Roi devait redevenir fort et laisser derrière lui l'enfant vacillant sous la peine et la perte. Son humour, pour désespéré et grinçant qu'il fût, me redonna un élan d'espoir. Je souris à son ironie.

- Je crois que depuis que votre mère a étouffé la croisade sur les Terres du Val, la Foi sait à quoi s'en tenir. D'ailleurs, ils doivent bien avoir perçu le message avec l'Ordre du Barral étoilé. Le Val est peut-être tourné vers les Sept majoritairement, mais jamais il ne tranchera ses sujets pour leurs convictions, du moment qu'elles ne se dressent contre le Royaume. Personnellement, je ne juge pas un homme sur ses convictions religieuses, mais sur ses actes. Il y a une religion en Essos qui vénère un Dieu multiface. Je trouve l'idée intéressante mais elle ne me concerne guère plus que celles de Westeros. J'ai déjà une dévotion qui m'est propre. Je vénère le Val et la Maison Arryn.  

Tandis que j'observai la descente du Roi dans le bassin, pour prendre les eaux dans ce décor figé qu'étaient toutes les pièces des Eyriés, restant toujours vigilant au sujet de son comportement, j'eus cette pensée que rien d'autre ne me viendrait à invoquer lorsque je serais mortellement blessé lors d'une bataille. Le Val ... et ce qui le symbolisait à mes yeux ... Sharra et ses enfants, ma Reine, mon Roi et le petit Prince. Une vie de devoir, une mort à son image, une loyauté sans faille, entachée d'un amour maudit. Je n'aurais finalement été que cela. Une fonction et une malédiction. L'homme, lui-même, n'existait pour personne. Il n'avait que peu compté comme fils, ne serait ni époux, ni père. Finalement ma vie était assez comparable à celle d'un Septon. Dévoyé, cependant. Licencieux, irrévérencieux. Crains et détesté, condamné à mettre de la distance entre lui et ceux qu'il aimait.

- Je vous promets, Majesté. Ajoutai-je, laconique.

Puis je contemplai mon neveu, renouant avec les gestes routiniers des vivants. Se laver, se vêtir avant de partir pour accomplir le labeur quotidien. Tous les êtres civilisés partageaient ces rituels. Ronnel devait tout ré apprivoiser et je pouvais m'imaginer combien cela lui coûtait. Des images du passé me revinrent alors que je m'accroupissais au bord du bassin, sur le côté adjacent à celui auquel il s'accrochait. Un sourire attendri éclaira mon visage.

- Savez-vous que c'est vers moi que vous fîtes vos premiers pas ? C'était dans les jardins. Je venais faire un rapport à votre mère, et vous teniez ferme le tissu de sa robe. Vous m'avez aperçu dans l'allée et vous avez lâché ce refuge rassurant pour marcher vers moi de votre pas neuf et incertain.

L'émotion de cet instant me submergea et je préférai perdre mon regard dans le chatoiement de l'eau.

- Vous avez marché tout droit et vous êtes rattrapé au fourreau de Dame Affliction. Ce jour là je vous ai pris dans mes bras et soulevé pour vous embrasser, vous féliciter... Ce fût l'unique fois.

J'emplis les deux coupes de vin et en tendis une à mon roi puis levai la mienne pour un toast.

- Buvons ! Au Val ! Au Roi ! puis je vidai ma coupe d'une traite avant de poursuivre. Majesté, si je devais vous la tenir pour que vous pissiez droit, je le ferais. Au risque de vous déplaire, c'est aussi pour cela que j'ai été entraîné et aguerri.

Je me levai pour appeler un des valets et le pris à part tout en ne perdant pas de vue la silhouette de Ronnel qui baignait dans le bassin.

- Faites dresser une table pour deux, de plats équilibrés mais légers. Le Roi aura faim après sa baignade. Que le cuisinier prépare ses plats préférés. Dites lui bien que si le Roi ne les trouve pas à son goût, je trancherai moi-même les deux mains et la langue, à ce faquin.


Puis je revins vers Ronnel et lui susurrai.

- L'eau apaise toujours, au moins pour un temps. Croyez-en mon expérience. Délassez-vous, Majesté. Ensuite nous dînerons et boirons ensemble. C'est ma seconde requête.




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MessageSujet: Re: L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ]   L'amour est un lit de roses ... [Tour VII - Terminé ] EmptyMar 19 Nov - 22:59




  • Smaug Corbray & Ronnel Arryn
Quand il sortirait de l'eau, il ne faudrait plus regarder en arrière, car tout ce qui flottait derrière lui était un enfant mort.
Le bruit léger de l'eau, les vapeurs qui lui faisaient goûter les cheveux... Ronnel aurait pu s'endormir ici. A vrai dire, où ne l'aurait-il pas pu ? Hormis peut-être le rebord anguleux contre lequel reposait son dos, tout dans la pièce était apaisant. Il avait l'esprit lourd, tout comme la tête et se sentait progressivement gagné par une étrange sensation, celle de ses propres muscles qui se détendaient lentement, immergés dans l'eau chaude et maternelle. Cela lui tira une grimace, il sentait son corps se dérouiller douloureusement, comme s'il sortait d'un long gel. Ronnel prit conscience qu'il n'avait pas été apaisé depuis une éternité. Même ses nuits étaient parcourues d'anxiété et son sommeil, il ne le trouvait que dans l'abrutissement troublé et crispé du vin.

Il écoutait son oncle avec un peu plus d'attention à présent, mais toujours pas de sérieux. Cela faisait comme une histoire qu'on lui racontait pour le bercer. Le ton se voulait protecteur, la voix chaleureuse, un peu lointaine encore au milieu du son du bassin. Il se sentait un peu enfant à nouveau, et un peu Roi aussi, un Roi aquatique comme dans les légendes de l'âge des Héros. Il se sentit l'âme de se fondre dans l'eau chaude, de ne faire qu'un avec elle, d'y exercer son entière souveraineté et d'y régner à jamais, regardant tapis dans les abysses se succéder les générations et générations d'Arryn qui viendraient se baigner dans son royaume.

Mais il n'en fit rien. Le Val comptait sur lui, il n'avait pas le temps de se transformer en triton. Il accorda un sourire à Smaug.

- Vous frisez l'hérésie mon oncle. Une loyale hérésie peut-être, ce qui fait que nous ne vous jetterons pas encore aujourd'hui par la porte de la lune, mais n'allez tout de même pas dire de telles choses lorsque nous recevrons le Petit Septon à dîner...

Le propos pouvait sembler dur, mais il avait été dit sans malice, avec l'humour fatigué des gens qui font de l'esprit faute d'arriver à penser. Dans ces moments là, Ronnel pouvait plaisanter presque par réflexe, il fallait croire qu'une fois toutes ses barrières abattues, se cachait au fond de son cœur quelque bête cynique et sinistre, prête à mordre avec tristesse.

Toujours avec lenteur, il entreprit de se passer de l'eau sur le visage, puis dans les cheveux qu'il avait lourds de mois de nuits de suées. Pendant ce temps, Smaug parlait toujours. Ronnel trouva cela un peu niais mais n'en dit rien. Après tout, c'était plus les souvenirs de son oncle que les siens, il n'avait évidement aucune image de cette époque, seulement des récits comme celui que le capitaine lui tenait à ce moment donné.

- Un long chemin parcouru depuis, n'est-ce pas ? Pour finir à pourrir dans une chambre. Enfin, j'ai de plus mauvais souvenirs avec Dame Affiction lors de nos entrainements, je dois bien l'avouer.

Il se massa l'épaule qu'il avait engourdie.

- C'est fou comme on perd vite. Aujourd'hui je suis certain que même l'écuyer de Lord Vanbois me ferait démonter.

Le gamin n'était pas connu pour son grand talent à l'épée, et il était pire à la joute. Ronnel s'empara de la coupe un peu fébrilement. Combien en avait-il bu déjà aujourd'hui ? Plus qu'il n'en aurait pu compter sans s'endormir cette fois complètement. Le vin n'avait qu'un goût de nausée, mais il le bu d'une traite.

- Au Val, oui, prions les Sept qu'il survive à la famille royale encore quelques temps.

La remarque qui suivit le fit ricaner bêtement. Il avait de nouveau la vision un peu trouble, la chaleur dans laquelle il trempait et l'alcool lui tirait un début de vertige. Ronnel se trouva idiot de ne pas avoir pris plus de bains ces derniers temps, il avait l'impression de pouvoir passer sa journée entière, et pourquoi pas sa nuit, dans la matrice apaisante du bassin.
Puis il se dit que l'eau finirait forcément par refroidir à un moment. Puis il se dit qu'alors il suffirait de la changer. Enfin il trouva l'idée idiote et pensa que ce ne serait sûrement pas très bon pour sa santé de passer tout son temps immergé, il fixa alors le fond de sa coupe vide, se dit qu'il avait trop bu et trouva cela satisfaisant.

- J'incarne le pays mon oncle, mais pas encore incontinent.

Il ne vit pas vraiment Smaug s'éloigner, ni n'entendit de quoi il pouvait bien parler avec le serviteur. Ou plutôt, cela ne lui semblait pas important. Le jeune homme avait passé toute sa courte vie à se faire à l'idée qu'il lui faudrait bientôt tout contrôler, ne se fier à personne. Autant l'accepter, si c'était la dernière fois de sa vie où il pouvait se laisser aller à une telle vulnérabilité, ayant délaissé jusqu'à sa tenue royale pour ne plus rien porter, se reposer entièrement sur les seuls bras de ses fidèles, et ici de son oncle.

- Manger...? Non cela je ne le peux pas. De toute façon je finirai par le vomir, trop de vin, parlons franc, je suis très alcoolisé, c'est ainsi. En parlant, il faisait de petites vagues à la surface de l'eau avec la paume de sa main. Après le bain, il faudra me laisser en paix mon oncle, j'insiste, ce n'est pas bon ni pour moi de m'épuiser, ni pour vous de trop faire d'efforts.

Il avait dit cela sans pitié, avec la froide lucidité des ivrognes qui parfois éclate avant d'immédiatement s’engloutir dans un flot de délires. Ronnel était saoul mais pas encore idiot et s'il se prêtait aux confidences de Smaug, il percevait bien que ce dernier n'était pas tout à fait à l'aise à ce jeu là. Son oncle n'était pas son père, ni sa mère d'ailleurs. Il était son garde royal, son sujet et Ronnel percevait soudain avec une certaine amertume que rien ne pourrait changer cela.

S'il devait un jour poser à nouveau la couronne sur son crâne, siéger à nouveau sur le trône du Val, il lui faudrait le faire seul. Quand il sortirait du bassin, la parenthèse se refermerait et il devrait laisser l'enfant derrière lui. Il eut l'image de son propre corps, plus jeune, flottant dans l'eau chaude. Il vit la part de son propre être à abandonner, noyée dans sa propre salle d'eau.

Quelque chose au fond de lui s'était un peu brisé. Indirectement, la présence de son oncle avait changé son état. Car devant la tendresse exprimée, l'intimité, la douceur des paroles prononcées, le Roi avait prit conscience que tout cela n'était pas pour lui, et ne le serait jamais. Quand il sortirait de l'eau, il ne faudrait plus regarder en arrière, car tout ce qui flottait derrière lui était un enfant mort, noyé par le Roi du Val, Ronnel Arryn, premier du nom.

Du reste, si cette baignade devait être la dernière de son enfance, il n'y avait pas de mal à la prolonger un peu. Il tendit à nouveau sa coupe.

- Ai-je dis trop ? C'est bien une parole d'homme saoul. Resservez-nous mon oncle et racontez-moi une de vos aventures.


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