La ville était en effervescence et pour cause, l'armée allait de nouveau se mettre en mouvement. De la fenêtre de mes appartements provisoires, je regardais cela d'un air absent, perdue dans mes pensées. Il y avait encore tant de choses à faire ici que j'avais décider de rester pour le moment, il est fort possible que je rejoigne le roi par la suite pour lui proposer mon aide ou retourner à la capitale. Tout dépendra de la situation a ce moment précis. Je soupire longuement, fermant les yeux pour me concentrer sur mes tâches. J'avais pas mal de lettres à écrire, de choses à lire également, je n'avais donc pas le temps de rêver. La situation au Conflans tendait quand même à s'améliorer alors que dans l'Orage, c'était une catastrophe. La pluie s'écrase contre le carreau et ça me berce doucement, j'ai toujours trouver ce bruit réconfortant et il m'a bercer bien des nuits quand j'étais petite. Je sors de mes pensées quand on frappe à ma porte pour m'amener une autre lettre. Il est temps que je me remette à mon travail, cela ne se fera pas tout seul après tout.

Le temps passe et la pluie ne cesse pourtant pas. Je décide donc de m'accorder une pause et d'aller prendre un peu l'air, je ne suis pas sortie de la journée. Je n'avais pas de destination précise, je me contente de errer dans les couloirs ou dans la cour intérieure, seule. J'aimais être accompagnée, mais j'avais aussi besoin de ces moments ou je pouvais être moi même, sans avoir à faire attention avec toutes les règles et le protocole. Je suis une fille du Conflans, je suis une fille Bracken et je suis connue pour n'en faire qu'à ma tête quand je le veux. Regardant autour de moi, je constate qu'il n'y a personne et je fais quelques pas sous la pluie qui tombait pourtant fortement. Je soupire légèrement, comptant jusqu'à dix et retourne me mettre à l'abri. Je détache mes cheveux qui tombent en cascade sur mes épaules et je souris comme une enfant. Ce genre de comportement serait mal vu, mais quel mal y a t'il a cela si personne ne me voit ? Aucun.

Je reprends ma marche et lorsque je lève les yeux, je remarque le roi Lyham un peu plus loin. Je souris, mais ne presse pas le pas pour le rejoindre pour autant. Il sortait du septuaire et je le savais très pieux. Devinant que je ne pouvais pas l'ignorer et ayant toujours en tête que je devais discuter de choses importantes avec lui, je m'avance donc pour aller à sa rencontre, essayant d'arranger ma tenue du mieux possible au passage. " Bonjour votre Majesté." C'était bien la première fois que nous étions seuls depuis que j'étais arrivée ici. C'était assez étrange d'ailleurs. Je ne savais pas comment m'y prendre. Je sais que mon passif ne plaide pas en ma faveur, je suis la veuve d'un homme qui a ravager la moitié du continent après tout. Pourtant, je ne me démonte pas. " Je suis contente de pouvoir vous voir avant votre départ." Inutile de parler des sujets qui fâchent maintenant, mais au moins, ça me permettra de jauger un peu la situation, de voir comment je dois me comporter avec lui et lui comment il se comporte avec moi. Cette situation est un exercice difficile, mais pas irréalisable en soi. " Dommage que le temps ne soit pas plus agréable pour vous et vos troupes." Si je le sais c'est parce que j'ai voyagé avec l'armée de Yoren pas mal de semaines. Je souris et reprends. " Je resterais à Pierremoutier quelques temps encore, voulez vous que je fasse quelque chose en particulier auprès de ses habitants ?" Parce que le peuple du Conflans est ce qu'il y a de plus important pour moi, je ne supporte plus de les voir souffrir à cause de cette guerre.

Je devais avoir une bien piètre allure, trempée, mais cela n'avait jamais été si important que cela à mes yeux. J'ai même l'impression que ça me rend plus accessible, plus humaine, peut-être un peu plus proche de ce peuple qui m'est si cher également. J'avais bien compris en tant que reine, que l'image que l'on renvoyait était importante et si j'étais irréprochable pour certaines occasions, je ne suis pas le genre de femme à me complaire dans les belles robes et les parures. Même si évidemment, j'en avais possédé. Yoren s'était servie de moi, de la réputation de ma famille, je le savais parfaitement, mais cela n'enlevait rien à l'amour que j'ai pu lui porter pour autant. Et cela avait été réciproque, même s'il avait été incapable de me rester fidèle. S'il me voyait aujourd'hui, me diriger vers le roi Lyham d'un pas qui se voulait assuré, aucun doute que ça ne passerait pas. Mais je ne suis plus une Hoare, je suis redevenue ce que je n'ai au fond, jamais cesser d'être, une Bracken, une fille du Conflans, envers et contre tout. Et de toute façon, il fallait qu'on discute et il n'y a jamais de moment idéal pour avoir ce genre de conversation.

Au moins, il semble ouvert à la discussion, nous verrons bien combien de temps cela va durer. Mon regard se tourne vers le ciel d'où les trombes d'eau ne cessaient de tomber. Le temps n'allait visiblement pas s'améliorer, ce qui rendrait le départ plus compliqué encore. Mais j'ai suffisamment voyagé avec des soldats pour savoir qu'ils en verront d'autres, même si le moral sera quelque peu miner par toute cette eau. Je repose mon attention sur lui quand il m'invite à le joindre à l'intérieur. Bonne idée. " Oui j'espère que vous ne rencontrerez pas trop d'obstacles sur votre chemin." Après tout, nous sommes en guerre tout peu arriver. " Nous avons été occupés l'un comme l'autre depuis mon arrivée, ne vous excusez pas votre Majesté, je suis la plus fautive dans l'histoire, mais je prie pour que nous puissions nous parler encore plus longuement à l'avenir." On se dirige vers la grande salle du château et lorsqu'il s'installe j'en fais de même. J'eus un léger sourire sur le coin des lèvres à ses dires, parce que c'était sans doute un mélange des deux. Il mentionne ensuite la situation à Haye-Pierre et je hoche légèrement la tête. " Je vous remercie pour l'accueil qui est le vôtre. Je dois dire que je suis soulagée d'être de retour chez moi." Le Conflans m'avait terriblement manqué. " Je comptais y faire un saut dans les prochaines semaines, mais je suis certaine que ma mère s'occupe de tout en attendant le retour de mon frère, mais la revoir ainsi que ma soeur me fera le plus grand bien également." Je n'ai pas vu ma mère depuis tellement longtemps. La dernière fois, j'étais enceinte et reine. Tout change si vite.

Ses derniers mots m'arrachent un léger sourire également. " Et pourtant, nous sommes là, vous et moi." Oui la situation est cocasse, bien évidemment et jusqu'à peu, cela me semblait inimaginable. " Je suis venue pour vous épauler du mieux possible, vous et le Conflans tout entier. Si je sers désormais l'Empire, mon coeur lui appartient au Conflans et je ferais ce qu'il faut pour vous aider." Je reste silencieuse quelques secondes. " Il est normal que nous nous méfions l'un de l'autre votre Majesté, mais je vous garantie que je n'ai aucun intérêt a vous trahir." Au moins les choses sont claires dès le début. Au final, je ne le connaissais pas et lui non plus, mais il va falloir qu'on apprenne à composer l'un avec l'autre. Pour le bien de ce royaume.

Les choses ont bien changé et changeront encore, j'en suis certaine. Je ne suis plus reine et au fond, c'est un certain soulagement. Yoren avait beaucoup trop d'ennemis et j'avais été une cible de choix, je n'ai donc pas été épargnée. Pour autant, même si je sais que l'homme qui se tient face à moi est directement responsable du trépas de mon époux, je ne lui en veux pas. Lui ou un autre, ça n'aurait rien changé. Yoren avait eu la mort qu'il voulait, sur un champ de bataille. Mais après sa mort d'autres problèmes sont survenus et surviennent encore, il n'y a jamais réellement de paix. Et malheureusement le Conflans n'est pas épargné non plus. Le royaume est très bien situé et est sujet à bien des convoitises. Ce n'est pas un fait nouveau. Pour autant, mon amour pour ce royaume, ses terres et ses gens, je ne peux pas le feindre. Je veux réellement aidé, quel qu'en soit le prix. On peut douter de pas mal de choses me concernant et c'est assez logique, mais pas de ça. Et c'est ce que je vais essayer de faire comprendre à l'homme qui se tient face à moi.

La possibilité de rentrer chez moi m'enchantait bien évidemment. Cela faisait des mois que je n'avais pas vu ma mère et nous avons bien des choses à nous dire. Et sans doute que des larmes seront versées. Je n'ai pas pleuré depuis mon arrivée à Fort Darion, parce que je me devais d'être forte, mais auprès de ma famille, je pouvais bien me laisser aller. Pour autant, il reprend la parole et je hoche légèrement la tête. " Je n'y manquerais pas votre Majesté." J'eus un léger mouvement de recul alors qu'il s'était soudainement rapproché et je l'écoute toujours avec attention. L'observant également pour savoir dans quelle disposition il se trouvait vis à vis de moi. S'il pense que je suis un danger pour lui ou pour son trône, il se trompe. Bien sûr que je pourrais avoir des revendications de ce genre, que ce soit sur ce royaume ou celui des îles, mais je m'en garde bien. J'eus un froncement de sourcil à ses dires. " Ma famille, comme d'autres ont soutenu les Hoare parce qu'ils avaient peur. Et parce que Harren avait attiser leur colère contre les gens du Nord et de l'Empire." Et par la suite ils avaient suivis parce qu'ils avaient peur de ce que Yoren me ferait s'ils ne le suivait pas. "Ce qui n'en fais pas moins une famille attachée au Conflans et à ses valeurs. C'est comme ça que j'ai été élevée, comme mon frère et ma soeur." Je soupire légèrement alors qu'il s'installe plus confortablement dans son fauteuil et qu'il reprend la parole. Mon regard soutient le sien et ne faillit pas, j'ai bien conscience de ce qui se joue lors de cette conversation. Si le roi Jon est un peu plus enclin à me faire confiance, il faut que j'arrive au même résultat avec lui.

J'eus un léger sourire en coin lorsqu'il reprend la parole. Tout comme Yoren, il comprend l'importance de ma famille et du soutien ainsi que du poids qu'elle peut lui apporter auprès des familles un peu plus réfractaires à s'unir sous sa bannière. Je le laisse terminer, en concluant qu'il serait enclin à réfléchir à nos revendications à l'avenir, que ce soit les miennes ou celles de ma famille. Il propose même une place de choix pour mon frère au sein de l'armée, aucun doute que ce dernier en sera absolument ravi. " Je ne peux pas m'avancer sur les revendications que pourrons avoir mes cadets, mais je suis certaine que mon frère acceptera avec joie n'importe laquelle de vos propositions." Je souris sincère, parce que je connais mon frère après tout. Même si sa détention par les forces de l'Empire ont pu l'endurcir. J'ai eu la parole de l'Empereur qu'il sera bien traité et je suis encline à lui faire confiance. " En ce qui concerne ma famille, je ne pense pas avoir de mal à leur faire comprendre l'importance que revêt le fait de vous soutenir. Vous êtes notre roi et de ce que j'ai pu voir et comprendre, vous êtes juste et vous aimez votre peuple. Je ne pense pas avoir trop de mal à ce sujet." Par contre, re comprendre que je fais confiance à l'Empereur et que je suis ici en tant qu'ambassadrice, ça passera sans doute un peu moins, mais chaque chose en son temps.

" En ce qui me concerne, je n'ai qu'une demande et possiblement une requête personnelle à vous soumettre." Je garde le silence et pèse bien mes mots parce que je sens que tout va se jouer sur nos prochaines paroles. " Comme vous le savez, après ma capture par les forces de l'Empire, j'ai été déchue de mon titre de reine et j'ai rallié leur cause. Je suis certaine qu'avec leur aide nous pouvons ramener la paix au Conflans. Je souhaite vous aidez, réellement, sans arrière pensée à faire de notre royaume ce qu'il a été fut un temps. Je veux que notre royaume retrouve la paix, c'est tout ce qui m'intéresse." Je reste silencieuse quelques secondes, le temps qu'il assimile ce que je venais de lui dire et reprends. " La requête plus personnelle est plus délicate. Voyez vous, on m'a empoisonner et à cause de cela, j'ai perdu mon enfant. Si jamais vous mettez un jour la main sur les individus qui en sont responsables, j'aimerais être mise au courant et pouvoir avoir mon mot à dire sur la sentence qui leur sera réservée." Peut-être que certains sont morts, après tout c'est bien possible, mais je n'en étais pas sûre pour autant. " Je n'ai pas de noms, je ne sais pas qui se cache derrière cet empoisonnement, mais je voudrais bien savoir." Il y avait bien d'autres requêtes, comme celle que l'intendante m'avait confiée, comme celle de lui parler d'une potentielle alliance, mais ça attendra d'avoir un peu plus sa confiance et d'avoir plus confiance en lui en retour.

Si d'autres avaient pu être bien plus vindicatives, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais cherché à être reine, bien que cette expérience fût enrichissante et en même temps douloureuse. Ce que je cherche aujourd'hui, c'est avoir une place, un rôle a jouer dans la cause du Conflans. Revendiquer ce qui ne m'appartient plus n'a pas vraiment de sens. Je m'efforce donc d'être la plus sincère possible, comme toujours et je sais que ce ne sont que des mots pour le moment, que ça se traduira en actes par la suite et je sais aussi qu'il en a conscience. Et pour l'heure il m'écoute, ce qui est aussi une bonne chose. Après lui avoir assuré que ma famille sera ravie de cette considération, je ne m'avance pas plus, sûr ce qu'ils aimeraient ou pas désormais, chacun verra en fonction de ses envies et possibilités. Tout ce que je souhaite vis-à-vis de ma famille et surtout du retour de ceux qui ont été capturés par l'Empire a été négocié avec l'Empereur, pour le reste, je verrais directement avec le roi Lyham si quelque chose me vient à l'esprit.

Pourtant, je fais une demande quelque peu particulière et plus personnelle. Quelque chose que je nourris secrètement, cette colère et cette haine que j'éprouve quand je pense à ce qui c'est passé. Défaire Yoren n'avait pas été suffisant, quelqu'un avait aussi attenté à ma vie et à celle de mon enfant à naître. Si le bébé n'avait pas survécu, moi j'étais toujours là. Je m'en suis difficilement sortie et remise, mais je suis toujours vivante et je nourris l'espoir de retrouver un jour celui qui a fait ça. C'est sans doute vain, mais je ne peux pas m'empêcher d'y penser de temps à autre. J'écoute sa réponse et eus un sourire sur le coin des lèvres. " Je ne vous blame en rien votre Majesté, vous avez fait ce que vous aviez à faire." C'est ça la guerre après tout, il faut un vainqueur et un perdant. " C'est juste que...." Je soupire légèrement et me reprends. Il n'est pas là pour m'écouter me plaindre à ce sujet. Je me redresse et souris un peu plus franchement. " Si c'est de l'ordre de l'impossible, je ne vous en voudrais pas de ne pas trouver. Surtout que vous avez bien d'autres choses à faire que de partir dans ce genre de quête " Même si la vérité est importante pour moi, savoir qui m'aiderait a passer définitivement à autre chose, mais je sais que c'est presque irréalisable.

La pluie tombait toujours à l'extérieur, nous l'entendions l'un comme l'autre. Il était sans doute temps pour lui de partir. Si j'avais autre chose à lui dire ? Je réfléchis quelques secondes. " Merci de m'avoir accordé un peu de votre temps si précieux, votre Majesté." Je passe en revue les sujets importants à aborder, mais nous n'avions pas réellement le temps pour le moment, une autre fois peut-être. " Si je peux vous être utile en quoi que ce soit, n'hésitez pas à me contacter, je serais encore ici un moment, puis je pense repartir à Vivesaigues par la suite." En faisant un détour  par Haye-Pierre probablement. " J'espère que tout ira bien pour vous et vos troupes. Ne mourrez pas maintenant, on a besoin de vous." Je souris en coin et me lève pour le saluer. " Que les dieux veillent sur vous votre Majesté."