A Dorne, la situation reste un incroyable enchevêtrement d’intérêts divergents, contradictoires, et dont les rencontres opposées baignent dans la plus incroyable violence. Les Valyriens poursuivent les Martell qui s’enfuient, se retrouvent eux-mêmes isolés et coupés de leurs bases, les Martell n’ont nulle part où aller et les Toland jouent leur propre partition.

Ce n’est pas un jeu à plusieurs, si ce n’est au moment de la mise à mort.

Roward Martell, d’abord, qui profitant de la reddition de Salrivage, reçoit aussitôt l’ordre par Mahée Allyrion de disposer de la ville, et de réclamer justice contre les Gargalen deux fois félons. Drôle de monnaie d’échange contre le ralliement de leur cité mais le Prince Roward est un pragmatique malgré sa réputation de tête brûlée ; il sait qu’il y a désormais des enjeux politiques derrière chacun de ses mouvements. Il est surtout confronté à une urgence ; celle de ses effectifs. Peut-être deux fois moindres de ceux des valyriens et de leurs supplétifs. Alors quand ses nombreuses patrouilles qui ne lâchent pas les avant-gardes ennemies se pointent avec la nouvelle qu’il va se faire rattraper, le dernier Martell décide d’aller plus loin. Il exhorte les foules à quitter la ville ; les valyriens vont venir et se venger. Ils ont un dragon. Et tueront tout le monde, comme à Lancehélion. L’exode commence, alors. Tandis que les cavaliers Martell incendient les maisons et entrepôts qui n’auront pas été vidés par le voyage, quitte à faire bonne mesure. Leste et agile, l’armée en large part constituée de cavalerie et de troupes légères quitte la cité la veille de l’arrivée des légions Valtigar, ne laissant derrière elle que des ruines fumantes et aucune nourriture. Pis encore, ils laissent leurs cavaliers couvrir les traces de la troupes dans des dizaines de directions différentes, poussant encore la population à partir avec leurs biens avant d’incendier tout ce qui ne peut être transporté.


Les Valyriens, en arrivant, n’ont peur eux que le silence et le vide, et la fin qui les taraude. Convois coupés depuis Lancehélion par les seigneurs réfractaires après les purges sanglantes dans la capitale, ils crèvent de faim. Pas au point de mourir. Mais marcher sous le soleil de Dorne sans de quoi reprendre des forces, c’est épuisant. Le moral des dorniens recrutés dans l’armée est abyssal ; personne ne veut se battre et mourir pour la cause Valtigar depuis l’incendie de la capitale et le carnage de sa population. Les valyriens eux-mêmes sont tentés de s’en prendre à leurs camarades locaux mais la présence et l’autorité de Pausanias Tancreidon permettent de tenir l’ensemble, cahin caha. Pas mince réussite que voilà, de nombreuses armées dans l’Histoire se sont déjà désagrégées pour moins que ça. Maegor Valtigar et son dragon parviennent à éclairer la route suivie par le gros des troupes Martell ; Boycitre. Soit près du berceau de la puissance Valtigar sur le continent. Faut-il leur courir sus ou anticiper de nouveaux pièges ? D’abord, il faut régler le problème de la faim qui tenaille le ventre des hommes, peut-on faire venir des vivres par d’autres chemins ou par la mer ? Comment les défendre ? Autant de questions que les valyriens, forcés de revivre l’anabase du Tigre un an et quelques plus tôt, devront endurer.


Au Nord, se jouent d’autres drames. A Le Tor d’abord, où les vaisseaux Allyrion s’apprêtent à prendre la mer pour retourner en campagne… Mais dont les premières unités distinguent bientôt un grand nombre de voiles à l’horizon ! Le tout nouvel amiral, Lord Jordayne, prend alors des mesures d’urgence. Il protège d’abord la valeur de sa flotte, qu’il rapatrie dans les quais. Plus encore, il piège l’accès à la rade en sabordant de plus petits esquifs de pêche et de commerce malgré les plaintes des gens de la mer au sein de la cité. Les mâtes dépassent de l’eau, certains ponts, aussi. Les valyriens ne peuvent forcer le passage… Mais les voilà faire le blocus. Un assaut sans troupes au sol serait trop violent ; les combattants valyriens sont surtout au sein des légions, les quelques escadrons embarqués ne suffisent pas à prendre de haute lutte une muraille sans siège préalable. Un assaut par-delà la rade coincée virerait au cauchemar… Partie seulement à demi réussie pour les marins d’Essos, qui privent tout autant l’accès à la mer aux Allyrion coincés ! Jordayne enrage, à un jour près il finissait de rassembler ses plans avec l’amiral Velaryon opérant dans l’Orage… Trop tard, alors.


Les deux camps se neutralisent sans trouver la faille. Les combats redescendent en intensité, mais l’horreur ne s’arrête pas.


Plus au nord, le troisième larron continue ses pieds de nez tant au pouvoir de Lancehélion qu’à celui des Météores. Moran Toland, devenu Garland, prend une succession d’édits qui vont d’encadrer les droits de succession qu’à la composition d’une nouvelle maison, sans compter les règles de succession, de remariage, l’invention d’un hymne flattant l’esprit nationaliste des habitants de Spectremont… Il épouse Jasmyne, une bâtarde enrichie de commerce, faisant les choux gras du reste de la noblesse qui ne reconnaît déjà pas le prince mais moins encore la princesse. L’homme règne avec le cœur, et cela lui vaut l’amour des petites gens qu’il rencontre, mais les grands de la Principauté, eux, regardent d’un œil méprisant l’entreprise. L’homme fait preuve d’inventivité en tout cas, mobilisant les maigres moyens d’un fief unique, exsangue comme le reste de la Principauté, et investit lourdement. Plus encore, il va se rendre plus au sud vers la Sang-Vert, avec sa Princesse le suivant en attelage. Pour seule armée une escorte de dizaines de jeunes chevaliers, ralliés à la cause par intérêt ou gloriole. Le modeste équipage rameute des réfugiés en direction de Spectremont et génère les graines de la dissidence, appuyées par les odieuses rumeurs colportées sur les autres protagonistes. La princesse elle-même s’implique, allant jusqu’à soigner les nécessiteux. Mais bien vite les milices locales, Brooke et Carène, entrent dans la danse et la bousculade qui s’ensuit pousse les factieux en bord de chemin. D’un côté, soldats entraînés et équipés, mais peu nombreux. De l’autre valetaille chichement préparée mais déterminée, et nombreuse qui plus est. Le jeune Prince est à la croisée des chemins ; persévérer et faire couler le sang dornien, ou se retirer et attendre de voir si ses actions portent au loin leurs fruits ? C'est dans ce genre de moment où l'on gagne ou perd beaucoup...