Le jour même de son ascension au trône, Stig Botley y va au culot. Il fait un discours aux centaines de guerriers et nobles des Iles de Fer. Il évoque l’Antique Voie, l’honneur, la gloire d’un peuple conquérant. Les soutiens d’autres seigneurs, Timbal ou Harloi, le traitent de vendu, de pute d’Eren Hightower, réputée pour être sa maîtresse. L’homme doit s’imposer par les faits plus que par les mots. Il gronde, yeux grands ouverts de leur couleur d’un bleu océan presque surnaturel, que ce qu’il a pris, il l’a pris au fer-prix. Qui dans cette noble assemblée de loups de mer peut s’en targuer ? Il ouvre les bras, embrasse la foule, encore ensanglanté, en sueur, et trempé du combat dans le lagon contre le Roi Tormund. Personne ne le défie. Il a fait ce qu’il a dit. L’attaquer maintenant serait le comble du déshonneur, même pour des rats de boutres. Il est légitime. Il a pris la couronne de Bois Flotté en noyant son prédécesseur, après l’avoir à demi occis à coups de fers. Il est légitime, et les prêtres l’aspergent déjà d’eau salée en psalmodiant dans l’Antique Langage.
Alors que le clan Timbal se remet tout juste de l’horreur qui s’est déroulée sous ses yeux, le Roi Stig propose à Godric Timbal, frère de Feu le Roi Tormund, de le rejoindre maintenant ou d’assumer sa position en s’avançant dans l’eau pour rejoindre son aîné les poumons remplis de la mer salée, et fait la même proposition aux soutiens Timbal. Le jeune Roi se fait conspuer mais le voilà qui tourne et provoque la foule, bras ouvert et ensanglanté, doigts manquants à l’une de ses mains, riant presque sous le regard des dieux. Les quolibets fusent sur ceux qui huent le Roi. Des épées sont tirées, des poignards aussi. Le sang n’est pas répandu, car les Prêtres du Noyé veillent, et amènent à l’eau, de force, plusieurs récalcitrants qui sont noyés sous les yeux de l’assemblée en se débattant.
Le ton est donné.
Botley impose publiquement Lordsport comme capitale du Sel et du Roc. Il se fait couronner dans la foulée, malgré la modeste origine qui est la sienne, le pouvoir modéré qui est le sien, les soutiens inexistants dont il se targue. Tout le monde suit les prêtres du noyé, qui le portent littéralement pour le couronné. On l’immerge sous l’eau, de longues minutes, selon l’Antique Voie. A-t-il retenu sa respiration, ou s’est-il noyé pour naître à nouveau ? Sa légende s’écrit déjà, même si comme ses prédécesseurs, elle risque d’être une fable courte et violente, empreinte de sang. A peine couronné, l’Homme couronne sa femme Vannina, et évoque l’héritage à leurs futurs enfants, et en attendant à son frère Nils, présent, acclamé par ses équipages.
Botley raille les Etats Généraux, pourtant traditionnels, pour dénoncer comment les capitaines s’y sont fourvoyés par lâcheté, par déshonneur, par complot. Il réinstaure la monarchie héréditaire, qu’il impose au fer-prix par la couronne qu’il vient de gagner dans le sang Timbal.
Alors que la fête bat son plein et que la bière coule à flots, le Roi Stig alpague l’amiral de Yoren Hoare et de Tormund Timbal, Rodrik Harloi en personne qui ronge son frein depuis les événements du duel. Il lui demande s’il est prêt à commander la Flotte de Fer en son Nom, jusqu’à ce qu’il échoue da, qu’un autre ne lui ravisse le titre au fer-prix, ou que quelqu’un s’en montre plus digne.
Harloi l’envoie se faire foutre. On ne sait pas bien dans la cohue qui s’ensuit si l’homme est sérieux, aviné, ou pisse-vinaigre, mais les deux hommes se dévisagent intensément. Botley n’est pas encore en état de se battre à nouveau, et Harloi n’est pas con comme ses pieds au point de défier le Roi oint des prêtes du noyé qui ont tant d’ascendant sur le peuple le jour même où l’homme rétablit le fer-prix au sens le plus strict et traditionnel du terme.
Botley peut donc jouir, au moins provisoirement, de sa couronne, de sa femme, et de ses nouvelles possessions.
Le lendemain, il passe son temps à faire rédiger des courriers. Un nouveau règne commence. Le quatrième Roi en deux ans, pour les Iles de Fer, et une nouvelle dynastie. Ne durera-t-elle que quelques semaines, comme la précédente ?
Jamais ce féal d'Eren Hightower, dernière survivante légitime en droits de la dynastie Hoare, ne fut citée au cours des discours ou ripailles. Les Iles de Fer suivaient dès lors leur propre voie.