Le Roi Tormund ne régnait que depuis quelques mois quand il décidait de mettre en place le premier Conseil Insulaire sous son mandat souverain. Il rassembla tout ce que les Iles comptaient de noblesse et de capitaines pour mettre aux voies les premières grandes inclinaisons de sa politique. Alors qu’un nouveau centre du pouvoir était en cours de construction, à peine lancé, le souverain choisit plutôt de rassembler le gratin des Iles de Fer au Sanctuaire des Cétacés qui avait connu son couronnement. Si les Iles restaient pour le moment en dehors du conflit continental, elles restaient nominalement en guerre du fait de leurs alliances, et la pression de leurs partenaires pour revoir boutres et insulaires attaquer l’Empire était de plus en plus forte ; il se murmurait dans tous les ports du Ponant que les Rois-Verts du continent allaient finir par rompre tout lien avec les Iles, si elles ne venaient pas à respecter leurs traités. En sus, Tormund devait symboliser en interne la rupture avec la dynastie Hoare, sans lâcher trop de lest envers l’encombrant soutien Harloi, dont le seigneur jouissait encore d’une grande influence comme ancien prétendant à l’élection royale. Pis encore, la Reine Eren, née Hoare et devenue Reine du Bief, continuait d’attirer l’attention ; des centaines d’hommes et plusieurs navires insulaires l’avaient rejoint dans sa lutte dans le Conflans, sans en référer au Roi qui ne put qu’être mis devant le fait accompli. Il était donc urgent de renforcer son pouvoir.

Les nobles se réunirent, alors, uniquement les mâles comme le voulait la tradition, et loin de la présence prenante d’Eren qui se targuait de son sang et de son ascendance, de ses anciens commandements, pour avoir déjà joué les trouble-fêtes par le passé.

L’assemblée se déroula dans un esprit détendu, presque festif, malgré les circonstances. Des feux furent installés entre les défenses et ossements des grandes baleines jadis équarries pour leur viande, leur cuir et leur huile, tandis qu’on y faisait griller viandes et poissons généreusement arrosés de bières. Les débats furent parfois houleux, il pu y avoir invectives et quolibets, mais l’ambiance resta chaleureuse, plus taquine que mesquine. Plusieurs motions furent discutées ou votées.

En premier lieu, le lancement de nouvelles campagnes de raid, notamment sur le Nord. Les voix en faveur d’une telle reprise des hostilités se comptèrent parmi les Harloi et leurs soutiens Arnvald, de même que les Salfalaise, Noirmarées, Orquebois, Salfalaise, Volmark. Même les Botley y étaient favorables mais en soulevant un point essentiel au débat ; raids, ou invasion ? La question des moyens se posait plus que jamais, comme s’agissant de toutes les postures offensives que le Royaume pourrait vouloir adopter. Les envoyés de la Reine Eren, représentants de la maison Hoare, évoquèrent la mise à disposition immédiate des forces de conquête basées à Salvemer. Le Roi Tormund ne semblait pas lui-même aller sur la voie d’une invasion massive du pays, mais plutôt sur la reprise des campagnes navales. Il fut soutenu par les Tawne et les Wynch. Les Greyjoy se montrent contre, tout comme les Merlyn et les Reyl, les Royle, les Vendeloyn. Il y eut les capitaine de douze maisons d’importance en faveur d’une reprise des hostilités, et tous plutôt d’accord pour une campagne navale plutôt qu’une véritable invasion. Cinq maisons majeures votaient contre, préférant se concentrer sur le Conflans ou le rétablissement des forces insulaires…

Ensuite, la posture à adopter vis-à-vis des Valtigar et des Valyriens fut abordée. Plusieurs familles comme les Harloi, les Orquebois, Salfalaise, les Arnvald, les Volmark furent en faveur de l’établissement de relations commerciales, mais non d’une alliance. Pourquoi échanger l’Empire Braenaryon contre un Nouvel Empire Valyrien ? Les Botley se montraient moins tranchés. Pourquoi ne pas s’allier contre l’Empire Braenaryon pour assurer l’indépendance des Iles, contre la rétrocession des Degrés de Pierre honteusement annexés ? La maison Hoare s’opposait fermement à toute alliance ; impossible de troquer un Empire pour un autre. L’envoyé Balon énonce même que c’était une promesse du Roi Tormund que de rester non-alignés autant que possible, avant son accession au trône. Merlyn se rallie à cette position, tout comme Noirmarées. Les Greyjoy, les Royle s’alignèrent sur la position d’Eren, tout comme les Reyl, pourtant soutiens traditionnels des Harloi, ou les Vendeloyn, pourtant favorables au Roi. Le Roi parle quant à lui d’un éventuel rapprochement, conditionné au rattachement officiel des Degrés de Pierre au Royaume, car elles ont été conquises sur Dorne lors du Traité de Boycitre, et ont été investies par les Valyriens. Tormund pouvait encore compter sur le soutien des Tawne et Wynch. Cette fois, le Roi fut mis en très courte minorité par une fronde presque générale. Ses soutiens étaient au nombre de huit maisons majeures et leurs capitaines, tandis que ses détracteurs étaient à neuf. En sus, ses soutiens ne souhaitaient rien de plus que du commerce, et les plus virulents ne souhaitaient discuter de rien avec ces nouveaux envahisseurs tant qu’ils n’auraient pas rendu les Degrés de Pierre. La voie d’une certaine neutralité en opposition aux deux empires en cours de formation semblait privilégiée.

On parla aussi de nouvelles campagnes contre le Conflans. Les voix pour s’élevèrent en masse, avec les nuances apportées par les Harloi ; on ne saurait mener plusieurs campagnes de front. Les Arnvald votèrent pour, ainsi que les Orquebois, Vendeloyn, Salfalaise, Volmark et les Reyl. Tout comme les Botley qui, eux, émirent la nécessité de ne pas s’en prendre aux terres dévolues au Bief, ou aux autres alliés dans la guerre contre l’Empire. Balon le Sage, voix d’Eren, énonça que si le Roi du Sel et du Roc souhaitait s’engager au Conflans, il devrait respecter la suzeraineté Hoare sur Salvemer, acquise au fer-prix sur l’ennemi riverain. La maison Hoare fut soutenue par les Merlyn, les Noirmarées, les Royle. Les Greyjoy évoquèrent plutôt la reprise d’une campagne navale, à proximité des bases, car ravager la côte riveraine se fait facilement et à moindres frais ; cela pourrait renforcer le royaume en divisant l’Empire et ses ressources. Tawne suivrait le Roi quoiqu’il arrive sur ce sujet, tout comme Wynch. La quasi-totalité des maisons soutint le Roi, à ceci près que la moitié d’entre elles reconnut publiquement la suzeraineté Hoare -et de tous capitaines qui s’empareraient de territoires riverains- sur les territoires pris à l’ennemi. Le Roi était donc libre d’engager ses forces au Conflans, mais devait veiller, s’il s’opposait à Eren et à ses ambitions, à ne pas le faire trop ouvertement.

La question du rétablissement du commerce naval et du renvoi des boutres et cogues de commerce à leur usage premier, et plus à la guerre, fut posée. Comme pour le reste, les Harloi et leurs soutiens y furent favorables, comme les Arnvald, Reyl, Salfalaise ou les Orquebois. Les Botley opinèrent, tout comme les envoyés Hoare, Greyjoy, Merlyn, Noirmarées, Royle, Tawne, Vendeloyn, Volmark, Wynch. En somme, la totalité des maisons se rallia à la proposition royale. La flotte des Iles de Fer pour la guerre pâtirait de ces ressources réattribuées au commerce, mais les Iles se devaient de se redresser…

En somme le Roi réussit à faire valider sa politique commerciale et militaire. Toutefois, ce n’était pas tout. Il pris connaissance des profondes réticences de son peuple à embrasser la cause d’autres dragons que ceux de l’Empire Braenaryon, ainsi que le besoin de se concentrer sur ce que les fer-nés savaient faire de mieux depuis toujours ; la guerre de course et de pillages, les campagnes navales et commerciales en mer. En supplément, toutes les maisons rappelèrent au Roi que de nouvelles alliances étaient malvenues ; aussi bien l’amiral Harloi que l’envoyé d’Eren soutenaient que le Royaume avait déjà des alliés dont les traités passés avec eux devaient être respectés.

Le Roi Tormund sortait malgré tout largement vainqueur de ces échanges, et apprit que si la Reine Eren jouissait toujours d’une certaine influence pour incliner le peuple insulaire à l’offensive, l’amiral Harloi jouissait toujours de soutiens solides qui votaient pour ce qui lui convenait à lui. Des éléments essentiels pour bien maîtriser sa politique pour les mois à venir…