Deria Martell assassinée, son conseil décimé, la Principauté de Dorne était décapitée. La Couronne n’était pas vacante. Maegor Valtigar avait flairé le piège. Prévenu par son père, le Diadoque Tyraemarr de Valyria qui reconstituait l’Empire de leurs ancêtres à l’est, en Essos, le jeune aventurier avait préparé son coup. Disposant de dragons et sachant qu’une flotte et des légions lui étaient promises, il avait lu et relu le courrier secret envoyé par son père. Prends l’Ouest, Fils. Reprends les Possessions de jadis au nom de l’Empire, pour Valyria. Les gens de Westeros sont faibles. Désunis. Ils n'ont que deux dragons, et leurs armées et flottes s’entredévorent. Prends l’Ouest.

Il le prend, alors.

D’abord en retournant la tentative d’assassinat de la Martell contre elle. Son conseil est massacré, l’essentiel de ses généraux l’est aussi. Jusqu’à son demi-frère Anders, qui lui ramenait le fils qu’elle avait fait passer pour mort, né de ses amours avec Orys Baratheon alors qu’au dehors, Dorne brûlait, écartelée entre le Tigre de Volantis et le Bief. L’armée de la Princesse, majoritairement composée de conscrits de la côte Est de la Principauté, avait rallié les Valtigar, rejoints très vite par une flotte et plusieurs légions valyriennes, prélevées sur la reconquête des Cités Libres en Essos. Maegor n'avait rien laissé au hasard ; alors que la Princesse Deria tergiversait sur sa proposition d’alliance, il unissait son jeune frère Aerymor à Nymeria Gargalen, rassemblant derrière lui, en sous-main, un groupe de nobles insatisfaits de la politique princière mais peu enclins à suivre l’aventure Allyrion et la conquête d’Etrangers venus du Nord, qui imposaient leurs lois par le fer et l’oppression d’une constitution hégémonique. Son frère serait Prince de Dorne, et uni à une maison locale, il s’engageait à perpétuer droits et traditions de la Principauté au sein du Nouvel Empire Valyrien.

En quelques jours, il convainquit le reste des soutiens Martell et Allyrion de la Côte à embrasser sa cause, de gré ou de force. Au bout du dixième jour, il couronna lui-même son frère, au milieu d’une énorme fête en l’honneur des dieux de la Rhoyne et de Valyria, unissant les deux cultures dans leurs parallèles orientaux. Au matin du onzième jour, ses bannières s’assemblèrent, et il marcha vers l’ouest, non sans avoir envoyé moults courriers à destination de sa sœur Jaenyra, partie gagner de nouveaux alliés, ou auprès de Rhaenys Braenaryon, qu’il préférait avoir avec lui que contre lui.

La Conquête avait commencé.


Roward Martell mit trois jours à recevoir la nouvelle de la mort de sa sœur et de son frère. Sa dernière sœur, Arianne, était introuvable, car partie au diable vauvert. Il ne savait pas comment la joindre en chemin, où qu’elle soit. Où qu’elle soit, elle était sans doute plus en sécurité qu’avec lui. Roward hurla de déchirement en apprenant la nouvelle, et refusa d’y croire le temps que d’autres rapports lui parviennent. Les mauvaises nouvelles s’enchaînèrent très vite. Les Valtigar, qui avaient approché Deria pour « sauver la Principauté », s’étaient retournés contre elle. Ils avaient des dragons, des légions, et avaient forcé la capitale et tout l’Est à se rendre sous peine d’être brûlés sans pitié. A l’Ouest, Mahée Allyrion et l’Impératrice avaient pris la Tombe du Roy, et écrasé une armée bieffoise. Il était seul, désormais, sans alliés à proximité. Sans frères ni sœurs, qui pourtant l’avaient toujours entouré.

Deux jours durant, il resta claquemuré dans le donjon de Ferboys. Il y rumina sa rancœur, ivre de colère et de vin. Ces assassins devaient payer. D’abord sa grand-mère, son père, maintenant Deria et Anders ?

Tout le paradoxe de la situation de Roward était qu’il disposait toujours d’une armée conséquente, des milliers d’hommes, pour l’essentiel aguerris par deux ans et demis de guerre. Il jouissait encore du soutien des maisons les plus féales et puissantes de Dorne, avec les Ferboys, les Jordayne, les Le Voi et les Wyl ; il disposait d’un accès à la mer, et pouvait rappeler la flotte. Mais il restait entouré d’ennemis. Alors, quoi ? Battre en retraite vers le nord, vers l’armée du Roi Manfred, combattre à ses côtés, se faire promettre le trône de sa sœur, celui de l’Orage, pour prix de son indéféctible alliance ? Plier le genou devant l’Empire, et s’unir à Mahée Allyrion qu’il venait de combattre et de pourchasser des mois durant, pour combattre l’ennemi commun ?

Il fit un discours à ses troupes. Il se battrait, comme toujours, au milieu de ses hommes. D’abord, les dragonniers de l’est, qui prétendaient libérer un pays déjà indépendant. La vengeance. Sans cela, aucune victoire contre aucun autre ennemi ne serait jamais possible. Roward Martell avait fait son choix, et l’armée le suivait.

Il marchait vers l’Est, et vers la capitale. Ceint d’une couronne forgée par les Jordayne, qui lui avaient promis leur fille en cas de victoire.


A La Tombe-du-Roy, les bannières Allyrion et Braenaryon étaient hissées aux côtés de celles des Forrest, enfin libérés de l’occupation bieffoise. Si des tensions existaient dans le commandement impérial depuis que Rhaenys Braenaryon avait perdu l’enfant qu’elle portait et désapprouvait une conquête coûteuse de la ville, ce ne fut rien à côté de la confusion qui suivit l’arrivée de nouvelles de l’Est. Rebelles comme Impériaux avaient leurs espions à Lancehélion. Mahée Allyrion fut la première à apprendre pour la mort de Deria Martell et la chute de sa cité. Hésitante, d’abord, elle prit des conseils autour d’elle, parmi son commandement.

L’Impératrice, de son côté, était pressée par ses propres officiers. On lui conseilla de faire prévenir l’Empereur de la situation, on l’alerta sur la position aventureuse de l’armée, isolée avec des ennemis à l’ouest, au nord, à l’est, et peut être même au sud. Rhaenys refusa d’entendre parler de retraite. Elle chargea un capitaine de prévenir son époux, et prévint les autres que l’Empire n’était ni lâche, ni faible, qu’on ne fuit pas face au danger. La jeune peyredragonienne sortit de sa tente de commandement et alla à la rencontre de Mahée Allyrion. Elle la prévint de son soutien pour prendre la tête de Dorne, pourvu qu’elle ait les épaules pour le supporter. Tout autour d’elles, une sourde rumeur se répandait à toute vitesse. Des centaines de soldats de la rebéllion se rassemblaient, autour des chevaliers de Dorne et de la noblesse qui avait réjoint le soulèvement. Sarzir Santagar, la légendaire Panthère de Dorne, était arrivé la veille avec ses hommes pour rallier la rebéllion. Il prit la parole, couvrant les acclamations de la foule guerrière. Il appela Mahée Allyrion à assumer son rôle de chef de guerre, et sous la patronnage de l’Impératrice, de ceindre la couronne de Dorne. « Princesse de Dorne ! » fut repris par des milliers de voix. Dans le dos de la foule, les troupes impériales s’alignaient en bataillons impeccables, étendards Braenaryon claquant au vent. Cors, trompettes et tambours sonnaient la générale, et les acclamations de « Pour Dorne ! », « Mahée ! Allyrion ! » ou « Pour l’Empire ! » portaient la rebelle jusqu’au pouvoir suprême sur les siens.

Au crépuscule, Mahée Allyrion recevait les serments d’allégeance des nobles et officiers qui la suivaient déjà depuis des mois. Puis, l’Impératrice vint la trouver, et toute l’armée impériale et rebelle fit silence. Elle déclara que l’Empire soutiendra Dorne dans cette épreuve, et reconnaît Mahée Allyrion comme prétendante légitime au trône de la Principauté par Acclamation de ses pairs. L’Impératrice fait jurer à Mahée Allyrion de défendre la cause impériale, et de porter candidature à la Fédération de Dorne au sein de l’Empire. La Cheffe Rebelle jure. Les deux guerrières s’étreignent et Rhaenys lui murmure qu’elle sera toujours là pour la soutenir… Et pour l’aider à soutenir le poids de ses nouvelles responsabilités.

Dans les jours qui suivent, Touche-Au-Ciel se rend, isolée des Martell que la maison suivait encore, à cours de vivres et saisit de maladie. La Peste Rouge ravageait ses rangs, et entourée par la rebéllion, la maison Poulet jure allégeance à la maison Allyrion, bientôt rejointe par Denfert et le Grès. Mahée Allyrion contrôle l'ouest de la Principauté, et le coeur de son désert, mais déjà l'ennemi menace, et une armée croisée assiège Les Météores.

Le soleil se couche, et Dorne a trois têtes couronnées.